Le Mac App Store a ouvert il y a quasiment un mois. Quelques belles histoires sont venues conforter la pertinence de ce nouveau mode de distribution des logiciels Mac, calqué sur un App Store dont le succès n'est plus à démontrer. Pixelmator (24€) et son million de dollars engrangé ou Autodesk qui a vu le nombre de clients de son logiciel Sketch Book Pro, vendu 63€ doubler à la faveur de sa distribution sur ce store (toutefois aucun chiffre n'a été donné sur ce que représente ce volume).
Seulement, le Mac App Store ne se réduit pas à un nouveau canal de distribution, il peut chambouler la manière dont seront conçues, tarifées et vendues les applications. Nous avons interrogé quelques développeurs face à ces possibles changements.
Premiers bilans
Parmi ces développeurs, tous n'ont pu avoir leur application validée pour l'ouverture du Mac App Store (MAS), mais chacun a pu dresser un premier bilan provisoire de l'opération. Intego a joué la carte d'une application inédite, l'application iCompta a bénéficié de cette nouvelle exposition et un éditeur comme App4Mac envisage de fermer purement et simplement sa boutique au profit du Mac App Store.
Intego a pris la température de l'eau en lançant VirusBarrier Express (gratuit, avec certaines définitions de virus payantes), une version très allégée de l'un de ses utilitaires. Seule dans sa catégorie, elle a longtemps trusté la première place de la section des applications gratuites dans les différents stores français et étrangers “Le nombre de téléchargements de VirusBarrier Express dépasse largement nos attentes, mais nous préférons ne pas communiquer pour l'instant de chiffre précis.” explique Laurent Marteau, le PDG d'Intego. Cependant le logiciel vient d'être proposé dans huit langues supplémentaires “Bien qu'étant présent dès l'ouverture du Mac App Store le 6 janvier 2011, cette nouvelle expérience est encore trop courte pour pouvoir mesurer l'impact sur nos ventes web de VirusBarrier X6 ou Internet Security Barrier X6.”
Chez Boinx (PhotoMagico, iStopMotion, Mouseposé…) Oliver Breidenbach explique que les ventes du Mac App Store, sur cette courte période, sont venues s'additionner à celles des autres canaux de distribution. Elles en ont même profité. Cependant les résultats du MAS sont encourageants “Je ne donnerai pas de chiffres, mais les ventes de FotoMagico Home (23€) représente, en deux semaines de présence, presque la moitié de celles de l'année 2010. Et sur nos autres canaux de distribution, nous en avons vendu autant que l'année dernière."
Boinx, à l'image d'Intego, a envoyé sur le Mac App Store une version "home" à 40€ de son Boinx TV pour un public moins professionnel et plus versé dans la publication de clips sur YouTube “Nous l'avons fait pour en tirer des leçons sur le Mac App Store et du marketing qui y est associé”. Cette version sera néanmoins proposée aussi en dehors du MAS.
À l'inverse d'Intego, App4Mac envoie progressivement tous ses logiciels sur le Mac App Store. Les débuts ont connu quelques ratés - lenteurs de validation ou logiciels rejetés, car utilisant des interfaces de programmation non publiques de Mac OS X - mais les perspectives sont plus qu'intéressantes pour Patrice Caligaris, co-fondateur de l'éditeur “Pour nous ce fut un peu laborieux, car le délai d'attente en mode "In Review" (lorsque les validateurs testent l'application, ndr) a dépassé le mois pour certaines applications. Alors que nous étions prêts dès le 10 décembre pour quasiment toutes. Ceci, sans explications d'Apple… clairement, ils ont fait une sélection de 1000 applications pour le lancement et validé les autres seulement plus tard. Le choix semble avoir été fait de façon aléatoire si on regarde la qualité de certaines apps.”
Quatre applications étaient au rendez-vous de l'ouverture et le retour a été positif “Nous avons multiplié par quatre le volume de nos ventes journalières. Le nombre de téléchargements des versions démos sur le site a été multiplié par 12 ! En prenant les 10 derniers jours qui représentent la plus forte progression, 65% de nos clients sont sur le Mac App Store et le reste sur notre boutique. Nous envisageons sa fermeture complète d'ici au 31 décembre 2011”. Quatre produits de l'éditeur ne pourront aller sur le Mac App Store : CheckUp, Sequence, Jump et Presto. Apple n'acceptant pas les applications fonctionnant en tâche de fond “Imagerie et GiddyUp arrivent prochainement”.
