Après 1985, Steve Jobs est à nouveau parti — mais cette fois, il ne reviendra pas. On pourrait refaire l'histoire cent fois, d'Apple à Apple en passant par NeXT et Pixar. On pourrait évoquer Steve Wozniak, Chris-Ann Brennan, Bill Gates, John Sculley, et les autres. Ou on pourrait, tout simplement, se taire et laisser parler Steve Jobs, une dernière fois.
Sur la vie et la mort
Affecté par une forme rare de cancer du pancréas, Steve Jobs a une conscience aiguë de sa mortalité, ce qui lui a inspiré son émouvant discours de remise des diplômes à Stanford en 2005.
« Ma troisième histoire concerne la mort. À l'âge de 17 ans, j’ai lu une citation qui disait à peu près : « si vous vivez chaque jour comme si c'était le dernier, vous finirez un jour par avoir raison. » Elle est restée gravée dans ma mémoire, et pendant les 33 années qui se sont depuis écoulées, je me suis regardé dans la glace chaque matin en me demandant : « si aujourd'hui était mon dernier jour, est-ce que j'aimerais ce que je vais faire aujourd'hui ? » Si la réponse est négative plusieurs jours de suite, je sais que j'ai besoin de changer quelque chose.
Garder à l'esprit que je mourrais bientôt est ce que j'ai trouvé de plus radical pour m'aider à prendre des décisions importantes. Parce presque tout — ce que l'on attend des autres, notre fierté, notre peur de l'échec — s'efface devant la mort. Ne reste que l'essentiel. Ne jamais oublier que la mort viendra un jour est la meilleure façon d'éviter le faux pas qui consister à croire que l'on a quelque chose à perdre. Vous êtes déjà nu. Il n'y a aucune raison de ne pas suivre son cœur.
Il y a environ un an, on découvrait que j'avais un cancer. À 7h du matin, le scanner montrait que j'étais atteint d'une tumeur au pancréas. Je ne savais même pas ce qu'était un pancréas ! Les médecins m'annoncèrent qu'il s'agissait sans doute d'un type de cancer incurable, et qu'il ne me restait que trois à six mois. Mon docteur me conseilla de rentrer chez moi et de mettre de l'ordre dans mes affaires — un euphémisme pour « préparez-vous à mourir ». Cela signifie d'avoir à dire à ses enfants en quelques mois tout ce que l'on pensait pouvoir leur dire ces dix prochaines années. Cela signifie essayer de faciliter les choses pour votre famille. Bref, faire vos adieux.
J'ai porté ce diagnostic toute la journée. Plus tard dans l'après-midi, on m'a fait une biopsie, introduit un endoscope dans la gorge, à travers l'estomac et l'intestin, pour m'enfoncer une aiguille dans le pancréas. J'étais inconscient, mais ma femme, qui était présente, m'a raconté qu'en examinant les prélèvements au microscope, les médecins ont fondu en larmes, car j'avais une forme très rare de cancer du pancréas curable par chirurgie. On m'a opéré et, heureusement, je vais bien maintenant.
Ce fut mon contact le plus proche avec la mort, et j'espère que ce sera le cas pendant encore quelques décennies.
Après cette expérience, je peux vous dire avec plus de certitude que lorsque la mort n'était à mes yeux qu'un concept vaguement intellectuel : personne ne veut mourir. Même ceux qui veulent aller au paradis ne veulent pas mourir pour y parvenir. Pourtant, la mort est notre destinée commune. Personne n'y a jamais échappé. C'est pour le mieux, car la mort est probablement la plus belle invention de la vie.
Elle débarrasse de l'ancien pour faire place au nouveau. En ce moment, vous représentez le neuf, mais un jour vous deviendrez le vieux, et vous laisserez la place aux autres. Désolé d'être aussi théâtral, mais c'est la vérité.
Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant la vie d'un autre. Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d'un autre. Ne laissez pas le bruit du dehors étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre instinct. L'un et l'autre savent déjà ce que vous voulez vraiment être. Tout le reste est secondaire.
