En l'espace d'une semaine, Apple a publié deux documents assez arides, mais très importants : son proxy statement à destination des actionnaires, et son rapport annuel sur ses fournisseurs. Quelque peu éclipsés par l'actualité du CES, ils permettent d'entrevoir les dernières évolutions en matière de gestion de la firme de Cupertino.
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Le conseil d'administration
Le conseil d'administration d'Apple a été revu à plusieurs reprises cette année : Steve Jobs ayant quitté ses fonctions de CEO le 24 août 2011, il a été immédiatement nommé président du conseil, un poste rare dans l'histoire de la firme de Cupertino. Tim Cook devenant le nouveau CEO, il a été proposé comme nouveau membre du conseil.
Le décès de Steve Jobs le 5 octobre dernier a entraîné un nouveau remaniement : Apple a tenu à conserver le rôle de chairman of the board, sans pour autant le confier à Tim Cook — le conseil d'administration est censé servir les intérêts des actionnaires, qui peuvent être contraires à ceux de la société et de son CEO. Le poste est revenu à Arthur D. Levinson, 61 ans, membre du conseil depuis 2000 et président de Genentech (biotechnologies). Robert A. Iger, président et CEO de Disney, est quant à lui devenu membre du conseil d'administration d'Apple.
La nomination de Tim Cook et de Bob Iger devra être confirmée par les actionnaires réunis en assemblée générale le 23 février prochain. Ils devront aussi reconduire les autres membres du conseil (William Campbell, Millard Drexler, Al Gore, Andrea Jung, Arthur Levinson, Ronald Sugar) et se prononcer sur quatre propositions formulées par leurs pairs (lire : Apple réunit ses actionnaires le 23 février). Traditionnellement, les actionnaires suivent les recommandations du conseil d'administration : les huit membres devraient être confirmés.
Le salaire des dirigeants
Le proxy statement permet de lever le voile sur le salaire des dirigeants d'Apple. Chaque membre du conseil d'administration (hormis Tim Cook) perçoit 50 000 $, le directeur du comité d'audit (Ronald Sugar) recevant 25 000 $ supplémentaires. En 2012, Arthur Levinson, en sa qualité de président, percevra 200 000 $ supplémentaires. Tous les membres du conseil d'administration (là encore à l'exception de Tim Cook, ainsi que de Bob Iger, récemment arrivé) ont reçu en plus au moins 200 000 $ d'actions, ce qui porte leurs émoluments à un quart de million de dollars au moins.
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Mais c'est pour la bonne cause : tous les membres ont assisté aux cinq réunions du conseil d'administration en 2011.
Apple utilise une procédure bien précise pour définir le salaire de ses cadres, procédure codifiée par le comité des compensations piloté par le conseil d'administration. Une société externe établit la médiane des salaires de plusieurs sociétés proches d'Apple (parmi lesquelles Amazon, Dell, Google, HP, Intel, IBM ou Microsoft, mais aussi News Corp., Time Warner ou Disney). Cette médiane du groupe témoin sert de salaire de base aux cadres dirigeants d'Apple.
S'ajoute à ce salaire de base un bonus calculé selon les performances de la société : 50 % si les objectifs simples de la société sont atteints, 100 % si les objectifs maximaux le sont. Ces niveaux sont plus faibles que ceux pratiqués dans le groupe témoin (125 à 145 % de bonus si les objectifs simples sont atteints).
Steve Jobs ne percevait qu'un salaire d'un dollar symbolique depuis 1997, et ne participait pas à ce programme de bonus. À son décès, il avait néanmoins cumulé 5,5 millions d'actions Apple depuis son retour (il n'en avait conservé qu'une à son départ en 1985) — Jobs mettait un point d'honneur à ne vendre aucune de ses actions et à ne profiter des ressources de la société que sous la forme d'avantages en nature (le remboursement de frais professionnels d'utilisation de son jet privé), ses gains chez Disney/Pixar finançant ses activités personnelles.
