La Fair Labor Association a rendu ses conclusions après une première enquête sur les conditions de travail chez Foxconn sur les lignes de production d'Apple. Au moins 50 problèmes ont été relevés, allant à l'encontre du Code du Travail chinois et de celui édicté par la FLA. Les domaines concernés touchent la santé des salariés et leur sécurité, la représentation salariale des ouvriers et la communication à leur égard. Les remèdes suggérés par la FLA et ceux prévus par Foxconn sont détaillés.
Trois sites de production de Foxconn ont été passés au crible, les usines de Guanlan où sont assemblés les iPhone (73 004 employés dont 10 262 interrogés par la FLA), Longhua qui gère les iPad et iMac (66 680/8 256) et Chengdu (38 393/16 648).
Modus operandi
La FLA avait démarré cette enquête indépendante le 13 février dernier sur les chaînes de fabrication des appareils d'Apple et avec son accord. Elle a été conduite au fil d'observations sur les chaînes d'assemblage - notamment pendant des périodes de fortes charges de travail - par l'étude des politiques mises en place, l'analyse des fiches de paye, des dossiers du personnel ou encore des plannings de production.
35 000 salariés - sans fonctions de direction pour la quasi-totalité - ont été choisis au hasard pour être sondés anonymement. Ils ont été interrogés sur l'appréciation qu'ils retiraient de leur temps de travail, leur salaire et couverture sociale, les questions de santé et de sécurité, leur environnement de travail et l'atmosphère au sein de l'usine.
Ces salariés ont été directement interrogés par des questionnaires informatisés sur ordinateur ou sur tablette, ainsi qu'en dehors de leur usine. 3000 heures de travail ont été aussi analysées. L'objectif étant d'avoir une vision à la fois quantitative et qualitative de la situation.
Dépassements horaires
La FLA a noté des dépassements sur les temps de travail moyens dans les trois usines à l'occasion de pics de production, entraînant des infractions aux deux Codes précédemment cités. La FLA tolère un maximum de 60 heures par semaine (incluant les heures supplémentaires) et le Code chinois établit une limite légale de 40 heures par semaine et un maximum de 36 heures supplémentaires réalisables dans le mois.
A certaines occasions, lorsque la production montait en flèche, des salariés ont été amenés à travailler plus de sept jours d'affilée (11 jours pour la moitié de ceux interrogés) sans bénéficier des 24h d'interruption réglementaires. La limite mensuelle en heures supplémentaires a été dépassée par la moitié des employés entre juillet 2011 et janvier 2012 à Chengdu. À Guanla, 80% des salariés ont dépassé cette limite entre septembre 2011 et janvier 2012, tandis qu'à Longhua ils étaient 77% entre mars 2011 et février 2012.
La FLA explique ces manquements par un turn over particulièrement élevé, avec à la clef des dysfonctionnements dans les plannings de production et par conséquent dans la production elle-même.
Foxconn s'est engagé à régler ces problèmes d'abus sur les temps de travail d'ici le 1er juillet 2013, avec la volonté d'aller au-delà des critères de la FLA, en se conformant directement au Code du Travail du pays. Cela devra passer par l'embauche de dizaines de milliers d'ouvriers supplémentaires, estime la FLA. Il est aussi prévu que le volume horaire par personne soit réduit, sans que cela n'affecte les salaires.
Santé et sécurité
L'enquête ensuite a mis à jour chez un nombre très important de salariés une inquiétude pour leur sécurité et leur santé. L'explosion de Chengdu en mai 2011 est restée dans les mémoires. La FLA a noté les efforts de Foxconn pour réduire les risques dans ces ateliers où l'on trouve cette poussière d'aluminium qui s'était enflammée. Il y avait par exemple des lacunes dans l'information des salariés face aux risques, des sorties de secours bloquées, un manque en équipements de protection, etc.
Mais ces mesures doivent être encore généralisées. Ensuite, chaque fois qu'un ouvrier sera blessé, l'incident sera consigné. Jusque-là, Foxconn n'enregistrait que les accidents qui conduisaient à une interruption de la fabrication.
