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iOS 5 : les bons artistes copient, les grands artistes volent ?

Anthony Nelzin-Santos

jeudi 09 juin 2011 à 16:16 • 83

iOS

« Maîtresse, Luc il a copié sur moi, euh ! » : depuis la présentation d'iOS 5, les deux camps habituels se mettent à compter les points de ce qu'aurait copié ou pas le nouveau système d'Apple chez la concurrence. D'un côté, ceux-là mêmes qui d'habitude hurlent au crime de guerre quand la moindre nouveauté d'un concurrent s'approche de près ou de loin d'un concept d'Apple disent aujourd'hui que c'est de bonne guerre. De l'autre, les amateurs les plus forcenés d'Android se moquent de ce qu'ils considèrent être un rattrapage sur l'OS de Google, qui aurait tout inventé de A à Z. Comme d'habitude, la vérité est entre les deux.

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Les notifications : Android et webOS ?
Apple a complètement revu son système de notifications dans iOS 5 : les bulles bleues modales ont laissé place à d'élégantes et discrètes bannières blanches, et toutes les notifications sont désormais placées dans un « centre » de contrôle, un panneau coulissant présentant une liste.

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Le panneau de notifications d'Android (image phonedog).


Il ne fait aucun doute que le « centre de notifications » rappelle la zone de notifications d'Android : on y accède de la même manière, par un glissement du doigt vers le bas depuis la barre d'état. De même, l'utilisation de bannières discrètes et non-modales pour afficher les notifications rappelle le système de webOS, lui-même repris par Windows Phone 7.

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Une notification sur webOS.


Ces emprunts se font en fait par le biais de Mobile Notifier, une application née dans le monde du jailbreak dont le système de notification d'iOS 5 est un clone parfait. Et pour cause : Peter Hajas, son créateur, est désormais employé par Apple. Il s'était directement inspiré de plusieurs influences, notamment Android et webOS, pour créer Mobile Notifier, et on les retrouve telles quelles dans iOS 5.

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Le système de notifications d'iOS 5 diffère très peu de Mobile Notifier : les bannières ont une apparence différente et le panneau listant les notifications rappelle beaucoup plus directement celui d'Android, mais le reste, comme la liste des notifications sur l'écran de verrouillage, est directement issu des travaux de Hajas. On retrouve dans le système d'Apple l'influence de Rich Dellinger, le cerveau derrière le système de notifications de webOS, désormais interface designer à Cupertino.

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Le centre de notifications. Celui d'Android liste les notifications par ordre chronologique, avec un bouton pour tout effacer. Celui d'iOS les liste par application puis dans l'ordre chronologique, avec un effacement par application. On retrouve l'opposition philosophique entre Google (transversalité des fonctions) et Apple (une tâche = une app).


Pour beaucoup, les widgets météo et bourse dans le centre de notifications sont l'interprétation d'Apple du système de widgets d'Android — c'est sous-estimer le fonctionnement des widgets sur l'OS de Google, et oublier Dashboard, système de widgets présent sur Mac depuis 2005 auquel les applications météo et bourse doivent beaucoup. Dashboard qui, oui, tenait lui-même beaucoup de Konfabulator, qui reprenait lui-même la philosophie des Desk Accessories… du système du Macintosh. Ironie de cette boucle qui n'en finit plus de boucler sur elle-même : les services météo et bourse d'iOS sont fournis par Yahoo!, propriétaire de Konfabulator, désormais connu sous le nom de Yahoo! Widgets.

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Le widget météo de Dashboard.


Appareil photo : Windows Phone 7 ?
Le centre de notification est la fonction qui focalise toutes les attentions, mais d'autres fonctions d'iOS 5 ont suscité des commentaires. Joe Belfiore, vice-président de Microsoft en charge de Windows Phone 7 s'est ainsi dit « flatté » de l'hommage rendu à Windows Phone 7 par iOS 5.

Il commence par le nouveau fonctionnement de l'appareil photo. Microsoft a eu une excellente idée avec Windows Phone 7 : forcer les fabricants à équiper leurs smartphones d'un bouton de déclenchement physique. Même si le téléphone est en veille, il suffit de le presser pour prendre une photo. Apple propose sa propre réponse au même problème (pouvoir prendre le plus rapidement possible une photo) en utilisant son traditionnel double-clic : une icône permettant de prendre une photo apparaît alors sur l'écran.



L'appareil photo peut ainsi être lancé même si le verrouillage par code est actif : par mesure de sécurité, on ne peut accéder qu'aux photos prises pendant la session. Pour accéder à la pellicule, on peut désormais faire un geste de gauche à droite : ce mouvement est sans équivoque une copie directe de celui de Windows Phone 7. On peut aussi prendre une photo en appuyant sur le bouton de volume : des développeurs indépendants avaient déjà eu l'idée, comme ceux de Camera Plus et Quick Snap, mais Apple leur avait barré la route — avait-elle déjà prévu le coup ?



