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Android : à qui profite le libre ?

Arnaud de la Grandière

samedi 21 juillet 2012 à 11:45 • 213

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Après avoir lancé le Nexus One, le Nexus S et le Galaxy Nexus en partenariat avec HTC et Samsung, puis avoir fait l'acquisition de Motorola, Google lance sa tablette Nexus 7 (fabriquée par Asus), et va même jusqu'à prendre elle-même en charge la fabrication du Nexus Q.



Ainsi donc, Google s'investit dans le matériel. À en croire les propos d'Eric Schmidt rapportés par The Verge, les ambitions de Google en la matière ne datent pas de la veille : bien que la société de Mountain View ne se perçoive toujours pas comme une entreprise du matériel, Schmidt explique que Larry Page et Sergei Brin ont « toujours voulu faire du matériel d'une façon ou d'une autre ».

De son côté, Microsoft adopte le même petit jeu de la concurrence avec ses propres clients en lançant la gamme de Surface, quoi qu'elle fabrique des souris depuis 1982, comme l'a fort commodément rappelé Steve Ballmer lors de la présentation de sa tablette (pour aussi pertinente que soit l'allusion).



Des vocations inopinées qui semblent bien fortuitement emboîter le pas au modèle d'Apple et ses marges pharaoniques (la firme de Cupertino s'arroge à elle seule 80% des bénéfices de toute l'industrie mobile…) John Motz, le rédacteur en chef de Crazy Apple Rumors, ironise : à bien y réfléchir et à en croire les professions de foi des nouveaux entrants, c'est Apple qui se serait mise au matériel sur le tard…

L'appât des marges n'est cependant pas la raison qui a poussé Google à lancer la gamme Nexus en 2010. Car si le caractère libre et gratuit d'Android lui aura assuré l'adoption des fabricants, il s'avère parfois bien encombrant.

Une brève histoire d'OS

Replaçons les choses dans leur contexte, suite au bouleversement du marché des smartphones qu'aura été l'iPhone en 2007 : alors que les concurrents de l'époque intègrent dans leur majorité un clavier physique comme seul périphérique d'entrée (ou au mieux un stylet sur un écran résistif mono-point) et qu'ils sont dotés d'une interface utilisateur d'un autre âge, Apple a donné un vilain coup de vieux à tout ce qui se faisait jusque-là. Le paysage en aura été bouleversé quelques années plus tard : il faut vraiment le vouloir pour trouver un modèle de ce genre aujourd'hui, tous, ou presque, ont été remplacés par des écrans tactiles.

Encore fallait-il se mettre à niveau sur le logiciel, et on n'improvise pas un système d'exploitation du jour au lendemain, tant pour l'aspect technique qu'en matière d'interface utilisateur. Même s'aider de Linux en guise de patron plutôt que de réinventer la roue n'y suffit pas : les plus grands, de Nokia à Intel, s'y sont eux-mêmes cassés les dents. Les fabricants plus modestes, n'ayant à leur actif que des expériences anecdotiques en la matière, ne pouvaient se battre à armes égales.

À défaut de pouvoir assurer leur pleine et entière autonomie, les fabricants ne pouvaient guère se replier que sur une solution de tierce partie. Avant que Google ne se lance, seule Microsoft proposait une licence d'exploitation pour un système mobile digne d'intérêt. Mais la perspective n'avait rien pour enchanter les constructeurs : l'expérience du PC, qui n'avait réellement profité qu'à Microsoft en lui inféodant les fabricants, avait entraîné une guerre des prix sans merci, à défaut de pouvoir mieux se différencier comme le Mac l'a fait.

Android a donc fait figure de véritable messie : libre et gratuit, le système garantissait l'entière autonomie des fabricants, qui pouvaient non seulement personnaliser l'apparence de l'OS à leur guise, mais également le paramétrer comme bon leur semblait. Ils pouvaient donc poursuivre en toute quiétude certaines pratiques, comme l'installation de facto d'applications avec leurs divers partenaires, les opérateurs téléphoniques en tête.

Il ne faut pas faire la naïve erreur de voir dans l'ouverture du code d'Android une pure abnégation de la part de Google (la firme sait fort à propos faire preuve de discernement sur la question : on attend toujours le code de son outil de recherche, gardé si jalousement qu'elle ne l'a pas même protégé d'un brevet afin de s'en garantir l'exclusivité et la confidentialité). L'open-source d'Android aura donc été le sésame de Google sur ce marché, et aura mis à mal l'offre de Microsoft, bien en peine de pouvoir répondre à de pareils arguments, du moins dans un premier temps, avant qu'elle ne mette au point sa martingale des royalties.

