À peine Tim Cook faisait-il ses premiers pas de CEO sans la tutelle de Steve Jobs que les médias scrutaient le moindre de ses gestes pour analyser les différences avec son illustre prédécesseur. Mois après mois, Apple modifie ses pratiques par petites touches sous la houlette de son nouveau dirigeant.
S'il a été prématuré de tirer la moindre conclusion dans un premier temps (certains disséquant des détails aussi insignifiants que la couleur du logo Apple en fin de keynote, ou le jeu de mots « résolutionnaire » mis au point pour le nouvel iPad comme étant la preuve que Cook n'est pas à la hauteur), les habitués d'Apple ont pu relever au fil du temps une attitude résolument différente sur certains points. Si l'homme n'a résolument pas le charisme de la bête de scène qu'était Steve Jobs (mais qui peut s'en prévaloir ?), il ne manque pas pour autant d'atouts. Sept mois après sa prise de poste, la méthode Cook se dessine en filigrane.
Charité bien ordonnée
Lors de son retour aux commandes d'Apple en 1997, Steve Jobs a mis fin aux programmes caritatifs de la société, jugeant assez logiquement que le retour aux profits était de première importance. Malgré la très bonne santé économique d'Apple depuis, Jobs n'a jamais relancé les bonnes œuvres d'Apple. Seule entorse à la non-politique caritative d'Apple sous Jobs, les iPod (PRODUCT)red, dont une partie du prix de vente est reversée depuis 2006 au Fonds mondial de lutte contre le SIDA en Afrique. Le chanteur Bono, fondateur de l'initiative, a indiqué en septembre dernier qu'Apple était la plus grosse contributrice du programme, avec des « dizaines de millions de dollars » (lire Jobs : Bono vante la contribution (RED) d'Apple).
À titre personnel, Steve Jobs était lui-même très discret sur ce point, par ailleurs il refusait systématiquement toutes les sollicitations. À en croire son biographe, Jobs avait un rapport assez compliqué à l'argent : évitant tous les signes ostensibles de richesse, travaillant pour la beauté de l'art plus que pour l'appât du gain (son salaire de PDG est resté à 1 dollar par an jusqu'au bout), mais néanmoins peiné que le conseil d'administration d'Apple ne montre pas plus de gratitude pour son travail par le biais de bonus, sans oublier les quelques épisodes où il n'a pas hésité à spolier ses partenaires sans vergogne.
De fait, si Jobs n'a jamais officiellement fait preuve de philanthropie, rien ne dit pour autant qu'il ne faisait pas bénéficier quiconque de ses largesses en toute discrétion — l'homme avait une conception très arrêtée sur ce qui relevait du domaine privé, et a spontanément fait preuve d'élans de générosité. Quoi qu'il en soit, le secret l'a suivi dans la tombe.
Quelques semaines à peine après que Tim Cook a hérité des pleins pouvoirs, sa première rupture avec l'ancienne direction aura été d'instaurer un plan caritatif : Apple s'est mise à suivre la générosité de ses propres employés, en doublant toutes leurs donations jusqu'à hauteur de 10 000 $ par an et par employé auprès des mêmes organismes. Apple a également participé au financement et à la conception du Stanford University Hospital (lire La Silicon Valley imagine l'hôpital du futur). Lors d'une réunion avec le personnel le mois dernier, Tim Cook a indiqué qu'Apple a participé financièrement à la construction de l'hôpital à hauteur de 50 millions de dollars. À la même occasion, il a déclaré qu'Apple avait reversé le même montant au Fonds mondial de lutte contre le SIDA en Afrique par le biais de son initiative (PRODUCT)red. Certes, cela ne représente qu'une infime partie des 100 milliards de dollars qu'Apple a en banque, mais ce changement de politique n'en est pas moins notable pour autant.
