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Comment le Mac est sorti de la disgrâce ludique

Arnaud de la Grandière

vendredi 15 juillet 2011 à 16:02 • 46

Logiciels

La tendance ne fait que se confirmer avec le temps : l'époque où l'achat d'un jeu sur Mac tenait du parcours du combattant est bien révolue. L'offre devient de plus en plus riche, et le marché vidéoludique sur Mac revient de loin (lire : Beaucoup plus de jeux sur Mac). Ce changement de taille est dû à la convergence de différents facteurs, qui ont bouleversé la manière dont les jeux sont produits, traduits, et consommés.

Si les développeurs indépendants de jeux vidéo arrivent encore à tirer leur épingle du jeu grâce à des investissement plus limités, c'est désormais un constat incontournable : le PC ne parvient plus à faire vivre à lui seul les gros éditeurs.

Le chiffre d'affaire de l'industrie du jeu vidéo a depuis longtemps dépassé celui d'Hollywood, et les budgets pour les titres "AAA" sont devenus pharaoniques. Seul moyen de tirer des bénéfices de pareils investissements : investir dans les valeurs sûres afin d'éviter les accidents industriels, et poursuivre des stratégies multiplateformes pour compenser l'impact du piratage.


GTA IV a coûté la bagatelle de 100 millions de dollars


Nous en sommes là, et tous les acteurs en font l'amer constat : le piratage atteint de telles proportions qu'il devient impossible de rentabiliser les superproductions uniquement sur Windows, pourtant de loin la première plateforme en termes de parc installé.

Les éditeurs, dans un mouvement de panique, ont également mis l'accent sur la protection anti-copie et sur la lutte contre le marché de l'occasion, estimant à tort qu'il était légitime de percevoir un revenu sur chaque vente de leurs jeux, y compris la vente multiple d'une seule et même copie.

Même les consoles, un temps épargnées tant le piratage des jeux pouvait s'avérer autrefois contraignant, subissent de plein fouet ce phénomène. Même la Nintendo DS, exploitant pourtant des cartouches, a été rudement touchée par les systèmes permettant d'utiliser des cartes mémoire en lieu et place.

De plus en plus d'éditeurs (Blizzard, Ubisoft) exigent une connexion à Internet en permanence pour autoriser l'utilisation de leurs jeux, y compris en mode solo. Ils investissent également sur des plateformes de streaming telles qu'OnLive, Gaikai ou Otoy, qui rendent impossible le piratage et la revente d'occasion, ou se reportent sur des DRM comme dans Steam par exemple. Il s'agit d'endiguer la voie d'eau.

On l'a dit et répété, ces contraintes causent un tort aux acheteurs légitimes tandis que les pirates plus ou moins aguerris se rient de ces mesures de protection. Pour autant, les choses en sont à un point tel que les éditeurs sont en mesure de se demander s'il reste un seul acheteur légitime qui n'ait jamais piraté, et si la simplicité évangélique que constitue l'acte de piratage n'est pas prise comme une invite par beaucoup. Si nul ne piratait, ces mesures n'auraient aucun sens. Ce sont donc les pirates qui ont scié la branche sur laquelle ils étaient assis.

On peut certes contester les chiffres du piratage, par définition invérifiables. Cependant, avec la multiplication des jeux en ligne et autres systèmes de gestion de "l'audience", il apparait aujourd'hui incontestable que pour un titre donné, une écrasante majorité de copies installées sont piratées (le chiffre généralement constaté tourne aux alentours de 80 %). On peut se lancer indéfiniment en arguties sur la notion de manque à gagner sur des biens immatériels, il n'en reste pas moins que nombre de joueurs profitent indûment du labeur et des investissements des éditeurs, et que ceux-ci rencontrent de plus en plus de difficulté à les rentabiliser.

Mais à toute chose malheur est bon, puisque le marché du jeu sur Windows, dévasté, a donné des envies d'exil aux éditeurs. Ceux-ci se sont donc diversifiés en investissant non seulement le marché des consoles, mais également d'autres plateformes, comme iOS, et en revenant au Mac.

