Voilà 10 ans aujourd'hui que le premier iPod a été dévoilé par Steve Jobs. L'objet faisait alors figure de curiosité dans la stratégie d'Apple, mais il fut un pied à l'étrier de la révolution à venir. Alors que l'appareil emblématique semble se rapprocher de la fin de son règne, et à l'occasion de cet anniversaire, voici une revue de son parcours exemplaire.
Lorsque Steve Jobs dévoile le premier iPod, en petit comité sur le campus d'Apple à l'endroit même où fut présenté le dernier iPhone, il suscita l'incompréhension. Apple sortait du cadre des ordinateurs et diversifiait son offre, alors même que Jobs avait procédé, lors de son retour aux commandes, à des coupes claires dans la gamme d'Apple.
L'appareil s'inscrivait dans la logique du "hub numérique", qui plaçait l'iMac au centre de la fameuse convergence. Apple n'en était à vrai dire pas à son premier essai dans le domaine : de 1994 à 1997, elle avait commercialisé le QuickTake, l'un des tout premiers appareils photo numériques, précisément victime du couperet de Steve Jobs. Mais contrairement à son prédécesseur, l'iPod arrivait sur un marché déjà concurrentiel de baladeurs numériques.
Pourquoi diable Apple se lançait-elle sur un marché qui bénéficiait déjà d'une offre plus que variée ? Jusqu'ici, Apple n'avait fait que proposer des produits nouveaux, et c'était donc la première fois qu'elle s'engageait sur un marché existant, qui plus est parfaitement "superficiel" puisqu'il n'était question que de musique.
L'iPod à vrai dire détonnait à plus d'un titre des appareils déjà présent sur le marché. L'offre existante pour la musique numérique utilisait trois formes de stockage : sur CD (red book audio ou ISO/MP3), sur mémoire flash (à l'époque une poignée de méga-octets), ou sur disque dur. Si Apple a choisi ce dernier pour l'iPod, elle a été la première à exploiter les disques 1,8 pouce de Toshiba, découverts par Jon Rubinstein lors d'un séjour au Japon (lire Interview : Jon Rubinstein sur l'iPod et Palm). Et ce format fit toute la différence, puisqu'il permit à l'iPod de tenir dans une poche, contrairement aux baladeurs MP3 équipés de disques durs de 2,5 et 3,5 pouces. D'autre part, l'iPod est doté d'une mémoire cache qui lui permet de stocker 20 minutes de musique, évitant ainsi les désagréables interruptions durant un jogging ou tout mouvement brusque, qui ne manquaient pas d'arriver avec les autres appareils.
Deuxième différence, l'interface d'entrée/sortie de l'iPod n'est nulle autre que le FireWire, inventé par Apple et Sony, qui équipe tous les Mac d'alors. Face à l'USB 1.0, favorisé pour les autres baladeurs, les 5 Go de l'iPod se remplissent en une dizaine de minutes, contre 5 heures en USB. Un album entier est transféré en une dizaine de secondes. Le FireWire offre d’autre part la possibilité de recharger l'iPod avec un seul câble, la batterie se recharge à 80% en une heure et peut tenir 10 heures.
Le premier iPod comportait une roue permettant de naviguer facilement dans le millier de chansons qu'il recèle (une idée d'interface venue de Phil Schiller, on la faisait tourner et l'accélération de cette rotation se traduisait dans le défilement à l'écran. Plus tard la roue mécanique devint uniquement tactile), mais également de contrôler le volume sonore, et le point de lecture dans la chanson. D'abord entouré des quatre boutons lecture/pause, suivant, précédent, et menu, ceux-ci seront plus tard intégrés à la roue elle-même par un système de pivot sur deux axes.