Représentation salariale
Les employés doutent de la capacité de leur hiérarchie à gérer correctement ces questions de sécurité et de santé. En outre, ces ouvriers ne sont pas suffisament représentés dans les comités élus pour s'occuper de ces thématiques. La désignation de ces comités doit être revue puisqu'ils sont essentiellement composés de cadres dirigeants. Les premiers concernés ignorent pour une grande part l'existence ou l'objectif de ces instances, lesquelles s'en tiennent à réagir après coup, lorsque des problèmes surgissent et à exercer une communication à sens unique, du sommet vers la base.
Sur ce point, Foxconn s'est engagé à améliorer la représentation des ouvriers au sein des syndicats et comités ainsi qu'à mieux informer les nouveaux salariés.
Salaires et protection sociale
La FLA relève que les salaires chez Foxconn sont au-dessus du minimum légal. Toutefois, 14% des ouvriers ne recevraient pas ce qui leur est dû au titre des heures supplémentaires. Les enquêteurs se sont également rendu compte que les dépassements horaires n'étaient payés que par tranches de 30 minutes effectives. Tout bénéfice pour l'employeur puisque qu'à 29 minutes la tranche horaire n'était pas payée et à 58 minutes par exemple, une seule tranche était payée…
Les diverses assurances (maladie, maternité, accidents…) sont obligatoires en Chine, mais organisées sur une base géographique. Lorsqu'un salarié retourne dans sa province, il ne peut bénéficier de ces couvertures obtenues sur son lieu de travail.
Foxconn a proposé de payer le temps passé lors de réunions se tenant en dehors des heures de travail. La question du transfert de ces assurances va être abordée avec les organismes gouvernementaux et l'option d'y associer des assurances privées va être étudiée.
La FLA va travailler avec Foxconn pour évaluer le coût de la vie à Shenzhen et Chengdu. Il s'agit de voir dans quelle mesure les salaires sont adaptés aux besoins courants et aux exigences de la FLA. FLA va maintenant continuer ces observations pour vérifier que les bonnes intentions sont suivies d'effets.
Réactions
Après la publication de ce rapport, Apple a affirmé son « soutien entier à ces recommandations. Nous partageons l'objectif de la FLA d'améliorer la qualité de vie et de rehausser les exigences pour toutes les entreprises de production. Il est essentiel pour nous que les travailleurs soient au fait de leurs droits et Apple agit sur ces questions depuis des années ».
Foxconn a de son côté souligné qu'il avait travaillé en toute transparence avec la FLA, ajoutant « Nos employés sont notre bien le plus précieux et nous sommes engagés à faire en sorte qu'ils aient un environnement de travail sûr, sain et satisfaisant ».
Auret van Heerden, le président de la FLA, a estimé que la situation dont il rendait compte n'était pas pire que dans d'autres usines chinoises, et que la taille d'Apple et de Foxconn était de nature à faire bouger les choses, à imposer de nouvelles règles dans le secteur. Ce qui pourrait avoir des implications pour les autres grands de l'électronique et de l'informatique, clients aussi de Foxconn.
Fin février, Meg Whitman la PDG d'HP, avait d'ailleurs abordé cette question suite à une augmentation des salaires effectuée chez Foxconn « Si le coût du travail chez Foxconn augmente, leurs produits nous coûteront plus cher. Mais ce sera un phénomène global pour tout le secteur, et nous allons devoir décider ce que l'on prend à notre compte et ce que l'on répercute sur nos clients ». Dell se posait la même question, tout en rappelant que le coût de fabrication était modeste dans le prix de revient total d'un produit (lire Dell et HP observent la hausse des salaires chez Foxconn).
Critiques
La perspective d'un nivellement des heures de travail esquissée dans ce rapport a fait réagir quelques salariés interrogés par Reuters. Il y a une méfiance sur le fait que les salaires ne seront effectivement pas revus à la baisse. Et plutôt qu'une atténuation des heures travaillées, c'est une hausse du plafond des heures supplémentaires qui est proposée. Une personne par exemple préférant la voir passer à 60h par mois - un seuil jugé « raisonnable » - plutôt que des 36h mensuelles réglementaires (lire aussi Apple et le casse-tête chinois).
