Tim Cook s'est livré à l'exercice assez peu pratiqué chez Apple d'une longue interview. Businessweek a interrogé le PDG qui a parlé de sa première année à ce poste, de son mode de direction et a révélé qu'une relocalisation aux Etats-unis allait être effectuée pour la production de Mac.
L'Apple de Tim Cook
« Apple a changé tous les jours depuis que je suis ici » répond Tim Cook à la question de savoir comment a évolué Apple depuis la disparition de son cofondateur en octobre 2011. Mais l'essentiel, l'ADN est toujours le même « Ce qui nous fait vivre, c'est cette application scrupuleuse à fabriquer les meilleurs produits au monde. Pas de bons produits ou beaucoup de produits, mais véritablement les meilleurs produits ». Des produits conçus pour « enrichir la vie des gens ». Une obsession dont Cook n'entend pas éloigner Apple « Je ne laisserai personne changer cela, car c'est ce qui rend la société si particulière ».
Apple se veut aussi plus transparente sur certains sujets « Nous avons avancé sur des domaines où nous pensons que nous pouvons apporter quelque chose d'important, des choses sur lesquelles nous voulons que les gens nous imitent ».
Il cite plus loin la politique de don d'Apple à des organisations caritatives qui s'associe à celle de ses salariés (lire Apple : le "Matching Gift" s'ouvre à plus d'employés) ; les rapports sur les conditions de travail chez ses sous-traitants « Nous voulons être aussi innovants vis-à-vis de nos fournisseurs que nous le sommes avec nos produits. La barre est placée très haut. Plus nous sommes transparents, plus les choses sont présentes dans l'espace public, plus c'est dans l'espace public, plus les autres entreprises décident de faire quelque chose de similaire. Et si plus de monde suit cet exemple, meilleures deviennent les choses » (lire aussi Samsung : nouvelles critiques sur ses usines chinoises et Samsung s'intéresse aux conditions de travail de ses sous-traitants chinois ).
D'un côté Apple se doit de garder un secret absolu sur ses produits et projets, mais de l'autre elle doit être complètement transparente pour faire avancer les choses, estime Tim Cook.
CEO
Ses nouvelles responsabilités ont fait sortir Tim Cook de l'ombre de Steve Jobs, une situation qui contraste avec son peu de goût pour la lumière et qui l'a pris au dépourvu, un décalage qu'il ressent encore « Je ne me sens pas célèbre. Vous savez, je mène une vie simple. Ma vie est incroyablement simple. Mais ce qui a changé, c'est que, oui, les gens me reconnaissent. Ils peuvent penser "Je l'ai vu avant. Vous savez, le PDG d'Apple" ou autre chose […] J'aime profondément Apple, et ce sont les meilleurs moments de ma vie. Évidemment, si je pouvais changer les choses, Steve serait encore ici. C'était un ami très cher avant d'être un patron. Mais j'aime être PDG d'Apple. J'adore ça. C'est juste une situation à laquelle je dois encore m'adapter et je m'y emploie. Si vous avez des idées sur la façon dont je peux m'y prendre pour mieux le faire, je serais ravi de les connaître (rires) ».
Se juge-t-il "timide" ? Non répond-il, surtout pas au vu de ses responsabilités et des obligations qu'elles entrainent (comme les keynotes) « Je ne suis pas quelqu'un à qui importe le fait d'être reconnu. Ce n'est pas ça qui me fait avancer. Je suis animé par la qualité du travail réalisé, par le fait de voir des gens réaliser des choses incroyables et participer à cela ».
Il observe ensuite amusé le contraste entre son poste de PDG de l'une des plus grandes sociétés au monde et la nature des échanges qu'il a avec des clients « Je reçois des e-mails toute la journée, des centaines, des milliers de clients par jour qui parlent comme vous et moi nous parlons maintenant, presque comme si j'étais passé chez eux et que l'on était en train de dîner. J'ai reçu un e-mail justement aujourd'hui d'un client qui a pu parler avec FaceTime à sa mère qui vit à des milliers de kilomètres de distance et qui souffre d'un cancer, et ils ne pouvaient pas se voir autrement. Le fait est qu'il s'agit de quelque chose qui compte tellement pour eux qu'ils [les clients] vont prendre le temps de l'écrire. Ce n'est pas le genre de lettre que vous vous attendez à voir envoyée à un PDG. C'est un privilège ».
