En début de semaine, on apprenait le départ d'Adobe de Kevin Lynch, son directeur technique, pour Apple. L’annonce de cette arrivée a fait beaucoup de vagues notamment auprès de certains spécialistes.
De loin, une telle polémique peut paraitre surprenante. Même si tout n’a pas toujours été rose entre Apple et Adobe, beaucoup d’employés même à haut niveau ont travaillé pour ces deux entreprises. C’est le cas de Phil Schiller en quelque sorte, qui avant de rejoindre Apple, a travaillé pour Macromedia, société qui est tombée dans l’escarcelle d’Adobe en 2005.
Cette embauche n’aurait sans doute pas fait l’objet d’autant de critiques si l’affaire Flash n’avait pas eu lieu. Dans la bataille qui a opposé pendant des mois Adobe à Apple, Lynch était en première ligne sur le plan médiatique comme on peut le voir dans ce spot parodique réalisé par Adobe.
À plusieurs reprises, l’homme s’en était pris assez violemment à Apple. Estimant par exemple lors de la Web 2.0 Expo en 2010 que Steve Jobs était devenu le Big Brother de nos temps (lire : Apple-Adobe : 1984, mais à l’envers). L’objet de son courroux à l’époque était la clause 3.3.1, qui empêchait les éditeurs d’utiliser d’autres outils que ceux d’Apple pour concevoir des applications iOS. Apple a fini par faire marche arrière sur ce point permettant aux utilisateurs d’Adobe de compiler des apps iPhone à partir de Flash. Et d’ailleurs, sur ce point précis, on ne peut que donner raison à Lynch.
Mais l’épisode Flash, Kevin Lynch le traîne comme un boulet. Pour certains, à commencer par John Gruber, il s’agirait d’un mauvais choix pour Apple. Il n’aurait tout simplement pas la carrure pour occuper le poste de vice president of Technologies, sous la houlette de Bob Mansfield.
Apple, entreprise de niveau "A" se doit de recruter à ses hauts-postes des talents, des "A+" comme Steve Jobs aimait à le dire. Ce dernier n’avait qu’une crainte qu’Apple recrute massivement des personnes de "moindre talent". Jobs avait une expression pour cela "the bozo explosion".
D’autres ne partagent pas cet avis concernant Kevin Lynch. C’est le cas de Michael Mace. Ce consultant qui a travaillé par moment pour Adobe et qui a eu l'opportunité de croiser Kevin Lynch, a un avis bien différent sur la question.
Il rappelle qu’Adobe est, quoi qu’on en dise, une société, qui a réalisé des choses extrêmement intéressantes tout au long de son histoire, à commencer le langage PostScript au début des années 80. Celui-ci aurait pu devenir universel si l’éditeur avait pris les bonnes décisions. Le problème avec Flash, tout comme ce fut le cas avec PostScript, est avant tout d'ordre stratégique.
Macromedia avait passé un accord avec l'opérateur japonais NTT DoCoMo pour qu'il équipe ses téléphones de Flash. En échange, l’éditeur touchait plusieurs millions de dollars. Mace explique que Macromedia et Adobe ont très vite apprécié cette source de revenus qui tombait sans trop d’efforts et qu'ils ont décidé de faire de même avec les autres acteurs dans le monde de la téléphonie mobile.
Pour lui, l’erreur majeure d’Adobe vient de là. Il n’est pas possible d’établir un standard et en même temps de maximiser les profits qui en découlent. Il qualifie la décision d’Adobe de stupide et d’arrogante. Dès lors, la bataille de Flash était déjà perdue. À cette époque, l’iPhone n’était alors qu’un marronnier pour la presse spécialisée.
Et pour Michael Mace, Kevin Lynch n’avait rien à voir avec cette décision. Adobe par la suite a loupé de nombreuses opportunités pour se relancer dans ce domaine. L’homme va jusqu’à faire un parallèle un peu osé avec Xerox incapable d’exploiter le potentiel du Xerox PARC, citant notamment Adobe AIR ainsi que les efforts d’Adobe autour du livre électronique.
Mais là encore, Kevin Lynch n’y était pour rien. Il n’a fait qu’agir par la suite comme un "bon petit soldat" pour défendre les intérêts de son employeur, mais il n’était en aucun cas lié à ces décisions.