Dans ma jeunesse existait une publication extraordinaire, The Whole Earth Catalog, l'une des bibles de ma génération. Elle avait été fondée par un certain Stewart Brand, non loin d'ici, à Menlo Park, et il l'avait animé de sa veine poétique. C'était à la fin des années 1960, avant les ordinateurs et la publication assistée par ordinateur. Elle était réalisée intégralement avec des machines à écrire, des ciseaux et des appareils Polaroid. C'était une sorte de Google au format livre de poche, 35 ans avant la naissance de Google. Un ouvrage idéaliste, fourmillant de recettes et d'idées formidables.
Stewart et son équipe ont publié plusieurs exemplaires du Whole Earth Catalog. Quand ils eurent épuisé les ressorts de la formule, ils publièrent un dernier numéro. C'était au milieu des années 70, et j'avais votre âge. La quatrième de couverture montrait la photo d'une route de campagne au petit matin, le genre de routes sur laquelle vous pourriez faire du stop si vous étiez aventurier.
Dessous, on pouvait lire : « soyez insatiables. Soyez fous. » C'était leur message d'adieu. Soyez insatiables. Soyez fous. C'est un vœu que j'ai toujours formulé pour moi. Aujourd'hui, au moment où vous recevez votre diplôme qui marque le début d'une nouvelle vie, c'est ce que je vous souhaite.
Soyez insatiables. Soyez fous. »
« La vie est fragile » disait Steve Jobs plus récemment. La vie est fragile.
Il serait bien trop long de faire une liste des pensées de Steve Jobs sur le sujet de l'informatique. Lui qui disait d'Apple qu'elle n'était « pas une carrière » mais « une vie » se sentait investi d'une mission, celle d'amener l'informatique aux masses pour permettre l'émergence de nouvelles idées. Celle de changer le monde avec l'ordinateur personnel.
Dit autrement : « la TV est où vous allez quand vous voulez éteindre votre cerveau ; l'ordinateur et où vous allez quand vous voulez l'allumer. » Steve Jobs avait une idée très précise de la manière dont devaient être conçus les produits d'Apple, afin de parvenir à ce but de la perfection.
Steve Jobs n'était qu'un homme, et cette passion l'a aussi conduit, parfois, à des petites phrases assassines qui ont contribué à forger son image d'un perfectionniste acharné, des pointes à l'encontre de Michael Dell aux attaques contre le « mauvais goût » de Microsoft.
Entrepreneur de talent plus qu'il n'était bidouilleur, Steve Jobs peut aussi être écouté pour ses conseils pleins de bon sens, mais qui gagnent à être rappelés.
Steve Jobs, c'est aussi un bon nombre de présentations qui ont imposé un style Apple, dont certaines sont restées dans la petite histoire de l'informatique. À nouveau, petit florilège.
One more thing…
Image JMak, merci Pierre.
Sur la vie et la mort
Affecté par une forme rare de cancer du pancréas, Steve Jobs a une conscience aiguë de sa mortalité, ce qui lui a inspiré son émouvant discours de remise des diplômes à Stanford en 2005.
« Ma troisième histoire concerne la mort. À l'âge de 17 ans, j’ai lu une citation qui disait à peu près : « si vous vivez chaque jour comme si c'était le dernier, vous finirez un jour par avoir raison. » Elle est restée gravée dans ma mémoire, et pendant les 33 années qui se sont depuis écoulées, je me suis regardé dans la glace chaque matin en me demandant : « si aujourd'hui était mon dernier jour, est-ce que j'aimerais ce que je vais faire aujourd'hui ? » Si la réponse est négative plusieurs jours de suite, je sais que j'ai besoin de changer quelque chose.
Garder à l'esprit que je mourrais bientôt est ce que j'ai trouvé de plus radical pour m'aider à prendre des décisions importantes. Parce presque tout — ce que l'on attend des autres, notre fierté, notre peur de l'échec — s'efface devant la mort. Ne reste que l'essentiel. Ne jamais oublier que la mort viendra un jour est la meilleure façon d'éviter le faux pas qui consister à croire que l'on a quelque chose à perdre. Vous êtes déjà nu. Il n'y a aucune raison de ne pas suivre son cœur.
