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Interview : AppVip et les classements de l'App Store

Florian Innocente

lundi 13 février 2012 à 11:33 • 20

AAPL



À la suite de l'actualité récente sur les services destinés à faire grimper les logiciels dans les classements de l'App Store, nous avons discuté avec Thomas Fagot, le fondateur et gérant d'AppVip, une société française de 5 personnes. Cette PME née en 2009 propose plusieurs formules pour aider les éditeurs à gagner en visibilité dans les Top de classements. C'est un acteur parmi d'autres dans ce milieu ou chacun a ses techniques : rétribution contre téléchargement et notations, sondages payés, concours, promotion d'apps devenues temporairement gratuites (ou supposées telles…). AppVip s'est fait connaître en inaugurant le principe d'une rétribution contre le téléchargement accompagné de la publication d'avis sur l'App Store (lire aussi App Store : la farce des classements d'apps & L'App Store et ses téléchargements mystères). Les utilisateurs participent au travers d'une app "L'Appli VIP" qui liste ces opérations de promo. Mais ce modèle est parfois décrié, car il peut être considéré comme source de manipulations dans les classements de l'App Store. Explications…

Pour resituer les choses, qu'est-ce qu'AppVip propose à un client éditeur de logiciels ?

Thomas Fagot : On a deux axes, le premier est de rendre visible une application dans les Tops de l'App Store au moment de sa sortie ou lorsque celle-ci n’a pas bénéficié de promotion depuis longtemps. Il est effectivement difficile d'être visible sur l'App Store, même avec une très bonne application ou une marque porteuse. 

On peut avoir eu de nombreuses parutions dans la presse et malgré tout constater une conversion vers un téléchargement sur iPhone assez faible, et l'application ne décollera pas. Ensuite les publicités mobiles sur un modèle traditionnel comme celles réalisées avec la régie AdMob de Google ne sont pas assez efficaces si l'on n'a pas les budgets des grandes marques. On a donc initialement conçu une solution pour les éditeurs indépendants, puis les marques sont venues ensuite.

On propose au minima 3 offres par semaine aux utilisateurs de notre app, un objectif que l'on tient depuis bientôt deux ans. Historiquement le mois le plus faste est le mois de décembre avec près de 40 applications proposées.

On parle aussi de téléchargements "naturels" et "artificiels", le second étant celui qui est le plus souvent critiqué…

appvipcaptureTF : Aujourd'hui la montée dans l'App Store se fait avec ces deux manières, par des téléchargements que l'on qualifie "d'artificiels" avec incentive (rétributions, ndlr) ou des téléchargements dits "naturels" avec de la publicité classique, des bandeaux pubs, du plubli-rédactionnel, des méthodes de promotion globalement plus traditionnelles. 

Le second objectif pour les éditeurs c'est d'observer une progression de l'app, mais surtout qu'elle reste dans le Top. Une montée uniquement artificielle va la faire grimper très vite, mais elle va redescendre tout aussi rapidement parce qu'elle n'a pas bénéficié d'un bouche à oreille et n’a pas acquis assez de notoriété. Une bonne visibilité dans l'App Store ne suffit pas à rester bien placé. Le budget est donc souvent réparti à 50/50 entre du téléchargement rétribué et du naturel.

C'est pour cela que le second axe de développement pour nous est de pousser vers le téléchargement naturel. Organiser par exemple des jeux-concours avec des lots liés à l'application : un abonnement pour un quotidien ou des bons cadeaux liés à l'enseigne qui annonce. Ou des affichages de pubs dans appVip, dans les app partenaires ou encore des mise en avant de promotions. Cependant contrairement aux régies traditionnelles, nous facturons uniquement au résultat.

Lorsqu'on regarde la formule dite "cashback" d'AppVip on comprend qu'elle n'a d'autre motif que de pousser à des téléchargements bêtes et méchants, où l'utilisateur est récompensé sans même avoir à ouvrir l'app qu'il vient de télécharger !

TF : C'est un système qui est né d'une contrainte technique, destiné initialement aux applications payantes. Le système aussi de rétribution de l'utilisateur en échange de son avis et d'une note laissés sur l'App Store, on s'en éloigne de plus en plus. Il a des failles qui sont exploitées (des commentaires sous de multiples pseudo d'une même personne, ndlr), il n’est pas fiable à 100% et il peut paraître parfois mal perçu par Apple malgré notre volonté d’inciter notre communauté de rédiger un avis objectif.