Une autre critique est venue de l'ONG China Labor Watch, pour qui ce rapport ne s'attaque pas à la principale revendication des travailleurs, le salaire justement. Et d'en appeler à Apple pour qu'elle dégage une plus grande part de ses bénéfices en direction de ses sous-traitants et de leurs employés.
Sur le même sujet :
- Opération séduction pour Tim Cook en Chine
Trois sites de production de Foxconn ont été passés au crible, les usines de Guanlan où sont assemblés les iPhone (73 004 employés dont 10 262 interrogés par la FLA), Longhua qui gère les iPad et iMac (66 680/8 256) et Chengdu (38 393/16 648).
Modus operandi
La FLA avait démarré cette enquête indépendante le 13 février dernier sur les chaînes de fabrication des appareils d'Apple et avec son accord. Elle a été conduite au fil d'observations sur les chaînes d'assemblage - notamment pendant des périodes de fortes charges de travail - par l'étude des politiques mises en place, l'analyse des fiches de paye, des dossiers du personnel ou encore des plannings de production.
35 000 salariés - sans fonctions de direction pour la quasi-totalité - ont été choisis au hasard pour être sondés anonymement. Ils ont été interrogés sur l'appréciation qu'ils retiraient de leur temps de travail, leur salaire et couverture sociale, les questions de santé et de sécurité, leur environnement de travail et l'atmosphère au sein de l'usine.
Ces salariés ont été directement interrogés par des questionnaires informatisés sur ordinateur ou sur tablette, ainsi qu'en dehors de leur usine. 3000 heures de travail ont été aussi analysées. L'objectif étant d'avoir une vision à la fois quantitative et qualitative de la situation.
Dépassements horaires
La FLA a noté des dépassements sur les temps de travail moyens dans les trois usines à l'occasion de pics de production, entraînant des infractions aux deux Codes précédemment cités. La FLA tolère un maximum de 60 heures par semaine (incluant les heures supplémentaires) et le Code chinois établit une limite légale de 40 heures par semaine et un maximum de 36 heures supplémentaires réalisables dans le mois.
A certaines occasions, lorsque la production montait en flèche, des salariés ont été amenés à travailler plus de sept jours d'affilée (11 jours pour la moitié de ceux interrogés) sans bénéficier des 24h d'interruption réglementaires. La limite mensuelle en heures supplémentaires a été dépassée par la moitié des employés entre juillet 2011 et janvier 2012 à Chengdu. À Guanla, 80% des salariés ont dépassé cette limite entre septembre 2011 et janvier 2012, tandis qu'à Longhua ils étaient 77% entre mars 2011 et février 2012.
La FLA explique ces manquements par un turn over particulièrement élevé, avec à la clef des dysfonctionnements dans les plannings de production et par conséquent dans la production elle-même.
Foxconn s'est engagé à régler ces problèmes d'abus sur les temps de travail d'ici le 1er juillet 2013, avec la volonté d'aller au-delà des critères de la FLA, en se conformant directement au Code du Travail du pays. Cela devra passer par l'embauche de dizaines de milliers d'ouvriers supplémentaires, estime la FLA. Il est aussi prévu que le volume horaire par personne soit réduit, sans que cela n'affecte les salaires.
Santé et sécurité
L'enquête ensuite a mis à jour chez un nombre très important de salariés une inquiétude pour leur sécurité et leur santé. L'explosion de Chengdu en mai 2011 est restée dans les mémoires. La FLA a noté les efforts de Foxconn pour réduire les risques dans ces ateliers où l'on trouve cette poussière d'aluminium qui s'était enflammée. Il y avait par exemple des lacunes dans l'information des salariés face aux risques, des sorties de secours bloquées, un manque en équipements de protection, etc.
Mais ces mesures doivent être encore généralisées. Ensuite, chaque fois qu'un ouvrier sera blessé, l'incident sera consigné. Jusque-là, Foxconn n'enregistrait que les accidents qui conduisaient à une interruption de la fabrication.
Représentation salariale
Les employés doutent de la capacité de leur hiérarchie à gérer correctement ces questions de sécurité et de santé. En outre, ces ouvriers ne sont pas suffisament représentés dans les comités élus pour s'occuper de ces thématiques. La désignation de ces comités doit être revue puisqu'ils sont essentiellement composés de cadres dirigeants. Les premiers concernés ignorent pour une grande part l'existence ou l'objectif de ces instances, lesquelles s'en tiennent à réagir après coup, lorsque des problèmes surgissent et à exercer une communication à sens unique, du sommet vers la base.