Il y a environ un an, on découvrait que j'avais un cancer. À 7h du matin, le scanner montrait que j'étais atteint d'une tumeur au pancréas. Je ne savais même pas ce qu'était un pancréas ! Les médecins m'annoncèrent qu'il s'agissait sans doute d'un type de cancer incurable, et qu'il ne me restait que trois à six mois. Mon docteur me conseilla de rentrer chez moi et de mettre de l'ordre dans mes affaires — un euphémisme pour « préparez-vous à mourir ». Cela signifie d'avoir à dire à ses enfants en quelques mois tout ce que l'on pensait pouvoir leur dire ces dix prochaines années. Cela signifie essayer de faciliter les choses pour votre famille. Bref, faire vos adieux.
J'ai porté ce diagnostic toute la journée. Plus tard dans l'après-midi, on m'a fait une biopsie, introduit un endoscope dans la gorge, à travers l'estomac et l'intestin, pour m'enfoncer une aiguille dans le pancréas. J'étais inconscient, mais ma femme, qui était présente, m'a raconté qu'en examinant les prélèvements au microscope, les médecins ont fondu en larmes, car j'avais une forme très rare de cancer du pancréas curable par chirurgie. On m'a opéré et, heureusement, je vais bien maintenant.
Ce fut mon contact le plus proche avec la mort, et j'espère que ce sera le cas pendant encore quelques décennies.
Après cette expérience, je peux vous dire avec plus de certitude que lorsque la mort n'était à mes yeux qu'un concept vaguement intellectuel : personne ne veut mourir. Même ceux qui veulent aller au paradis ne veulent pas mourir pour y parvenir. Pourtant, la mort est notre destinée commune. Personne n'y a jamais échappé. C'est pour le mieux, car la mort est probablement la plus belle invention de la vie.
Elle débarrasse de l'ancien pour faire place au nouveau. En ce moment, vous représentez le neuf, mais un jour vous deviendrez le vieux, et vous laisserez la place aux autres. Désolé d'être aussi théâtral, mais c'est la vérité.
Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant la vie d'un autre. Ne soyez pas prisonnier des dogmes qui obligent à vivre en obéissant à la pensée d'un autre. Ne laissez pas le bruit du dehors étouffer votre voix intérieure. Ayez le courage de suivre votre cœur et votre instinct. L'un et l'autre savent déjà ce que vous voulez vraiment être. Tout le reste est secondaire.
Dans ma jeunesse existait une publication extraordinaire, The Whole Earth Catalog, l'une des bibles de ma génération. Elle avait été fondée par un certain Stewart Brand, non loin d'ici, à Menlo Park, et il l'avait animé de sa veine poétique. C'était à la fin des années 1960, avant les ordinateurs et la publication assistée par ordinateur. Elle était réalisée intégralement avec des machines à écrire, des ciseaux et des appareils Polaroid. C'était une sorte de Google au format livre de poche, 35 ans avant la naissance de Google. Un ouvrage idéaliste, fourmillant de recettes et d'idées formidables.
Stewart et son équipe ont publié plusieurs exemplaires du Whole Earth Catalog. Quand ils eurent épuisé les ressorts de la formule, ils publièrent un dernier numéro. C'était au milieu des années 70, et j'avais votre âge. La quatrième de couverture montrait la photo d'une route de campagne au petit matin, le genre de routes sur laquelle vous pourriez faire du stop si vous étiez aventurier.
Dessous, on pouvait lire : « soyez insatiables. Soyez fous. » C'était leur message d'adieu. Soyez insatiables. Soyez fous. C'est un vœu que j'ai toujours formulé pour moi. Aujourd'hui, au moment où vous recevez votre diplôme qui marque le début d'une nouvelle vie, c'est ce que je vous souhaite.
