« Apple m'agace », c'était le thème de l'un de nos deux appels à témoins. L'autre appel considérait les choses sous l'exact contraire. Il fera l'objet d'une synthèse dans un second temps, nos lecteurs ayant été à ce jour plus nombreux à exprimer leur mécontentement que leur satisfaction (on dira qu'il en va généralement toujours ainsi, quel que soit le sujet…). La « fermeture matérielle » a été un thème omniprésent parmi les presque 85 réponses qui ont abordé divers points (pas toujours fortement argumentées toutefois). Au fil des années, les Mac se sont considérablement amincis, entrainant dans ce sillage certaines de leurs capacités d'extension et obligeant à y réfléchir à deux fois au moment de l'achat.
Jugnin peste sur ce mouvement qui consiste à souder la barrette de mémoire sur - presque - toutes les machines, empêchant tout ajustement ultérieur en fonction de ses besoins. Il cite l'exemple de son MacBook Pro, acheté il y a quatre ans, passé de 2 Go de RAM à 8 Go et d'un disque dur à un SSD. Toutes choses impossibles avec les générations actuelles.
L’avarice d’Apple en RAM a toujours été frustrante, mais elle ne posait pas de problème tant qu’on avait l’alternative d’y pallier nous-mêmes à un coût raisonnable. En 2008, j’achète un iMac avec 1 Go de RAM, je lui en rajoute 2 pour 40€, et on verra si on augmente plus tard, quand les besoins le justifieront. Désormais, Apple impose à l'utilisateur d’anticiper ses besoins futurs en ressources pour y répondre aujourd’hui. Et le futur, ça coûte cher. Surtout quand c’est Apple qui te le vend.
louischartoire a été longtemps satisfait des portables, mais certains choix l'ont amené à revenir sur du matériel PC « Je suis prêt à payer 1 300€ un MacBook Pro Retina, mais je refuse de payer 500 € de plus pour 4 petits Go de RAM en plus et quelques Go de SSD !». Son "reswitch" est alimenté par la même frustration devant des machines livrées figées dans leurs composants :
Désormais on ne peut RIEN changer sans passer par la case options Apple, et quand je dis rien, c'est véritablement RIEN ! Depuis toujours, Apple viole littéralement ses clients en leur facturant 2, 3, 4, voire 5 fois le prix du commerce pour les mêmes composants. Comprenez moi bien, je suis d'accord avec l'idée de payer plus cher pour avoir du meilleur matériel, mais payer 100, 200, voire 300€ l'augmentation de RAM sur un MacBook, alors que cette même RAM (oui, la même, pas une meilleure, pas une moins bonne, la MÊME) coûte infiniment moins cher dans le commerce ! Il faut désormais accepter de se saigner lors de l'achat de sa machine pour s'en composer une décente chez Apple, et ce, le jour de la commande, pas le lendemain ou plusieurs mois plus tard ! S'il était possible de renvoyer sa machine ou de l'amener dans un Apple Store, quitte à payer relativement cher pour augmenter sa RAM ou son SSD, ça m'énerverait, mais pourquoi pas, mais NON, là ce n'est tout simplement pas possible !
« Pour moi c'est rédhibitoire » écrit sinbad21, je vais faire durer mon MacBook Pro du début 2008 le plus longtemps possible, et puis bye bye Apple. Pas question de payer 3 000 euros et plus pour une machine qu'on pouvait acheter la moitié du prix il y a 5 ans, simplement en prenant l'équipement de base et en le faisant évoluer au gré de ses besoins. Si on ne peut plus faire ça, c'est sans intérêt. »
Locke parle aussi de matériels « indémontables » et de leurs options onéreuses. Pillouti mentionne les capacités de stockage de base trop justes à son goût « Je n'achèterai plus rien, tant que la norme ne sera pas de 512 Go sur un ordi, 32 ou 64 Go sur un iPhone/iPad. » (les premiers 13" Retina démarrent à 128 et 256 Go de SSD, le futur Mac Pro à 256 Go aussi, mais tous les iMac et Mac mini ne proposent pas moins de 1 To en disque dur, ndr).
bluesilence a de nombreux griefs à faire valoir, autant logiciels que matériels. Mais si l'on s'en tient aux machines, le successeur de son actuel Mac Pro « un Nehalem qui tourne comme une bombe ! » ne lui sied pas du tout tel qu'il se présente « Une boîte (très belle cela dit) avec un concept à la PC-Carrefour comme j'appelle ça, c'est-à-dire de tout souder dedans ! » Il s'inquiète ainsi par avance sur les performances pour les jeux :
Je vois d'ici la réponse que l'on va me faire : un Mac Pro c'est pour un Pro pas pour un gamer. Ce à quoi je répondrai : ah bon ? Alors il y a quoi pour jouer sur Mac ? Les iMac avec leurs cartes graphiques totalement 'has been' ? Et mon écran 30", je le connecte comment à l'iMac ? Ah ok, il faut donc que j'achète un PC à coté pour jouer ? Ça me coûtera moins cher ?