Une méthode différente
Mais Tim Cook n'a pas fait preuve de générosité qu'envers les œuvres caritatives. Il a également permis aux employés d'Apple d'obtenir du matériel de la pomme à un tarif plus préférentiel encore qu'avant : en plus des 25 % de réduction auxquels ils avaient déjà droit, Apple réduit la facture d'un iMac de 500 $, et celle d'un iPad de 250 $.
Les actionnaires ont également droit à des dividendes, qu'ils réclament depuis des années. Steve Jobs, traumatisé par le gouffre financier dans lequel il avait trouvé Apple en 1997, s'était fait fort de constituer un trésor de guerre pour permettre à Apple de survivre en cas de nouvelle disette. Avec ses 100 milliards de dollars, Apple peut survivre sept ans en conservant son actuel train de vie sans gagner le moindre dollar… Steve Jobs a également tenu à snober la bourse, estimant que l'action suivrait naturellement tant qu'Apple faisait du bon travail, et que se préoccuper de l'action pouvait précisément être un frein.
Si les faits lui ont largement donné raison, Tim Cook a pour sa part trouvé une pirouette pour faire d'une pierre deux coups : avec son programme de rachat d'actions et de versement de dividendes, le nouveau CEO d'Apple fait taire les récriminations des actionnaires, tout en maintenant une augmentation du trésor de guerre. Mieux encore, ces deux mesures donnent naturellement une tendance haussière au cours de l'action : en rachetant des actions, Apple les rend plus rares, et les dividendes les rendent plus attractives. De fait, depuis la prise de poste de Tim Cook il y a sept mois, l'action Apple a gagné 59 %. La croissance record de l'action Apple est une véritable performance en soi, sachant que la société est déjà la plus grosse capitalisation boursière au monde depuis une dizaine de jours avant que Jobs ne quitte définitivement la direction d'Apple.
Même du temps où il n'était que directeur général d'Apple, Tim Cook a été la locomotive des efforts d'Apple sur les conditions de travail des ouvriers chinois, et c'est tout naturellement, une fois aux commandes d'Apple, qu'il a infléchi cette tendance, notamment en faisant de sa société la première du monde technologique à imposer un audit indépendant à ses fournisseurs. L'homme a montré son attachement à cette cause en réagissant avec émotion et colère à un article incendiaire du New York Times (lire Sous-traitants d'Apple : Tim Cook répond aux critiques). Il s'est également déplacé en Chine à l'occasion de la publication du rapport de la Fair Labor Association afin d'entériner ses recommandations auprès de Foxconn (lire Foxconn/Apple : détails et réactions sur l'enquête de la FLA).
Le voyage de Cook en lui-même détonne avec les habitudes d'Apple : nombre de cadres d'Apple s'y sont déplacés auparavant sans qu'on n’en entende jamais parler, alors que jour après jour, aucun détail du voyage de Tim Cook ne nous a échappé : sa visite dans un Apple Store, sa rencontre avec le maire de Pékin, celle avec le vice-premier ministre chinois, et enfin sa visite de l'usine de Foxconn, le tout avec photographies officielles à la clef. Une approche qui contraste grandement avec celle de Jobs. Pourtant Tim Cook n'a pas caché qu'il n'avait aucune envie de s'exposer : l'homme a toujours été d'une grande discrétion. Mais en assumant son rôle de visage officiel d'Apple, il s'inscrit dans cette nouvelle politique d'ouverture et de transparence.
La communication d'Apple a également quelque peu évolué sous l'égide de Cook : si la firme de Cupertino observe toujours un temps de silence lorsqu'une polémique enfle à son sujet, elle joue néanmoins plus rapidement les pompiers qu'auparavant. Il faut dire que les médias ne sont guère avares de tempêtes dans un verre d'eau : alors que le nouvel iPad n'est en rayons que depuis deux semaines, les polémiques se sont enchaînées à un rythme soutenu. D'abord sur la température de l'iPad (Apple a publié un communiqué le 20 mars), puis sur la manière dont sa batterie se recharge (Michael Tchao y a répondu le 27 mars). Apple a toutefois snobé la « polémique » du forfait DATA qui plafonne plus vite en 4G.
