China Labor Watch a publié un nouveau rapport sur les conditions de travail dans cinq usines travaillant pour Samsung, dont quatre qui lui appartiennent. L'ONG qui a mené son enquête entre octobre et novembre auprès d'un petit nombre d'employés fait état d'infractions persistantes de certaines réglementations et met en doute la capacité à Samsung à corriger les abus les plus notables, sauf à changer sa méthode d'évaluation.
L'ONG doute de la pertinence à procéder par des audits qu'elle juge peu fiables. Elle suggère d'instaurer des moyens de communication directs avec ces employés, soit par des groupes les représentant soit par des hotlines. Un deuxième point que Samsung a d'ailleurs souhaité voir se développer.
Le groupe sud-coréen a en effet publié hier un rapport d'étape sur les audits conduits auprès de nombreux sous-traitants chinois et précisé les changements qu'il attendait d'eux. En conclusion de son communiqué, le groupe se flattait de ne pas se reposer uniquement sur la sous-traitance et de disposer de ses propres usines. A l'écouter, Samsung y avait une gestion du personnel de tout premier ordre au niveau international (lire Samsung s'intéresse aux conditions de travail de ses sous-traitants chinois).
China Labor Watch (CLW) apporte un éclairage différent sur cette affirmation au vu des entretiens menés avec une petite vingtaine de personnes travaillant dans quatre usines propriété de Samsung : Tianjin Samsung Electronics Co (TSEC), Tianjin Samsung Mobile Display Co (TSMD), Tianjin Samsung Communications Technology Co. (TSCT) et Tianjin Samsung Opto-Electronics Co (TSOE).
Ses critiques font écho à celles précédemment formulées pour les sous-traitants du groupe sud-coréen. Comme la discrimination à l'embauche, dès lors que sont préférés des profils de jeunes femmes de 16 à 24 ans (Samsung a affirmé vouloir corriger ce point, mais en ne parlant que de ses sous-traitants et pas de ses usines). Les salariés embauchés directement par l'usine le sont sur une base de deux ans avec trois mois d'essai, mais leur contrat reste vierge sur sa durée effective, les indemnités prévues et la nature du poste.
Le personnel envoyé par les agences de travail temporaire ou par des sociétés de recrutement extérieures à Samsung, arrive - en général - sans copie du contrat de travail dont seule l'agence possède un exemplaire. Ces salariés doivent également s'acquitter de 16 à 80$ de frais pour la prestation fournie.
Cette catégorie de personnel ne deviendra employée à part entière par Samsung qu'au bout de 15 mois (période d'essai de trois mois comprise). CLW a observé que sur les cinq types d'assurance sociale que Samsung devrait légalement proposer à ces salariés, deux seulement le sont. Il leur faudra attendre cette période de 15 mois pour bénéficier des trois autres ainsi que d'une aide au logement.
Sur ces quatre usines de Samsung, une seule utilise le système des 3x8 pour l'organisation horaire du travail et dans les trois autres, les ouvriers travaillent 12h d'affilée avec une interruption d'une heure pour se restaurer. Dans les quatre usines, 2 à 3 jours de repos mensuels peuvent être pris, mais sans garantie qu'ils puissent être ventilés dans le mois.
Une autre critique formulée à l'encontre de ces quatre usines Samsung est l'obligation de travailler debout alors que rien ne le justifie particulièrement dans les tâches à effectuer. Contrairement à ce qui se pratiquait il y a quelques années où la position assise était acceptée. Un changement décidé pour améliorer le rendement. En dépit de cela, des évaluations de performances restent d'actualité, mais bien que les ouvriers travaillent en suivant à la lettre les règles instaurées, il leur est impossible, à de rares exceptions près, de répondre à ces critères de performance.
L'ONG a également étudié les conditions de travail chez Chitwing Mould Industry, l'un des sous-traitants de Samsung (il en compte environ 250 en Chine). Une société spécialisée dans les coques de téléphone qui travaille aussi pour Lenovo, NEC, Olympus ou Valeo, avec 5 000 employés. Elle fabrique les coques du Galaxy Ace pour Samsung
Après des d'entretiens avec 7 employés, responsables de la sécurité et des embauches, il est apparu plusieurs cas de dépassements horaires importants, allant jusqu'à 220h par mois ces derniers temps. Les journées sont au minimum de 12h avec deux demi-heures de pause pour déjeuner. Ces journées de 12h sont devenues 14, 15 voire 16h avec à la clef de rares journées de repos.
Photos fournies par un employé rencontré par China Labor Watch
Un agent de sécurité raconte que consigne leur avait été donnée de ne pas brusquer ces ouvriers du fait de leur état de fatigue et d'une possible fragilité émotionnelle.
D'autres critiques pointent des pénalités financières appliquées sur les salaires, même lors d'absences pour des raisons de santé. L'été dernier, 200 étudiants furent employés avec des charges horaires identiques à celles des salariés, mais sans que les heures supplémentaires ne leur soient payées. Deux salariés affirment également qu'aucun audit n'a été mené par aucun des clients de cette usine et que le syndicat censé les représenter (et qui semble exister) ne s'est jamais manifesté.
China Labor Watch réitère donc ses critiques formulées en septembre dernier sur la manière dont Samsung gère ses sous-traitants mais aussi ses propres usines : sur les dépassements horaires, le recours excessif à du travail temporaire, à de la main-d'oeuvre estudiantine, au travail de mineurs (démenti par Samsung mais avec des mesures annoncées pour l'empêcher), à des salaires jugés trop faibles et des cas de discrimination.
Apple avait eu son lot de critiques et d'accusations du fait de sa popularité. Un sort qui attend peut-être aussi Samsung tant le groupe monte en puissance sur un marché de la téléphonie à très forte visibilité.