« Votre cloud est-il net ? », c'est le titre d'un rapport de Greenpeace sur un point important, mais souvent occulté : la consommation énergétique des data-centers. Ce problème est aujourd'hui d'autant plus important que l'on assiste à un déplacement des ressources informatiques vers le nuage : l'ONG environnementaliste s'intéresse particulièrement aux leaders de ce domaine, Apple, Microsoft et Amazon. Greenpeace prête néanmoins le flanc à la critique en se basant à nouveau uniquement sur du déclaratif : elle pensait tacler Apple, c'est finalement Apple qui l'a taclé.
Du charbon dans le nuage
« La croissance du cloud computing est exponentielle et la demande en électricité qu’elle génère est très forte. » : Greenpeace met ici le doigt sur un aspect important d'internet, la consommation énergétique des infrastructures du réseau. À l'heure du déplacement des ressources informatiques des machines en local vers le « nuage », les grands acteurs d'internet multiplient les data-centers, énormes consommateurs d'électricité. Sans même parler du cloud computing, le simple envoi d'un mail ou la simple consultation d'une page web sont consommateurs de ressources.
Une étude réalisée par BIOIS pour le compte de l'ADEME montre ainsi qu'en moyenne, une entreprise française de 100 personnes émettrait annuellement 13,6 tonnes équivalent CO2 rien qu'en envoyant des mails, l'équivalent de 13 allers-retours Paris / New York en avion. Selon le même principe d'évaluation, l'ensemble des internautes français émettrait quant à lui 287 600 tonnes équivalent CO2 chaque année en effectuant des recherches sur le web. Un ordinateur et internet permettent certes de se passer de papier, mais leur impact environnemental est loin d'être neutre.
En France, 78 % de l'électricité nécessaire à l'alimentation des ordinateurs et des infrastructures du réseau sont fournis par le nucléaire, une source contestée pour ses risques potentiels, sa génération de déchets difficiles à traiter et dangereux, ses rejets thermiques et son prélèvement d'eau, mais qui a l'avantage d'émettre relativement peu de CO2, un des principaux gaz à effet de serre. Sur l'ensemble de son cycle de vie, le nucléaire émet ainsi jusqu'à 175 fois moins de CO2 que le charbon. Même si le nucléaire pose des problèmes, Greenpeace s'est donc plus particulièrement intéressée à l'utilisation du charbon : « cette demande est principalement satisfaite à partir de sources d’énergie sales, dangereuses pour notre santé comme le charbon. »
Avec le gaz, c'est en effet aujourd'hui le principal combustible utilisé pour fournir de l'électricité aux data-centers géants opérant les services d'Apple, Amazon, Google, Facebook ou Microsoft. Les data-centers hollandais et néerlandais de Google ou Microsoft sont alimentés par une électricité produite à plus de 60 % par des centrales au gaz / gaz naturel, alors que les installations allemandes d'IBM doivent 44 % de leur alimentation aux centrales à charbon. La part des énergies renouvelables dans le lot est néanmoins bien plus grande en Europe qu'aux États-Unis, les installations belges de Google étant même plus économes que la moyenne grâce à un refroidissement passif permis par le climat de la région. 20 % de l'électricité allemande est ainsi produite par des énergies renouvelables, une part qui monte à 60 % en Suède, où Facebook et Spotify possèdent des centres de données !
Le bilan est beaucoup moins positif pour les grands centres américains spécialisés dans l'hébergement, où sont notamment installés Apple, Microsoft, Yahoo!, Google, Facebook ou encore Amazon. Le data-center de Facebook à Prineville, dans l'Oregon, est souvent vanté pour son efficacité, mais 60 % de son électricité est fournie par le charbon. Et Apple devrait justement s'implanter à Prineville. À Maiden, où Apple a récemment inauguré un des plus grands centres de données du monde, c'est là encore environ 60 % de l'électricité qui est produite par des centrales à charbon.
Pommes, charbon et hydrogène
On aurait pourtant tort de faire un raccourci et de considérer que les data-centers de ces sociétés sont parfaitement sales : ils ne sont pas propres, mais la réalité est un peu plus nuancée. Alors que Greenpeace s'attaque plus particulièrement à Apple, Amazon et Microsoft, étudions ainsi le cas que nous connaissons le mieux, celui d'Apple. À Prineville, l'entreprise mettra l'accent sur le refroidissement passif pour consommer le moins possible, et a d'ores et déjà indiqué que son data-center serait « vert » : il fera un grand usage de l'énergie photovoltaïque, pour minimiser le recours au réseau électrique local.