Quand l'ouverture n'a pas que du bon

Mais chaque médaille a son revers : si le caractère ouvert d'Android lui a assuré un certain succès auprès des fabricants, il aura également dépossédé Google de sa mainmise sur son propre système d'exploitation.

Le seul levier d'influence que Google conserve sur son OS et qui lui donne quelque latitude d'imposer ses directives tient à l'intégration des divers services en ligne de la société. Si nombre de fabricants s'en accommodent sans broncher, d'autres en revanche s'en passent fort bien : Amazon et Barnes & Noble ont tiré tout le profit d'Android sans rendre le moindre compte à Google et en l'amputant de ses services en ligne. Samsung avec son nouveau Galaxy SIII place consciencieusement aussi ses propres pions.

Sachant que le modèle économique de Google pour Android consiste précisément à se payer de retour en affichages publicitaires à travers ses services, elle aura de fait travaillé gratuitement pour le bénéfice de plateformes concurrentes nées de son propre labeur ! Alors que de son côté, Apple exige de percevoir 30 % de tout revenu généré à partir d'iOS, parfois même au-delà du raisonnable, le contraste est plus que saisissant.

Même dans le cas des fabricants qui suivent scrupuleusement la doxa de Google, l'ouverture d'Android s'avère encombrante à plus d'un titre. Chaque fabricant qui colle sur Android sa propre interface doit adapter son travail à chaque nouvelle mise à jour pour chaque appareil, un investissement "inutile" puisqu'il n'apporte aucune vente directe pour les anciens modèles (bien qu'il permette de fidéliser les utilisateurs et d'inspirer leur confiance). L'ouverture d'Android est donc, pour partie au moins, responsable de la fameuse "fragmentation", qui voit aujourd'hui Ice Cream Sandwich se hisser à 7 % du parc installé, huit mois après sa mise sur le marché et alors même que Google a présenté la révision majeure suivante. Une situation ubuesque qui causerait à n'en pas douter un véritable ouragan médiatique si le cas s'était produit pour iOS.



On met beaucoup en avant la capacité de "rooter" Android et d'installer la version de son choix, quitte même à la personnaliser jusque dans son code source, en omettant bien commodément que le commun des mortels n'a que faire d'une telle capacité, pour autant d'ailleurs que la notion même de mise à jour système soit le moins du monde évocatrice pour eux. S'il faut faire un bilan en se demandant à qui profite le libre, il semble indubitable que c'est aux fabricants et opérateurs au tout premier chef.

L'iPhone, comme une épine dans le pied

Les opérateurs eux-mêmes ont vu l'ouverture d'Android comme une bénédiction : si l'iPhone leur a donné une importance inédite jusque là, et s'il a généré nombre d'abonnements pour eux, il a également contribué à les reléguer au rang de simple gardiens de tuyaux : Apple n'a eu de cesse que de désintermédier leur chasse gardée, alors que les opérateurs s'étaient ingéniés à facturer artificiellement les données par catégories (VoIP, SMS, visioconférence, télévision…).

Alors qu'autrefois les divers jeux, sonneries et applications devaient passer par des appels surfacturés, ou via des portails dont les opérateurs restaient les cerbères, Apple s'est directement passée de cette collaboration encombrante. Au fil des versions d'iOS (par ailleurs installées sans qu'ils n'en puissent mais), les opérateurs ont vu la voilure de leur influence se réduire : iMessage, FaceTime, et d'autres encore, n'auront fait que mettre à mal leur modèle. Outrage de tous les outrages, Apple s'est obstinée à refuser de laisser les opérateurs "personnaliser" les iPhone et d'y installer leurs propres applications bloquées.



Android présente à ce titre bien des intérêts non négligeables, puisque les opérateurs y retrouvent toutes les prérogatives qui furent autrefois les leurs. L'épisode de Carrier IQ a amplement démontré qu'ils ne reculaient devant rien pour monétiser leurs propres clients jusqu'à la dernière goutte (lire Carrier IQ au service des opérateurs). Et il suffit qu'un service livré avec Android entre en concurrence avec ceux proposés par l'opérateur pour qu'il se voie purement et simplement oblitéré, comme ce fut le cas par exemple de Google Wallet, en collision frontale avec le système Isis de Verizon. Nulle surprise donc à ce que de nombreux bruits de couloirs soulignent de manière répétée que les opérateurs mettent l'accent commercial sur Android plutôt que sur l'iPhone.