Sur ce point, Foxconn s'est engagé à améliorer la représentation des ouvriers au sein des syndicats et comités ainsi qu'à mieux informer les nouveaux salariés.
Salaires et protection sociale
La FLA relève que les salaires chez Foxconn sont au-dessus du minimum légal. Toutefois, 14% des ouvriers ne recevraient pas ce qui leur est dû au titre des heures supplémentaires. Les enquêteurs se sont également rendu compte que les dépassements horaires n'étaient payés que par tranches de 30 minutes effectives. Tout bénéfice pour l'employeur puisque qu'à 29 minutes la tranche horaire n'était pas payée et à 58 minutes par exemple, une seule tranche était payée…
Les diverses assurances (maladie, maternité, accidents…) sont obligatoires en Chine, mais organisées sur une base géographique. Lorsqu'un salarié retourne dans sa province, il ne peut bénéficier de ces couvertures obtenues sur son lieu de travail.
Foxconn a proposé de payer le temps passé lors de réunions se tenant en dehors des heures de travail. La question du transfert de ces assurances va être abordée avec les organismes gouvernementaux et l'option d'y associer des assurances privées va être étudiée.
La FLA va travailler avec Foxconn pour évaluer le coût de la vie à Shenzhen et Chengdu. Il s'agit de voir dans quelle mesure les salaires sont adaptés aux besoins courants et aux exigences de la FLA. FLA va maintenant continuer ces observations pour vérifier que les bonnes intentions sont suivies d'effets.
Réactions
Après la publication de ce rapport, Apple a affirmé son « soutien entier à ces recommandations. Nous partageons l'objectif de la FLA d'améliorer la qualité de vie et de rehausser les exigences pour toutes les entreprises de production. Il est essentiel pour nous que les travailleurs soient au fait de leurs droits et Apple agit sur ces questions depuis des années ».
Foxconn a de son côté souligné qu'il avait travaillé en toute transparence avec la FLA, ajoutant « Nos employés sont notre bien le plus précieux et nous sommes engagés à faire en sorte qu'ils aient un environnement de travail sûr, sain et satisfaisant ».
Auret van Heerden, le président de la FLA, a estimé que la situation dont il rendait compte n'était pas pire que dans d'autres usines chinoises, et que la taille d'Apple et de Foxconn était de nature à faire bouger les choses, à imposer de nouvelles règles dans le secteur. Ce qui pourrait avoir des implications pour les autres grands de l'électronique et de l'informatique, clients aussi de Foxconn.
Fin février, Meg Whitman la PDG d'HP, avait d'ailleurs abordé cette question suite à une augmentation des salaires effectuée chez Foxconn « Si le coût du travail chez Foxconn augmente, leurs produits nous coûteront plus cher. Mais ce sera un phénomène global pour tout le secteur, et nous allons devoir décider ce que l'on prend à notre compte et ce que l'on répercute sur nos clients ». Dell se posait la même question, tout en rappelant que le coût de fabrication était modeste dans le prix de revient total d'un produit (lire Dell et HP observent la hausse des salaires chez Foxconn).
Critiques
La perspective d'un nivellement des heures de travail esquissée dans ce rapport a fait réagir quelques salariés interrogés par Reuters. Il y a une méfiance sur le fait que les salaires ne seront effectivement pas revus à la baisse. Et plutôt qu'une atténuation des heures travaillées, c'est une hausse du plafond des heures supplémentaires qui est proposée. Une personne par exemple préférant la voir passer à 60h par mois - un seuil jugé « raisonnable » - plutôt que des 36h mensuelles réglementaires (lire aussi Apple et le casse-tête chinois).
Une autre critique est venue de l'ONG China Labor Watch, pour qui ce rapport ne s'attaque pas à la principale revendication des travailleurs, le salaire justement. Et d'en appeler à Apple pour qu'elle dégage une plus grande part de ses bénéfices en direction de ses sous-traitants et de leurs employés.
Sur le même sujet :
- Opération séduction pour Tim Cook en Chine