Une conférence de presse à New York, présentée par Phil Schiller : ce keynote n'était pas tout à fait ordinaire pour Apple. Dédié à l'éducation, secteur privilégié d'Apple, il a été le théâtre de la présentation d'iBooks 2, iBooks Author et iTunes U transformé en une application, un écosystème complet pour tenter d'imposer l'iPad dans les salles de classe et les amphis.
Répondre aux problèmes du système éducatif américain
Apple s'est de tout temps sentie investie d'un mandat éducatif : Steve Wozniak distribuait des Apple II dans les écoles de son quartier et a un temps été professeur, Steve Jobs a construit NeXT et reconstruit Apple comme des sociétés travaillant de manière très étroite avec les acteurs du monde éducatif.
La présentation de Phil Schiller a donc logiquement commencé par un état des lieux du système éducatif primaire et secondaire américain, tout autant décrié que son système universitaire est admiré. Les petits Américains sont classés 17e meilleurs lecteurs, 21e meilleurs matheux et 23e meilleurs scientifiques dans le monde, un chiffre décevant face à la stature du pays : « nous voulons tous faire mieux », s'est lamenté Schiller.
Le taux de redoublement est un autre point de préoccupation : 30 % des élèves de collège et lycée redoublent, un chiffre qui monte à 40 % dans les zones les moins favorisées. « Les enseignants ont besoin d'aide — et nous avons essayé de voir comment Apple pouvait apporter des solutions » a expliqué le vice-président marketing d'Apple, qui a évidemment présenté l'iPad comme la réponse la plus adaptée : « il a été l'objet numéro 1 sur la liste de souhaits de cadeaux des ado à Noël ».
Véritable feuille blanche sur laquelle plaquer du contenu, le grand écran de l'iPad a il est vrai en sa faveur, une offre riche : 20 000 applications éducatives, et de nombreux livres dans l'iBookstore.
iBooks Author : l'HyperCard des manuels scolaires
L'iPad sera donc à la fois le cartable et le manuel numérique des étudiants de demain — du moins si l'initiative d'Apple est suivie. Selon Phil Schiller, le bon vieux manuel papier n'est ni particulièrement pratique à transporter, ni durable, ni pratique à utiliser — mais son contenu est d'une richesse incomparable.
L'iPad serait au contraire incroyablement pratique, portable et durable (là encore toujours selon Phil Schiller) — mais l'enjeu serait de lui fournir du contenu de qualité.
C'est là que les éditeurs entrent en jeu. Le format roi pour la publication numérique est l'ePub, en théorie aussi simple à créer qu'une page web. En pratique toutefois (et nous sommes passés par là avec nos deux eBooks…), cette étape est souvent cauchemardesque, les outils étant peu adaptés et les implémentations diverses. Pour changer cela, Apple présente iBooks Author, une application de création de manuels numériques mélange de Pages, Keynote et iWeb.
Cette application à la présentation classique pour ceux qui utilisent les outils d'Apple permet de créer des manuels enrichis en WYSIWYG. Plusieurs modèles sont fournis, et l'on peut ajouter de nombreux éléments interactifs : galeries d'images, vidéo, présentations Keynote, images interactives, objets 3D, éléments HTML et même des jeux de questions/réponses.
On peut transformer chaque mot en entrée de lexique, qui fournit une définition, et le logiciel permet de placer tous les éléments librement. On exporte un paquet à ensuite fournir à iTunes Producer pour publication dans l'iBookstore : iBooks Author génère donc des fichiers ePub 3 à mise en page fixe, un choix qui permet de créer des fichiers superbes… mais lourds. Les premiers manuels disponibles pèsent au minimum un gigaoctet, le plus lourd (le sempiternel manuel de biologie utilisé comme démonstration parfaite des manuels numériques) atteignant pas moins de 2,77 Go.