Une situation qui a d'ailleurs été amplement illustrée par la suprématie de l'iPad, exempté de l'influence commerciale des opérateurs : les tablettes Android sont demeurées confidentielles alors que les smartphones eux connaissaient un bien meilleur succès.

Nexus pour sortir de l'impasse

Face à ces problématiques, Google a eu fort à faire pour redresser la barre. Prise entre deux feux, la société n'avait guère de latitudes pour échapper à cette amicale pression. Elle a choisi de recourir à ceux-là mêmes qui ont été les grands oubliés de l'affaire : les utilisateurs.

Car c'est en proposant sa propre gamme de smartphones que Google entendait donner l'exemple et mettre à mal les pratiques contestables tant des fabricants que des opérateurs, par le biais de la pression concurrentielle et de la simple prise de conscience des utilisateurs finaux quant aux exigences qu'ils sont en droit d'avoir.

Ainsi, la gamme Nexus serait la seule garantie imparable de toujours bénéficier au plus tôt des toutes dernières mises à jour d'Android. Seul hic, si les fabricants peuvent traîner des pieds pour diffuser leurs propres mises à jour d'Android, c'est également le cas des opérateurs (par lesquels passent ces mises à jour OTA). Il fallait donc faire l'impasse, et Google a donc fait le choix de proposer ses téléphones en vente directe sans passer par les subventions des opérateurs.

La pratique est vertueuse à plus d'un titre, puisque les utilisateurs n'ont aucun compte à rendre aux opérateurs en pareils cas, et sont libres de faire ce que bon leur semble de leur propre matériel. Las, les habitudes ont la peau dure, et Google l'a découvert à ses dépens : pour le meilleur et pour le pire, les opérateurs font la pluie et le beau temps sur la téléphonie. Alors que les consommateurs n'ont jamais eu pour habitude de faire subventionner leurs ordinateurs par les opérateurs ADSL, ils ont plus de mal à concevoir de payer le prix fort pour leur téléphone (quitte d'ailleurs à ce que la facture globale soit au final plus salée…). De la même manière que l'iPhone a pu mesurer l'influence des opérateurs en guise de "conseillers clientèle" au profit d'Android, Google a subi les conséquences de son boycott.

Les Nexus se sont donc écoulés de manière assez confidentielle, jusqu'à ce que Google se rende à l'évidence et permette aux opérateurs de prendre en charge tant la vente que le financement des Galaxy Nexus.

L'intenable partenariat

Google a eu beau jeu de promettre des accords tournants avec chacun de ses partenaires pour fabriquer les Nexus, à ce jour seules HTC, Samsung et Asus ont eu droit à l'insigne honneur.

Google a poursuivi ses investissements dans le matériel, jusqu'au rachat à grands frais de Motorola. On a beaucoup mis en avant l'intérêt stratégique de son épais catalogue de brevets, cependant celui-ci n'est manifestement pas la seule valeur que Google prête à sa nouvelle filiale, puisqu'elle aurait pu conserver ce catalogue en fermant purement et simplement l'activité matérielle de Motorola. Or il n'en est rien, et Google martèle à qui veut l'entendre qu'elle ne compte pas lui prêter le moindre favoritisme comparativement aux autres constructeurs, et néanmoins amis.



Il faut cependant relativiser quelque peu l'innocuité de cette alliance : Motorola prend l'eau de toutes parts, et Google ne la maintiendra pas à flot pour la seule beauté du geste. De la même manière que les grands industriels ne s'improvisent pas à fonds perdus magnats d'une presse moribonde par pur amour de sa pluralité, mais bien pour bénéficier de l'indéniable influence qui va de pair, en dépit de leurs dénégations éhontées (et vite contredites par les faits).

Et la grogne se fait entendre d'autant plus volontiers du côté des constructeurs que leur situation va en se dégradant : seule Samsung semble parvenir à tirer son épingle du jeu, et il y a fort à parier qu'on observe à l'avenir une période de concentration dans l'industrie. D'autant que pour la première fois, Google se met à fabriquer elle-même son matériel avec le Nexus Q. Certes, l'initiative peut sembler d'autant plus anodine pour les fabricants de smartphones qu'il ne s'agit là que d'un périphérique plus complémentaire que concurrent de leur offre, mais on peut aisément y voir un galop d'essai pour la société.

Sachant que Microsoft elle-même prend moins de pincettes pour concurrencer ses propres partenaires, l'avenir semble délicat pour les entreprises qui dépendent des deux éditeurs.

Sur le même sujet :
- Nexus Q : Google à la recherche d'un fil rouge

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