Apple utilise la même stratégie à Maiden : son data-center utilise le refroidissement passif (air et eau), permettant d'éteindre le système central 75 % du temps. Elle va y implanter un champ de panneaux photovoltaïques à haut rendement produisant 20 MW, et va y installer la plus grande centrale à piles à combustible des États-Unis pour produire 4,8 MW de plus. Pas suffisant selon Greenpeace, qui décerne un F à Apple en la matière : ces efforts seraient un écran de fumée et ne couvriraient « que 10 % » des besoins du data-center de Maiden.
Si l'œuvre de Greenpeace est dense, informative et extrêmement bien documentée, est elle néanmoins traversée par les défauts habituels de l'ONG : elle se base uniquement sur les déclarations des sociétés, et lorsque celles-ci sont absentes, comme c'est toujours le cas avec Apple, alors elle estime.
Dans le cas présent, l'estimation de Greenpeace est particulièrement erronée : l'ONG a établi selon une mesure « conservatrice » que le data-center de Maiden consommerait 100 millions de watts à pleine capacité. Selon Apple, qui a immédiatement réagi, il consommerait en fait cinq fois moins, soit 20 millions de watts — pour comparaison, les data-centers de Google consomment environ 260 millions de watts. À moyen terme, la moitié de l'énergie nécessaire à l'alimentation du data-center de Maiden serait donc produite sur place, et près de deux tiers serait issue d'énergies renouvelables. De plus, Apple utilise les services d'Akamai pour distribuer ses contenus, une société qui est réputée pour sa transparence en matière de bilan environnemental.
Les chiffres fournis par Greenpeace sont donc erronés, mais les torts sont ici partagés avec Apple, qui n'avait pas daigné répondre aux questions de l'ONG. Greenpeace a néanmoins tenu à organiser des démonstrations plus ou moins fantasques, comme elle en a l'habitude. Elle a ainsi occupé cet après-midi le toit des bureaux d'Apple à Cork (Irlande) et distribué des tracts aux employés. Au lendemain des précisions d'Apple, ces tracts sont beaucoup plus mesurés et peuvent difficilement être contestés : ils reconnaissent beaucoup plus clairement les progrès effectués par Apple en matière d'adoption des énergies renouvelables, mais appellent la société à favoriser des implantations dans des zones utilisant peu le charbon, à être plus transparente, à militer pour des sources d'énergie plus propres, et à influencer ses fournisseurs pour qu'ils fassent de même.
Communication et écologie
Même si elle n'est qu'au tout début du chemin, il faut reconnaître les efforts d'Apple en matière de responsabilité environnementale : non contente d'avoir particulièrement réduit l'impact de ses produits, elle entend être en pointe dans l'utilisation d'énergies renouvelables pour l'alimentation des data-centers. S'il fallait reprocher une chose à Greenpeace, c'est d'avoir à nouveau cédé à la tentation d'une bonne accroche en minimisant ces progrès, et en se reposant trop sur une approche déclarative — le tir a néanmoins été rectifié aujourd'hui.
Il faut de plus saluer le rôle de l'ONG environnementaliste, fantastique aiguillon qui a sans doute poussé Apple à être un peu plus transparente sur ces sujets (elle a dédié une partie de son site à ces questions), et à faire des efforts dans la suppression des matériaux toxiques ou dans la réduction de la consommation de ces produits. Si la firme de Cupertino a progressé et est dans la bonne moyenne, il ne faut néanmoins pas prendre pour argent comptant l'ensemble de son discours : elle n'est pas assez transparente sur le sujet. À la tête d'une formidable réserve d'argent, on pourrait d'ailleurs vouloir qu'elle investisse plus que les autres dans le domaine. Quitte à s'enorgueillir d'être verte, Apple pourrait le devenir réellement, et sans doute plus que toute autre.
