Les campagnes publicitaires sont assez révélatrices de la culture d'une entreprise et de ses valeurs, qui permettent aux entreprises de communiquer, si ce n'est sur ce qu'elles sont effectivement, du moins sur ce qu'elles voudraient qu'on perçoive d'elles. Et c'est d'autant plus vrai s'agissant d'Apple.
On l'a souvent dit, son image a été son trésor le plus cher, et ce qui a pu susciter la fidélité de ses aficionados même durant ses heures les plus sombres. Apple ne communique pas comme n'importe quelle entreprise. A l'inverse de ses compétiteurs, on ne l'entend jamais parler de cœur de cible ou de stratégie marketing lors de ses conférences trimestrielles, par exemple. Or à regarder les différentes campagnes de publicité autour du Macintosh ces 25 dernières années, on relève des évolutions, et certaines constantes.
Le phénomène 1984
Et c'est lors du Superbowl de 1984 qu'Apple a frappé un grand coup avec ce qui est resté depuis son spot le plus emblématique, qui participe du mythe de la firme à la pomme. Récompensé par 7 prix (dont le dernier en 2007), il est toujours très bien placé dans les différents classements des meilleures publicités réalisées jusqu'ici. Bien que diffusé une seule fois sur le seul territoire américain, il a marqué l'ensemble de la planète et a même été repris par Apple avec l'adjonction d'un iPod au flanc de l'athlète blonde pour les 20 ans du Mac.
Le spot, réalisé par Ridley Scott (Alien, Blade Runner…), est remarquable par bien des aspects. Il s'appuie sur la dystopie orwellienne, déplaçant le débat d'un objet technologique dans le domaine tant culturel que sociétal, Big Brother incarnant IBM et la lanceuse de masse incarnant le Mac. Même le logo qu'elle porte sur son débardeur, qui représentera le Mac de longues années, est réalisé à la manière de Picasso, toujours une référence culturelle, qu'on retrouvera d'ailleurs plus tard dans la campagne Think Different. À aucun moment le spot ne montre même le produit ou n'explique de quoi il s'agit, ce qui était inédit à l'époque et a été repris bien des fois depuis. L'image est donc très forte et percutante pour ce qui n'est après tout qu'une publicité pour un ordinateur. Le ton était donné.
Si le cauchemar visionnaire de George Orwell fait partie des problématiques actuelles, un autre spot d'Apple fait figure de prédiction : difficile de ne pas trouver de lien direct entre cette campagne et cette vidéo d'un utilisateur d'ordinateur débordé par la frustration, qui a fait le tour d'internet bien des années après.
Il sera difficile de faire mieux que 1984, comme on a pu le constater l'année suivante avec un spot aussi mauvais que le premier était bon. Surnommé "lemmings" et diffusé durant le Superbowl également, il montre des patrons qui avancent les yeux bandés, en file indienne, vers une falaise, pour annoncer l'arrivée du Macintosh Office, qui regroupait un serveur de fichiers, un réseau local et une imprimante laser. Alors que le premier spot plaçait le public en victime de Big Brother, le second le décrivait comme stupide et responsable de sa propre perte, ce qui n'a rien fait pour attirer la sympathie du spectateur. Déjà on voyait poindre cette arrogance qu'on a longtemps reprochée à Apple.
Une communication qui se dilue
Mais durant les années 80, les campagnes n'étaient pas encore mondiales, et Apple France a diffusé des publicités de son propre cru. Reprenant certains thèmes sociaux chers à la France comme dans L'héritier ou Le cauchemar, ou d'autres moins réussies comme La pomme qui fait du sous Jean-Paul Goude, réalisateur qui a le vent en poupe à cette époque. Apple propose d'autres spots où elle insiste sur la simplicité légendaire du Mac, de manière très basique, comme dans Simplement ou sur fond de trémolos galvanisateurs, qui aujourd'hui font penser à un discours de Barack Obama.
S'en suivent différentes campagnes plus ou moins inspirées. Apple annonce l'arrivée du Power Macintosh à l'aide d'images désuètes du futur, d'une certaine manière en écho à 1984 : vous allez voir, avec le Mac l'avenir sera différent de ce à quoi on s'attendait. Puis l'arrivée des Performa et autres LC, qui voulait déjà à l'époque faire mentir l'adage qui faisait passer le Mac pour trop cher, a quelque peu fait perdre de sa superbe aux campagnes. Plus de philosophie, on verse dans le concret : le quotidien de la famille Vincent autour du Mac, ou encore celui d'un couple qui a son entreprise à domicile. Des publicités qui pourraient porter le logo de n'importe quel autre constructeur, bien loin de ce à quoi nous avait habitués Apple.