Cette migration aura eu quelques conséquences notables pour les utilisateurs de Mac, et sur le marché du jeu en lui-même. Autrefois le modèle économique du jeu sur Mac avait tout du fruit pourri : comme les éditeurs de jeux ne s'intéressaient pas à notre plateforme, la nature ayant horreur du vide, ce sont des éditeurs tiers qui ont repris le flambeau, en créant de toutes pièces une sorte de marché de l'occasion pour les licences de jeux. Ainsi, des éditeurs comme MacSoft, Aspyr ou encore Feral ont-ils prospéré des années durant en obtenant à moindre frais des licences de jeux plus ou moins fraîches auprès des éditeurs originaux, en faisant le portage sur Mac, et en les commercialisant.

Ce système est bel et bien la cause du conséquent décalage qu'on a pu déplorer entre les dates de sortie d'un même jeu sur Windows et sur Mac. Les éditeurs tiers ont attendu que les jeux concernés ne soient plus au goût du jour pour bénéficier de tarifs moindres sur le coût de leur licence d'exploitation (notamment lorsque la promotion commerciale du jeu sur Windows arrivait à terme). Ainsi, ils pouvaient recouvrir le coût du portage, prendre leur marge, et reverser des royalties aux éditeurs originaux, tout en proposant un tarif de vente comparable à celui demandé pour la version Windows. Moralité, le jeu sur Mac tenait beaucoup du retro-gaming : on a pu constater un décalage dépassant les cinq ans de péremption, provocant la risée des joueurs sur Windows et l'amertume des joueurs sur Mac.

Mais avec l'avènement des jeux en ligne, les éditeurs de jeux sur Mac ont eu affaire à un véritable casse-tête : il fallait maintenir la compatibilité du jeu en réseau, alors que la version Windows d'un titre donné était susceptible d'être mise à jour en permanence et de rompre instantanément la compatibilité avec la version Mac. Les joueurs sur Mac se seraient vus dans l'impossibilité de jouer, le temps que la nouvelle version soit portée pour leur machine et remise en conformité avec les modifications effectuées côté serveur. C'est notamment à cause de cette épineuse problématique que le portage de certains titres a été annulé avec fracas (notamment une première tentative avec Half Life 2), ou encore que nombre de jeux en réseau ont isolé les joueurs sur Mac. Cette population plus restreinte donnait à son tour moins d'intérêt au jeu, puisque les joueurs étaient moins susceptibles de trouver des partenaires à leur mesure que sur Windows. Il fallait donc en passer par un développement conjoint et simultané sur Mac comme sur PC pour résoudre le problème, ce que seuls les éditeurs originaux étaient à même de faire.

Le passage à Intel change la donne

De 1984 à 2006, le Mac est resté sur son îlot à cause de l'incompatibilité des deux familles de processeurs utilisées durant cette période avec celle des PC : les Motorola 680x0 et les AIM PowerPC exigeaient un portage en bonne et du forme, parfois laborieux, pour qu'un jeu transite de Windows à Mac OS. Le passage aux processeurs Intel a amplement simplifié la donne, puisqu'au lieu de convertir tant les appels aux API du système (lire : Lexique : si vous avez raté le début ) qu'à l'assembleur du processeur, il n'a plus été besoin que de modifier le dialogue avec le système d'exploitation. Il faut également noter que l'ère du PowerPC aura été la plus douloureuse, puisque ces processeurs RISC étaient "gros-boutiens" et que les processeurs d'Intel étaient "petit-boutiens", c'est à dire que l'ordre même des octets stockés en mémoire était inversé. Ce sont ces difficultés qui ont garanti l'exclusivité du marché Mac aux éditeurs tiers, disposant d'un savoir-faire hors de portée des éditeurs originaux, pour qui le jeu n'en valait pas la chandelle.

Dans le domaine du jeu, les API sont relativement plus restreintes que pour d'autres types d'applications. Pour l'essentiel et pour faire simple, elles se limitent en accès aux données et à la carte vidéo. Or Mac OS X et Windows proposent chacun des frameworks très similaires, bien que parlant un langage différent : Direct3D et OpenGL. Pour faire un portage de l'un vers l'autre, il suffit de faire un routage des appels vers l'un aux accès de l'autre, ce qu'on appelle un "wrapper". C'est la méthode utilisée par tous les portages natifs, ce qui permet d'automatiser quelque peu l'opération, le reste se soldant par la correction ponctuelle de tout ce qui ne relève pas à proprement parler de l'affichage.