Avec ce nouveau rapport, on retrouve l'étrange paradoxe de la communication sur l'écologie : Greenpeace comme Apple disent ce que chaque camp veut entendre et tirent la couverture à eux, sans finalement que les faits soient toujours parfaitement retranscrits. On suppose que c'est le jeu pour que ces idées progressent et l'emportent finalement… mais peut-être trop tard.
Du charbon dans le nuage
« La croissance du cloud computing est exponentielle et la demande en électricité qu’elle génère est très forte. » : Greenpeace met ici le doigt sur un aspect important d'internet, la consommation énergétique des infrastructures du réseau. À l'heure du déplacement des ressources informatiques des machines en local vers le « nuage », les grands acteurs d'internet multiplient les data-centers, énormes consommateurs d'électricité. Sans même parler du cloud computing, le simple envoi d'un mail ou la simple consultation d'une page web sont consommateurs de ressources.
Une étude réalisée par BIOIS pour le compte de l'ADEME montre ainsi qu'en moyenne, une entreprise française de 100 personnes émettrait annuellement 13,6 tonnes équivalent CO2 rien qu'en envoyant des mails, l'équivalent de 13 allers-retours Paris / New York en avion. Selon le même principe d'évaluation, l'ensemble des internautes français émettrait quant à lui 287 600 tonnes équivalent CO2 chaque année en effectuant des recherches sur le web. Un ordinateur et internet permettent certes de se passer de papier, mais leur impact environnemental est loin d'être neutre.
En France, 78 % de l'électricité nécessaire à l'alimentation des ordinateurs et des infrastructures du réseau sont fournis par le nucléaire, une source contestée pour ses risques potentiels, sa génération de déchets difficiles à traiter et dangereux, ses rejets thermiques et son prélèvement d'eau, mais qui a l'avantage d'émettre relativement peu de CO2, un des principaux gaz à effet de serre. Sur l'ensemble de son cycle de vie, le nucléaire émet ainsi jusqu'à 175 fois moins de CO2 que le charbon. Même si le nucléaire pose des problèmes, Greenpeace s'est donc plus particulièrement intéressée à l'utilisation du charbon : « cette demande est principalement satisfaite à partir de sources d’énergie sales, dangereuses pour notre santé comme le charbon. »
Le data-center d'Apple à Maiden
Avec le gaz, c'est en effet aujourd'hui le principal combustible utilisé pour fournir de l'électricité aux data-centers géants opérant les services d'Apple, Amazon, Google, Facebook ou Microsoft. Les data-centers hollandais et néerlandais de Google ou Microsoft sont alimentés par une électricité produite à plus de 60 % par des centrales au gaz / gaz naturel, alors que les installations allemandes d'IBM doivent 44 % de leur alimentation aux centrales à charbon. La part des énergies renouvelables dans le lot est néanmoins bien plus grande en Europe qu'aux États-Unis, les installations belges de Google étant même plus économes que la moyenne grâce à un refroidissement passif permis par le climat de la région. 20 % de l'électricité allemande est ainsi produite par des énergies renouvelables, une part qui monte à 60 % en Suède, où Facebook et Spotify possèdent des centres de données !
Le classement établi par Greenpeace
Le bilan est beaucoup moins positif pour les grands centres américains spécialisés dans l'hébergement, où sont notamment installés Apple, Microsoft, Yahoo!, Google, Facebook ou encore Amazon. Le data-center de Facebook à Prineville, dans l'Oregon, est souvent vanté pour son efficacité, mais 60 % de son électricité est fournie par le charbon. Et Apple devrait justement s'implanter à Prineville. À Maiden, où Apple a récemment inauguré un des plus grands centres de données du monde, c'est là encore environ 60 % de l'électricité qui est produite par des centrales à charbon.
Pommes, charbon et hydrogène
On aurait pourtant tort de faire un raccourci et de considérer que les data-centers de ces sociétés sont parfaitement sales : ils ne sont pas propres, mais la réalité est un peu plus nuancée. Alors que Greenpeace s'attaque plus particulièrement à Apple, Amazon et Microsoft, étudions ainsi le cas que nous connaissons le mieux, celui d'Apple. À Prineville, l'entreprise mettra l'accent sur le refroidissement passif pour consommer le moins possible, et a d'ores et déjà indiqué que son data-center serait « vert » : il fera un grand usage de l'énergie photovoltaïque, pour minimiser le recours au réseau électrique local.