Ce que l'on veut faire à terme, c'est intégrer une étape de sondage dans l'application après le téléchargement pour toutes nos campagnes. Avec des questions génériques ou plus personnalisées. On a développé une API pour insérer ces questionnaires dans les apps, mais lorsqu'on fait une campagne on n'est pas forcément en liaison directe avec l'éditeur de l'application - ce sera peut-être son agence de communication - ou alors il y a des contraintes de planning ou de développement qui font qu'il n'est pas possible d'intégrer le code dans l'app. On travaille à améliorer ce relationnel, en amont, avec les sociétés de développement.

Est-ce que ce système des commentaires avec notations obligatoires en échange d'un paiement n'a pas perverti ces classements ? On peut voir de nombreux commentaires où l'on sent que la personne s'est simplement acquittée de sa part du contrat, mais son avis comme sa note n'ont pas véritable valeur en soi

TF : Le système de commentaires d’iTunes a pris un peu plus d'envol sur l'App Store par rapport aux débuts, mais il n'est pas forcément pertinent. Sa faiblesse c'est que la majorité des utilisateurs mécontents vont poster un commentaire alors que 10% des gens satisfaits le feront, ce qui donne une moyenne biaisée. Avec notre méthode, l'ensemble des téléchargements réalisés se double d'un commentaire et d'une note.

Et contrairement à ce que l'on peut penser, les commentaires avec notation n'ont pas forcément un impact considérable sur les volumes de téléchargements. On verra des applications «fake» comme celles pour "voir à travers les vêtements" qui auront majoritairement 1 étoile et pourtant elles vont être en première place des classements, et les gens vont continuer à les télécharger alors qu'elles ont la plus mauvaise des notes.

Inversement on a pu faire des opérations pour des jeux de très bonne qualité, qui ont été dans le Top 5, qui ont eu de très bonnes notations et de bons retours, mais le titre n'a pas perduré dans le Top, pour des raisons d'ailleurs qu'on ne sait pas nécessairement analyser. La notation n'a pas forcément une incidence si importante sur la transformation d'une application une fois dans le Top (sa capacité à passer des téléchargements poussés à ceux réalisés naturellement, ndlr).

Mais devant une app qu'on ne connaît pas, ce sont tout de même des critères que l'on peut vouloir prendre en compte et là ces commentaires et la note ont un aspect automatique et sont sans valeur ajoutée.

TF :  Dans ce cas l'utilisateur s'appuiera sur les avis les plus argumentés et notre système en génère de nombreux. On peut voir aussi des apps très bien placées, qui n'ont pas bénéficié d'une campagne type AppVIP et où la majorité des commentaires n'est pas forcément pertinente non plus.

Si ce n'est que la motivation d'une rétribution va de toute manière fausser le classement, quand bien même l'application poussée ne reste pas longtemps dans les sommets…  

TF : On a pu faire des campagnes pour des apps payantes ou gratuites où l'on a directement généré 6 000 téléchargements. Mais derrière, l'app n'a fait que 200 téléchargements supplémentaires malgré sa visibilité, elle n'intéressait personne ou n’était pas assez attractive, donc elle est descendue aussi vite. 

Mais cette distorsion existe avec ou sans nous, c'est le marché en général qui veut ça. Ceux qui sont dans le Top, il ne faut pas se leurrer, ce sont des gens qui ont bénéficié à 99% de promotions. Angry Birds par exemple a été invisible pendant six mois sur l'App Store avant d'être découvert à la suite d'une opération de promotion aux États-Unis. 

Le système de l'App Store ne privilégie pas forcément la qualité d'une app. Comme partout le marché profite aux sociétés qui ont un important budget de communication et le bouche à oreille ne fonctionne qu'occasionnellement. Avant qu'on ne lance AppVip, ce qui permettait aux éditeurs d'être vus c'était d'avoir des moyens importants. On a apporté une autre solution de promotion, mais qui n'est pas plus artificielle qu'un passage à la télévision quand une grande marque va y consacrer plusieurs millions. Car eux aussi monteront dans les Tops de l'App Store.

Enfin, il faut comprendre que la publicité sur internet comme sur mobile est un métier de statistiques. Par exemple, nous savons que pour générer un téléchargement via le réseau AdMob sur notre application «L’appli VIP», il faut dépenser environ 1$ en payant le clic 0,12$. Demain en investissant près de 15 000$ (11 300€, ndlr) dans le réseau AdMob, nous savons que nous serons automatiquement propulsés dans le Top de la même manière que lorsque vous dépensez 5 000€ chez AppVIP. En quoi un système est plus naturel que l’autre ?