Il rappelle son premier jour chez Apple il y a une quinzaine d'années où pour entrer dans le bâtiment il dû traverser un groupe de gens venus manifester après la décision de Steve Jobs de stopper le Newton « Je m'en rappelle comme si c'était hier, je me suis dit que c'était stupéfiant 'Oh mon dieu, je change de vie' ». Pour l'expliquer il dresse un parallèle avec des sociétés comme Compaq ou Dell où lorsqu'un client est mécontent d'un produit, il change simplement de marque. « C'est de l'ordre de la transaction, il n'y aucune émotion » , à l'inverse de ces clients qui lui écrivent directement.
« Dans l'une des entreprises où j'ai travaillé, nous mettions les nouveaux produits en exposition à l'entrée. On prévenait les employés pour leur dire de venir les voir. Et personne ne venait. Ils s'en fichaient complètement » (Cook a notamment travaillé chez IBM puis Compaq avant d'être embauché par Steve Jobs à son retour chez Apple, ndr).
Il revient sur ces milliers de mail reçus de clients et de la réaction de ses pairs, PDG eux aussi « Ils me regardent comme si j'avais trois têtes. C'est un privilège. C'est comme d'être assis à la table de la cuisine. Vous faites partie de leur famille. Et nous devons veiller à continuer de respecter cela ».
Il relativise ensuite certaines descriptions faites de lui : premier arrivé, dernier parti, jeunesse assez classique, jamais de choses véritablement négatives « Je crois que lorsque vous commencez à lire des choses à votre propos, c'est presque comme une caricature. Je dirai que le portait qui est fait ressemble à celui d'un robot. Il y a peut-être de bonnes choses là-dedans (rires). La discipline est un terme qui me vient à l'esprit. Mais cela sonne comme dépourvu d'émotions. Les gens qui me connaissent ne diraient pas cela ».
Sur le fait qu'il est décrit comme manquant d'une culture orientée produits, il répond qu'il n'hésite pas, lorsque le besoin s'en fait sentir, à s'appuyer sur d'autres compétences que les siennes, qui ne manquent pas autour de lui. Et quand bien même il aurait l'autorité nécessaire sur certains sujets, il est arrivé que des apports extérieurs améliorent le produit ou la décision. « Je m'appuie sur beaucoup de personnes pour plein de choses différentes ».
Il loue aussi l'importance de l'intuition dans le processus décisionnel, qui au bout du compte, après avoir amassé quantité d'informations et de données, est ce qui va définir votre choix.
Marche forcée
Tim Cook réitère la philosophie d'Apple qui se veut économe dans le nombre de produits qu'elle lance et dont la motivation serait avant tout d'apporter quelque chose d'utile et de positif aux gens, avant toute considération financière. Cette dernière n'étant qu'une conséquence du succès des produits choisis et créés.
« Nous avons de la chance. Nous sommes présents en ce moment dans deux marchés qui sont vastes et connaissent une très forte croissance, celui du téléphone et celui de la tablette. Le secteur du PC est également important, mais le marché lui-même n'est pas en croissance. Cependant, notre part dans celui-ci est relativement faible, de sorte que cela nous laisse encore beaucoup de marge de progression. »
Est-ce que la pression sur Apple et ses équipes à qui l'on demande sans cesse une nouvelle révolution est pesante, demande ensuite le journaliste. A cela Tim Cook répond que la pression la plus forte vient en réalité de l'intérieur d'Apple « Nos clients placent la barre incroyablement haute, mais nous la mettons encore plus haute pour nous-mêmes. Les gens sont toujours en train de dire ce que nous devrions faire et quand. Mais honnêtement, nous sommes davantage poussés par des gens en interne qui veulent faire des choses incroyables ».
Pour Cook, l'innovation et la créativité ne se décrètent pas dans une entreprise (lire : Tony Fadell : Apple et l'esprit start-up). Il s'amuse de celles qui ont dans leurs rangs un Vice-Président de l'innovation ou une division dont c'est la fonction « Tout le monde dans notre entreprise a la responsabilité de faire preuve d'innovation. Qu'il ait un rôle opérationnel, de création de produit ou de service à la clientèle. Donc, en terme de pression, chacun de nous participe à la mettre sur les autres. Et oui, une partie de mon travail consiste à encourager cela, et amener les gens à s'arrêter un instant et à réfléchir à tout ce qui a été fait ».
