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Microsoft dévoile Windows 8

Arnaud de la Grandière

vendredi 03 juin 2011 à 13:20 • 107

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Après des mois de "teasing" insoutenable, Microsoft vient enfin de lever le voile sur Windows 8, nom de code du prochain OS.

La firme de Redmond promettait une petite révolution au niveau de l'interface, et un système qui serait aussi à l'aise sur un PC de bureau que sur une tablette. Et le moins qu'on puisse dire c'est que la proposition de Microsoft n'est pas timorée : reprenant certains concepts de Windows Phone 7, Windows 8 propose un abord en faveur du tout tactile, avec une présentation par "tuiles" en lieu et place des icônes tout comme sur Windows Phone 7. On note également la présence d'un "store" sur l'écran d'accueil, mais on avait largement de quoi s'y attendre (lire Windows App Store : il existe, mais pas officiellement).

Un clavier virtuel à l'écran, qui peut se déporter de chaque côté du moniteur pour plus de confort sur les grandes dalles, un système de partage de l'écran entre deux applications qui se côtoient, autant d'audaces auxquelles Microsoft ne nous avait pas habitués jusqu'ici.





La tendance avait été amorcée avec Windows Phone 7, dont Windows 8 hérite beaucoup : faisant table rase de ses démons du passé, Microsoft a fait le pari réussi de se démarquer et de proposer une interface non seulement cohérente, mais également originale et pleine de trouvailles.

Les applications présentées dans ce mode sont basées sur HTML5 et JavaScript, et pourront donc fonctionner sur n'importe quelle plateforme matérielle. On notera toutefois que Microsoft a changé son fusil d'épaule par rapport à Windows Phone 7, qui lui privilégie le développement avec Silverlight. Quoi qu'il en soit, ce choix reste important sachant que Microsoft a promis une version de Windows 8 dédiée aux processeurs ARM. Cette famille de processeurs n'ayant pas le même langage machine que les processeurs x86, il se pose nécessairement un problème de compatibilité pour les logiciels compilés déjà existants. En pareille situation, on a habituellement recours à l'émulation (ce fut le choix fait par Apple au passage du 68040 au PowerPC, puis du PowerPC au x86), mais Microsoft a un problème de taille : la différence notable de capacité entre le processeur ARM d'une tablette et les Core Intel des PC de bureau. L'émulation n'a jamais été envisageable (et encore, que dans une certaine mesure), que lorsque le nouveau processeur est plus puissant que l'ancien. Et de fait, Microsoft a indiqué qu'elle ne proposerait pas d'émulation pour les applications x86 sur Windows pour ARM, limitant donc la logithèque des tablettes ARM aux seules applications réalisées en HTML5 et JavaScript, qui elles pourront être partagées entre les deux processeurs sans difficulté.

Mais précisément, sur processeurs x86, qu'advient-il de la conséquente logithèque de Windows, celle-là même sur laquelle Microsoft a bâti son empire ? La réponse est donnée à 3 minutes dans la vidéo de présentation : elles n'ont changé en rien. On retrouve les "bonnes vieilles" fenêtres et l'interface de Windows 7 dès lors qu'on lance un logiciel du vieux monde.

Ce qui promettait d'être un changement radical n'est qu'une banale addition cosmétique. En somme, Windows 8 n'est qu'une surcouche graphico-tactile à Windows 7.

Il faut dire que Microsoft a tâché de résoudre la quadrature du cercle avec ce procédé :

- proposer une interface utilisable sur les tablettes tactiles
- conserver la compatibilité avec sa logithèque
- offrir une prise à Windows Phone 7 sur le marché du smartphone

Le premier et le second point sont antinomiques, quant au troisième il ne fait que rendre la tâche plus ardue encore. En effet, en livrant cette interface tactile avec tous les futurs PC, Microsoft compte éduquer ses clients à l'utilisation de Windows Phone 7 : étant en terrain de connaissance sur leurs PC, ils seront peut-être plus enclins à choisir un smartphone qu'ils sauront donc déjà utiliser, et qui pourra partager une partie de la logithèque de leurs PC (les fameuses applications tactiles en HTML5+JavaScript. Incidemment, la prochaine mouture de Windows Phone, Mango, permet de créer des applications en HTML, en plus de Silverlight). L'approche démontre de manière éloquente que Microsoft a pris la mesure de l'importance stratégique des appareils mobiles.

Car transformer son produit phare, celui sur lequel elle tire l'écrasante majorité de ses revenus, en simple cheval de Troie pour la bataille des smartphones est loin d'être anodin. En somme, Microsoft vient de donner raison à Steve Jobs avec fracas au sujet de l'ère "post-PC" : c'est là que demain tout, ou presque, se jouera.


suivez ce lien pour consulter la vidéo sur iOS


Après tout, le géant du logiciel est en terrain de connaissance : Windows lui-même n'a-t-il pas commencé sa carrière comme une simple surcouche de MS-DOS avant de finir, bien des années après, par commettre le parricide en phagocytant son vénérable aïeul ? La méthode a déjà fonctionné une fois, pourquoi ne serait-il donc pas possible de renouveler le procédé ?

