Le Mac et l'entreprise, vaste programme souvent source de confusion et de polémique. Apple n'a jamais été à l'aise avec ce marché, Steve Jobs expliquait volontiers qu'il était plus simple de son point de vue de répondre aux besoins du grand public. Cela ne l'empêche pas pour autant d'essayer de cibler ce marché qui peut être très lucratif. Mais c'est souvent "Je t'aime, moi non plus" avec les professionnels, on l’a encore vu récemment avec Final Cut Pro X.
Si Apple a souvent été catalogué comme un OVNI auprès des DSI, son image a quelque peu changé avec les avènements successifs de l’iPod de l'iPhone et de l'iPad. Le Mac profite-t-il de cet environnement favorable ? Pour le savoir, nous avons interrogé trois consultants qui sont confrontés à la réalité du terrain et qui travaillent sur des segments assez différents : Guillaume Gete, Yoann Gini et Gildas Thomas. La clientèle de Yoann est composée essentiellement de TPE et PME ainsi que des labos de recherche autonomes, celle de Guillaume est constituée de tous les corps de métier avec des structures allant de 1 à 2000 personnes alors que Gildas ne travaille que pour les grands comptes.
Au menu de cet entretien : l'abandon des Xserve, le Mac mini Server en entreprise, l'arrivée prochaine de Lion Server et le Mac App Store.
De loin, la stratégie d'Apple vis-à-vis de l'entreprise parait toujours aussi difficile à déchiffrer. Comment voyez-vous cela au quotidien ? La cohérence ne semble pas être le maitre mot d'Apple…
- Yoann Gini : Je pense surtout qu’il n’y a pas de vraie stratégie pour grosses entreprises pour le moment. Apple est présente sur ce marché pour un type très précis de clients, les TPE et PME, les sociétés « autonomes ». L’explication a suffisamment été relayée pour que tout le monde sache la position de Jobs à ce sujet. Officiellement, Apple n’est pas intéressé par les grosses entreprises, car « les personnes qui utilisent les ordinateurs ne sont pas celles qui les choisissent ». Au final, c’est tout aussi cohérent que l’attaque du grand public, des machines un peu plus chères que la moyenne, mais pour un meilleur confort d’utilisation; les particuliers comme les entreprises qui veulent des machines low-cost ne sont pas la cible.
Pour autant, cela ne veut pas dire que la technologie vendue par Apple à destination des entreprises est mauvaise ! Bien au contraire ! Il y a dans Mac OS X et Mac OS X Serveur une réelle cohérence et puissance appréciable par toute entreprise qui préfère le retour sur investissement au prix d’achat.
- Guillaume Gete : Ça semble en effet un peu incohérent. D'un certain côté, Apple baisse le prix de Mac OS X Server de façon spectaculaire. D'un autre côté, les méthodes pour l'obtenir ne sont pas vraiment taillées pour les besoins professionnels (le Mac App Store ? Vraiment, Apple ?). Les signaux envoyés sont assez étranges.
- Gildas Thomas : Difficile a déchiffrer, c'est le moins qu'on puisse dire. De mémoire, jusque-là, Apple n'avait pas plus de considération pour les grosses entreprises, mais conservait tout de même l'existant historique (XServe, XServe RAID…), une sorte de cohabitation silencieuse. Aujourd'hui, et peut être parce ce qu'enfin Apple s'est trouvé une réelle voie marketing et développement interne, elle supprime ce qui n'est pas dans sa ligne directrice, quelque soit les conséquences. Du coup, de cohérence envers les grandes structures, il n'y en a plus.
Avec le recul, comment l'abandon des Xserve a-t-il été vécu par les professionnels ? Un non-évenement ou a-t-il été pointé du doigt qu'il est bien difficile de s'engager sur le long terme avec Apple ?
- Yoann Gini : La plupart de mes clients utilisant un Xserve l’ont mis sur une étagère dans une salle non climatisée, ce fut donc un non-évènement pour la plupart d’entre eux. Pour les autres, ils se sont dépêchés de commander les derniers par pur plaisir. Très peu d’entre eux ont réellement besoin d’un Xserve à vrai dire, la seule chose bien sur le Xserve était son aspect rackable.
Pour le reste, je trouve qu’une grappe de Mac mini serveur construit autour d’un Xsan présente beaucoup plus d’intérêt qu’un ou deux Xserve. (Bien entendu, je ne parle pas pour de l’hébergement de sites de multinationales, ce n’est pas la cible de Mac OS X Server)
- Guillaume Gete : Pour certains professionnels, c'est réellement problématique. En particulier pour les marchés universitaires qui avaient basculé vers Podcast Producer ou de grosses structures qui ont besoin d'un serveur rackable en 1U (dire "vous avez le Mac Pro, bon OK il fait 12U mais c'est aussi bien" n'est juste pas crédible).
L'abandon du Xserve est clairement un mauvais signal envoyé à des marchés qui sont pourtant assez acquis à Apple. J'ai reçu des messages de gens pas vraiment contents. Mais je pense qu'ils font partie d'une partie assez limitée de la clientèle d'Apple. Du côté de ma propre clientèle, il n'y a pas eu de crise d'urticaire majeure.
- Gildas Thomas : L'abandon des XServe, s'il a fait couler pas mal d'encre lors de son annonce, je ne peux pas dire que l'impact réel a été ressenti. En revanche, les conséquences sont bien différentes selon le secteur d'activité. Ceux qui vendent de la formation et/ou du service ne verront pas de très grandes différences, tout au juste une adaptation dans la manière de faire et les produits qui seront proposés.