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Cette philosophie s'est en partie diffusée dans la société, qui minimise le rôle du salaire — 900 000 $ annuels tout de même pour Tim Cook, le nouveau CEO (ce qui fait de lui un des CEO les mieux payés des États-Unis), 500 à 600 000 $ pour la plupart des cadres. Apple met l'accent sur une fidélisation par l'attribution d'options à terme long, le but étant de retenir le plus longtemps possible ses meilleurs cadres. Tim Cook s'est ainsi vu attribuer l'équivalent d'un million d'actions au cours du 24 août (376,18 $), soit la coquette somme de 376,18 millions de dollars.
Il ne pourra cependant en percevoir que la moitié sous cinq ans (août 2016), et l'autre moitié sous dix ans (août 2021). Même si Tim Cook est connu pour sa frugalité (il s'est longtemps contenté de louer sa maison, et n'a acheté que très récemment une demeure modeste pour son voisinage de Palo Alto), l'appât est suffisamment fort pour que celui qui est responsable de la bonne marche d'Apple depuis 1998 y reste jusqu'en 2021. Sur ce point, la firme de Cupertino s’est normalisée.
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Tous les cadres de la société obtiennent régulièrement des options : certains décident de les liquider lorsqu'ils le peuvent, comme Bertrand Serlet ou Bob Mansfield, d'autres les accumulent comme Al Gore (100 000 actions), Ron Johnson (233 000 actions) ou Arthur Levinson (272 000 actions). Les 15 grands cadres et directeurs d'Apple possèdent 627 832 actions, une goutte d'eau face aux près de 49 millions d'actions détenues par BlackRock et aux 56 millions d'actions que possède Fidelity Investments, les deux seules sociétés — des fonds d'investissement — détenant plus de 5 % d'Apple (respectivement 5,23 % et 6,02 %).
Et les usines chinoises…
Loin de ces montants astronomiques, à l'autre bout de la chaîne, on trouve les employés des sous-traitants d'Apple, qui sont mis en lumière chaque année par le rapport de la firme de Cupertino sur la responsabilité sociale de ses fournisseurs. Fait particulier, il a été cette année commenté par Tim Cook en personne : dans un courriel que nous nous sommes procuré, le CEO d'Apple amorce un tournant dans la communication de la société vis-à-vis de ces problématiques (lire : Le courrier de Tim Cook sur les fournisseurs d'Apple).
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Pour la première fois, Apple a détaillé la liste des 156 sociétés responsables de 97 % de la chaîne de production d'Apple (composants, matériaux, assemblage, expédition). On y trouve des noms connus (Broadcom, Foxconn, Hynix, Infineon-Intel, LG, Marvell, NEC, Qualcomm, Samsung, Seiko, Sony, Texas Instruments, Western Digital), mais aussi des noms plus obscurs quoique cruciaux (Pegatron et Quanta, qui assemblent des produits, Chinmei Innolux qui produit des écrans ou encore Volex qui fabrique les câbles d'alimentation des Mac). De nombreuses ONG, notamment chinoises, reprochaient à Apple de ne pas suffisamment communiquer ce point, rendant impossible tout audit indépendant (lire : Écologie : Apple et les ONG chinoises avancent). La plupart de ces sociétés opèrent à Taiwan, en Chine, dans les Philippines, à Singapour et en Thaïlande.
En 2011, Apple a mené 229 audits chez ses fournisseurs, contre 127 en 2010, dont 100 dans des sociétés qui n'avaient jamais été visitées. 27 visites ont été l'occasion d'un examen plus poussé encore que la procédure standard en matière de sécurité, alors que 14 fournisseurs ont inauguré l'examen spécialisé sur l'impact environnemental de leurs activités. Ces audits sont menés par une équipe mixte composé d'employés d'Apple et de membres indépendants, chargés de vérifier le respect du code de conduite mis en place par Cupertino ainsi qu'une centaine de points détaillés.