Apple étant devenue une marque grand public d'importance, elle se doit de prêter une attention particulière aux controverses avant qu'elles ne fassent trop de dégâts sur son image. La firme de Cupertino a pris pour habitude de ne pas corriger le tir trop tôt afin que sa communication ne soit pas noyée dans le flot d'articles qui lui sont consacrés, mais elle est malgré tout plus réactive : en 2010, il lui avait fallu trois semaines pour tenir sa conférence de presse sur l'Antennagate. Elle a manifestement tiré quelques leçons de cet épisode marquant.
Apple travaille également à plus de transparence : si la société a toujours été réputée pour son amour immodéré du secret, une fois devenue la plus grosse société du monde, avoir des choses à cacher est devenu de facto suspect. Elle s'explique plus volontiers sur les motivations de ses choix, et sur les raisons de ses actions. Alors qu'autrefois Steve Jobs pouvait considérer que déflorer ses secrets de fabrique pouvait gâcher la « magie », ou que certains sujets ne devraient pas être dignes d'intérêt pour le public et les médias, de son côté Tim Cook normalise la communication d'Apple : celle-ci correspond mieux à la stature actuelle de la société qui est désormais tenue à plus de responsabilités.
« Nous commençons à faire certaines choses différemment, maintenant »
Un autre des changements les plus manifestes dans la façon de faire d'Apple a eu lieu pour la présentation de Mountain Lion : loin des grand-messes habituelles, Apple a invité des journalistes triés sur le volet et leur a fait une présentation individuelle, et leur a également remis une version bêta en avant-première, une semaine avant l'annonce officielle (lire Mountain Lion : Apple chamboule sa communication). Une façon de faire aux antipodes des habitudes d'Apple, qui n'avait jamais dévoilé ses nouveaux produits à des personnes externes à la société avant d'être prête à les présenter à la face du monde. En 2007, le président d'AT&T avait signé un accord en aveugle avec Apple pour l'iPhone, sans même avoir vu le produit avant le jour de sa présentation officielle.
Par petites touches, Tim Cook fait évoluer Apple là où Jobs pouvait rester campé sur certaines positions de principe. Il faut néanmoins noter que le cœur de métier d'Apple, à savoir la mise au point de produits innovants, n'a manifestement pas bougé d'un iota : seules les relations d'Apple avec son environnement évoluent. En somme, Apple continue de faire ce qu'elle a toujours su faire de mieux à l'identique, et Cook ajuste le tir sur sa communication. Apple est moins arrogante, plus ouverte, et plus à l'écoute. La méthode douce de Cook semble jusqu'ici porter ses fruits : tous les indicateurs de satisfaction sont au beau fixe, tant pour les actionnaires que les clients et les employés d'Apple. Il réussit même à faire mieux que Jobs sur ce dernier plan (lire Tim Cook : l'état de grâce).
Malgré cet abord plus souple et son air affable, Cook n'en cache pas moins un âpre négociateur : c'est à lui qu'Apple doit depuis quelques années les conséquentes économies d'échelle qu'elle a pu réaliser. Si Cook n'est pas caractériel comme Jobs avait pu l'être, il ne s'en laisse pas conter pour autant. Une qualité qui s'est probablement avérée précieuse après la défection de Jobs, qui a vraisemblablement donné le départ d'une opération séduction pour ceux que l'ancien maître des lieux avait pu écarter. Après quatorze ans de règne sans partage, et alors qu'enfin une brèche se dessinait avec ce changement de direction dans une société plus puissante que jamais, on imagine facilement que d'anciennes doléances refusées par Jobs ont dû trouver un souffle nouveau à cette occasion, il aura fallu quelque force d'âme à Cook pour résister à ces sirènes. Les changements drastiques peuvent entraîner de profonds déséquilibres, et le nouveau patron d'Apple a pris son temps pour imposer sa marque, et enfin donner libre cours aux idées et valeurs qui sont les siennes.