A contrario, pour les grosses structures qui ont des fermes de Xserve, la difficulté de s'engager à long terme avec Apple commence à faire tache, et fera forcément le jeu des contradicteurs.
En parlant de cohérence, Apple a souvent affirmé que les Apple Store n'avaient pas pour vocation de s'attaquer aux entreprises, laissant cette cible aux revendeurs. Et voilà qu'elle lance Joint Ventures (lire : Joint Venture : un service d'assistance aux PME). Qu'est-ce que cela vous inspire ? Est-ce que cela change quelque chose pour vous ?
- Yoann Gini : Peu de chose au final, d’autant qu’en même temps Apple a ouvert son réseau ACN en Europe et que cela m’a apporté quelques bons clients. Je pense que Joint Venture est une réponse apportée aux différentes critiques faites à Apple vis-à-vis de leur position avec les entreprises.
Qu’importe ce qu’Apple fera à ce niveau, je pense qu’il y aura toujours de la place pour les consultants freelance.
- Guillaume Gete : Joint Venture est un service limité : il s'agit de formation et de préparation du matériel, mais fait uniquement à l'Apple Store. Pas d'envoi de Genius sur site, par exemple, et des services restreints aux logiciels Apple (même si les logiciels achetés auprès de l'Apple Store peuvent être installés). Pour moi, l'impact est quasi-nul, j'ai même des clients qui ont pris Joint Venture mais à qui Apple a conseillé quand même de faire appel à un consultant.
Ce qui est proposé par Joint Venture est dans l'ensemble assez générique, et ne pourra pas être adapté à tous les besoins. Enfin, toute la partie serveur n'est justement pas prise en charge, or, ce que veulent de plus en plus d'entreprises, ce sont des solutions de calendrier, carnet, mail, partage de documents… qui ne sont pas gérées par Joint Venture.
- Gildas Thomas : Pour l'instant, pas grand-chose. Je n'ai pas l'impression de faire exactement la même chose que ce qu'Apple propose, qui me semble léger. C'est aussi pour cela que le Apple Consultants Network a vu le jour en parallèle.
Mais j'aimerais revenir sur le côté "léger" dont je parlais. C'est la tendance que je ressens à propos d'Apple et des nouveaux produits. Qu'il s'agisse d'un Lion Server, Final Cut Pro X, Joint Ventures, j'ai vraiment l'impression qu'Apple se spécialise dans le easy access.
Tout est fait pour séduire le grand public et les petites structures, mais j'ai aussi le sentiment que les limites sont atteintes plus rapidement, ce qui pose un problème pour les grosses structures, puisqu'Apple ne semble plus s'adresser à cette population.
Lion Server : pour vous c'est le début de la fin ou le début d'une nouvelle ère ?
- Yoann Gini : C’est clairement quelque chose de nouveau, on aborde ici une nouvelle façon de faire pour Apple en bien des choses. Tout en étant tenu par des clauses de confidentialité, je pense que je peux quand même dire que je suis globalement satisfait par cette nouvelle mouture qui me rappelle un peu le passage de 10.4 Server à 10.5 Server mais en fois dix. Il y a de très bonnes choses dedans qui pourront être apprécié même par les plus gros.
- Guillaume Gete : Probablement une nouvelle ère. Et peut-être que ça changera d'ici deux ou trois ans, en fonction de l'évolution de l'informatique.
- Gildas Thomas : Je n'ai pas encore eu l'occasion de "jouer" avec Lion Server, mais il semble encore un coup, que cette version colle parfaitement avec la nouvelle direction d'Apple. Je pense que rien qu'au niveau du slogan ("Le serveur pour tous"), une erreur est commise. Un serveur n'est pas pour "tous", et d'une certaine manière, c'est leurrer les futurs utilisateurs.
Pour ceux qui utilisent déjà Mac OS X Server, pour l'instant, ils ont surtout droit à une interface supplémentaire (Server Admin + Workgroup Manager + App Server) ce qui ne va pas vraiment dans un sens ergonomique. Et de ce que l'on voit d'App Server, nous avons droit à une interface des plus minimes, alors que de nombreux administrateurs savent qu'il va en falloir un peu plus pour configurer un service tel que le mail, par exemple.
Initialement, Mac OS X Server était plutôt pensé pour les Mac Pro et Xserve. Il semble être désormais avant tout le compagnon du Mac mini. Est-ce que ce nouveau couple Mac mini/Server connait plus de succès que ses prédécesseurs ?
- Yoann Gini : OS X Server a toujours été supporté par Apple pour toutes les machines fixes de la gamme, il n’y a que le packaging qui a changé ici. Et pour dire vrai, j’en suis plutôt content sur mon secteur des TPE/PME. Bien que je déplore la fin des Xserve, je dois dire que le Mac mini serveur est presque trop simple à vendre quand on le met en face d’un devis concurrent construit autour de 2k8 SBS.
- Guillaume Gete : Il semble que ça soit effectivement un gros succès, de ce que j'ai glané comme infos autour de moi. Le Mac mini est une solution fiable, peu coûteuse, silencieuse, qui ne prend pas de place et couvre 80% des besoins en PME/PMI.
Le gros problème avec le Xserve, c'est que beaucoup pensaient qu'Apple allait attaquer le marché des *très* grandes entreprises. Genre remplacer des batteries de serveurs Windows par des Xserve. C'est malheureusement irréalisable pour plein de raisons. Apple se recentre donc sur ce qu'elle sait faire, et ça ne peut évidemment pas plaire à tout le monde. D'un autre côté, je ne connais pas d'entreprise qui soit capable de toucher aussi bien le marché pro que grand public sans difficulté.