Le premier volet concerne le respect des lois sur le travail et de la dignité humaine : 74 % de la chaîne de fournisseurs respectent le code de conduite et les législations locales. La violation la plus courante est celle sur le temps de travail : alors qu'Apple n'autorise qu'un maximum de 60 heures hebdomadaires avec un jour de repos par semaine, même si les législations locales sont plus laxistes, 93 usines faisaient travailler plus de la moitié de leurs employés plus de 60 heures au moins une semaine sur les douze relevées. Apple a mis en place un suivi hebdomadaire plus rigoureux, 37 usines ne disposant d'aucun système du genre.
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Le salaire est un autre point problématique : 42 usines ne se soucient pas de payer leurs employés à temps, 68 ne respectent pas le code du travail en matière de protection sociale, 49 ignorent les congés payés, et, pire 67 menacent de réduire les salaires en cas de faute, tandis que 108 ont « oublié » de payer les heures supplémentaires au bon niveau. Apple a obligé les fournisseurs fautifs à payer les heures dues aux employés lésés. Le problème du travail infantile semble en passe d'être résolu : seules cinq usines employaient un total de six mineurs.
Depuis plusieurs années, Apple travaille aussi à régler le cas du recrutement de main-d'œuvre étrangère à Taiwan et en Malaisie. Dans les deux cas, et conformément à la loi, les agences de recrutement demandent une certaine somme d'argent aux travailleurs. Apple a travaillé avec les gouvernements et les ONG pour que la théorie soit respectée dans la pratique, en essayant d'instaurer un montant d'un mois de salaire net comme somme maximale pouvant être demandée. Dans le cas contraire, elle a demandé aux fournisseurs de rembourser les employés lésés : la somme totale a atteint 3,3 millions de dollars en 2011.
Deux usines ont été le lieu de violations répétées du code de conduite : Apple a décidé de casser son contrat avec l'une d'elles et de travailler très vigoureusement à régler les problèmes de l'autre.
Le volet santé et prévention des risques accorde une place toute particulière aux explosions qui ont fait quatre victimes et 18 blessés à l'usine Foxconn de Chengdu et 59 blessés à l'usine Ri-Teng (Pegasus) de Shanghai. La cause de ces accidents semble être une mauvaise gestion des poussières combustibles (en particulier d'aluminium) : notamment une ventilation mal adaptée et l'utilisation de compresseurs favorisant la formation de nuages de poussière. Une des deux usines a entièrement revu sa gestion ; l'autre restera fermée tant qu'elle ne l'aura pas fait.
Apple a enfin intégré un volet environnemental à son rapport annuel : la firme de Cupertino, sous la pression des ONG, a décidé de définir l'écologie au sens large, les hommes et leur milieu. Les 14 audits spécialisés ont été l'occasion de constater des déclarations périmées, des problèmes de gestion des eaux souillées, des niveaux sonores trop élevés pour les travailleurs, ou encore des politiques de traitement des substances dangereuses parfois trop laxistes. De manière générale, 79 % des fournisseurs respectent le code de conduite en place — Apple a rompu les relations avec deux usines, l'une possédant un bâtiment vieux de 18 mois qui n'a jamais été certifié, l'autre rejetant ses eaux usées dans une ferme voisine.
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La firme de Cupertino profite de son rapport annuel pour faire le point sur l'utilisation de matières premières conflict-free. Apple rappelle qu'elle a rejoint l'EICC et qu'elle travaille avec elle pour identifier précisément la provenance des matériaux utilisés : 218 fournisseurs utilisent de l'or, du coltan/tantalite, du tungstène, ou de l'étain provenant de 175 sources. 34 de ces sources ont été inspectées pour mettre en place une meilleure traçabilité — même si cela est bien insuffisant face à l'ampleur de la tâche (lire : Apple et Intel rejoignent le mouvement conflict-free).