Or l'arrivée des processeurs Intel a permis de placer la technique du wrapper au-dessus de la compilation, puisqu'il suffit dorénavant d'intercepter et de dérouter ces messages en temps réel maintenant que le processeur est écarté du problème. C'est notamment par ce biais que fonctionne la technologie Cider de Transgaming : le portage de Windows à Mac OS X peut se faire sans même avoir accès aux sources du logiciel original, en plaçant simplement le fichier binaire compilé dans un bundle pour Mac OS X, qu'on paramètre à l'aide de simple fichiers texte. Certains hackers se sont d'ailleurs fait une spécialité de proposer des versions personnalisées du wrapper, repris de jeux commerciaux au fur et à mesure des mises à jour de Cider, pour permettre le portage de jeux qui ne sont pas proposés sur Mac au prix de quelques incantations.

Cider s'est attiré les foudres de certains Mac-maniaques, sans doute encouragés par les éditeurs tiers, puisque les portages ainsi réalisés ne demandaient plus autant d'attention que naguère. Cependant la mauvaise réputation de Cider est amplement exagérée : l'antienne voudrait qu'il soit moins performant qu'un portage "manuel", mais il n'est pas rare de trouver des portages exploitant Cider qui soient plus véloces que des portages prétendument natifs : un wrapper reste et demeure un wrapper, les différences ne tenant plus qu'à la magie de la compilation. Quoi qu'il en soit, Cider aura au moins eu le mérite d'ouvrir l'appétit des éditeurs originaux, puisqu'il leur a permis de proposer leurs titres sur Mac au prix d'efforts minimes, et de ne plus dépendre du savoir-faire des éditeurs tiers.

Le modèle économique de Transgaming s'est en effet complètement démarqué de ce qui existait jusqu'alors sur Mac : Cider a été proposé aux éditeurs originaux, Transgaming se contentant de percevoir des royalties sur les ventes de la version Mac ainsi réalisée. En somme un accord gagnant-gagnant, puisque cela a permis aux éditeurs originaux de sortir leurs jeux simultanément sur Windows et sur Mac, au même tarif, souvent même sur le même support, tout en bénéficiant de la promotion commerciale, et les joueurs n'avaient plus à attendre des années pour pouvoir mettre la main sur le dernier titre à la mode. C'est ainsi que des éditeurs de poids comme Ubi Soft ou Electronic Arts se sont mis à reprendre en main la publication de leurs propres titres sur Mac.

Et avec un Mac qui renoue avec les ventes, les éditeurs ont retrouvé un attrait pour notre plateforme, d'autant que les joueurs sur Mac représentent un marché plus intéressant que sur Windows : plus familial et moins professionnel, doté d'une communauté de pirates moins organisée que sur Windows, mais surtout généralement plus encline à délier leurs bourses puisque par définition plus argentés que sur Windows.

Du produit au service

Certes, le jeu sur Mac reste plus coûteux puisqu'il nécessite toujours les étapes du portage et du test, mais c'est également une nouvelle notion qui a permis une évolution du marché : le logiciel-en-tant-que-service.

C'est là où on en revient au piratage comme moteur des modifications du marché : malgré les apparences, les éditeurs ont tâché d'apporter autant de valeur ajoutée que possible à leurs clients. Si autrefois les jeux étaient définitivement gravés dans le marbre une fois leur parution venue, l'arrivée d'Internet a permis de changer la donne, avec des titres en constante évolution au cours de leur vie. Le World of Warcraft d'aujourd'hui n'a plus grand chose à voir avec celui sorti en 2004. De nouveaux modèles économiques ont également vu le jour, pour financer cette évolution sur la durée, avec des systèmes d'abonnement mensuel, ou encore le modèle "freemium" qui se finance par la vente de contenus téléchargeables.