- Gildas Thomas : Indirectement oui, puisqu'il est présenté comme d'avantage "user friendly", et c'est vrai qu'il l'est. Si la cible marketing la plus évidente du Mac mini Server est la petite entreprise, j'émets des doutes sur la réelle utilité pour le particulier. Que propose Mac OS X Server de plus pour ce dernier que Mac OS X ne fasse pas ?
Qu'il s'agisse d'un partage de fichier ou d'un site Web, la version cliente le fait très bien. Le DHCP, quelle box aujourd'hui ne propose pas son serveur DHCP intégré ?
Franchement, je ne vois d'intérêt particulier, hormis l'envie de gérer le parc informatique de la famille comme celui d'une PME (Open Directory pour gérer les comptes "Papa", "Maman", "Enfant1", "Enfant2", "Chien" ; DNS, Site Web interne pour afficher le menu de la semaine, wiki pour le fonctionnement de la machine à laver, etc.).
Est-ce que l'on va dans la bonne direction avec Lion Server ? Que pensez-vous également de sa tarification qui a été divisée par dix ?
- Yoann Gini : Je ne sais pas si la direction est bonne, mais elle peut être intéressante, tout comme l’était 10.5 lorsqu’on en était à 10.4. Et de la même manière que Snow Leopard était la version remise à neuf de Leopard, je pense qu’il faudra attendre 10.8 pour répondre à cette question.
Il y a vraiment de très bonnes choses qui viennent avec Lion Serveur. Toute la question est de savoir si Apple continuera à garder le cap malgré les critiques des personnes qui n’utilisent pas OS X Server :-)
- Guillaume Gete : Qu'est-ce que "la bonne direction" ? C'est surtout là la question. Apple fait des choix, certains qui plaisent, d'autres pas. Des technologies disparaissent et apparaissent : cela énerve forcément quand une technologie disparaît, mais on sait depuis longtemps qu'Apple n'hésitera pas longtemps à abandonner une technologie qu'elle juge (parfois à tort, parfois à raison) obsolète. Maintenant, trop supporter les anciennes technologies pour l'entreprise, c'est ce qui permet encore à Internet Explorer 6 de rester en vie depuis autant de temps… Et ce n'est pas forcément bien non plus.
Pour en revenir à Lion… Je suis pour toujours plus de simplicité, et il y a de très bonnes idées dans ce Lion Server. Je ne pense pas de toute façon qu'il disparaitra, mais il va suivre l'évolution de Mac OS X Client.
- Gildas Thomas : Je ne sais pas si l'on va dans la bonne direction, je sais juste que ce n'est pas celle que j'attendais. La dématérialisation de Lion n'est pas idiote, cependant, il aurait pu être intéressant de pouvoir tout de même choisir d'avoir une version sur DVD (ne serait-ce que pour ceux qui ont une mauvaise connexion internet).
Ce que l'on sait pour l'instant de l'installation me laisse aussi pantois. Vais-je pouvoir continuer avec un seul ghost pour toutes mes machines clients (activation de Lion par exemple) ?
Quant à la tarification, il semble que le contenu n'est pas divisé de la même manière donc c'est plutôt bon signe.
Avec la montée en puissance d'iOS, est-ce que vos métiers ont changé ? Avez-vous de nouvelles demandes de la part de vos clients ? Ou encore de nouveaux types de clients ?
- Yoann Gini : iOS a démocratisé le Mac, c’est clair et net. J’ai parmi mes clients certains qui se présentent en disant vouloir se faire « plaisir », comprendre ici : jeter tous les PCs et prendre des Mac à la place.
Au début de l’ère de l’informatique personnelle, on ne trouvait des PC que dans les entreprises, lorsque le particulier a commencé à s’équiper, il a naturellement acheté ce qu’il savait utiliser.
Aujourd’hui, les utilisateurs sont éduqués à l’informatique, et nous assistons à l’effet inverse. Tout le monde a voulu un iPhone, aujourd’hui il éjecte le BlackBerry. De l’iPhone, les gens sont naturellement passés au Mac (merci l’expérience utilisateur Apple) et c’est tout naturellement qu’aujourd’hui ils attendent que leur ordinateur au travail soit tout aussi efficace que leur machine personnelle.
- Guillaume Gete : J'ai constaté plusieurs choses depuis un an :
- Les ventes de Mac s'accélèrent, et les entreprises qui switchent vers le Mac sont de plus en plus nombreuses.
- Cette augmentation des ventes de Mac vient de la visibilité de l'iPhone, déjà très présent dans l'entreprise depuis quelque temps maintenant.
- Les grandes entreprises viennent au Mac, et ce, par le fameux effet halo de l'iPhone et de l'iPad.
Lors de la création de mon entreprise il y a 5 ans, les demandes d'intégration du Mac étaient assez rares dans les grandes structures. Depuis un an, la demande du côté des grosses structures qui veulent intégrer iOS ET du Mac est en explosion.
Ce sont des prestations plus ou moins faciles, mais toujours très intéressantes. Et on sent que le Mac n'est plus aussi rejeté qu'avant dans ces services informatiques (on sent même souvent de l'envie de la part des administrateurs PC…).
Ce qui importe pour Apple, aujourd'hui, c'est le poste client. Le poste serveur n'a qu'un impact limité dans les grandes entreprises, où il y a assez de monde qui se bat déjà. Et pour Apple, le PC va changer de forme, voire disparaître.