Il met alors en perspective le peu d'employés d'Apple d'un côté avec les produits lancés ces deux derniers mois de l'autre côté : iPhone 5, nouveaux iPod, iPad 4, iPad mini, MacBook Pro 13" Retina, iMac. « Ce n'est pas comme si nous avions beaucoup de monde. En réalité, c'est ça le secret. Vous savez, les petites équipes font des choses incroyables entre elles ».
Citant les renouvellements complets ou quasi complets de gammes de produits survenus l'espace d'une annonce (iPod, iPad) il fait remarquer « 80% de notre chiffre d'affaires provient de produits qui n'existaient pas il y a 60 jours. Quelle autre société pourrait faire cela ? »
Réorganisation
Abordant les changements survenus à la direction d'Apple et l'éviction de Scott Forstall (lire Apple : Tim Cook fait sa révolution), le PDG d'Apple cite d'abord un facteur essentiel à ses yeux pour soutenir un esprit d'innovation : la collaboration des équipes. Une chose à laquelle croyait fortement aussi Steve Jobs, dit-il.
Il ne prononce jamais le nom de Scott Forstall (ni de John Browett, éphémère patron des Apple Store), mais on peut deviner en creux ce qui était reproché au premier, lorsque Tim Cook explique qu'il veut amener « la collaboration entre les équipes à un tout autre niveau » que celui qui existait.
Il parle des services qui ont tous été rassemblés sous la direction d'Eddy Cue à qui il tresse des lauriers pour son parcours et ses compétences.
Puis il rappelle une force d'Apple, celle d'une relation étroite entre le matériel et le logiciel. Un aspect qui visiblement n'était pas suffisamment développé jusque-là alors qu'iOS était du ressort de Forstall « Jony [Ive], dont le bon goût et les compétences en design n'ont pas d'équivalent, est désormais responsable de l'interface utilisateur. Regardez nos produits. (Cook prend son iPhone.) Le visage de cet appareil est son logiciel, n'est-ce pas ? Et le visage de cet iPad est le logiciel. Jony a fait un travail remarquable en tant que responsable du design de nos matériels, alors confions-lui aussi la responsabilité du logiciel et de son look and feel, pas de ses fondations et son architecture, mais le look and feel. ».
Il parle de Bob Mansfield qui a récupéré et rassemblé des équipes spécialisées dans le sans-fil et qui s'étaient développées très vite et en désordre, ainsi que la charge des processeurs « Nous avons des idées très sympas et des projets très ambitieux dans ce domaine ». Un Mansfield décrit comme hors-norme pour ses qualités de responsable d'équipes spécialisées en ingénierie.
Parlant de Craig Federighi qui s'occupait d'OS X et a récupéré iOS, il le qualifie « d'incroyable » et réitère la position d'Apple qui n'entend pas fusionner OS X et iOS, mais améliorer leurs interactions « Les clients veulent qu'iOS et Mac OS X fonctionnent ensemble de manière fluide, pas qu'ils soient la même chose, mais qu'ils travaillent de façon transparente ». Il était donc logique pour Cook que Federighi qui avait la main sur les fondations d'OS X s'occupe aussi de celles d'iOS.
Cook réaffirme ensuite cette volonté de renforcer ces collaborations entre équipes et de rationaliser les efforts, pas un mot pour Forstall.
Jonathan Ive
Steve Jobs et Jonathan Ive étaient extrêmement proches, quelle est la relation entre le nouveau PDG et le patron du design, s'enquiert le journaliste.
« J'aime beaucoup Jony. C'est un gars incroyable, et j'ai un énorme respect pour lui. Qu'est-ce qui nous rapproche ? Nous aimons tous les deux Apple. Nous voulons tous les deux qu'Apple fasse des choses incroyables. Nous adhérons aux mêmes principes. Nous croyons en la simplicité, pas dans la complexité. Nous croyons dans la collaboration. Nous considérons tous les deux qu'Apple est là pour faire les meilleurs produits du monde. Donc nos valeurs sont les mêmes ».