Le plus grand reproche qu’on pourrait lui faire à l'extrême rigueur, c’est d’être resté si longtemps dans une entreprise qui mettait beaucoup plus d’énergie à soigner ses résultats trimestriels qu’à bâtir une stratégie sur le long terme.
Concernant son embauche chez Apple, tout dépend du rôle qu’il va occuper, explique en substance Michael Mace. Si Apple l’a embauché à des fins marketing ou pour mettre en place une stratégie commerciale, alors là oui, il y a du souci à se faire. Toutefois le fait qu'il soit placé sous les ordres de Bob Mansfield, technicien pur jus, rend ce scénario peu plausible.
Pour Michael Mace, Kevin Lynch a très probablement été embauché en tant que "spécialiste de la technologie". C’est ce qu’indique son titre en tout cas. Et dans ce rôle, l’ancien d’Adobe est une personne extrêmement brillante et avec laquelle il est aisé de travailler. On l’a vu encore dernièrement, ce point peut avoir son importance. Et dans cette optique, Mace estime qu’il peut apporter beaucoup à Apple.
Le point le plus intéressant peut-être dans cette affaire, c’est qu’Apple paraît changer sa manière de recruter. Longtemps, elle a privilégié les promotions en interne. En attestent toutes les promotions effectuées par Tim Cook lors de sa prise de pouvoir.
Mais il semble qu’Apple ressente également le besoin d’apporter un peu de sang neuf. Alors qu’il y a un ou deux excellents prétendants en interne au poste de responsable des Apple Store, la firme de Cupertino semble insister pour prendre quelqu’un de l'extérieur.
Cependant on rappellera que les dernières embauches de pointures se sont toutes soldées par des échecs. Mark Papermaster que la Pomme a eu toutes les difficultés du monde à arracher à IBM pour s'occuper notamment de l'iPhone, est sorti par la petite porte un an plus tard (lire : iPhone : Mark Papermaster a quitté Apple). Personnage important dans le monde de la distribution, John Browett ne s’est occupé des Apple Store que six mois, juste le temps de semer la zizanie en interne et de partir sans aucun mot de la part de Tim Cook (lire : John Browett : l’éjection d’Apple a été une leçon d’humilité). Espérons concernant Kevin Lynch qu’Apple ne s’est pas trompée cette fois-ci.
De loin, une telle polémique peut paraitre surprenante. Même si tout n’a pas toujours été rose entre Apple et Adobe, beaucoup d’employés même à haut niveau ont travaillé pour ces deux entreprises. C’est le cas de Phil Schiller en quelque sorte, qui avant de rejoindre Apple, a travaillé pour Macromedia, société qui est tombée dans l’escarcelle d’Adobe en 2005.
L’ambassadeur de Flash sur iPhone
Cette embauche n’aurait sans doute pas fait l’objet d’autant de critiques si l’affaire Flash n’avait pas eu lieu. Dans la bataille qui a opposé pendant des mois Adobe à Apple, Lynch était en première ligne sur le plan médiatique comme on peut le voir dans ce spot parodique réalisé par Adobe.
À plusieurs reprises, l’homme s’en était pris assez violemment à Apple. Estimant par exemple lors de la Web 2.0 Expo en 2010 que Steve Jobs était devenu le Big Brother de nos temps (lire : Apple-Adobe : 1984, mais à l’envers). L’objet de son courroux à l’époque était la clause 3.3.1, qui empêchait les éditeurs d’utiliser d’autres outils que ceux d’Apple pour concevoir des applications iOS. Apple a fini par faire marche arrière sur ce point permettant aux utilisateurs d’Adobe de compiler des apps iPhone à partir de Flash. Et d’ailleurs, sur ce point précis, on ne peut que donner raison à Lynch.
Mais l’épisode Flash, Kevin Lynch le traîne comme un boulet. Pour certains, à commencer par John Gruber, il s’agirait d’un mauvais choix pour Apple. Il n’aurait tout simplement pas la carrure pour occuper le poste de vice president of Technologies, sous la houlette de Bob Mansfield.
Apple, entreprise de niveau "A" se doit de recruter à ses hauts-postes des talents, des "A+" comme Steve Jobs aimait à le dire. Ce dernier n’avait qu’une crainte qu’Apple recrute massivement des personnes de "moindre talent". Jobs avait une expression pour cela "the bozo explosion".