Quant à la synchronisation avec le Mac, elle se faisait tout naturellement avec iTunes, qui servait d'ores et déjà à cette même tâche pour les autres baladeurs MP3, une fonction qui est par la suite devenue exclusive à l'iPod. La première pub pour l'iPod avait pour mission d'expliquer tout cela en une minute…
L'iPod des premiers jours fonctionnait exclusivement au Mac : ça n'est qu'en octobre 2003 qu'iTunes fut proposé sur Windows (lire iTunes : 10 ans !), et le FireWire limitait encore son marché potentiel puisque relativement peu répandu sur PC. La troisième génération d'iPod introduisit sur le marché le connecteur 30 broches qu'on connait aujourd'hui, et qui permettait de se connecter en USB comme en FireWire.
C'est dès lors qu'Apple lance son offensive commerciale avec sa célèbre campagne publicitaire basée sur des silhouettes qui dansent sur des airs toujours choisis judicieusement. L'iPod devient un objet de grande consommation. C'est également en 2003 qu'Apple ouvre l'iTunes Music Store, la première offre légale de musique en ligne qui soit vraiment utile et exploitable. Apple n'a jamais cherché à gagner sa vie avec ce magasin, devenu depuis le premier vendeur de musique au monde, son objectif était de stimuler les ventes d'iPod en proposant une solution clé en main.
Mais dès sa présentation, Steve Jobs ne cachait pas ses ambitions : « Tout le monde aime la musique, elle fait partie de nos vies, et elle ne disparaîtra jamais. C'est un énorme marché. »
Le connecteur propriétaire 30 broches d'Apple fut également le moyen de créer tout un écosystème autour de l'appareil, Apple percevant des royalties sur son exploitation par d'autres sociétés (lire : L’OPA réussie d’Apple sur la Hi-Fi). HP a également proposé son propre iPod sous licence d'Apple durant un an et demi.
Année après année, les gammes se sont succédées et diversifiées : si l'iPod Classic a perduré jusqu'à aujourd'hui, il est le seul à en conserver l'aspect original. L'iPod mini, l'iPod nano, l'iPod shuffle et l'iPod touch se sont adressés à des utilisations et des budgets variés, et la mémoire flash obtenant de meilleurs rapports prix/volume de données avec le temps, c'est aujourd'hui le stockage dominant.
Les fonctions se sont également diversifiées avec plus ou moins de bonheur : lecture de vidéos, intégration d'une caméra, podomètre, tuner FM, vente de jeux exploitant la molette de l'iPod… Apple a toutefois connu quelques revers, devant faire marche arrière avec un iPod shuffle dénué de bouton, et à vrai dire de forme puisqu'il fut résumé à une simple et minuscule boîte. L'iPod s'est vendu à 300 millions d'exemplaires depuis 2001, il est devenu une véritable icône culturelle. Si le Walkman de Sony (vendu à 220 millions d'exemplaires) a dominé les années 80 et 90, c'est à l'iPod que sont revenues les années 2000.
Et nul n'est arrivé à endiguer la déferlante iPod, pas même Microsoft, qui mesurait là toute la difficulté à s’adresser le grand public. Il aura fallu l'arrivée du smartphone pour que les ventes d'iPod commencent à baisser inexorablement. Ceux-ci n'ont rien à envier aux iPod, et nous suivent partout, rendant l'iPod caduc. Apple avait senti le vent tourner, et avait signé un accord avec Motorola pour proposer un téléphone compatible avec les DRM d'iTunes, le ROKR, avant de commercialiser l'iPhone elle-même. Quitte à ce qu'un nouvel appareil rende le vôtre obsolète, autant que ce soit un produit maison.
L'iPod continue vaille que vaille à mettre nos vies en musique, Apple continuant année après année à proposer de nouveaux modèles. Mais la dernière mise à jour en date montre qu'Apple est passée à autre chose : hormis pour l'iPod touch qui suit les fonctionnalités de l'iPhone, les modèles restent inchangés, seuls les prix baissent et le firmware de l'iPod nano a été mis à jour. L'iPod restera un produit de grande consommation durant quelque temps, mais son pic de croissance est résolument derrière lui.
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- La page iPod du site Aventure Apple