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Anti-manuel de la méthode Jobs
S'il a été prématuré de tirer la moindre conclusion dans un premier temps (certains disséquant des détails aussi insignifiants que la couleur du logo Apple en fin de keynote, ou le jeu de mots « résolutionnaire » mis au point pour le nouvel iPad comme étant la preuve que Cook n'est pas à la hauteur), les habitués d'Apple ont pu relever au fil du temps une attitude résolument différente sur certains points. Si l'homme n'a résolument pas le charisme de la bête de scène qu'était Steve Jobs (mais qui peut s'en prévaloir ?), il ne manque pas pour autant d'atouts. Sept mois après sa prise de poste, la méthode Cook se dessine en filigrane.
Charité bien ordonnée
Lors de son retour aux commandes d'Apple en 1997, Steve Jobs a mis fin aux programmes caritatifs de la société, jugeant assez logiquement que le retour aux profits était de première importance. Malgré la très bonne santé économique d'Apple depuis, Jobs n'a jamais relancé les bonnes œuvres d'Apple. Seule entorse à la non-politique caritative d'Apple sous Jobs, les iPod (PRODUCT)red, dont une partie du prix de vente est reversée depuis 2006 au Fonds mondial de lutte contre le SIDA en Afrique. Le chanteur Bono, fondateur de l'initiative, a indiqué en septembre dernier qu'Apple était la plus grosse contributrice du programme, avec des « dizaines de millions de dollars » (lire Jobs : Bono vante la contribution (RED) d'Apple).
À titre personnel, Steve Jobs était lui-même très discret sur ce point, par ailleurs il refusait systématiquement toutes les sollicitations. À en croire son biographe, Jobs avait un rapport assez compliqué à l'argent : évitant tous les signes ostensibles de richesse, travaillant pour la beauté de l'art plus que pour l'appât du gain (son salaire de PDG est resté à 1 dollar par an jusqu'au bout), mais néanmoins peiné que le conseil d'administration d'Apple ne montre pas plus de gratitude pour son travail par le biais de bonus, sans oublier les quelques épisodes où il n'a pas hésité à spolier ses partenaires sans vergogne.
De fait, si Jobs n'a jamais officiellement fait preuve de philanthropie, rien ne dit pour autant qu'il ne faisait pas bénéficier quiconque de ses largesses en toute discrétion — l'homme avait une conception très arrêtée sur ce qui relevait du domaine privé, et a spontanément fait preuve d'élans de générosité. Quoi qu'il en soit, le secret l'a suivi dans la tombe.
Quelques semaines à peine après que Tim Cook a hérité des pleins pouvoirs, sa première rupture avec l'ancienne direction aura été d'instaurer un plan caritatif : Apple s'est mise à suivre la générosité de ses propres employés, en doublant toutes leurs donations jusqu'à hauteur de 10 000 $ par an et par employé auprès des mêmes organismes. Apple a également participé au financement et à la conception du Stanford University Hospital (lire La Silicon Valley imagine l'hôpital du futur). Lors d'une réunion avec le personnel le mois dernier, Tim Cook a indiqué qu'Apple a participé financièrement à la construction de l'hôpital à hauteur de 50 millions de dollars. À la même occasion, il a déclaré qu'Apple avait reversé le même montant au Fonds mondial de lutte contre le SIDA en Afrique par le biais de son initiative (PRODUCT)red. Certes, cela ne représente qu'une infime partie des 100 milliards de dollars qu'Apple a en banque, mais ce changement de politique n'en est pas moins notable pour autant.
Une méthode différente
Mais Tim Cook n'a pas fait preuve de générosité qu'envers les œuvres caritatives. Il a également permis aux employés d'Apple d'obtenir du matériel de la pomme à un tarif plus préférentiel encore qu'avant : en plus des 25 % de réduction auxquels ils avaient déjà droit, Apple réduit la facture d'un iMac de 500 $, et celle d'un iPad de 250 $.