Cerise sur le gâteau, iBooks Author est gratuite et disponible dans le Mac App Store (pour OS X Lion). Elle ne se limite pas à la création de manuels : les auteurs de livres largement illustrés pourront s'en servir. Comme la plupart des outils WYSIWYG d'Apple, il faudra regarder la propreté et l'optimisation du code sous-jacent, point que l'on aura le loisir d'explorer dans un test complet. Mais en attendant, on se réjouira de la sortie d'un outil enfin simple et complet de livres électroniques avancés : c'est un véritable besoin des éditeurs et auteurs qui est enfin comblé.
Note : le package .iBook généré par iBooks Author est de facto un format propriétaire. On peut néanmoins en extraire l'ePub 3 d'origine, qui sera lisible sur d'autres appareils — sous réserve de leur bonne implémentation des standards, et que l'éditeur n'ait pas ajouté une DRM dans iTunes Producer. Nous vérifierons ce point dans notre test.
iBooks 2 : des manuels, mais toujours pas sur Mac
Ces manuels, pour le moment disponibles uniquement aux États-Unis, ont été conçus par les trois ténors du secteur : Pearson, McGraw-Hill et Houghton Mifflin Harcourt. Ils sont disponibles dans une nouvelle section de l'iBookstore, et accompagnés logiquement d'une nouvelle version d'iBooks.
iBooks 2 supporte les dernières innovations du format ePub 3, et donc ces nouveaux manuels. Il permet de les manipuler à plusieurs doigts : on tape pour ouvrir un objet interactif, on balaye d'une page à l'autre, on pince pour zoomer ou fermer un chapitre, etc. On retrouve l'interface de lecture des livres électroniques à mise en page fixe, la même d'ailleurs que la liseuse PDF d'iBooks… mais aussi une très forte inspiration des outils de feu Push Pop Press. Cette start-up montée par d'anciens d'Apple avait réalisé le livre numérique d'Al Gore "Our Choice" avant de s'en aller travailler chez Facebook. Leurs travaux n'ont visiblement pas été perdus…
Un mot en gras est un mot associé à une définition : on tape dessus pour l'afficher. L'ensemble des mots est regroupé dans un index pour former un glossaire. Contrairement aux manuels papier, ces manuels numériques disposent… d'un moteur de recherche.
iBooks 2 permet de surligner des passages (plusieurs couleurs sont disponibles) et de prendre des notes. Une interface permet désormais de naviguer rapidement dans les notes et de les relire.
Les notes et les mots importants peuvent être transformés automatiquement en fiches bristol virtuelles de révision. iBooks 2 est disponible gratuitement dans l'App Store.
iTunes U : la salle de classe virtuelle d'Apple
Apple a aussi, par la voix d'Eddy Cue, présenté l'application iTunes U. Elle reprend la très populaire section éducative de l'iTunes Store et lui ajoute des fonctions qui la transforment en salle de classe et en cahier de textes.
Les professeurs peuvent poster des messages dans l'application iTunes U, afin de par exemple donner des devoirs, les cours étant intégrés à l'application. Il faudra cependant savoir si la virtualisation des cours — un professeur donnant un cours à une classe vide, des étudiants seuls derrière un iPad — à de l'avenir. iTunes U, là encore, est disponible dans l'App Store.
Pour conclure
Apple rappelle avec cet événement un peu particulier son attachement au monde de l'éducation. Avec iTunes Author, elle frappe fort dans le domaine de l'édition, en étant la première à offrir — gratuitement ! — un outil de création de livres enrichis. L'initiative iTunes U pose plus de questions qu'elle n'apporte de solutions, mais elle a le potentiel pour amener de nouveaux usages chez des professeurs toujours à l'affût de nouvelles solutions pour stimuler leurs étudiants.
Évidemment, cet attachement n'est pas gratuit : la plupart des utilisateurs d'iBooks Author n'iront pas trafiquer leurs fichiers pour les porter sur d'autres plateformes que l'iPad. Ces nouveaux outils sont conçus pour renforcer la place d'Apple dans le monde éducatif, elle qui y est déjà la société informatique la plus présente. Le Mac, qui possède environ 25 % de parts de marché dans le supérieur, est ici rejoint par l'iPad avec l'envie qu'il devienne un jour incontournable pour les étudiants… et donc incontournable pour les futurs consommateurs. Vaste programme.