Pour conclure
Des travailleurs asiatiques à ses plus hauts cadres, Apple fait preuve d'une plus grande transparence, dans un cas sous la pression des ONG, dans l'autre cas parce que la loi le requiert. En rejoignant la Fair Labor Association et en publiant un rapport annuel plus détaillé, la firme de Cupertino aborde un tournant dans la manière de gérer sa communication en matière de responsabilité sociale et environnementale.
Plus ouverte, Apple est aussi plus ferme : en renforçant les contrôles, elle augmente sa main-mise sur ses fournisseurs. La plupart des usines utilisées par Apple sont désormais équipées de machines spéciales qu'elle a elle-même achetées pour fabriquer des composants personnalisés sur des chaînes dont elle se réserve l'exclusivité, reléguant les sous-traitants au simple rôle d'agence d'intérim. Plus la peine de garder le secret sur les sous-traitants : ils ne sont qu'un moyen pour Apple, pas une fin.
Dans bien des cas, Apple ne sous-traite plus aujourd'hui que la masse salariale et la logistique, deux points clefs qui sont contrôlés de plus en plus sévèrement par cette politique de responsabilité sociale. L'ajout d'un volet environnemental permet de compléter le bilan effectué produit par produit et s'il est encore largement insuffisant, il permettra bientôt de dresser un bilan écologique global et fiable d'Apple.
Ce rapport annuel, forcément positif, est forcément incomplet, mais année après année, il se densifie et répond de plus en plus directement aux questions posées par les ONG. Apple a semble-t-il décidé de prendre la mesure du problème et de réclamer une place de leader dans ce domaine-là aussi.
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Le conseil d'administration
Le conseil d'administration d'Apple a été revu à plusieurs reprises cette année : Steve Jobs ayant quitté ses fonctions de CEO le 24 août 2011, il a été immédiatement nommé président du conseil, un poste rare dans l'histoire de la firme de Cupertino. Tim Cook devenant le nouveau CEO, il a été proposé comme nouveau membre du conseil.
Le décès de Steve Jobs le 5 octobre dernier a entraîné un nouveau remaniement : Apple a tenu à conserver le rôle de chairman of the board, sans pour autant le confier à Tim Cook — le conseil d'administration est censé servir les intérêts des actionnaires, qui peuvent être contraires à ceux de la société et de son CEO. Le poste est revenu à Arthur D. Levinson, 61 ans, membre du conseil depuis 2000 et président de Genentech (biotechnologies). Robert A. Iger, président et CEO de Disney, est quant à lui devenu membre du conseil d'administration d'Apple.
La nomination de Tim Cook et de Bob Iger devra être confirmée par les actionnaires réunis en assemblée générale le 23 février prochain. Ils devront aussi reconduire les autres membres du conseil (William Campbell, Millard Drexler, Al Gore, Andrea Jung, Arthur Levinson, Ronald Sugar) et se prononcer sur quatre propositions formulées par leurs pairs (lire : Apple réunit ses actionnaires le 23 février). Traditionnellement, les actionnaires suivent les recommandations du conseil d'administration : les huit membres devraient être confirmés.
Le salaire des dirigeants
Le proxy statement permet de lever le voile sur le salaire des dirigeants d'Apple. Chaque membre du conseil d'administration (hormis Tim Cook) perçoit 50 000 $, le directeur du comité d'audit (Ronald Sugar) recevant 25 000 $ supplémentaires. En 2012, Arthur Levinson, en sa qualité de président, percevra 200 000 $ supplémentaires. Tous les membres du conseil d'administration (là encore à l'exception de Tim Cook, ainsi que de Bob Iger, récemment arrivé) ont reçu en plus au moins 200 000 $ d'actions, ce qui porte leurs émoluments à un quart de million de dollars au moins.
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Mais c'est pour la bonne cause : tous les membres ont assisté aux cinq réunions du conseil d'administration en 2011.