Think Different remet l'image en selle
Apple connaît alors une véritable crise et achète NeXT, qui signe le retour de Steve Jobs aux affaires. Afin de donner un signe fort, une nouvelle campagne ambitieuse est lancée, sous le fameux slogan Think Different. Créée par TBWA Chiat/Day, qui avait déjà signé 1984, celle-ci fait appel à nouveau à des références culturelles : sur un texte rendant un vibrant hommage aux illustres personnages qui passent à l'écran (de Gandhi à Jim Henson en passant par Maria Callas ou Pablo Picasso), Apple réaffirme ses valeurs : sortir des idées reçues, car ça n'est qu'en remettant en question nos certitudes qu'on peut changer le monde.
La campagne est un immense succès, et redonne à l'entreprise son lustre d'autrefois. S'il en fallait un seul signe, le nombre de parodies qu'elle a inspirées est assez révélateur, et le slogan a perduré dans la culture populaire au-delà de la campagne qui a pris fin en 2002. Depuis, il est réapparu sur le site d'Apple à l'occasion des deux prix Nobel pour Jimmy Carter et Al Gore (ce dernier étant par ailleurs membre du conseil d'administration d'Apple), ainsi que pour la mort de Rosa Parks. Aujourd'hui encore, on peut retrouver le texte de cette campagne sur l'icône de TextEdit.
Génération switchers
Le message d'ensemble étant lancé, Apple peut se permettre d'affiner son discours en insistant sur la simplicité de l'iMac ou encore en raillant la multitude de câbles derrière le moindre PC. Le passage au processeur RISC nécessite de communiquer sur la puissance, car les mégahertz sont devenus trompeurs. Apple se moque des processeurs Intel, à grand renfort d'escargots ou encore en faisant flamber les ingénieurs en combinaison stérile en réponse à une campagne pour le Pentium où on les voyait danser, le tout avec l'acteur Jeff Goldblum en voix off.
Le PDG d'Intel ne manquera d'ailleurs pas de rappeler ces campagnes lors de l'annonce de l'adoption de ses processeurs par le Macintosh. Apple continuera longtemps dans ce registre, parfois avec humour lorsque le Pentagone interdira l'exportation du G4 à certains pays, parfois au ras des pâquerettes avec le G5 qui propulse son utilisateur à travers les murs de sa maison.
Une brève campagne aura pour vocation d'annoncer le passage aux processeurs Intel, pour finir par la campagne Mac vs PC : Get A Mac. Son amorce se retrouve d'ailleurs dans une série où des switchers (les premiers, ils popularisèrent ce terme) faisaient part de leurs problèmes face à leur PC et à Windows tandis que le Mac leur sauvait la mise.
Mais Apple avait tiré les leçons de ses précédentes campagnes : à être trop persifleur, on fini par sembler hautain et méprisant. Pourquoi donc enfoncer le PC quand celui-ci peut le faire tout seul comme un grand ? Dans cette dernière campagne avec le désormais fameux duo (qui n'a connu des adaptations qu'en Angleterre et au Japon), le Mac tâche tant bien que mal d'épargner au PC de s'humilier tout seul… sans jamais vraiment y parvenir.
L'inconvénient c'est que le PC prend peu à peu le devant de la scène et que Justin Long, qui incarne le Mac, se voit relégué au second rang. Le personnage incarné par John Hodgman est touchant et attachant dans sa maladresse et sa mauvaise foi, et a tôt fait de s'attirer la sympathie. L'élément qui ressort de cette campagne est avant tout les manquements de Windows, mais fort peu les avantages du Mac. Néanmoins à en juger par les chiffres de vente, la campagne participe à donner de la visibilité au Mac pour les utilisateurs de PC qui se lassent de leurs déconvenues sempiternelles. Parallèlement, Apple propose des spots mettant en avant ses machines comme le MacBook (le slogan américain "les portables les plus verts du monde" se transformant en "nos portables les plus écolos" en France, probablement pour des questions de réglementation).
Globalement, si on retient le propos des campagnes les plus marquantes d'Apple, elles parlent avant tout de la marque et de ses valeurs, plus encore que de ses produits : rebelle, iconoclaste, luttant contre l'establishment technologique et les idées reçues, œuvrant à faire un monde meilleur. Rien que ça. On retrouve, 25 ans plus tard, les mêmes notions qui étaient réunies dans le premier spot de 1984, avec une certaine constance. Viennent en second plan les qualités des produits : simplicité, finition, qualité. Le message est passé : Apple bénéficie d'une des marques les plus reconnues dans le monde, (voir notre article Apple : la marque la plus influente du monde ?) loin devant ses compétiteurs, qui pourtant font beaucoup mieux en termes de ventes.