Parole à la défense
D’autres ne partagent pas cet avis concernant Kevin Lynch. C’est le cas de Michael Mace. Ce consultant qui a travaillé par moment pour Adobe et qui a eu l'opportunité de croiser Kevin Lynch, a un avis bien différent sur la question.
Il rappelle qu’Adobe est, quoi qu’on en dise, une société, qui a réalisé des choses extrêmement intéressantes tout au long de son histoire, à commencer le langage PostScript au début des années 80. Celui-ci aurait pu devenir universel si l’éditeur avait pris les bonnes décisions. Le problème avec Flash, tout comme ce fut le cas avec PostScript, est avant tout d'ordre stratégique.
Macromedia avait passé un accord avec l'opérateur japonais NTT DoCoMo pour qu'il équipe ses téléphones de Flash. En échange, l’éditeur touchait plusieurs millions de dollars. Mace explique que Macromedia et Adobe ont très vite apprécié cette source de revenus qui tombait sans trop d’efforts et qu'ils ont décidé de faire de même avec les autres acteurs dans le monde de la téléphonie mobile.
Pour lui, l’erreur majeure d’Adobe vient de là. Il n’est pas possible d’établir un standard et en même temps de maximiser les profits qui en découlent. Il qualifie la décision d’Adobe de stupide et d’arrogante. Dès lors, la bataille de Flash était déjà perdue. À cette époque, l’iPhone n’était alors qu’un marronnier pour la presse spécialisée.
Et pour Michael Mace, Kevin Lynch n’avait rien à voir avec cette décision. Adobe par la suite a loupé de nombreuses opportunités pour se relancer dans ce domaine. L’homme va jusqu’à faire un parallèle un peu osé avec Xerox incapable d’exploiter le potentiel du Xerox PARC, citant notamment Adobe AIR ainsi que les efforts d’Adobe autour du livre électronique.
Mais là encore, Kevin Lynch n’y était pour rien. Il n’a fait qu’agir par la suite comme un "bon petit soldat" pour défendre les intérêts de son employeur, mais il n’était en aucun cas lié à ces décisions.
Le plus grand reproche qu’on pourrait lui faire à l'extrême rigueur, c’est d’être resté si longtemps dans une entreprise qui mettait beaucoup plus d’énergie à soigner ses résultats trimestriels qu’à bâtir une stratégie sur le long terme.
Concernant son embauche chez Apple, tout dépend du rôle qu’il va occuper, explique en substance Michael Mace. Si Apple l’a embauché à des fins marketing ou pour mettre en place une stratégie commerciale, alors là oui, il y a du souci à se faire. Toutefois le fait qu'il soit placé sous les ordres de Bob Mansfield, technicien pur jus, rend ce scénario peu plausible.
Pour Michael Mace, Kevin Lynch a très probablement été embauché en tant que "spécialiste de la technologie". C’est ce qu’indique son titre en tout cas. Et dans ce rôle, l’ancien d’Adobe est une personne extrêmement brillante et avec laquelle il est aisé de travailler. On l’a vu encore dernièrement, ce point peut avoir son importance. Et dans cette optique, Mace estime qu’il peut apporter beaucoup à Apple.
Une nouvelle manière de recruter ?
Le point le plus intéressant peut-être dans cette affaire, c’est qu’Apple paraît changer sa manière de recruter. Longtemps, elle a privilégié les promotions en interne. En attestent toutes les promotions effectuées par Tim Cook lors de sa prise de pouvoir.
Mais il semble qu’Apple ressente également le besoin d’apporter un peu de sang neuf. Alors qu’il y a un ou deux excellents prétendants en interne au poste de responsable des Apple Store, la firme de Cupertino semble insister pour prendre quelqu’un de l'extérieur.
Cependant on rappellera que les dernières embauches de pointures se sont toutes soldées par des échecs. Mark Papermaster que la Pomme a eu toutes les difficultés du monde à arracher à IBM pour s'occuper notamment de l'iPhone, est sorti par la petite porte un an plus tard (lire : iPhone : Mark Papermaster a quitté Apple). Personnage important dans le monde de la distribution, John Browett ne s’est occupé des Apple Store que six mois, juste le temps de semer la zizanie en interne et de partir sans aucun mot de la part de Tim Cook (lire : John Browett : l’éjection d’Apple a été une leçon d’humilité). Espérons concernant Kevin Lynch qu’Apple ne s’est pas trompée cette fois-ci.