Les actionnaires ont également droit à des dividendes, qu'ils réclament depuis des années. Steve Jobs, traumatisé par le gouffre financier dans lequel il avait trouvé Apple en 1997, s'était fait fort de constituer un trésor de guerre pour permettre à Apple de survivre en cas de nouvelle disette. Avec ses 100 milliards de dollars, Apple peut survivre sept ans en conservant son actuel train de vie sans gagner le moindre dollar… Steve Jobs a également tenu à snober la bourse, estimant que l'action suivrait naturellement tant qu'Apple faisait du bon travail, et que se préoccuper de l'action pouvait précisément être un frein.
Si les faits lui ont largement donné raison, Tim Cook a pour sa part trouvé une pirouette pour faire d'une pierre deux coups : avec son programme de rachat d'actions et de versement de dividendes, le nouveau CEO d'Apple fait taire les récriminations des actionnaires, tout en maintenant une augmentation du trésor de guerre. Mieux encore, ces deux mesures donnent naturellement une tendance haussière au cours de l'action : en rachetant des actions, Apple les rend plus rares, et les dividendes les rendent plus attractives. De fait, depuis la prise de poste de Tim Cook il y a sept mois, l'action Apple a gagné 59 %. La croissance record de l'action Apple est une véritable performance en soi, sachant que la société est déjà la plus grosse capitalisation boursière au monde depuis une dizaine de jours avant que Jobs ne quitte définitivement la direction d'Apple.
Même du temps où il n'était que directeur général d'Apple, Tim Cook a été la locomotive des efforts d'Apple sur les conditions de travail des ouvriers chinois, et c'est tout naturellement, une fois aux commandes d'Apple, qu'il a infléchi cette tendance, notamment en faisant de sa société la première du monde technologique à imposer un audit indépendant à ses fournisseurs. L'homme a montré son attachement à cette cause en réagissant avec émotion et colère à un article incendiaire du New York Times (lire Sous-traitants d'Apple : Tim Cook répond aux critiques). Il s'est également déplacé en Chine à l'occasion de la publication du rapport de la Fair Labor Association afin d'entériner ses recommandations auprès de Foxconn (lire Foxconn/Apple : détails et réactions sur l'enquête de la FLA).
Le voyage de Cook en lui-même détonne avec les habitudes d'Apple : nombre de cadres d'Apple s'y sont déplacés auparavant sans qu'on n’en entende jamais parler, alors que jour après jour, aucun détail du voyage de Tim Cook ne nous a échappé : sa visite dans un Apple Store, sa rencontre avec le maire de Pékin, celle avec le vice-premier ministre chinois, et enfin sa visite de l'usine de Foxconn, le tout avec photographies officielles à la clef. Une approche qui contraste grandement avec celle de Jobs. Pourtant Tim Cook n'a pas caché qu'il n'avait aucune envie de s'exposer : l'homme a toujours été d'une grande discrétion. Mais en assumant son rôle de visage officiel d'Apple, il s'inscrit dans cette nouvelle politique d'ouverture et de transparence.
Bons baisers de Chine
La communication d'Apple a également quelque peu évolué sous l'égide de Cook : si la firme de Cupertino observe toujours un temps de silence lorsqu'une polémique enfle à son sujet, elle joue néanmoins plus rapidement les pompiers qu'auparavant. Il faut dire que les médias ne sont guère avares de tempêtes dans un verre d'eau : alors que le nouvel iPad n'est en rayons que depuis deux semaines, les polémiques se sont enchaînées à un rythme soutenu. D'abord sur la température de l'iPad (Apple a publié un communiqué le 20 mars), puis sur la manière dont sa batterie se recharge (Michael Tchao y a répondu le 27 mars). Apple a toutefois snobé la « polémique » du forfait DATA qui plafonne plus vite en 4G.
