Fortune consacre sa couverture à Tim Cook, avec un article en forme de portrait et de bilan d'étape. Sur ce qui a commencé à changer ou évoluer chez Apple. Détails...
Le portrait, signé Adam Lashinsky, auteur de l'ouvrage Inside Apple (10,99€) sorti le mois dernier, commence par la traditionnelle anecdote. Celle d'une réunion organisée en février dernier par Apple, pour des analystes financiers et investisseurs. Un type de rendez-vous classique dans les grands groupes. La conférence a démarré par une intervention de 45 min du directeur financier Peter Oppenheimer, dans une salle décrite comme décrépie et avec comme collations «trois cookies rassis et deux canettes de Diet Coke». Moins que la frugalité de ce qui était sur les tables, ce qui a le plus surpris les participants, fut l'attitude de Tim Cook arrivé au bout de 20 min :
Il s'est tranquillement assis à l'arrière de la pièce et il a fait quelque chose d'inhabituel pour un CEO d'Apple : Il a écouté. Il n'a pas consulté ses e-mails une seule fois. Il n'a pas coupé la parole.
A l'inverse, un Steve Jobs n'aurait même pas daigné se déplacer pour rencontrer cette petite troupe, préférant déléguer. Un petit changement qui démontre l'intérêt du patron d'Apple pour ce public, et qui s'ajoute à d'autres petites touches déjà apposées depuis sa prise de fonction pleine et entière (lire aussi Comment Tim Cook pose son empreinte sur Apple). Car cette gouvernance se traduirait aussi par toute une série de petites décisions qui sont enfin prises :
Dans certains cas, Cook, prend des mesures qui faisaient cruellement défaut à Apple et que les employés n'avaient de cesse de réclamer. C'est presque comme s'il remontait toute une liste de choses à faire depuis longtemps et que le précédent titulaire du poste, Jobs, se refusait à prendre en compte ou à effectuer, uniquement par entêtement.
L'article se fait aussi l'écho de quelques avis mitigés de la part d'anciens salariés. Un responsable en ingénierie, qui a quitté Apple fin 2011 après y avoir passé 14 ans, entend dire de ses anciens collègues que les réunions un tant soit peu importantes sont remplies de responsables chargés du planning et de la fabrication. Auparavant, les ingénieurs dictaient leur calendrier et disaient ce dont ils avaient besoin, explique-t-il, et c'était à leurs collègues chargés de la planification de s'y conformer. Un autre ingénieur abonde, jugeant que cela ne mène qu'à des contraintes imposées à ceux qui conçoivent les produits, générant des mésententes entre équipes.
Auparavant aussi, Steve Jobs était en quelque sorte le négociateur en chef pour Apple, avec un seul responsable affecté aussi à cette activité, mais travaillant dans l'ombre de son patron omniprésent. Aujourd'hui, ce responsable dirige trois personnes avec d'autres encore, sous leur responsabilité. Une équipe plus dense qui peut mener simultanément plusieurs discussions et négociations avec des partenaires. Adam Lashinsky, pour sa part, relève la part grandissante des diplômés en MBA (fameux diplôme américain de Maîtrise en administration des affaires) dans les effectifs, une proportion qui s'est nettement développée depuis deux ans.
Toutes choses qui feraient qu'Apple, à certains égards, entre dans une certaine normalité. Est-ce qu'il faut dès lors y voir une évolution négative ? Il faut rappeler qu'il est encore bien trop tôt pour voir des produits conçus sous la seule direction de Tim Cook, sans la contribution de son prédécesseur. Les deux derniers produits majeurs ont été l'iPhone 4S et l'iPad, essentiellement des évolutions de ceux existants.
L'article se fait alors l'écho de la rituelle réunion à la mi-avril du "Top 100". Y sont présents des cadres importants d'Apple, mais pas seulement. D'autres, des moins gradés, y sont conviés au vu de leur contribution à l'entreprise. Son contenu est toujours strictement secret, car y sont montrés de futurs produits. D'après des échos entendus par l'auteur, des participants en seraient sortis gonflés à bloc par ce qui leur a été dit, ou montré : «Les gens en sont revenus pleinement confiants dans la direction suivie par l'entreprise», rapporte un témoin.
De retour sur Cook, Lashinsky parle d'une personne avec les pieds sur terre, à l'écoute de ses interlocuteurs, sans manières, attentif aux détails. Un CEO qui déjeune avec certains employés un peu au hasard, là où Jobs privilégiait la compagnie de Jonathan Ive. Au moins sur le comportement, vis-à-vis des autres, c'est un portrait différent de celui que l'on aurait peint de Jobs qui est offert.
Et même si la récente médiation avec Samsung n'a apparemment pas produit d'effets, au moins Cook, à l'inverse de Jobs, a publiquement manifesté une volonté de trouver une sortie de crise. Apple s'est maintenant trouvée un CEO différent, mais qui a retenu la grande leçon, maintes fois répétée, de Jobs selon laquelle il fallait faire peu de choses, mais bien, plutôt que se disperser dans de multiples produits médiocres. L'auteur conclut :
Chez Apple, Jobs a été à la fois vénéré, aimé et craint. Cook est clairement un patron exigeant, mais il n'effraie pas. Il est très respecté, mais pas révéré. Alors qu'Apple entre dans une nouvelle phase complexe de son histoire, peut-être qu'elle n'a pas besoin d'une divinité en tant que CEO, mais d'un simple mortel qui sait comment le travail doit être fait.