On l'a souvent dit, son image a été son trésor le plus cher, et ce qui a pu susciter la fidélité de ses aficionados même durant ses heures les plus sombres. Apple ne communique pas comme n'importe quelle entreprise. A l'inverse de ses compétiteurs, on ne l'entend jamais parler de cœur de cible ou de stratégie marketing lors de ses conférences trimestrielles, par exemple. Or à regarder les différentes campagnes de publicité autour du Macintosh ces 25 dernières années, on relève des évolutions, et certaines constantes.
Le phénomène 1984
Et c'est lors du Superbowl de 1984 qu'Apple a frappé un grand coup avec ce qui est resté depuis son spot le plus emblématique, qui participe du mythe de la firme à la pomme. Récompensé par 7 prix (dont le dernier en 2007), il est toujours très bien placé dans les différents classements des meilleures publicités réalisées jusqu'ici. Bien que diffusé une seule fois sur le seul territoire américain, il a marqué l'ensemble de la planète et a même été repris par Apple avec l'adjonction d'un iPod au flanc de l'athlète blonde pour les 20 ans du Mac.
Le spot, réalisé par Ridley Scott (Alien, Blade Runner…), est remarquable par bien des aspects. Il s'appuie sur la dystopie orwellienne, déplaçant le débat d'un objet technologique dans le domaine tant culturel que sociétal, Big Brother incarnant IBM et la lanceuse de masse incarnant le Mac. Même le logo qu'elle porte sur son débardeur, qui représentera le Mac de longues années, est réalisé à la manière de Picasso, toujours une référence culturelle, qu'on retrouvera d'ailleurs plus tard dans la campagne Think Different. À aucun moment le spot ne montre même le produit ou n'explique de quoi il s'agit, ce qui était inédit à l'époque et a été repris bien des fois depuis. L'image est donc très forte et percutante pour ce qui n'est après tout qu'une publicité pour un ordinateur. Le ton était donné.
Si le cauchemar visionnaire de George Orwell fait partie des problématiques actuelles, un autre spot d'Apple fait figure de prédiction : difficile de ne pas trouver de lien direct entre cette campagne et cette vidéo d'un utilisateur d'ordinateur débordé par la frustration, qui a fait le tour d'internet bien des années après.
Il sera difficile de faire mieux que 1984, comme on a pu le constater l'année suivante avec un spot aussi mauvais que le premier était bon. Surnommé "lemmings" et diffusé durant le Superbowl également, il montre des patrons qui avancent les yeux bandés, en file indienne, vers une falaise, pour annoncer l'arrivée du Macintosh Office, qui regroupait un serveur de fichiers, un réseau local et une imprimante laser. Alors que le premier spot plaçait le public en victime de Big Brother, le second le décrivait comme stupide et responsable de sa propre perte, ce qui n'a rien fait pour attirer la sympathie du spectateur. Déjà on voyait poindre cette arrogance qu'on a longtemps reprochée à Apple.
Une communication qui se dilue
Mais durant les années 80, les campagnes n'étaient pas encore mondiales, et Apple France a diffusé des publicités de son propre cru. Reprenant certains thèmes sociaux chers à la France comme dans L'héritier ou Le cauchemar, ou d'autres moins réussies comme La pomme qui fait du sous Jean-Paul Goude, réalisateur qui a le vent en poupe à cette époque. Apple propose d'autres spots où elle insiste sur la simplicité légendaire du Mac, de manière très basique, comme dans Simplement ou sur fond de trémolos galvanisateurs, qui aujourd'hui font penser à un discours de Barack Obama.
S'en suivent différentes campagnes plus ou moins inspirées. Apple annonce l'arrivée du Power Macintosh à l'aide d'images désuètes du futur, d'une certaine manière en écho à 1984 : vous allez voir, avec le Mac l'avenir sera différent de ce à quoi on s'attendait. Puis l'arrivée des Performa et autres LC, qui voulait déjà à l'époque faire mentir l'adage qui faisait passer le Mac pour trop cher, a quelque peu fait perdre de sa superbe aux campagnes. Plus de philosophie, on verse dans le concret : le quotidien de la famille Vincent autour du Mac, ou encore celui d'un couple qui a son entreprise à domicile. Des publicités qui pourraient porter le logo de n'importe quel autre constructeur, bien loin de ce à quoi nous avait habitués Apple.