Il existe malgré tout une différence de taille entre la transition MS-DOS/Windows et les paradigmes fenêtres/tactile : dans le premier cas, il n'y avait pas deux types de machines bien différents qui aient été associés à chaque interface. C'est là le plus gros problème de Microsoft : imagine-t-on que les utilisateurs de Windows 8 sur PC de bureau favoriseront les nouvelles applications tactiles moins puissantes, et que ceux sur tablettes x86 s'embarrasseront des vieux menus et fenêtres, ne serait-ce que pour avoir l'honneur et l'avantage d'utiliser Excel à l'ancienne ? Il faut tout de même visualiser la chose pour en mesurer l'ineptie : tap sur le titre du menu, tap sur l'élément de menu, tracer un trait sur l'écran du bout du doigt pour déplacer ou retailler une fenêtre, et qu'advient-il des "rollovers", les actions qui sont lancées par le survol du pointeur, lorsqu'il n'y a plus de périphérique de pointage ? La notion même d'avoir un anti-virus qui tourne sur une tablette peut aujourd'hui faire sourciller plus d'un utilisateur d'iPad.

On peut toutefois envisager la proposition de Microsoft comme un "meilleur des deux mondes", et l'idée en tant que telle peut paraître séduisante : la même machine pourrait s'adapter à votre mode de consommation, et passer d'un mode à l'autre de manière transparente. En l'espèce, Microsoft va plus loin encore que ce qu'Apple propose avec Mac OS X Lion, qui comparativement se contente de reprendre quelques éléments visuels et comportementaux d'iOS en surface. Le PC deviendrait tablette média lorsque vous en avez besoin, et inversement.

Mais résumer l'expérience d'une tablette média telle que l'iPad à la seule interface tactile serait très réducteur. L'iPad a apporté des modifications autrement plus profondes à l'interface utilisateur et au système d'exploitation : plus de gestion des fichiers, plus même de sauvegarde, alors que Windows 8 présente toujours les bons vieux dossiers et autres DLL. Quant à la gestion de l'autonomie de l'iPad et sa réactivité, elles sont inégalées précisément parce qu'iOS a "taillé dans le gras" : plus de "vrai" multitâche, et un démarrage en un temps record. Qu'advient-il du disque dur externe lorsqu'on passe en mode tablette sur Windows 8 ?

Qu'advient-il d'Excel, toujours en tâche de fond, lorsqu'on passe à la lecture d'un magazine ? Mieux encore, que se passe-t-il si le fichier ouvert dans Excel était stocké sur le disque externe au moment du passage en mode tablette ? Autant de questions qui attendent des réponses, et on n'en sait pour l'heure à vrai dire bien peu encore sur cette nouvelle mouture de Windows. Microsoft a encore du temps pour parfaire sa copie et donner toutes les réponses d'ici à la sortie du système. En revanche, elle semble initier ici une transition sur le long cours, dont elle n'a peut-être plus les moyens : on ne peut plus prendre le train en marche lorsqu'il a quitté la gare.

Certes, les deux modes ne vivent pas en totale autarcie : ainsi il est possible de faire cohabiter une application tactile et une application pré-Windows 8 à l'écran par le procédé de partage évoqué plus haut. On imagine également, bien que Microsoft n'en a pas fait la démonstration, que le clavier virtuel pourra être utilisé avec les anciennes applications. A ce titre, la couche tactile de Windows 8 n'est pas qu'une simple surcouche, et il faudra attendre de voir les autres fonctions que Microsoft dévoilera à l'avenir pour mesurer l'interpénétration des deux mondes. Quoi qu'il en soit les deux approches, telles que présentées, vont de pair aussi bien qu'un poisson et une bicyclette. S'il est facile de voir ce que cette approche est susceptible d'apporter à Microsoft, il est beaucoup plus difficile d'entrevoir l'avantage pour ses utilisateurs. Et au final, c'est tout de même bien d'eux qu'il s'agit : nul ne fera la mise à jour pour la seule joie de faire plaisir à l'éditeur.

Comme le souligne John Gruber, ce qui a fait l'indéniable succès de l'iPad c'est bien qu'Apple a fait table rase du passé. Pages, Numbers et Keynote ont été totalement repensés pour l'interface tactile, et c'est bien ce qui fonctionne. La simplicité de l'iPad tient également à la disparition de la gestion des fichiers et de leur sauvegarde. L'impossibilité même de faire un portage direct d'une application de Mac OS X vers iOS garantit que les développeurs de tierce partie penseront leur application spécifiquement pour iOS, ce qui participe à la force et à la cohérence de la plateforme. Microsoft n'a pas eu la force d'âme d'abandonner ce qui a fait jusqu'ici sa fortune, cela pourrait bien être à l'avenir un boulet trop lourd à traîner.

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