Apple utilise la même stratégie à Maiden : son data-center utilise le refroidissement passif (air et eau), permettant d'éteindre le système central 75 % du temps. Elle va y implanter un champ de panneaux photovoltaïques à haut rendement produisant 20 MW, et va y installer la plus grande centrale à piles à combustible des États-Unis pour produire 4,8 MW de plus. Pas suffisant selon Greenpeace, qui décerne un F à Apple en la matière : ces efforts seraient un écran de fumée et ne couvriraient « que 10 % » des besoins du data-center de Maiden.
Si l'œuvre de Greenpeace est dense, informative et extrêmement bien documentée, est elle néanmoins traversée par les défauts habituels de l'ONG : elle se base uniquement sur les déclarations des sociétés, et lorsque celles-ci sont absentes, comme c'est toujours le cas avec Apple, alors elle estime.
Dans le cas présent, l'estimation de Greenpeace est particulièrement erronée : l'ONG a établi selon une mesure « conservatrice » que le data-center de Maiden consommerait 100 millions de watts à pleine capacité. Selon Apple, qui a immédiatement réagi, il consommerait en fait cinq fois moins, soit 20 millions de watts — pour comparaison, les data-centers de Google consomment environ 260 millions de watts. À moyen terme, la moitié de l'énergie nécessaire à l'alimentation du data-center de Maiden serait donc produite sur place, et près de deux tiers serait issue d'énergies renouvelables. De plus, Apple utilise les services d'Akamai pour distribuer ses contenus, une société qui est réputée pour sa transparence en matière de bilan environnemental.
Intervention de Greenpeace aujourd'hui dans les locaux d'Apple à Cork. Image Corkipedia.
Les chiffres fournis par Greenpeace sont donc erronés, mais les torts sont ici partagés avec Apple, qui n'avait pas daigné répondre aux questions de l'ONG. Greenpeace a néanmoins tenu à organiser des démonstrations plus ou moins fantasques, comme elle en a l'habitude. Elle a ainsi occupé cet après-midi le toit des bureaux d'Apple à Cork (Irlande) et distribué des tracts aux employés. Au lendemain des précisions d'Apple, ces tracts sont beaucoup plus mesurés et peuvent difficilement être contestés : ils reconnaissent beaucoup plus clairement les progrès effectués par Apple en matière d'adoption des énergies renouvelables, mais appellent la société à favoriser des implantations dans des zones utilisant peu le charbon, à être plus transparente, à militer pour des sources d'énergie plus propres, et à influencer ses fournisseurs pour qu'ils fassent de même.
Communication et écologie
Même si elle n'est qu'au tout début du chemin, il faut reconnaître les efforts d'Apple en matière de responsabilité environnementale : non contente d'avoir particulièrement réduit l'impact de ses produits, elle entend être en pointe dans l'utilisation d'énergies renouvelables pour l'alimentation des data-centers. S'il fallait reprocher une chose à Greenpeace, c'est d'avoir à nouveau cédé à la tentation d'une bonne accroche en minimisant ces progrès, et en se reposant trop sur une approche déclarative — le tir a néanmoins été rectifié aujourd'hui.
Il faut de plus saluer le rôle de l'ONG environnementaliste, fantastique aiguillon qui a sans doute poussé Apple à être un peu plus transparente sur ces sujets (elle a dédié une partie de son site à ces questions), et à faire des efforts dans la suppression des matériaux toxiques ou dans la réduction de la consommation de ces produits. Si la firme de Cupertino a progressé et est dans la bonne moyenne, il ne faut néanmoins pas prendre pour argent comptant l'ensemble de son discours : elle n'est pas assez transparente sur le sujet. À la tête d'une formidable réserve d'argent, on pourrait d'ailleurs vouloir qu'elle investisse plus que les autres dans le domaine. Quitte à s'enorgueillir d'être verte, Apple pourrait le devenir réellement, et sans doute plus que toute autre.
Avec ce nouveau rapport, on retrouve l'étrange paradoxe de la communication sur l'écologie : Greenpeace comme Apple disent ce que chaque camp veut entendre et tirent la couverture à eux, sans finalement que les faits soient toujours parfaitement retranscrits. On suppose que c'est le jeu pour que ces idées progressent et l'emportent finalement… mais peut-être trop tard.