Cook réfute l'idée qu'il faille que les gens d'Apple, au sommet comme dans ses rangs, entrent dans une sorte de moule pour tous se ressembler. Il vante les mérites de la diversité, de profils et de styles différents. En somme, Ive a son style, Cook en a un autre mais ce n'est pas un handicap, au contraire.
Certains de ses propos laissent à penser aussi qu'ils décrivent une situation qui existait il y a peu de temps encore. Ou des événements malheureux qui se sont produits. Et que la nouvelle organisation qu'il a mise en place et le choix des gens pour l'entourer sont censés prévenir.
« Ce qui nous unit tous, c'est que nous sommes rassemblés par des valeurs. Nous voulons faire ce qui est bien. Nous voulons être honnêtes et francs. Nous admettons lorsque nous avons tort et nous avons le courage de changer ».
« Et il ne peut pas y avoir de jeux politiques. Je méprise cela. Il n'y a pas de place pour ça dans une entreprise. La vie est trop courte pour que je m'occupe de ce genre de choses. Pas de bureaucratie. Nous voulons une entreprise qui bouge vite, soit agile où il n'y a pas de politique et de desseins cachés. » (lire aussi L'affaire Plans a eu raison de Scott Forstall & Tony Fadell solde ses comptes avec Scott Forstall)
« Quand vous faites cela, les choses deviennent assez simples. Vous n'avez pas toutes ces distractions. Vous n'avez pas toutes ces choses dont les entreprises en général s'inquiètent. Vous n'avez pas ces différents silos où tout le monde essaie d'optimiser le sien et de l'agrandir aux dépens des autres. Cela rend l'ensemble de notre travail plus facile et nous pouvons nous concentrer pleinement sur les choses qui comptent vraiment ».
Les réunions hebdomadaires
Ce sont des rendez-vous connus d'Apple qui existaient déjà avec Steve Jobs et qui ont été maintenus. Ces réunions hebdomadaires entre responsable de la direction et des équipes. Tim Cook en parle à nouveau lorsqu'on lui demande comment se prennent les décisions autour des produits.
Il explique d'abord qu'il s'agit de pouvoir recueillir potentiellement les idées des 80 000 personnes que compte Apple. Ce ne sont pas 4 ou 5 personnes qui sont seules habilitées à proposer des choses. Mais la direction ensuite doit évaluer, trier, sélectionner et faire avancer ce qui a été retenu.
« Nous avons une réunion de l'équipe de direction qui se tient tous les lundis à 9 h. Nous y assistons tous religieusement. Nous passons quatre heures ensemble. Nous parlons de tout ce qui est important dans l'entreprise. Nous passons en revue tous les produits qui sont disponibles, pour voir comment vont les choses ».
« Nous parlons de chaque futur produit, pour voir où l'on en est, ce que font les équipes, les principaux problèmes. On peut aussi débattre et argumenter sur des questions d'actualité. On peut se dire que sur certains sujets il faut vraiment qu'on prenne du recul et qu'on aille en discuter ailleurs plus tranquillement pour envisager les choses sous un nouvel angle ».
« En conservant ce rythme, en étant studieux - personne ne va et ne vient pendant ces réunions, et personne ne délègue - cela permet à la société de fonctionner d'une manière plus fluide. Vous n'êtes pas déconnecté parce que vous vous retrouvez régulièrement ».
« Ca c'est une première chose. Un autre exemple : chaque mercredi nous nous réunissons avec les divisions produits. Ainsi, un sous-ensemble [de l'équipe de direction] se réunira avec la division Mac et passera plusieurs heures sur le sujet. Le mercredi suivant, nous allons passer plusieurs heures sur l'iPhone, et ainsi de suite. Vous avez des réunions de ce genre pas seulement pour vous, bien qu'elles vous soient essentielles, mais parce que cela aide la société à aller de l'avant ».
Apple et ses concurrents
À la question de savoir ce qui différencie Apple de Samsung, Microsoft ou Amazon, Tim Cook rappelle l'importance de l'intégration des matériels, logiciels et services. Il voit Android comme un équivalent à Windows, l'OS est fait par l'un, son intégration à un appareil par un autre et un troisième acteur peut-être s'occupera des services « Je pense que l'on sait à quel genre d'expérience cela conduit pour le client ».
