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Le quatrième âge d’Apple

Anthony Nelzin-Santos

jeudi 25 avril 2013 à 17:45 • 49

AAPL

Enfant prodige des débuts de l’informatique, Apple a failli mal tourner. Adolescent brillant mais turbulent, c’est aujourd’hui un adulte un peu trop responsable. Avec ce que cela comporte de bien et de mal.





C’est du moins la substance du message que Tim Cook a fait passer lors de la dernière conférence téléphonique d’annonce des résultats financiers d'Apple :




Nous savons que nous n’avons pas répondu à toutes les attentes, et […] nous reconnaissons que notre croissance a ralenti et que nos marges ont diminué […]. Notre croissance hebdomadaire moyenne a baissé de 19 % et notre marge brute se rapproche des niveaux d’il y a quelques années. […] Comme Peter [Oppenheimer, le directeur financier d'Apple,] l’expliquera, nous nous attendons à une stagnation du chiffre d’affaires pour le prochain trimestre et une légère baisse de la marge brute.




Bien sûr — et Tim Cook n’a cessé de le répéter — ce trimestre était comparé à un T2 2012 exceptionnel à tout point de vue. Mais ce net ralentissement a commencé dès le T3 2012, s’est fortement accentué au T1 2013 et va donc se poursuivre. Bien sûr — et bien des commentateurs n’ont cessé de le répéter — on peut l’expliquer en grande partie par la saturation des principaux marchés de l’iPhone, sur lequel repose la moitié du chiffre d’affaires d’Apple. Mais le CEO et le directeur financier d’Apple ont confirmé qu’une descente en gamme de l’iPhone était à l’ordre du jour, notamment pour s’attaquer à la Chine.



Le fait est que ce ralentissement est structurel et qu’Apple finit sa mue, évoluant d’une start-up multinationale à une multinationale tout court. D’un point de vue strictement financier, cette position est particulièrement inconfortable : il se pourrait qu’elle ne soit plus une valeur ayant la capacité de monter très rapidement (et qui attirerait donc certains investisseurs), mais elle reste une valeur technologique par essence volatile (et repousse donc d’autres investisseurs). Apple aborde le même virage que Microsoft au début des années 2000, avec la même trajectoire, mais à une tout autre vitesse pour espérer bien mieux s’en sortir.





Puisqu’Apple est adulte, Tim Cook lui fait jouer à des jeux de grandes personnes : toutes ses décisions financières visent à rendre AAPL à la fois plus attractive et moins volatile. La perspective de gains rapides à la faveur d’une explosion du cours de l’action s’efface ? Apple attire les investisseurs avec l’assurance d’un gain sur le long terme en consacrant 11 milliards de dollars par an au versement d'un dividende, plus qu’aucune autre société cotée en bourse. L’action est trop volatile et sous-évaluée ? La société va racheter pour 60 milliards de dollars de ses actions, une stratégie qui sera seulement limitée par le jeu des retracements et ne parviendra même pas à freiner la croissance de ses réserves de cash.



Des réserves de cash qui atteignent 145 milliards de dollars, dont 70 % sont situés hors des États-Unis. Nombre d’actionnaires militent pour un usage plus agressif de cette manne, mais les dirigeants d’Apple refusent d’y toucher — Peter Oppenheimer a même annoncé que la firme de Cupertino avait ouvert des lignes de crédit auprès de S&P et Moody’ s pour financer ses opérations les plus coûteuses. Steve Jobs avait en horreur le crédit, mais détestait encore plus les impôts : les intérêts de la dette d’Apple seront toujours inférieurs aux dizaines de milliards de dollars que lui coûterait le rapatriement de ses réserves. La vacance fiscale attendue par la Silicon Valley finira par être accordée, et Apple pourra alors transférer ses fonds sur le sol américain sans devoir un centime. Comme elle inspire confiance et a les reins solides, elle aura entre-temps emprunté à bas coût, de quoi encore satisfaire les actionnaires.



On aurait tôt fait de voir Tim Cook comme un cynique « vendu » à Wall Street : il agit aussi, et peut-être d’abord, pour faire taire les critiques et permettre à ses salariés de travailler dans un cadre plus serein.




Nous allons continuer à nous concentrer sur le long terme, et nous sommes toujours très optimistes quant à notre futur. Nous prenons part à des marchés de grande taille et en expansion. Nous avons de grandes occasions devant nous, notamment grâce aux perspectives offertes par le marché du smartphone et celui des tablettes, la force de notre incroyable écosystème que nous comptons étendre par de nouveaux services, le renforcement programmé de notre réseau de distribution, et le potentiel qu’auraient de nouvelles catégories de produits.






Qu’importe si la marge brute baisse à mesure que l’iPad mini trouve son public ou lorsqu’un iPhone moins cher sera disponible, elle sera toujours très supérieure à la moyenne. Les ventes en forte hausse renforceront les acquis des actionnaires et permettront à Apple de continuer à hybrider son modèle : elle touchera un peu moins sur chaque appareil vendu, mais gagnera toujours plus sur les logiciels et les services. L’iPad progresse vite, très vite, et semble désormais capable d’atteindre les niveaux de vente de l’iPhone, avec un panier moyen autrement supérieur : la situation d’Apple n’en sera que plus équilibrée et plus saine.



Ce jeu de vases communicants n’a rien d’excitant, d’autant qu’Apple l'explique mal. Mais il est sans aucun doute nécessaire pour affermir la position de la firme de Cupertino et lui offrir les moyens de ses ambitions pour la décennie à venir. Les six prochains mois vont être longs, mais Tim Cook l’a promis : les équipes d’Apple « travaillent dur sur de nouveaux appareils, logiciels et services bluffants », y compris dans « de nouvelles catégories » pour cet automne et surtout pour 2014, qui s’annonce déjà comme une année chargée en nouveautés.



Sur le même sujet
— Si vous n’avez pas suivi la conférence téléphonique d’Apple, voir : « Apple's CEO Discusses F2Q13 Results - Earnings Call Transcript »
— Sur le sujet des retracements, voir : « Apple stock movement: A short history lesson »

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