Ça ne se fera pas du jour au lendemain, évidemment, mais le mouvement de fond est lancé. L'iPad et Lion marquent une nouvelle époque, pleine de surprises, et d'inconnues. Les entreprises n'aiment pas l'inconnu, mais c'est aussi mon métier de les accompagner pour éviter les mauvaises surprises…
- Gildas Thomas : Hormis quelques questions pas vraiment. Nous avons tout de même une petite flotte d'iPad (une trentaine), et une application développée, mais cela reste faible. Il faut aussi voir que la sécurité informatique forte ici rend les choses plus complexes, donc plus longues à venir.
Dans la stratégie d'Apple, les App Store prennent de plus en plus d'importance. En tant qu'admin, comment voyez-vous cela ? Est-ce que le Mac App Store a été pensé pour l'entreprise ? Par rapport aux déploiements, aux gestions des licences ?
- Yoann Gini : Clairement, l’App Store est une vraie misère à gérer. Il n’y a pas de plan de clef de licence en volume comme chez tous les éditeurs de logiciel. Tout ce que propose Apple c’est de l’achat en volume… Pour une quantité de 20 items minimum pour un même produit, on a le droit de payer avec la même carte bleue / le même virement. Ce qui a pour effet de provoquer l’envoi par mail d’autant de code d’achat App Store.
Apple nous dit donc ici « achetez vos licences en volume et donnez-les à vos employés pour qu’ils achètent sur l’App Store les logiciels en question ».
Pourtant ça ne serait pas très complexe de créer des domaines d’Apple ID. Chaque Apple ID créé avec le compte mail de la société pourrait être repéré et ainsi Apple pourrait proposer au téléchargement la liste des logiciels achetés par la société, c’est ce que fait Microsoft avec le programme MSDN.
Mais non, pas chez Apple, aucune considération des problèmes d’achat en entreprise…
- Guillaume Gete : Les App Store sont conçus pour le grand public, et c'est une grosse partie du problème : il n'y a pas du tout de gestion professionnelle des licences pour les entreprises. L'App Store, c'est génial pour l'utilisateur individuel, mais les termes de la licence utilisateur du Mac App Store exigent une licence par poste dans un cadre professionnel.
Or, dans le cadre de l'iTunes Store, ça veut dire obligation d'avoir un compte iTunes par appareil ! Imaginez un déploiement de plusieurs milliers d'iPad, et que vous ayez envie d'installer Keynote sur tous : comment fait-on ? Idem pour la facturation : soit il faut associer un code de carte bancaire à un compte iTunes Store (dangereux), soit il faut acheter des cartes iTunes…
Impossible de créditer un compte autrement, pas de paiement à 30 jours ou via virement/chèque, cela complique énormément les choses dans des structures qui ne demanderaient qu'à adopter les produits iOS ou même Mac. Pour ce dernier c'est encore moins gênant : on peut toujours acheter des logiciels hors du Mac App Store… Mais pour combien de temps ?
Il faut donc qu'Apple trouve une solution qui permette l'achat et le déploiement facile en volume pour gagner encore en crédibilité en entreprise. Les solutions pis-aller ne font pas très sérieuses et augmentent significativement le travail des équipes informatiques. C'est dommage, car sur le reste, Apple a vraiment tout bon.
- Gildas Thomas : En tant qu'admin, je ne peux pas dire que j'accueille le tout App Store comme une bonne nouvelle. La première condition, c'est que la connexion à ce genre de système soit acceptée d'un point de vue sécuritaire, puisque cela reste de l’accès à tout, ou rien.
D'autre part, comme il n'est pas réellement prévu pour les entreprises (en tout cas pour les grosses structures), les achats de licences sont bien trop inadaptés, que ce soit au niveau du paiement ou de la mise à disposition.
J'ose espérer qu'une évolution significative arrivera prochainement, par exemple un Mac App Store relais dans Mac OS X Server permettant de gérer à partir du server les licences (achat, nombre) qui s'occupera de les distribuer aux postes clients au travers des comptes ordinateurs de l'Open Directory par exemple. Comme peut le proposer le service de Mise à jour actuellement.
Et c'est là le point noir selon moi chez Apple maintenant : la planification de déploiement semble complètement occultée au profit du bon vouloir de l'utilisateur. Un administrateur a besoin de planifier ses déploiements pour conserver un parc homogène.
De plus en plus d'entreprises ont de gros parcs de terminaux iOS. Là encore, est-il facile de gérer une flotte d'iPad et/ou iPhone ?
- Yoann Gini : Avec le Mobile Device Management, la gestion des iOS n’est pas trop compliquée si on fait abstraction de l’App Store, le seul problème vient du fait qu’aujourd’hui seuls les éditeurs de solution tiers fournisse un serveur pour aller avec. Heureusement avec Lion, Apple fournit enfin le sien, ce qui simplifiera grandement les choses.
- Guillaume Gete : Paradoxalement, mis à part le problème de licences vu au dessus, c'est bien plus facile que de gérer des Mac, car Apple a très vite intégré dans iOS les outils nécessaires pour les entreprises : la gestion de profils de déploiement, le protocole ActiveSync pour se connecter aux serveurs Exchange et compatibles, et plus récemment les solutions de Mobile Device Management (MDM).
Ces dernières se greffent au-dessus de l'architecture existante très facilement, voire sont un simple module à ajouter à des systèmes de gestion de flotte déjà en place, comme Iron Mobile. On trouve même des solutions en mode SaaS (Software as a Service), ce qui évite d'avoir à réinventer la roue. Et avec l'intégration annoncée du MDM au sein de Lion Server, on aura même une solution très peu coûteuse pour gérer de la même façon Mac, iPad, iPhone… C'est particulièrement intéressant, surtout au prix très bas de Lion Server, et rien que pour ça, je pense que de nombreuses entreprises feront le saut vers Lion et Lion Server.