Mais il y a toujours cette différence entre un acte de téléchargement motivé par une bonne publicité, par de la curiosité et un téléchargement motivé en grande partie sinon uniquement par la carotte d'une rétribution automatique…  

TF : Je ne suis pas sûr pour autant que ça trahisse davantage les classements. Aujourd'hui, quoiqu'il arrive il faut de la publicité et notre modèle est simplement plus accessible, on permet à des indépendants d'avoir une visibilité très importante en dépit d'un budget sans commune mesure à ceux pharaoniques d'autres sociétés.

Combien va payer un développeur chez vous ?  

TF : Pour une application payante à 0,79€ il faut compter entre 2 000 et 3 000€ pour la faire connaître. Avec des supports publicitaires plus traditionnels et les mêmes objectifs de performances, il faudrait environ 15 000€.

Dans le Top gratuit, c'est plus facile de se maintenir. Mais les besoins pour aller rejoindre la 1ère place vont constamment évoluer. Un jour il faudra 20 000 téléchargements, un autre le double. Il y a des tendances permettant de trouver des créneaux, mais il y a plusieurs variables comme l'actualité du moment sur l'App Store, la sortie d'une application phare ou une journée qui a connu beaucoup de promotions. Dans les résultats, bons ou mauvais d'une campagne, il est toujours compliqué d'évaluer la part due à la qualité de l'app et celle due au profil de la journée choisie. 

classementsapps

Concrètement, qu'est-ce que vous promettez au développeur pour son application ?  

TF : On estime qu'une position dans un classement nécessitera X téléchargements, sachant toujours que chaque journée sur l'App Store est différente. Mais ce que l'on ne peut pas lui promettre c'est son maintien dans le Top, on n'offre qu'un coup de projecteur. Une application peut sortir d'un Top en 24h. C’est à l’application de faire rapidement ses preuves, on ne propose pas une formule miracle.

Pour une app gratuite, le devis commence à 3 000€ ça peut monter jusqu'à 7 000€ ou plus selon la formule : s'il veut des parutions sur des blogs ou être mis en avant sur des apps de conseils quotidiens sur des bons plans gratuits.

Mais à travers cette promesse faite aux éditeurs de figurer dans un Top, vous contrevenez à l'une des clauses de licence d'Apple qui interdit d'utiliser ce type de services  

TF : On a souvent été en contact avec Apple, ne serait-ce que pour nos apps qu'ils valident ou par rapport à leurs révisions de guidelines. La position d'Apple n'est pas évidente, mais c'est à nous de juger quelle limite ne doit pas être franchie, après ils tranchent. Ils ne diront jamais qu'ils trouvent génial ce que l'on fait… mais pour le moment ils nous tolèrent.

Contrairement à d’autres sociétés davantage dans le collimateur d’Apple, nous ne mettons pas les applications sous perfusion pour que celles-ci se maintiennent artificiellement. Encore une fois, c'est à l'application de par ses qualités de transformer l'essai, de générer des téléchargements naturels et de fidéliser ses clients.

Apple dit de façon très générale : "ne faites pas appel à des sociétés qui promettent un résultat". Mais aujourd'hui n'importe quelle société ou agence de publicité qui passe par AppVip, par Surikate (Appsteur), par AppsGratuites ou par leurs propres solutions va promettre un résultat ! On ne peut pas vendre un service sans promettre quelque chose, quel que soit le moyen de promotion ou le résultat en question. L'inverse serait d'ailleurs assez étrange. En revanche, on est transparent sur notre mode de fonctionnement. Mais aujourd'hui ce qu'on observe, c'est l'existence de systèmes de promotions qui font moins la Une des médias, mais qui sont à mon sens plus insidieux.

Par exemple ?

TF : Des applications qui mettent en avant de fausses promotions dans le seul but de faire monter les logiciels. Ils vous font croire qu'ils ont négocié des réductions sur des applis pour vous faire profiter d'un bon plan. Ils basculent même parfois une app à l’origine gratuite en payante, juste avant de la remettre gratuite pour valider l'idée d'une "promo".

C'est un modèle importé des États-Unis,le plus ahurissant c'est de lire les commentaires sous ces applications de conseils, où tout le monde s’enthousiasme de faire de fausses bonnes affaires alors que ce sont des apps qui dupent les consommateurs.

Quelles évolutions sont prévues de votre côté si certains modèles de promotion sont jugés comme ambigus ou s'ils ne devaient plus être tolérés par Apple ?  

TF : Comme indiqué précédemment, nous opérons une transition douce vers notre modèle de sondage embarqué, en parallèle, nous finalisons également de nouveaux outils pour développer les téléchargements naturels, et il y a d'autres choses prévues pour aider les éditeurs à monétiser leurs applications.
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