Cette course à la minceur qui sacrifie des composants ou la flexibilité pour les remplacer est « compréhensible » pour thebiglebowsky mais il s'agace de voir ce principe appliqué aussi aux modèles de bureau « Apple joue à fond la carte de la "minceur" à outrance pour les machines de bureau en sacrifiant le SuperDrive et certains connecteurs au passage et en rendant un minimum de customisation impossible (disque dur, RAM, etc). Le jour où je devrais remplacer mon iMac 24" de la mi-2007, je m'orienterai vers le Mac mini, en espérant qu'il ne subisse pas le même sort d'ici là, à savoir devenir une galette de 1 cm de haut complètement fermée et soudée ! »
Pour TibomonG4, la souplesse de configuration des machines répondrait justement à des problématiques du moment «Ce qui m'étonne, c'est qu'une entreprise qui se veut dans l'air du temps, ne se rende pas compte tout simplement de la nécessité et de l'avantage qu'il y aurait aujourd'hui à partir sur une adaptabilité des machines. Remplacer des pièces, faire évoluer, sans forcément tout jeter. Bref, être intelligent : penser différemment. De ce point de vue, ils sont revenus au Moyen-âge. Pourtant, tout portait à croire qu'ils avaient tout compris dès le départ et c'était ce qui les rendait attractifs. La tête a été coupée et le corps court vainement dans tous les sens. Idiot : donc dommageable et décevant. »
C'est peut-être oublier que Steve Jobs était justement un ardent défenseur de ces ordinateurs fermés où l'on a besoin de ne rien toucher, tenant ainsi toute la complexité de la machine loin des yeux et des mains de l'utilisateur. En cela, la direction aujourd'hui d'Apple ne trahit pas l'héritage du patron disparu…
Un héritage qui se perpétue c'est celui de tarifs globalement élevés. Rien de nouveau sous le soleil, mais des utilisateurs reconsidèrent aujourd’hui certains de leurs équipements sur ce critère. Ainsi vudela, photographe, pensait initialement à un MacBook Pro pour remplacer son iMac :
Force fut de constater que la nouvelle gamme n’était plus dans mes moyens pour la configuration souhaitée. La mort dans l’âme, je me suis tourné vers des configurations sous Windows. Certes, je n’avais pas entendu que du bien de Windows 8.1, mais avais-je le choix ? Il s’est porté sur un portable Core i7 à 2,4 GHz, écran 17", avec un SSD 256 Go et un disque dur de 1 To et 16 Go de RAM. Le tout pour la modique somme de 1500€. Les licences de mes logiciels photo étant transposables sur le PC, tout est allé pour le mieux. L’équivalant en MacBook Pro 15" m’aurait coûté, au bas mot, au moins 1000€ de plus. Cette différence de prix me permettra de changer un de mes objectifs photo.
Barbababar regrette lui qu'Apple ne porte pas davantage d'attention à ses petits accessoires, comme elle le fait pour ses autres matériels :
Pour moi, le seul vrai défaut d'Apple c'est le contraste que l'on peut observer entre la qualité des appareils face aux accessoires. C'est tellement triste de voir Apple se ternir à faire des iPhone 5s case qui pourrissent au bout d'un mois, d'être obligé de mettre du scotch sur le jack de ces splendides EarPods tout neufs pour ne pas les changer dans 6 mois… Sauf quelques exceptions, quand on sort un de leurs produits de l'emballage, tout est parfait (en omettant le son des écouteurs), c'est beau, c'est fonctionnel et c'est bien en harmonie avec l'appareil. Mais quand on revient quelque temps plus tard, ils crèvent tous ! Usés, défraîchis… Tous les accessoires meurent vite ou sont imparfaits.
bgood évoque aborde également la question de la fiabilité du matériel :
J'ai du Mac depuis 2008. J'ai commencé avec un iMac 24", j'étais ravi comme pas deux. Performant, bel objet, stable sous Leopard, etc. Puis, pour mon boulot j'ai eu besoin de plus de puissance, j'ai pris un MacBook Pro Retina en remplacement de mon MacBook Pro Unibody (qui déjà m'avait gonflé avec son disque dur 5400 tours). Je bosse dans l'audiovisuel et avec le portable je fais des installations vidéo, du mapping, etc. Depuis que j'ai le Retina et Mountain Lion je n'ai eu que des merdes, non seulement j'ai dû prendre le maximum en RAM, 16 Go (qui mine de rien, quand on fait de la 3D, est déjà étroit). J'ai dû remplacer deux fois l'écran, un coup pour les traces fantômes et un coup pour un pixel mort. […] J'ai une énorme quantité de bugs sous Mountain lion, un peu comme si j'étais retourné sur PC et j'ai la touche espace qui fait des siennes je ne sais pas pourquoi.