- Gildas Thomas : Je ne sais pas, je ne gère pas de flotte de terminaux iOS pour l'instant.
Si Apple a souvent été catalogué comme un OVNI auprès des DSI, son image a quelque peu changé avec les avènements successifs de l’iPod de l'iPhone et de l'iPad. Le Mac profite-t-il de cet environnement favorable ? Pour le savoir, nous avons interrogé trois consultants qui sont confrontés à la réalité du terrain et qui travaillent sur des segments assez différents : Guillaume Gete, Yoann Gini et Gildas Thomas. La clientèle de Yoann est composée essentiellement de TPE et PME ainsi que des labos de recherche autonomes, celle de Guillaume est constituée de tous les corps de métier avec des structures allant de 1 à 2000 personnes alors que Gildas ne travaille que pour les grands comptes.
Au menu de cet entretien : l'abandon des Xserve, le Mac mini Server en entreprise, l'arrivée prochaine de Lion Server et le Mac App Store.
De loin, la stratégie d'Apple vis-à-vis de l'entreprise parait toujours aussi difficile à déchiffrer. Comment voyez-vous cela au quotidien ? La cohérence ne semble pas être le maitre mot d'Apple…
- Yoann Gini : Je pense surtout qu’il n’y a pas de vraie stratégie pour grosses entreprises pour le moment. Apple est présente sur ce marché pour un type très précis de clients, les TPE et PME, les sociétés « autonomes ». L’explication a suffisamment été relayée pour que tout le monde sache la position de Jobs à ce sujet. Officiellement, Apple n’est pas intéressé par les grosses entreprises, car « les personnes qui utilisent les ordinateurs ne sont pas celles qui les choisissent ». Au final, c’est tout aussi cohérent que l’attaque du grand public, des machines un peu plus chères que la moyenne, mais pour un meilleur confort d’utilisation; les particuliers comme les entreprises qui veulent des machines low-cost ne sont pas la cible.
Pour autant, cela ne veut pas dire que la technologie vendue par Apple à destination des entreprises est mauvaise ! Bien au contraire ! Il y a dans Mac OS X et Mac OS X Serveur une réelle cohérence et puissance appréciable par toute entreprise qui préfère le retour sur investissement au prix d’achat.
- Guillaume Gete : Ça semble en effet un peu incohérent. D'un certain côté, Apple baisse le prix de Mac OS X Server de façon spectaculaire. D'un autre côté, les méthodes pour l'obtenir ne sont pas vraiment taillées pour les besoins professionnels (le Mac App Store ? Vraiment, Apple ?). Les signaux envoyés sont assez étranges.
- Gildas Thomas : Difficile a déchiffrer, c'est le moins qu'on puisse dire. De mémoire, jusque-là, Apple n'avait pas plus de considération pour les grosses entreprises, mais conservait tout de même l'existant historique (XServe, XServe RAID…), une sorte de cohabitation silencieuse. Aujourd'hui, et peut être parce ce qu'enfin Apple s'est trouvé une réelle voie marketing et développement interne, elle supprime ce qui n'est pas dans sa ligne directrice, quelque soit les conséquences. Du coup, de cohérence envers les grandes structures, il n'y en a plus.
image : GrahamHancock
Avec le recul, comment l'abandon des Xserve a-t-il été vécu par les professionnels ? Un non-évenement ou a-t-il été pointé du doigt qu'il est bien difficile de s'engager sur le long terme avec Apple ?
- Yoann Gini : La plupart de mes clients utilisant un Xserve l’ont mis sur une étagère dans une salle non climatisée, ce fut donc un non-évènement pour la plupart d’entre eux. Pour les autres, ils se sont dépêchés de commander les derniers par pur plaisir. Très peu d’entre eux ont réellement besoin d’un Xserve à vrai dire, la seule chose bien sur le Xserve était son aspect rackable.
Pour le reste, je trouve qu’une grappe de Mac mini serveur construit autour d’un Xsan présente beaucoup plus d’intérêt qu’un ou deux Xserve. (Bien entendu, je ne parle pas pour de l’hébergement de sites de multinationales, ce n’est pas la cible de Mac OS X Server)
- Guillaume Gete : Pour certains professionnels, c'est réellement problématique. En particulier pour les marchés universitaires qui avaient basculé vers Podcast Producer ou de grosses structures qui ont besoin d'un serveur rackable en 1U (dire "vous avez le Mac Pro, bon OK il fait 12U mais c'est aussi bien" n'est juste pas crédible).
L'abandon du Xserve est clairement un mauvais signal envoyé à des marchés qui sont pourtant assez acquis à Apple. J'ai reçu des messages de gens pas vraiment contents. Mais je pense qu'ils font partie d'une partie assez limitée de la clientèle d'Apple. Du côté de ma propre clientèle, il n'y a pas eu de crise d'urticaire majeure.
- Gildas Thomas : L'abandon des XServe, s'il a fait couler pas mal d'encre lors de son annonce, je ne peux pas dire que l'impact réel a été ressenti. En revanche, les conséquences sont bien différentes selon le secteur d'activité. Ceux qui vendent de la formation et/ou du service ne verront pas de très grandes différences, tout au juste une adaptation dans la manière de faire et les produits qui seront proposés.
A contrario, pour les grosses structures qui ont des fermes de Xserve, la difficulté de s'engager à long terme avec Apple commence à faire tache, et fera forcément le jeu des contradicteurs.
