Vus de l'extérieur et parfois même de l'intérieur, les Mac sont souvent, sinon toujours, parfaits. D'ailleurs, même Apple le dit… Du moins ils semblent l'être, car il peut en aller tout autrement. "Mackie" fut technicien atelier chez un important revendeur Apple pendant 10 ans, de 2001 à 2011. Une situation privilégiée pour observer les machines d'Apple sous un autre angle, celui de leurs petits ou grands pépins et défauts. Voici la suite de ces chroniques estivales sur le "SAV du Mac". Aujourd'hui, le Mac mini.
S'il y a bien une machine étrange dans la gamme d’Apple, c’est ce Mac mini. Une petite boîte qui ne ressemblait à rien de connu dans l’univers Mac. Une machine lancée en janvier 2005 à 499€ et qu'en réalité Steve Jobs n’aurait pas aimée. C’est le conseil d’administration, dit-on, qui est parvenu à l'imposer à son seigneur… Ce petit Mac court sur pattes, et fort d'un design parfois saugrenu, a aussi laissé quelques bons souvenirs en SAV.
499 euros ? Les plus tatillons d’entre vous me diront qu’un Mac mini c’est 599€ premier prix. Eh bien non ! La première fournée sera sur les étals à ce prix plancher, mais comme son nom et son prix le laissaient augurer, au niveau accessoire c’était tout aussi mini… Point de clavier ou de souris, c’est à peine si l'adaptateur DVI-VGA était fourni ! Du positionnement marketing découlait la logique de ce dénuement, puisque la clientèle cible était les switcheurs qui avaient déjà leur clavier, souris et un écran. D'où le propos d'Apple : on s'occupe du Mac et vous apportez le reste ("Bring Your Own Display, Keyboard and Mouse", alias "BYODKM").
De notre côté, dans les SAV, la découverte du mini m'a laissé dubitatif, surtout après avoir lu le manuel de maintenance sur le démontage de la machine. Mais quel esprit tordu de Cupertino avait eu l’idée de proposer un démontage de cette machine avec… une spatule de peintre ?! Ce même individu récidivera l’année suivante avec les premiers MacBook Pro dont le démontage du module-écran demandait aussi l’usage de cette spatule. Ce n'était donc pas un accident, mais une idée assumée.
On ne le sait peut-être pas, mais Apple vendait cette spatule, et comme pour tous les outils de SAV, toujours très cher. La première avait une bonne prise en main et elle n'était pas trop souple, alors que la spatule qui suivit était une vraie spatule, à pas cher… mais chère. Une fois le geste pris, le démontage s'opérait de façon très simple : 3 coups et c'était ouvert. On découvrait alors à l’intérieur toute l’expérience d’Apple acquise avec les portables en matière d'intégration et de miniaturisation.
Le cœur du premier Mac mini était un PowerPC G4 cadencé à 1,25 GHz (ou 1,42 GHz) épaulé par une Radeon 9200 et d'1 Go de RAM au maximum. Mais pour tenir son prix, Apple avait fait quelques concessions. On ne comptait qu'un seul emplacement mémoire, l’AirPort et le Bluetooth étaient en option et le disque dur n'offrait que 40 Go (un espace de stockage déjà très étriqué pour l’époque). La seule vraie faute de goût fut ce bloc d’alimentation externe presque aussi gros que l’ordinateur en lui-même !
À l’époque, on enchaînait les galères techniques sur le matériel Apple : problèmes de condensateurs sur les iMac G5 et les eMac, programme de remplacement des cartes-mères sur l'iBook G3 ou ces capricieux Power Mac G5. Curieusement, avec le petit Twiggy (son nom de code chez Apple) ce fut tout l'inverse : une machine redoutablement fiable. À se demander si l'idée de cette spatule n'est pas venue, forte d'une conviction que cette machine n'aurait jamais, ou presque, à être ouverte.
J’entends par fiable un taux de panne mesuré, c'est-à-dire des réparations en SAV essentiellement dues aux utilisateurs. Par exemple suite à un mauvais démontage (merci encore la spatule), du café renversé… Bien sûr, le Mac mini aura ses propres problèmes, mais de nature très classique : disque dur, lecteur optique, etc.
En 2006, il connaîtra sa première grosse évolution : le passage à l’architecture Intel. Il deviendra alors bien plus intéressant encore pour les bidouilleurs puisqu’il sera possible de presque tout remplacer : lecteur optique, disque dur, mémoire et processeur. Certains s’en donneront à cœur joie. Et sur la fiabilité, une relative monotonie s'installa, cette robustesse était toujours au rendez-vous.
Le mini ne sera pas qu’une curiosité et un appât à switchers. Cette machine excentrique trouvera sa place en entreprise. Je ne compte plus le nombre de mini que je peux voir aujourd'hui assurer des fonctions de station de PAO ou MAO (musique), de station RIP ou de serveur. D’ailleurs, Apple ne s’est pas trompée, si les ventes de Xserve n’ont jamais été importantes, celles de la version serveur du Mini apparue en 2009 seront florissantes. Apple avait toutes les raisons commerciales d’arrêter la vente du Xserve au profit de la petite boîte.
Il faudra attendre quatre ans et juin 2010 pour que soit mis hors d'état de nuire le designer fou responsable de la spatule. Avec à la clef un design "unibody" pour le Mac mini aussi. Le bénéfice immédiat fut un changement de la mémoire possible en quelques gestes, ou plutôt du bout des doigts. Il suffit maintenant de tourner d'un cran le couvercle plastique sous le boîtier.
L’essentiel sera conservé. La machine reste d’une fiabilité exemplaire, sans trop encombrer le bureau malgré l'intégration du bloc d’alimentation (ouf !). Le cas de la spatule réglé, reste toutefois une ou deux autres originalités : des vis qui se vissent sur d’autres vis (vous suivez ?). Pourquoi ces formes étranges pour de simples vis ? Pourquoi aussi ce sachet de 5 vis à 6,50€ HT et hors de frais de port ? De nombreux techniciens se poseront encore des questions pendant des années devant certains côtés farce de cette petite machine.
crédit image : iFixit & André Sterpin.
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