Le flux de photos d'iCloud rappelle la fonction de téléchargement automatique des photos de Windows Phone 7 vers le nuage de Microsoft, Skydrive : il s'agit là d'une fonction standard d'un tel service. Apple va cependant plus loin en pushant dans les deux sens et en utilisant son iCloud comme un réel service de synchronisation en temps réel. Dans le même domaine, Belfiore se gausse de l'intégration Twitter dans iOS 5 : il oublie que bien avant Windows Phone 7, webOS a été le premier à intégralement fusionner différents services entre eux avec son système Synergy.

iMessages : BlackBerry OS ?
Un système Synergy qui intègre SMS et messagerie instantanée de manière transparente, pour ne jamais rompre le lien de communication. Le grand expert de ce « toujours connecté » reste cependant RIM : la société canadienne, qui a commencé dans le pager, a fait sa réputation sur BlackBerry Messenger, son système de communication textuelle instantané et sécurisé.

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Non content d'ainsi prendre du galon en entreprise, RIM a su diversifier sa solution, parfait aimant pour un nouveau public, les jeunes s'envoyant des images, des vidéos, et des messages instantanés de groupe. Le tout gratuitement ou presque : BBM requiert une option BlackBerry à quelques euros par mois, de plus en plus accessible sur des forfaits à bas coût.



iMessage est un système extrêmement similaire, pour ne pas dire calqué, à BBM : il permet d'échanger gratuitement, d'appareil iOS à iOS, messages textuels, images et vidéos. Apple va cependant un cran plus loin : elle rend accessible iMessage à l'ensemble de son écosystème (téléphone, baladeur et tablette), et synchronise son état d'un appareil à l'autre (une des idées en vogue en ce moment étant le client continu : peu importe le support, le contenu est le même — chez HP, les messages reçus sur un smartphone webOS sont synchronisés via le nuage avec une tablette).

Rattraper le retard ou dépasser la concurrence ?
On pourrait continuer pendant longtemps. Le clavier séparé ? Apple en fabriquait un affreux il y a longtemps (l'adjustable keyboard), mais c'est Microsoft qui a conçu le premier virtuel, sur les tablettes UMPC. Les mises à jour over the air ? Danger, la société d'Andy Rubin, a dégainé la première (lire : Android, d'Apple à Danger). La synchronisation WiFi ? Ce n'est rien d'autre qu'une synchronisation sans fil, concept aussi vieux… que l'infrarouge.

L'important n'est pas qu'Apple ait copié plus ou moins ouvertement la concurrence : Steve Jobs cite suffisamment souvent Picasso (« les bons artistes copient, les grands artistes volent ») pour que l'on sache qu'Apple est un génial aspirateur à bonnes idées, qu'elle n'hésite à prendre — saisir — là où elles sont. Mais le patron d'Apple a peut-être en tête la phrase fameuse de Jean-Luc Godard, ou une de ses dizaines de variations : « peu importe où vous prenez les choses – ce qui importe c’est ce que vous en faites ». L'originalité est rare, l'authenticité primordiale.

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La liste est bien évidemment taillée sur mesure pour iOS 5, mais révélatrice : Apple a décidé de répondre œil pour œil, sans ne rien lâcher, quitte à être plus agressive.


Stephen Elop, le PDG de Nokia, a résumé le tournant qu'a été l'iPhone : « lorsqu'elle a lancé l'iPhone […] [Apple] a amorcé un cycle dont le but était de fournir une expérience utilisateur complète et ils l'ont fait à un niveau bien supérieur à ce que quiconque avait vu ou fait jusque-là dans l'industrie mobile. » Un écosystème fermé, qui a fait des envieux, et qui a provoqué par exemple le refonte complète de l'interface d'Android, qui est passé en un an d'une réponse au BlackBerry à une réponse à l'iPhone.

Apple s'est souvent distingué pour ses choix : à une même question, la firme de Cupertino apporte souvent des réponses différentes. Mieux, elle est souvent celle qui pose les questions, créant de nouveaux marchés ou du moins redéfinissant largement des marchés existants. Tout l'intérêt d'iOS 5 est de montrer une certaine sédimentation du marché : iOS, né comme force de proposition, est maintenant assailli par des concurrents, Android, Windows Phone 7, webOS, qui formulent des réponses originales.

Les bons artistes copient, les grands artistes volent. Et nous n'avons jamais hésité à voler. On croise aussi dans cette vidéo la fameuse sortie sur le manque de goût de Microsoft. D'où le « Redmond, faites chauffer » d'il y a quelques années : le problème n'est pas que Microsoft s'inspire ici ou là ; le problème, selon Steve Jobs, c'est qu'ils le font mal.


Apple adopte les bonnes idées, comme une évidence : le tiroir des notifications d'Android, la discrétion des alertes de webOS, la rapidité de déclenchement de Windows Phone 7, la transparence des moyens de communication de tous. Ne reste donc qu'une question, savoir où elle les emmène : les améliorations d'iOS 5 sont-elles plus qu'un patchwork d'idées qui ne sont pas forcément originales ? Apple a-t-elle réussi à formuler une proposition authentique, transcendant les diverses inspirations pour former un ensemble rattrapant non seulement son retard, mais dépassant la concurrence par sa cohérence et sa minutie ? Les utilisateurs lambda seront les seuls juges, cet automne.
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