En parlant de cohérence, Apple a souvent affirmé que les Apple Store n'avaient pas pour vocation de s'attaquer aux entreprises, laissant cette cible aux revendeurs. Et voilà qu'elle lance Joint Ventures (lire : Joint Venture : un service d'assistance aux PME). Qu'est-ce que cela vous inspire ? Est-ce que cela change quelque chose pour vous ?
- Yoann Gini : Peu de chose au final, d’autant qu’en même temps Apple a ouvert son réseau ACN en Europe et que cela m’a apporté quelques bons clients. Je pense que Joint Venture est une réponse apportée aux différentes critiques faites à Apple vis-à-vis de leur position avec les entreprises.
Qu’importe ce qu’Apple fera à ce niveau, je pense qu’il y aura toujours de la place pour les consultants freelance.
- Guillaume Gete : Joint Venture est un service limité : il s'agit de formation et de préparation du matériel, mais fait uniquement à l'Apple Store. Pas d'envoi de Genius sur site, par exemple, et des services restreints aux logiciels Apple (même si les logiciels achetés auprès de l'Apple Store peuvent être installés). Pour moi, l'impact est quasi-nul, j'ai même des clients qui ont pris Joint Venture mais à qui Apple a conseillé quand même de faire appel à un consultant.
Ce qui est proposé par Joint Venture est dans l'ensemble assez générique, et ne pourra pas être adapté à tous les besoins. Enfin, toute la partie serveur n'est justement pas prise en charge, or, ce que veulent de plus en plus d'entreprises, ce sont des solutions de calendrier, carnet, mail, partage de documents… qui ne sont pas gérées par Joint Venture.
- Gildas Thomas : Pour l'instant, pas grand-chose. Je n'ai pas l'impression de faire exactement la même chose que ce qu'Apple propose, qui me semble léger. C'est aussi pour cela que le Apple Consultants Network a vu le jour en parallèle.
Mais j'aimerais revenir sur le côté "léger" dont je parlais. C'est la tendance que je ressens à propos d'Apple et des nouveaux produits. Qu'il s'agisse d'un Lion Server, Final Cut Pro X, Joint Ventures, j'ai vraiment l'impression qu'Apple se spécialise dans le easy access.
Tout est fait pour séduire le grand public et les petites structures, mais j'ai aussi le sentiment que les limites sont atteintes plus rapidement, ce qui pose un problème pour les grosses structures, puisqu'Apple ne semble plus s'adresser à cette population.
Lion Server : pour vous c'est le début de la fin ou le début d'une nouvelle ère ?
- Yoann Gini : C’est clairement quelque chose de nouveau, on aborde ici une nouvelle façon de faire pour Apple en bien des choses. Tout en étant tenu par des clauses de confidentialité, je pense que je peux quand même dire que je suis globalement satisfait par cette nouvelle mouture qui me rappelle un peu le passage de 10.4 Server à 10.5 Server mais en fois dix. Il y a de très bonnes choses dedans qui pourront être apprécié même par les plus gros.
- Guillaume Gete : Probablement une nouvelle ère. Et peut-être que ça changera d'ici deux ou trois ans, en fonction de l'évolution de l'informatique.
- Gildas Thomas : Je n'ai pas encore eu l'occasion de "jouer" avec Lion Server, mais il semble encore un coup, que cette version colle parfaitement avec la nouvelle direction d'Apple. Je pense que rien qu'au niveau du slogan ("Le serveur pour tous"), une erreur est commise. Un serveur n'est pas pour "tous", et d'une certaine manière, c'est leurrer les futurs utilisateurs.
Pour ceux qui utilisent déjà Mac OS X Server, pour l'instant, ils ont surtout droit à une interface supplémentaire (Server Admin + Workgroup Manager + App Server) ce qui ne va pas vraiment dans un sens ergonomique. Et de ce que l'on voit d'App Server, nous avons droit à une interface des plus minimes, alors que de nombreux administrateurs savent qu'il va en falloir un peu plus pour configurer un service tel que le mail, par exemple.
Initialement, Mac OS X Server était plutôt pensé pour les Mac Pro et Xserve. Il semble être désormais avant tout le compagnon du Mac mini. Est-ce que ce nouveau couple Mac mini/Server connait plus de succès que ses prédécesseurs ?
- Yoann Gini : OS X Server a toujours été supporté par Apple pour toutes les machines fixes de la gamme, il n’y a que le packaging qui a changé ici. Et pour dire vrai, j’en suis plutôt content sur mon secteur des TPE/PME. Bien que je déplore la fin des Xserve, je dois dire que le Mac mini serveur est presque trop simple à vendre quand on le met en face d’un devis concurrent construit autour de 2k8 SBS.
- Guillaume Gete : Il semble que ça soit effectivement un gros succès, de ce que j'ai glané comme infos autour de moi. Le Mac mini est une solution fiable, peu coûteuse, silencieuse, qui ne prend pas de place et couvre 80% des besoins en PME/PMI.
Le gros problème avec le Xserve, c'est que beaucoup pensaient qu'Apple allait attaquer le marché des *très* grandes entreprises. Genre remplacer des batteries de serveurs Windows par des Xserve. C'est malheureusement irréalisable pour plein de raisons. Apple se recentre donc sur ce qu'elle sait faire, et ça ne peut évidemment pas plaire à tout le monde. D'un autre côté, je ne connais pas d'entreprise qui soit capable de toucher aussi bien le marché pro que grand public sans difficulté.
- Gildas Thomas : Indirectement oui, puisqu'il est présenté comme d'avantage "user friendly", et c'est vrai qu'il l'est. Si la cible marketing la plus évidente du Mac mini Server est la petite entreprise, j'émets des doutes sur la réelle utilité pour le particulier. Que propose Mac OS X Server de plus pour ce dernier que Mac OS X ne fasse pas ?