Quelques-uns appellent la Pomme, au vu des tarifs de ses machines, à augmenter sa garantie en conséquence. Après tout, si le matériel est soigné comme elle le prétend, elle devrait avoir l'assurance de proposer une garantie standard plus étendue.
Une telle question ouverte - sur les reproches que l'on peut faire à Apple - ne pouvait qu'entrainer un inventaire à la Prévert. Toutes les critiques cependant ne se valent pas, surtout lorsqu'elles semblent déconnectées des réalités de production industrielle et de maturité des technologies. Par exemple de reprocher à Apple de n'avoir pas sorti le premier iPad mini en Retina en 2012… alors qu'elle fait face à des difficultés de fabrication en masse de cet écran un an plus tard.
De manière générale c'est le dirigisme d'Apple qui peut agacer à différents niveaux. Sur les services, on peut citer iCloud qui cristallise des critiques dès lors qu'il est érigé en passage obligé pour synchroniser des données (lire Mavericks supprime une partie de la synchronisation en local avec iTunes) ; iTunes, le logiciel à tout faire voire à trop faire, chez ceux qui ont connu iSync, petit utilitaire dédié à la synchronisation et à elle seulement. L'iPhone, dont l'écran ne s'agrandit pas aussi vite que chez les concurrents ; les types de formats de fichiers audio et vidéo acceptés par les OS et leurs applications trop peu nombreux aux goûts de certains.
L'évolution des OS, où d'aucuns jugent qu'ils souffrent des mêmes bridages que le matériel avec ce sandboxing qui restreint les fonctionnalités des logiciels ; Mail dans Mavericks affligé d'un bug visible comme un bouton sur le nez et toujours pas complètement corrigé ; la disparition d'applications comme iWeb ou iDVD (à la décharge d'Apple, il y aurait eu une certaine incongruité à faire évoluer iDVD tout en éliminant méthodiquement le SuperDrive de chaque nouveau Mac, ndr) ; iWork qui perd nombre de ses fonctions à l'occasion de sa refonte (lire Apple promet le retour de plusieurs fonctions dans iWork)…
Arnaud06, qui n'a pas répondu dans le bon forum, prend le contrepied de ces reproches adressés au nouvel iWork et se veut plus optimiste « C'est davantage de compatibilité avec les versions iOS. À mon sens, le recul temporaire sur les fonctionnalités permet l'interopérabilité sans contrainte… ce qui n'était pas le cas avec les versions précédentes. Patientez un peu et les fonctions vont revenir… ce qui rendra la suite iWork incontournable dans l'univers Apple. Et la version web… le travail collaboratif… un autre chantier titanesque… qui permet de faire du pages sur Windows. Je trouve que c'est une vraie avancée. Bref, moi je joue la carte iWork à fond… en contexte pro. Même si je n'ai pas besoin de fonctions compliquées comme la très grande majorité des gens ».
Apple a toujours tracé son chemin sans forcément ménager ses clients, et qui l'aime la suit. En cela rien n'a vraiment changé. Certaines critiques sont virulentes et la Pomme a sa part de responsabilité. Les longs clips vidéo lors des keynotes, vantant la perfection et le soin méticuleux apporté aux produits contrastent avec la publication en catimini d'une fiche technique annonçant que nombre de fonctions ôtées dans iWork vont revenir après que la déception et la colère d'utilisateurs se soient exprimées. Il arrive qu'Apple admette des erreurs, elle le fait même de manière spectaculaire parfois (le cas de Plans), mais ce ne sont que de rares exceptions. Pour le reste, le tout venant, il faudra guetter l'apparition d'infos sur les forums et le site de support technique, Apple est une grande timide lorsque les choses ne tournent pas rond.
Mais il est aussi demandé à Apple d'exécuter un formidable grand écart : innover et se distinguer de la concurrence tout en ne s'écartant pas trop du chemin ; concevoir un iOS efficace et performant, mais qui soit aussi bidouillable qu'Android (d'aucuns réclament ce Finder pour iOS et le transfert de données manuellement, sans iTunes) ; fabriquer des machines soignées, mais aussi faciles à démonter et modifier qu'une tour PC ; satisfaire le client lambda en lui simplifiant l'expérience utilisateur, mais laisser les coudées franches aux utilisateurs avancés. En somme, répondre aux besoins élémentaires de ses quelques dizaines sinon centaines de millions d'utilisateurs tout en tenant compte de chacune de leurs demandes personnelles, ou presque. Apple pourra toujours se consoler en se disant que la colère et l'agacement sont préférables à l'indifférence…
Toutes les contributions peuvent être lues dans ce forum qui reste ouvert pour en recevoir d'autres. Il en va de même pour le forum recevant les réponses des utilisateurs qui aiment (toujours) Apple. Ces réponses feront l'objet d'une synthèse prochainement.