Images The Verge
Répondre aux problèmes du système éducatif américain
Apple s'est de tout temps sentie investie d'un mandat éducatif : Steve Wozniak distribuait des Apple II dans les écoles de son quartier et a un temps été professeur, Steve Jobs a construit NeXT et reconstruit Apple comme des sociétés travaillant de manière très étroite avec les acteurs du monde éducatif.
La présentation de Phil Schiller a donc logiquement commencé par un état des lieux du système éducatif primaire et secondaire américain, tout autant décrié que son système universitaire est admiré. Les petits Américains sont classés 17e meilleurs lecteurs, 21e meilleurs matheux et 23e meilleurs scientifiques dans le monde, un chiffre décevant face à la stature du pays : « nous voulons tous faire mieux », s'est lamenté Schiller.
Le taux de redoublement est un autre point de préoccupation : 30 % des élèves de collège et lycée redoublent, un chiffre qui monte à 40 % dans les zones les moins favorisées. « Les enseignants ont besoin d'aide — et nous avons essayé de voir comment Apple pouvait apporter des solutions » a expliqué le vice-président marketing d'Apple, qui a évidemment présenté l'iPad comme la réponse la plus adaptée : « il a été l'objet numéro 1 sur la liste de souhaits de cadeaux des ado à Noël ».
Véritable feuille blanche sur laquelle plaquer du contenu, le grand écran de l'iPad a il est vrai en sa faveur, une offre riche : 20 000 applications éducatives, et de nombreux livres dans l'iBookstore.
iBooks Author : l'HyperCard des manuels scolaires
L'iPad sera donc à la fois le cartable et le manuel numérique des étudiants de demain — du moins si l'initiative d'Apple est suivie. Selon Phil Schiller, le bon vieux manuel papier n'est ni particulièrement pratique à transporter, ni durable, ni pratique à utiliser — mais son contenu est d'une richesse incomparable.
L'iPad serait au contraire incroyablement pratique, portable et durable (là encore toujours selon Phil Schiller) — mais l'enjeu serait de lui fournir du contenu de qualité.
C'est là que les éditeurs entrent en jeu. Le format roi pour la publication numérique est l'ePub, en théorie aussi simple à créer qu'une page web. En pratique toutefois (et nous sommes passés par là avec nos deux eBooks…), cette étape est souvent cauchemardesque, les outils étant peu adaptés et les implémentations diverses. Pour changer cela, Apple présente iBooks Author, une application de création de manuels numériques mélange de Pages, Keynote et iWeb.
Cette application à la présentation classique pour ceux qui utilisent les outils d'Apple permet de créer des manuels enrichis en WYSIWYG. Plusieurs modèles sont fournis, et l'on peut ajouter de nombreux éléments interactifs : galeries d'images, vidéo, présentations Keynote, images interactives, objets 3D, éléments HTML et même des jeux de questions/réponses.
On peut transformer chaque mot en entrée de lexique, qui fournit une définition, et le logiciel permet de placer tous les éléments librement. On exporte un paquet à ensuite fournir à iTunes Producer pour publication dans l'iBookstore : iBooks Author génère donc des fichiers ePub 3 à mise en page fixe, un choix qui permet de créer des fichiers superbes… mais lourds. Les premiers manuels disponibles pèsent au minimum un gigaoctet, le plus lourd (le sempiternel manuel de biologie utilisé comme démonstration parfaite des manuels numériques) atteignant pas moins de 2,77 Go.
Cerise sur le gâteau, iBooks Author est gratuite et disponible dans le Mac App Store (pour OS X Lion). Elle ne se limite pas à la création de manuels : les auteurs de livres largement illustrés pourront s'en servir. Comme la plupart des outils WYSIWYG d'Apple, il faudra regarder la propreté et l'optimisation du code sous-jacent, point que l'on aura le loisir d'explorer dans un test complet. Mais en attendant, on se réjouira de la sortie d'un outil enfin simple et complet de livres électroniques avancés : c'est un véritable besoin des éditeurs et auteurs qui est enfin comblé.