Apple utilise une procédure bien précise pour définir le salaire de ses cadres, procédure codifiée par le comité des compensations piloté par le conseil d'administration. Une société externe établit la médiane des salaires de plusieurs sociétés proches d'Apple (parmi lesquelles Amazon, Dell, Google, HP, Intel, IBM ou Microsoft, mais aussi News Corp., Time Warner ou Disney). Cette médiane du groupe témoin sert de salaire de base aux cadres dirigeants d'Apple.
S'ajoute à ce salaire de base un bonus calculé selon les performances de la société : 50 % si les objectifs simples de la société sont atteints, 100 % si les objectifs maximaux le sont. Ces niveaux sont plus faibles que ceux pratiqués dans le groupe témoin (125 à 145 % de bonus si les objectifs simples sont atteints).
Steve Jobs ne percevait qu'un salaire d'un dollar symbolique depuis 1997, et ne participait pas à ce programme de bonus. À son décès, il avait néanmoins cumulé 5,5 millions d'actions Apple depuis son retour (il n'en avait conservé qu'une à son départ en 1985) — Jobs mettait un point d'honneur à ne vendre aucune de ses actions et à ne profiter des ressources de la société que sous la forme d'avantages en nature (le remboursement de frais professionnels d'utilisation de son jet privé), ses gains chez Disney/Pixar finançant ses activités personnelles.
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Cette philosophie s'est en partie diffusée dans la société, qui minimise le rôle du salaire — 900 000 $ annuels tout de même pour Tim Cook, le nouveau CEO (ce qui fait de lui un des CEO les mieux payés des États-Unis), 500 à 600 000 $ pour la plupart des cadres. Apple met l'accent sur une fidélisation par l'attribution d'options à terme long, le but étant de retenir le plus longtemps possible ses meilleurs cadres. Tim Cook s'est ainsi vu attribuer l'équivalent d'un million d'actions au cours du 24 août (376,18 $), soit la coquette somme de 376,18 millions de dollars.
Il ne pourra cependant en percevoir que la moitié sous cinq ans (août 2016), et l'autre moitié sous dix ans (août 2021). Même si Tim Cook est connu pour sa frugalité (il s'est longtemps contenté de louer sa maison, et n'a acheté que très récemment une demeure modeste pour son voisinage de Palo Alto), l'appât est suffisamment fort pour que celui qui est responsable de la bonne marche d'Apple depuis 1998 y reste jusqu'en 2021. Sur ce point, la firme de Cupertino s’est normalisée.
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Et les usines chinoises…
Loin de ces montants astronomiques, à l'autre bout de la chaîne, on trouve les employés des sous-traitants d'Apple, qui sont mis en lumière chaque année par le rapport de la firme de Cupertino sur la responsabilité sociale de ses fournisseurs. Fait particulier, il a été cette année commenté par Tim Cook en personne : dans un courriel que nous nous sommes procuré, le CEO d'Apple amorce un tournant dans la communication de la société vis-à-vis de ces problématiques (lire : Le courrier de Tim Cook sur les fournisseurs d'Apple).
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En 2011, Apple a mené 229 audits chez ses fournisseurs, contre 127 en 2010, dont 100 dans des sociétés qui n'avaient jamais été visitées. 27 visites ont été l'occasion d'un examen plus poussé encore que la procédure standard en matière de sécurité, alors que 14 fournisseurs ont inauguré l'examen spécialisé sur l'impact environnemental de leurs activités. Ces audits sont menés par une équipe mixte composé d'employés d'Apple et de membres indépendants, chargés de vérifier le respect du code de conduite mis en place par Cupertino ainsi qu'une centaine de points détaillés.
Le premier volet concerne le respect des lois sur le travail et de la dignité humaine : 74 % de la chaîne de fournisseurs respectent le code de conduite et les législations locales. La violation la plus courante est celle sur le temps de travail : alors qu'Apple n'autorise qu'un maximum de 60 heures hebdomadaires avec un jour de repos par semaine, même si les législations locales sont plus laxistes, 93 usines faisaient travailler plus de la moitié de leurs employés plus de 60 heures au moins une semaine sur les douze relevées. Apple a mis en place un suivi hebdomadaire plus rigoureux, 37 usines ne disposant d'aucun système du genre.