Apple étant devenue une marque grand public d'importance, elle se doit de prêter une attention particulière aux controverses avant qu'elles ne fassent trop de dégâts sur son image. La firme de Cupertino a pris pour habitude de ne pas corriger le tir trop tôt afin que sa communication ne soit pas noyée dans le flot d'articles qui lui sont consacrés, mais elle est malgré tout plus réactive : en 2010, il lui avait fallu trois semaines pour tenir sa conférence de presse sur l'Antennagate. Elle a manifestement tiré quelques leçons de cet épisode marquant.
Apple travaille également à plus de transparence : si la société a toujours été réputée pour son amour immodéré du secret, une fois devenue la plus grosse société du monde, avoir des choses à cacher est devenu de facto suspect. Elle s'explique plus volontiers sur les motivations de ses choix, et sur les raisons de ses actions. Alors qu'autrefois Steve Jobs pouvait considérer que déflorer ses secrets de fabrique pouvait gâcher la « magie », ou que certains sujets ne devraient pas être dignes d'intérêt pour le public et les médias, de son côté Tim Cook normalise la communication d'Apple : celle-ci correspond mieux à la stature actuelle de la société qui est désormais tenue à plus de responsabilités.
« Nous commençons à faire certaines choses différemment, maintenant »
Un autre des changements les plus manifestes dans la façon de faire d'Apple a eu lieu pour la présentation de Mountain Lion : loin des grand-messes habituelles, Apple a invité des journalistes triés sur le volet et leur a fait une présentation individuelle, et leur a également remis une version bêta en avant-première, une semaine avant l'annonce officielle (lire Mountain Lion : Apple chamboule sa communication). Une façon de faire aux antipodes des habitudes d'Apple, qui n'avait jamais dévoilé ses nouveaux produits à des personnes externes à la société avant d'être prête à les présenter à la face du monde. En 2007, le président d'AT&T avait signé un accord en aveugle avec Apple pour l'iPhone, sans même avoir vu le produit avant le jour de sa présentation officielle.
Par petites touches, Tim Cook fait évoluer Apple là où Jobs pouvait rester campé sur certaines positions de principe. Il faut néanmoins noter que le cœur de métier d'Apple, à savoir la mise au point de produits innovants, n'a manifestement pas bougé d'un iota : seules les relations d'Apple avec son environnement évoluent. En somme, Apple continue de faire ce qu'elle a toujours su faire de mieux à l'identique, et Cook ajuste le tir sur sa communication. Apple est moins arrogante, plus ouverte, et plus à l'écoute. La méthode douce de Cook semble jusqu'ici porter ses fruits : tous les indicateurs de satisfaction sont au beau fixe, tant pour les actionnaires que les clients et les employés d'Apple. Il réussit même à faire mieux que Jobs sur ce dernier plan (lire Tim Cook : l'état de grâce).
Malgré cet abord plus souple et son air affable, Cook n'en cache pas moins un âpre négociateur : c'est à lui qu'Apple doit depuis quelques années les conséquentes économies d'échelle qu'elle a pu réaliser. Si Cook n'est pas caractériel comme Jobs avait pu l'être, il ne s'en laisse pas conter pour autant. Une qualité qui s'est probablement avérée précieuse après la défection de Jobs, qui a vraisemblablement donné le départ d'une opération séduction pour ceux que l'ancien maître des lieux avait pu écarter. Après quatorze ans de règne sans partage, et alors qu'enfin une brèche se dessinait avec ce changement de direction dans une société plus puissante que jamais, on imagine facilement que d'anciennes doléances refusées par Jobs ont dû trouver un souffle nouveau à cette occasion, il aura fallu quelque force d'âme à Cook pour résister à ces sirènes. Les changements drastiques peuvent entraîner de profonds déséquilibres, et le nouveau patron d'Apple a pris son temps pour imposer sa marque, et enfin donner libre cours aux idées et valeurs qui sont les siennes.
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Anti-manuel de la méthode Jobs