Soyez insatiables. Soyez fous. »
« La vie est fragile » disait Steve Jobs plus récemment. La vie est fragile.
Il serait bien trop long de faire une liste des pensées de Steve Jobs sur le sujet de l'informatique. Lui qui disait d'Apple qu'elle n'était « pas une carrière » mais « une vie » se sentait investi d'une mission, celle d'amener l'informatique aux masses pour permettre l'émergence de nouvelles idées. Celle de changer le monde avec l'ordinateur personnel.
Je pense que ce qui nous sépare des primates est que nous sommes des concepteurs d'outils. J'ai lu une étude qui mesure l'efficacité dans le déplacement de différents espèces. Le condor est celui qui utilise le moins d'énergie pour se mouvoir sur un kilomètre — c'est décevant, les humains se sont retrouvés dans le tiers bas du classement. Pas de quoi faire le fier pour le joyau de la Création.
Mais quelqu'un […] a eu l'idée de mesurer l'efficacité d'un homme… sur une bicyclette. Et l'humain sur un bicyclette dépasse de très loin le condor, il est au top du classement.
C'est ce qu'un ordinateur est, pour moi. Pour moi, un ordinateur est l'outil le plus remarquable de nous avons créé. C'est un bicyclette pour l'esprit.
Dit autrement : « la TV est où vous allez quand vous voulez éteindre votre cerveau ; l'ordinateur et où vous allez quand vous voulez l'allumer. » Steve Jobs avait une idée très précise de la manière dont devaient être conçus les produits d'Apple, afin de parvenir à ce but de la perfection.
Notre but est de concevoir les meilleurs ordinateurs personnels du monde et de créer des produits que nous sommes fiers de vendre et que nous pouvons recommander sans hésitation à notre famille et à nos amis. Et nous voulons le faire au prix le plus bas que nous pouvons atteindre — mais il faut que je le dise, il y a des trucs faits par d'autres que nous ne pourrions pas vendre. Que nous ne serions pas fiers de recommander à notre famille et à nos amis. Nous ne pouvons pas le faire.
Nous ne pouvons tout simplement pas vendre de la merde.
Il y a une ligne jaune que nous ne pouvons pas franchir à cause de ce que nous sommes. Nous voulons faire les meilleurs ordinateurs personnels.
Steve Jobs n'était qu'un homme, et cette passion l'a aussi conduit, parfois, à des petites phrases assassines qui ont contribué à forger son image d'un perfectionniste acharné, des pointes à l'encontre de Michael Dell aux attaques contre le « mauvais goût » de Microsoft.
Entrepreneur de talent plus qu'il n'était bidouilleur, Steve Jobs peut aussi être écouté pour ses conseils pleins de bon sens, mais qui gagnent à être rappelés.
Votre travail va prendre une part importante dans votre vie, et la seule manière d'être vraiment satisfait est de faire ce que vous pensez être du bon boulot. Et la seule manière de faire du bon boulot est d'aimer ce que vous faites. Si vous n'avez encore trouvé, continuez à cherchez. Ne vous arrêtez pas. Comme dans toutes les affaires de cœur, vous saurez quand vous aurez trouvé.
Steve Jobs, c'est aussi un bon nombre de présentations qui ont imposé un style Apple, dont certaines sont restées dans la petite histoire de l'informatique. À nouveau, petit florilège.
Présentation du Macintosh — 1984
Le retour de Steve Jobs chez Apple — 1997
Une publicité de la série Think Different où Steve Jobs joue le rôle de la voix-off. Elle n'a jamais été diffusée à la TV.
Au sujet du retour d'Apple — 1997
Présentation de l'iMac — 1998
Noah Wyle en Steve Jobs — 1999
Présentation du premier Apple Store — 2001
Présentation de l'iPod — 2001
Présentation de l'iPhone — 2007
Interview croisée avec Bill Gates — 2007
Présentation de l'iPad - 2010
One more thing…
Image JMak, merci Pierre.