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Depuis plusieurs années, Apple travaille aussi à régler le cas du recrutement de main-d'œuvre étrangère à Taiwan et en Malaisie. Dans les deux cas, et conformément à la loi, les agences de recrutement demandent une certaine somme d'argent aux travailleurs. Apple a travaillé avec les gouvernements et les ONG pour que la théorie soit respectée dans la pratique, en essayant d'instaurer un montant d'un mois de salaire net comme somme maximale pouvant être demandée. Dans le cas contraire, elle a demandé aux fournisseurs de rembourser les employés lésés : la somme totale a atteint 3,3 millions de dollars en 2011.
Deux usines ont été le lieu de violations répétées du code de conduite : Apple a décidé de casser son contrat avec l'une d'elles et de travailler très vigoureusement à régler les problèmes de l'autre.
Le volet santé et prévention des risques accorde une place toute particulière aux explosions qui ont fait quatre victimes et 18 blessés à l'usine Foxconn de Chengdu et 59 blessés à l'usine Ri-Teng (Pegasus) de Shanghai. La cause de ces accidents semble être une mauvaise gestion des poussières combustibles (en particulier d'aluminium) : notamment une ventilation mal adaptée et l'utilisation de compresseurs favorisant la formation de nuages de poussière. Une des deux usines a entièrement revu sa gestion ; l'autre restera fermée tant qu'elle ne l'aura pas fait.
Apple a enfin intégré un volet environnemental à son rapport annuel : la firme de Cupertino, sous la pression des ONG, a décidé de définir l'écologie au sens large, les hommes et leur milieu. Les 14 audits spécialisés ont été l'occasion de constater des déclarations périmées, des problèmes de gestion des eaux souillées, des niveaux sonores trop élevés pour les travailleurs, ou encore des politiques de traitement des substances dangereuses parfois trop laxistes. De manière générale, 79 % des fournisseurs respectent le code de conduite en place — Apple a rompu les relations avec deux usines, l'une possédant un bâtiment vieux de 18 mois qui n'a jamais été certifié, l'autre rejetant ses eaux usées dans une ferme voisine.
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Pour conclure
Des travailleurs asiatiques à ses plus hauts cadres, Apple fait preuve d'une plus grande transparence, dans un cas sous la pression des ONG, dans l'autre cas parce que la loi le requiert. En rejoignant la Fair Labor Association et en publiant un rapport annuel plus détaillé, la firme de Cupertino aborde un tournant dans la manière de gérer sa communication en matière de responsabilité sociale et environnementale.
Plus ouverte, Apple est aussi plus ferme : en renforçant les contrôles, elle augmente sa main-mise sur ses fournisseurs. La plupart des usines utilisées par Apple sont désormais équipées de machines spéciales qu'elle a elle-même achetées pour fabriquer des composants personnalisés sur des chaînes dont elle se réserve l'exclusivité, reléguant les sous-traitants au simple rôle d'agence d'intérim. Plus la peine de garder le secret sur les sous-traitants : ils ne sont qu'un moyen pour Apple, pas une fin.
Dans bien des cas, Apple ne sous-traite plus aujourd'hui que la masse salariale et la logistique, deux points clefs qui sont contrôlés de plus en plus sévèrement par cette politique de responsabilité sociale. L'ajout d'un volet environnemental permet de compléter le bilan effectué produit par produit et s'il est encore largement insuffisant, il permettra bientôt de dresser un bilan écologique global et fiable d'Apple.
Ce rapport annuel, forcément positif, est forcément incomplet, mais année après année, il se densifie et répond de plus en plus directement aux questions posées par les ONG. Apple a semble-t-il décidé de prendre la mesure du problème et de réclamer une place de leader dans ce domaine-là aussi.