Il en veut pour preuve l'étude parue récemment qui montrait lors du Black Friday une utilisation de l'iPad et de l'iPhone pour commander sur Internet inversement proportionnelle à leurs parts de marché (lire États-Unis : l'iPhone et l'iPad ont fait beaucoup de shopping).
Il en déduit que cela traduit une utilisation plus soutenue de l'iPad face aux nombreuses tablettes concurrentes et par conséquent que l'iPad propose une meilleure expérience utilisateur. « Et donc l'avantage pour nous d'avoir une certaine concurrence est que plus il y a de produits sur le marché, plus cela va générer de l'attention pour leur catégorie et plus il y a d'intérêt pour cette catégorie, plus les gens vont réfléchir à leur achat. Je pense que c'est plutôt bon pour nous ».
Tim Cook dit avoir essayé les Galaxy Tab, Surface et autres tablettes, et il en revient à ce leitmotiv voulant qu'un OS doive être optimisé pour une tablette, plutôt que de proposer plusieurs interfaces. « Je n'ai aucun doute sur le fait qu'il va s'en vendre. C'est déjà le cas et ça le sera aussi à l'avenir. Mais ce que je crois fermement, c'est que beaucoup de gens qui vont les acheter seront d'abord heureux de les avoir eus à un bon prix. Mais une fois chez eux ils vont commencer à les utiliser, et leur satisfaction va s'envoler. Cette bonne impression aura disparu. Et ces gens ne referont pas deux fois le même achat ».
Il n'y a pas de raison qu'un très bon produit soit un produit onéreux, poursuit-il, il s'agit d'avoir un prix juste. Il rappelle qu'Apple s'est tenue à l'écart de la mode maintenant disparue des netbook aux prix plancher. L'occasion de marteler que son approche n'est pas de définir d'abord un prix et de voir que ce l'on peut lui associer comme produit, mais l'inverse : penser produit d'abord, le faire selon ses exigences et voir ensuite où l'on arrive en terme de tarif.
Plans
Le cas de Plans est ensuite venu dans l'entretien, sur les raisons d'abord qui ont motivé sa naissance et la gestion de son lancement raté.
« La raison pour laquelle nous avons fait Plans est que nous avons regardé l'application et nous nous sommes dit "Qu'est-ce que le client veut ? Qu'est-ce qui serait génial pour le client ?". Nous voulions offrir au consommateur la navigation turn by turn. Nous voulions offrir au consommateur le guidage vocal. Nous voulions offrir au consommateur Flyover. Et donc nous avions une liste de choses que nous pensions géniales pour l'expérience utilisateur, et nous n'avions aucun autre moyen de le faire que par nous-mêmes. [...] Donc il ne s'agissait pas de dire "stratégiquement il est important que nous ne travaillions pas avec l'entreprise X" » (lire aussi Plans : la fonction GPS au cœur de la dispute Apple Google).
Quant à la qualité de Plans sur iOS 6, Tim Cook reconnait sans peine — comme il l'avait fait en publiant une lettre publique d'excuses — qu'Apple « a merdé ». « Nous avons cherché à donner au client quelque chose qui lui offre une meilleure expérience. Et la vérité est que cela n'a pas été à la hauteur de nos attentes. Nous avons merdé ».
Samsung
Cook répète sa détestation des procès, mais insiste sur le fait qu'Apple n'avait plus d'autre choix que d'en passer par là pour défendre sa propriété intellectuelle.
La relation quelque peu schizophrénique entre Apple et Samsung n'est toutefois pas un élément nouveau. D'abord, Cook explique que Samsung est un énorme groupe « On est parfaitement capable de considérer différemment chacune de leurs divisions, c'est de cette manière que j'essaie de voir les choses ». En somme, il pourra y avoir un contentieux avec la division mobile, mais des relations meilleures avec la division processeurs.
Puis il rappelle qu'Apple travaille depuis des années avec Microsoft et Intel, qui chacun de leur côté sont aussi ses concurrents sur des marchés importants. L'aspect judiciaire fait toutefois que les choses sont différentes s'agissant de Samsung. Le PDG d'Apple se contente d'espérer qu'elles s'arrangeront avec le temps.