Qu'il s'agisse d'un partage de fichier ou d'un site Web, la version cliente le fait très bien. Le DHCP, quelle box aujourd'hui ne propose pas son serveur DHCP intégré ?
Franchement, je ne vois d'intérêt particulier, hormis l'envie de gérer le parc informatique de la famille comme celui d'une PME (Open Directory pour gérer les comptes "Papa", "Maman", "Enfant1", "Enfant2", "Chien" ; DNS, Site Web interne pour afficher le menu de la semaine, wiki pour le fonctionnement de la machine à laver, etc.).
Est-ce que l'on va dans la bonne direction avec Lion Server ? Que pensez-vous également de sa tarification qui a été divisée par dix ?
- Yoann Gini : Je ne sais pas si la direction est bonne, mais elle peut être intéressante, tout comme l’était 10.5 lorsqu’on en était à 10.4. Et de la même manière que Snow Leopard était la version remise à neuf de Leopard, je pense qu’il faudra attendre 10.8 pour répondre à cette question.
Il y a vraiment de très bonnes choses qui viennent avec Lion Serveur. Toute la question est de savoir si Apple continuera à garder le cap malgré les critiques des personnes qui n’utilisent pas OS X Server :-)
- Guillaume Gete : Qu'est-ce que "la bonne direction" ? C'est surtout là la question. Apple fait des choix, certains qui plaisent, d'autres pas. Des technologies disparaissent et apparaissent : cela énerve forcément quand une technologie disparaît, mais on sait depuis longtemps qu'Apple n'hésitera pas longtemps à abandonner une technologie qu'elle juge (parfois à tort, parfois à raison) obsolète. Maintenant, trop supporter les anciennes technologies pour l'entreprise, c'est ce qui permet encore à Internet Explorer 6 de rester en vie depuis autant de temps… Et ce n'est pas forcément bien non plus.
Pour en revenir à Lion… Je suis pour toujours plus de simplicité, et il y a de très bonnes idées dans ce Lion Server. Je ne pense pas de toute façon qu'il disparaitra, mais il va suivre l'évolution de Mac OS X Client.
- Gildas Thomas : Je ne sais pas si l'on va dans la bonne direction, je sais juste que ce n'est pas celle que j'attendais. La dématérialisation de Lion n'est pas idiote, cependant, il aurait pu être intéressant de pouvoir tout de même choisir d'avoir une version sur DVD (ne serait-ce que pour ceux qui ont une mauvaise connexion internet).
Ce que l'on sait pour l'instant de l'installation me laisse aussi pantois. Vais-je pouvoir continuer avec un seul ghost pour toutes mes machines clients (activation de Lion par exemple) ?
Quant à la tarification, il semble que le contenu n'est pas divisé de la même manière donc c'est plutôt bon signe.
Avec la montée en puissance d'iOS, est-ce que vos métiers ont changé ? Avez-vous de nouvelles demandes de la part de vos clients ? Ou encore de nouveaux types de clients ?
- Yoann Gini : iOS a démocratisé le Mac, c’est clair et net. J’ai parmi mes clients certains qui se présentent en disant vouloir se faire « plaisir », comprendre ici : jeter tous les PCs et prendre des Mac à la place.
Au début de l’ère de l’informatique personnelle, on ne trouvait des PC que dans les entreprises, lorsque le particulier a commencé à s’équiper, il a naturellement acheté ce qu’il savait utiliser.
Aujourd’hui, les utilisateurs sont éduqués à l’informatique, et nous assistons à l’effet inverse. Tout le monde a voulu un iPhone, aujourd’hui il éjecte le BlackBerry. De l’iPhone, les gens sont naturellement passés au Mac (merci l’expérience utilisateur Apple) et c’est tout naturellement qu’aujourd’hui ils attendent que leur ordinateur au travail soit tout aussi efficace que leur machine personnelle.
- Guillaume Gete : J'ai constaté plusieurs choses depuis un an :
- Les ventes de Mac s'accélèrent, et les entreprises qui switchent vers le Mac sont de plus en plus nombreuses.
- Cette augmentation des ventes de Mac vient de la visibilité de l'iPhone, déjà très présent dans l'entreprise depuis quelque temps maintenant.
- Les grandes entreprises viennent au Mac, et ce, par le fameux effet halo de l'iPhone et de l'iPad.
Lors de la création de mon entreprise il y a 5 ans, les demandes d'intégration du Mac étaient assez rares dans les grandes structures. Depuis un an, la demande du côté des grosses structures qui veulent intégrer iOS ET du Mac est en explosion.
Ce sont des prestations plus ou moins faciles, mais toujours très intéressantes. Et on sent que le Mac n'est plus aussi rejeté qu'avant dans ces services informatiques (on sent même souvent de l'envie de la part des administrateurs PC…).
Ce qui importe pour Apple, aujourd'hui, c'est le poste client. Le poste serveur n'a qu'un impact limité dans les grandes entreprises, où il y a assez de monde qui se bat déjà. Et pour Apple, le PC va changer de forme, voire disparaître.
Ça ne se fera pas du jour au lendemain, évidemment, mais le mouvement de fond est lancé. L'iPad et Lion marquent une nouvelle époque, pleine de surprises, et d'inconnues. Les entreprises n'aiment pas l'inconnu, mais c'est aussi mon métier de les accompagner pour éviter les mauvaises surprises…
- Gildas Thomas : Hormis quelques questions pas vraiment. Nous avons tout de même une petite flotte d'iPad (une trentaine), et une application développée, mais cela reste faible. Il faut aussi voir que la sécurité informatique forte ici rend les choses plus complexes, donc plus longues à venir.