Think Different remet l'image en selle
Apple connaît alors une véritable crise et achète NeXT, qui signe le retour de Steve Jobs aux affaires. Afin de donner un signe fort, une nouvelle campagne ambitieuse est lancée, sous le fameux slogan Think Different. Créée par TBWA Chiat/Day, qui avait déjà signé 1984, celle-ci fait appel à nouveau à des références culturelles : sur un texte rendant un vibrant hommage aux illustres personnages qui passent à l'écran (de Gandhi à Jim Henson en passant par Maria Callas ou Pablo Picasso), Apple réaffirme ses valeurs : sortir des idées reçues, car ça n'est qu'en remettant en question nos certitudes qu'on peut changer le monde.
La campagne est un immense succès, et redonne à l'entreprise son lustre d'autrefois. S'il en fallait un seul signe, le nombre de parodies qu'elle a inspirées est assez révélateur, et le slogan a perduré dans la culture populaire au-delà de la campagne qui a pris fin en 2002. Depuis, il est réapparu sur le site d'Apple à l'occasion des deux prix Nobel pour Jimmy Carter et Al Gore (ce dernier étant par ailleurs membre du conseil d'administration d'Apple), ainsi que pour la mort de Rosa Parks. Aujourd'hui encore, on peut retrouver le texte de cette campagne sur l'icône de TextEdit.
Génération switchers
Le message d'ensemble étant lancé, Apple peut se permettre d'affiner son discours en insistant sur la simplicité de l'iMac ou encore en raillant la multitude de câbles derrière le moindre PC. Le passage au processeur RISC nécessite de communiquer sur la puissance, car les mégahertz sont devenus trompeurs. Apple se moque des processeurs Intel, à grand renfort d'escargots ou encore en faisant flamber les ingénieurs en combinaison stérile en réponse à une campagne pour le Pentium où on les voyait danser, le tout avec l'acteur Jeff Goldblum en voix off.
Le PDG d'Intel ne manquera d'ailleurs pas de rappeler ces campagnes lors de l'annonce de l'adoption de ses processeurs par le Macintosh. Apple continuera longtemps dans ce registre, parfois avec humour lorsque le Pentagone interdira l'exportation du G4 à certains pays, parfois au ras des pâquerettes avec le G5 qui propulse son utilisateur à travers les murs de sa maison.
Une brève campagne aura pour vocation d'annoncer le passage aux processeurs Intel, pour finir par la campagne Mac vs PC : Get A Mac. Son amorce se retrouve d'ailleurs dans une série où des switchers (les premiers, ils popularisèrent ce terme) faisaient part de leurs problèmes face à leur PC et à Windows tandis que le Mac leur sauvait la mise.
Mais Apple avait tiré les leçons de ses précédentes campagnes : à être trop persifleur, on fini par sembler hautain et méprisant. Pourquoi donc enfoncer le PC quand celui-ci peut le faire tout seul comme un grand ? Dans cette dernière campagne avec le désormais fameux duo (qui n'a connu des adaptations qu'en Angleterre et au Japon), le Mac tâche tant bien que mal d'épargner au PC de s'humilier tout seul… sans jamais vraiment y parvenir.
L'inconvénient c'est que le PC prend peu à peu le devant de la scène et que Justin Long, qui incarne le Mac, se voit relégué au second rang. Le personnage incarné par John Hodgman est touchant et attachant dans sa maladresse et sa mauvaise foi, et a tôt fait de s'attirer la sympathie. L'élément qui ressort de cette campagne est avant tout les manquements de Windows, mais fort peu les avantages du Mac. Néanmoins à en juger par les chiffres de vente, la campagne participe à donner de la visibilité au Mac pour les utilisateurs de PC qui se lassent de leurs déconvenues sempiternelles. Parallèlement, Apple propose des spots mettant en avant ses machines comme le MacBook (le slogan américain "les portables les plus verts du monde" se transformant en "nos portables les plus écolos" en France, probablement pour des questions de réglementation).
Globalement, si on retient le propos des campagnes les plus marquantes d'Apple, elles parlent avant tout de la marque et de ses valeurs, plus encore que de ses produits : rebelle, iconoclaste, luttant contre l'establishment technologique et les idées reçues, œuvrant à faire un monde meilleur. Rien que ça. On retrouve, 25 ans plus tard, les mêmes notions qui étaient réunies dans le premier spot de 1984, avec une certaine constance. Viennent en second plan les qualités des produits : simplicité, finition, qualité. Le message est passé : Apple bénéficie d'une des marques les plus reconnues dans le monde, (voir notre article Apple : la marque la plus influente du monde ?) loin devant ses compétiteurs, qui pourtant font beaucoup mieux en termes de ventes.