Foxconn
Cook parle de Terry Gou, le patron de Foxconn comme quelqu'un de réceptif aux questions des conditions de travail (Apple comptant parmi ses gros clients, le contraire étonnerait ceci étant dit, ndlr). Il fait ensuite la liste des efforts déployés pour améliorer les choses, auditer les usines, parle de deux millions d'employés qui ont reçu une formation, etc. Et d'inviter les autres entreprises à imiter Apple dans le domaine.
Des employés d'Apple sont aussi présents quotidiennement chez Foxconn puisqu'il s'agit de suivre la production au plus près. Apple ne peut être au courant d'absolument tout ce qui se passe mais elle en a une connaissance assez fine.
Made in USA
« On ne sait pas toujours que les processeurs des iPhone et l'iPad sont fabriqués aux États-Unis, et beaucoup d'entre eux sont également exportés. Le verre est fabriqué dans le Kentucky. Et l'année prochaine, nous allons apporter un peu de production aux États-Unis sur le Mac. »
« Nous avons travaillé sur cette question depuis longtemps, et nous touchons au but. Cela se fera en 2013. Nous en sommes très fiers. Nous aurions pu aller plus vite en faisant simplement l'assemblage, mais nous voulions quelque chose de plus significatif. Donc, nous allons littéralement investir plus de 100 millions de dollars (76 millions d'euros). Cela ne signifie pas que Apple va faire tout toute seule, mais nous allons travailler avec des gens, et nous allons investir notre argent » (lire aussi Foxconn va développer sa production sur le sol américain).
Tim Cook parle ensuite de la responsabilité d'Apple dans la création d'emploi sur le sol américain, mais aussi à l'étranger. Pas « un certain type d'emplois », mais « des emplois ». Une attitude qu'il étend aux questions écologiques, au fait qu'il est important de savoir rendre une partie de ce que l'on a reçu. Il cite plusieurs fois dans l'entretien une phrase de Kennedy « à ceux qui ont beaucoup reçu, il sera beaucoup demandé. »
« Nous consacrons beaucoup d'énergie à l'éducation. Nous avons créé iBooks Author et l'avons donné gratuitement. Nous avons voulu réinventer le manuel, réinventer la salle de classe et nous engager sur un très long chemin pour améliorer l'implication des élèves. Ça ne résout pas tous les problèmes en matière d'éducation, mais cela en résout un de très important »
S'agissant de ces emplois américains, Cook donne sa vision des choses sur la contribution que peut amener une entreprise comme Apple de manière plus générale « Je n'ai jamais pensé que la mesure pour une entreprise en matière de création d'emploi devait être le nombre de ses employés. C'est une vision dépassée des choses. Notre plate-forme iOS permet aux développeurs de travailler en tant qu'entrepreneurs et de vendre leurs applications sur un marché mondial qui n'existait pas auparavant. L'industrie du logiciel mobile était balbutiante avant l'iPhone. Maintenant vous avez des centaines de milliers de développeurs partout ».
Il parle aussi du nouveau campus qui réunira toute la R&D d'Apple, des trois data centers en construction en plus de celui de Maiden et d'autres installations au Nevada et dans l'Oregon.
« Les emplois peuvent prendre de nombreuses formes. Je pense que si vous considérez les choses de façon juste, nous avons créé environ 600 000 emplois aux États-Unis. Ils ne travaillent pas tous pour Apple. Nous faisons partie d'une économie mondiale. Plus de 60% de nos ventes sont réalisées hors des États-Unis. Donc, nous avons une responsabilité envers les autres aussi. Mais c'est notre marché domestique, et je prends toutes ces choses très au sérieux : emploi, éducation, partage et environnement ».
Steve Jobs
Évoquant Steve Jobs, il souligne à quel point l'homme pouvait instantanément changer d'avis à propos d'un sujet. Une qualité néanmoins à ses yeux « Tellement de gens, je pense en particulier aux PDG et aux cadres supérieurs, sont à ce point enfermés dans leurs idées, qu'ils refusent ou n'ont pas le courage d'admettre qu'ils ont eu tort. Peut-être que l'une des qualités les plus sous-estimées de Steve Jobs était qu'il avait le courage de changer d'opinion. Et vous savez, c'est un talent. C'est un talent. »
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