Dans la stratégie d'Apple, les App Store prennent de plus en plus d'importance. En tant qu'admin, comment voyez-vous cela ? Est-ce que le Mac App Store a été pensé pour l'entreprise ? Par rapport aux déploiements, aux gestions des licences ?
- Yoann Gini : Clairement, l’App Store est une vraie misère à gérer. Il n’y a pas de plan de clef de licence en volume comme chez tous les éditeurs de logiciel. Tout ce que propose Apple c’est de l’achat en volume… Pour une quantité de 20 items minimum pour un même produit, on a le droit de payer avec la même carte bleue / le même virement. Ce qui a pour effet de provoquer l’envoi par mail d’autant de code d’achat App Store.
Apple nous dit donc ici « achetez vos licences en volume et donnez-les à vos employés pour qu’ils achètent sur l’App Store les logiciels en question ».
Pourtant ça ne serait pas très complexe de créer des domaines d’Apple ID. Chaque Apple ID créé avec le compte mail de la société pourrait être repéré et ainsi Apple pourrait proposer au téléchargement la liste des logiciels achetés par la société, c’est ce que fait Microsoft avec le programme MSDN.
Mais non, pas chez Apple, aucune considération des problèmes d’achat en entreprise…
- Guillaume Gete : Les App Store sont conçus pour le grand public, et c'est une grosse partie du problème : il n'y a pas du tout de gestion professionnelle des licences pour les entreprises. L'App Store, c'est génial pour l'utilisateur individuel, mais les termes de la licence utilisateur du Mac App Store exigent une licence par poste dans un cadre professionnel.
Or, dans le cadre de l'iTunes Store, ça veut dire obligation d'avoir un compte iTunes par appareil ! Imaginez un déploiement de plusieurs milliers d'iPad, et que vous ayez envie d'installer Keynote sur tous : comment fait-on ? Idem pour la facturation : soit il faut associer un code de carte bancaire à un compte iTunes Store (dangereux), soit il faut acheter des cartes iTunes…
Impossible de créditer un compte autrement, pas de paiement à 30 jours ou via virement/chèque, cela complique énormément les choses dans des structures qui ne demanderaient qu'à adopter les produits iOS ou même Mac. Pour ce dernier c'est encore moins gênant : on peut toujours acheter des logiciels hors du Mac App Store… Mais pour combien de temps ?
Il faut donc qu'Apple trouve une solution qui permette l'achat et le déploiement facile en volume pour gagner encore en crédibilité en entreprise. Les solutions pis-aller ne font pas très sérieuses et augmentent significativement le travail des équipes informatiques. C'est dommage, car sur le reste, Apple a vraiment tout bon.
- Gildas Thomas : En tant qu'admin, je ne peux pas dire que j'accueille le tout App Store comme une bonne nouvelle. La première condition, c'est que la connexion à ce genre de système soit acceptée d'un point de vue sécuritaire, puisque cela reste de l’accès à tout, ou rien.
D'autre part, comme il n'est pas réellement prévu pour les entreprises (en tout cas pour les grosses structures), les achats de licences sont bien trop inadaptés, que ce soit au niveau du paiement ou de la mise à disposition.
J'ose espérer qu'une évolution significative arrivera prochainement, par exemple un Mac App Store relais dans Mac OS X Server permettant de gérer à partir du server les licences (achat, nombre) qui s'occupera de les distribuer aux postes clients au travers des comptes ordinateurs de l'Open Directory par exemple. Comme peut le proposer le service de Mise à jour actuellement.
Et c'est là le point noir selon moi chez Apple maintenant : la planification de déploiement semble complètement occultée au profit du bon vouloir de l'utilisateur. Un administrateur a besoin de planifier ses déploiements pour conserver un parc homogène.
De plus en plus d'entreprises ont de gros parcs de terminaux iOS. Là encore, est-il facile de gérer une flotte d'iPad et/ou iPhone ?
- Yoann Gini : Avec le Mobile Device Management, la gestion des iOS n’est pas trop compliquée si on fait abstraction de l’App Store, le seul problème vient du fait qu’aujourd’hui seuls les éditeurs de solution tiers fournisse un serveur pour aller avec. Heureusement avec Lion, Apple fournit enfin le sien, ce qui simplifiera grandement les choses.
- Guillaume Gete : Paradoxalement, mis à part le problème de licences vu au dessus, c'est bien plus facile que de gérer des Mac, car Apple a très vite intégré dans iOS les outils nécessaires pour les entreprises : la gestion de profils de déploiement, le protocole ActiveSync pour se connecter aux serveurs Exchange et compatibles, et plus récemment les solutions de Mobile Device Management (MDM).
Ces dernières se greffent au-dessus de l'architecture existante très facilement, voire sont un simple module à ajouter à des systèmes de gestion de flotte déjà en place, comme Iron Mobile. On trouve même des solutions en mode SaaS (Software as a Service), ce qui évite d'avoir à réinventer la roue. Et avec l'intégration annoncée du MDM au sein de Lion Server, on aura même une solution très peu coûteuse pour gérer de la même façon Mac, iPad, iPhone… C'est particulièrement intéressant, surtout au prix très bas de Lion Server, et rien que pour ça, je pense que de nombreuses entreprises feront le saut vers Lion et Lion Server.
- Gildas Thomas : Je ne sais pas, je ne gère pas de flotte de terminaux iOS pour l'instant.