Note : le package .iBook généré par iBooks Author est de facto un format propriétaire. On peut néanmoins en extraire l'ePub 3 d'origine, qui sera lisible sur d'autres appareils — sous réserve de leur bonne implémentation des standards, et que l'éditeur n'ait pas ajouté une DRM dans iTunes Producer. Nous vérifierons ce point dans notre test.
iBooks 2 : des manuels, mais toujours pas sur Mac
Ces manuels, pour le moment disponibles uniquement aux États-Unis, ont été conçus par les trois ténors du secteur : Pearson, McGraw-Hill et Houghton Mifflin Harcourt. Ils sont disponibles dans une nouvelle section de l'iBookstore, et accompagnés logiquement d'une nouvelle version d'iBooks.
iBooks 2 supporte les dernières innovations du format ePub 3, et donc ces nouveaux manuels. Il permet de les manipuler à plusieurs doigts : on tape pour ouvrir un objet interactif, on balaye d'une page à l'autre, on pince pour zoomer ou fermer un chapitre, etc. On retrouve l'interface de lecture des livres électroniques à mise en page fixe, la même d'ailleurs que la liseuse PDF d'iBooks… mais aussi une très forte inspiration des outils de feu Push Pop Press. Cette start-up montée par d'anciens d'Apple avait réalisé le livre numérique d'Al Gore "Our Choice" avant de s'en aller travailler chez Facebook. Leurs travaux n'ont visiblement pas été perdus…
Un mot en gras est un mot associé à une définition : on tape dessus pour l'afficher. L'ensemble des mots est regroupé dans un index pour former un glossaire. Contrairement aux manuels papier, ces manuels numériques disposent… d'un moteur de recherche.
iBooks 2 permet de surligner des passages (plusieurs couleurs sont disponibles) et de prendre des notes. Une interface permet désormais de naviguer rapidement dans les notes et de les relire.
Les notes et les mots importants peuvent être transformés automatiquement en fiches bristol virtuelles de révision. iBooks 2 est disponible gratuitement dans l'App Store.
iTunes U : la salle de classe virtuelle d'Apple
Apple a aussi, par la voix d'Eddy Cue, présenté l'application iTunes U. Elle reprend la très populaire section éducative de l'iTunes Store et lui ajoute des fonctions qui la transforment en salle de classe et en cahier de textes.
Les professeurs peuvent poster des messages dans l'application iTunes U, afin de par exemple donner des devoirs, les cours étant intégrés à l'application. Il faudra cependant savoir si la virtualisation des cours — un professeur donnant un cours à une classe vide, des étudiants seuls derrière un iPad — à de l'avenir. iTunes U, là encore, est disponible dans l'App Store.
Pour conclure
Apple rappelle avec cet événement un peu particulier son attachement au monde de l'éducation. Avec iTunes Author, elle frappe fort dans le domaine de l'édition, en étant la première à offrir — gratuitement ! — un outil de création de livres enrichis. L'initiative iTunes U pose plus de questions qu'elle n'apporte de solutions, mais elle a le potentiel pour amener de nouveaux usages chez des professeurs toujours à l'affût de nouvelles solutions pour stimuler leurs étudiants.
Évidemment, cet attachement n'est pas gratuit : la plupart des utilisateurs d'iBooks Author n'iront pas trafiquer leurs fichiers pour les porter sur d'autres plateformes que l'iPad. Ces nouveaux outils sont conçus pour renforcer la place d'Apple dans le monde éducatif, elle qui y est déjà la société informatique la plus présente. Le Mac, qui possède environ 25 % de parts de marché dans le supérieur, est ici rejoint par l'iPad avec l'envie qu'il devienne un jour incontournable pour les étudiants… et donc incontournable pour les futurs consommateurs. Vaste programme.
Images The Verge