La suite logique de ces évolutions, qui font migrer le logiciel du produit au service, c'est l'accessibilité universelle. Les éditeurs n'ont pas manqué de remarquer qu'un seul et même joueur pouvait avoir à sa disposition plusieurs points d'accès, notamment Windows sur leur lieu de travail, et Mac OS X chez eux ou chez les divers membres de leur famille. En offrant un accès universel à leurs jeux, les éditeurs ne s'adressent pas tant à la communauté Mac, qu'à leurs clients déjà existants sur Windows, et s'assurent d'un marché fidélisé. C'est également cette universalité et le jeu en ligne qui justifient de certaines contreparties, comme l'abandon de souveraineté sur le logiciel en tant que produit. Vous n'achetez plus un produit qui vous appartient et dont vous faites ce que bon vous semble, mais un droit d'accès à un service… qui peut être révoqué à tout moment par l'éditeur. Et pour cause : le jeu en ligne a ouvert les vannes des économies parallèles, avec ses sweat shops et ses tricheurs, et par voie de conséquence l'arrivée du bannissement.

Radieux, l'avenir ?

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Plus que tout autre aspect, c'est bien la distribution qui a connu une véritable révolution avec la dématérialisation des contenus. Avec des services comme OnLive se profilent de nouvelles perspectives, tant dans l'utilisation que dans la consommation des jeux. D'ores et déjà il est possible de payer un forfait mensuel pour jouer en illimité à une sélection grandissante de jeux. Ce schéma se reproduit sur d'autres plateformes de distribution, comme Steam, ou même intégrés directement dans les appareils connectés comme c'est le cas de la Freebox Revolution, ou des téléviseurs (OnLive a signé un accord avec le fabricant Vizio pour intégrer son service à ses téléviseurs). Malgré tout les choses se compliquent par ailleurs, puisqu'on trouvera ou non un titre sur telle ou telle plateforme de distribution, qu'il soit disponible ou non sur la plateforme matérielle concernée, en fonction des accords d'exclusivité. Ainsi, certains titres portés sur Mac ne bénéficieront pas de la distribution sur Steam, précisément parce qu'ils auront été portés par des éditeurs tiers et non leurs éditeurs originaux : ceux-ci entendent percevoir leur marge sur les ventes, ce que le modèle de Steam ne permet pas, puisque l'achat de la version PC y donne droit à celle sur Mac, et inversement, sans verser un centime de plus.



D'autre part, le cloud computing, c'est à dire l'exploitation de la puissance de calcul des datacenters, rendra non seulement caduque la course à l'équipement, mais permettra également de réaliser l'impossible, avec le rendu d'images de synthèse hyper-réalistes en temps réel, au croisement du cinéma hollywoodien et des super-productions vidéoludiques.

Avec cette transversalité grandissante, la notion même de plateforme se dissout, et on voit poindre à l'horizon un avenir où la question des plateformes ou du code natif n'aura plus aucun sens. Il faudra malgré tout résoudre quelques questions épineuses concernant notre patrimoine culturel, qui sont d'ores et déjà cruciales : comment réaliser l'archivage de ce qui ne s'enregistre plus ? Comment conserver une trace d'une œuvre si elle meurt avec son producteur/éditeur ? Avec le cloud computing, se profile une lingua franca de l'informatique, qui permettra justement la survie du code au-delà des technologies qui l'ont vu naître, pour peu que les ayants-droits trouvent des accords ou que le domaine public fasse son œuvre. Jusqu'ici, ce sont les hackers, encore eux, qui ont pu sauvegarder ce patrimoine, précisément en contournant les mesures techniques de protection (employées dans les jeux d'arcade il y a déjà bien longtemps). Mais le logiciel-en-tant-que-service ne laisse plus de traces lorsqu'on débranche le fil. De nombreux jeux, déjà, ont irrémédiablement cessé d'être fonctionnels du jour où leur support a cessé. Le reverse-engineering a permis d'y parer, les hackers les plus motivés ayant recréé de toutes pièces des serveurs compatibles. Mais demain, lorsqu'il n'y aura plus de logiciel côté client, que restera-t-il après la faillite inéluctable d'un éditeur ?
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