Un changement de mode de distribution qui signifie un abandon complet de Leopard déjà bien engagé (le MAS exige Snow Leopard) “Nous devions abandonner le support de Leopard début 2011, mais nous l'avons prolongé jusqu'à la fin 2011 pour les app existantes. Par contre les nouvelles comme Imagerie et deux produits en chantier sont uniquement Snow Leopard. Les ventes sur Leopard ne représentent qu'environ 15% de notre CA et il devrait passer sous la barre des 5% à la fin de cette année”.
Chez deux développeurs indépendants, le Mac App Store a été perçu globalement favorablement. Louka Desroziers est l'auteur d'Ecoute, un substitut à iTunes pour la lecture audio et vidéo, il a un regard encore mitigé, même si les débuts ne sont pas mauvais “Ecoute est malheureusement arrivé une semaine après. Je pense qu'il y aurait eu plus de ventes en arrivant à l'ouverture. Il aurait bénéficié d'une plus grande visibilité. Ceci dit, j'ai désormais plus de ventes/jour sur le Mac App Store que via le site. Je pense donc que le MAS apporte un certain avantage sur la continuité des ventes. Ça m'a amené de nouveaux utilisateurs. Je m'y attendais, car de nombreuses personnes m'ont écrit avant le lancement pour savoir si je comptais le soumettre. En résumé, certains souhaitaient uniquement passer par le Mac App Store pour acheter leurs futures applications. Après le rush, on peut donc dire que le MAS me rapporte plus d'utilisateurs, avec une moyenne de 15 clients par jour”. Ecoute 2 y est vendu environ 7€.
Autre indépendant, Cyril Anger, développeur d'iCompta sur Mac OS X et iOS. Ses ventes journalières ont été mulitpliées par trois, de 30 en moyenne à 90. Son logiciel de compatibilité est vendu un peu moins de 15€, depuis son site et sur le Mac App Store. iCompta a profité d'une meilleure exposition, mais pas seulement “Chose assez intéressante, j'ai eu quelques retours de personnes qui me disent avoir franchi le pas de l'achat grâce au Mac App Store. Sans doute faisaient-elles preuve de méfiance à l'égard du paiement en ligne et le fait de passer par Apple les rassure. Dans mon cas 80% des clients achètent sur le MAS”.
Quelle évolution pour les prix ?
Habitués à payer sur l'App Store de l'iPhone et de l'iPad des sommes modiques pour leurs logiciels (que d'aucuns jugent encore trop élevées…), les utilisateurs du Mac App Store ne vont-il pas pousser vers une réduction des prix des applications Mac ?
On a vu l'exemple d'Apple avec un Aperture passant du jour au lendemain de 199€ (son prix actuel sur l'Apple Store) à 63€ sur la nouvelle boutique, ou chez un éditeur comme Realmac qui a appliqué une baisse sensible et égale chez lui et chez Apple (lire Mac App Store : les étiquettes valsent (ou pas)). Tous n'ont pas suivi cet exemple, mais demain ? S'agissant de nos développeurs, ils se refusent à fortement casser les prix.
“Avec iCompta, j'ai fait le choix de maintenir le prix du site sur le MAS pour ne léser personne malgré les 30% de recette en moins, donc personnellement je ne pourrai pas baisser plus le prix” explique Cyril Anger “Je ne sais pas si les clients vont pousser à une baisse générale, mais en tout cas j'imagine que la plupart des petits éditeurs comme moi ne pourront pas suivre si c'est le cas…” Dans l'immédiat, il exclut aussi d'aller uniquement sur le Mac App Store “Les ventes directes restent quand même plus intéressantes à cause des 30% d'Apple (à prix égal)”.
Chez App4Mac on a tenté l'expérience “Dès le 6 janvier nos prix ont baissé en moyenne de 20 à 25%, mais nous n'irons pas au delà. Nous ne ferons pas la course vers l'application à 1$. Pour continuer à innover et investir, ça n'aurait pas de sens.” déclare Patrice Caligaris qui doute de l'attrait d'un prix très nettement inférieur “Nous avons plus de résultats sur Projector pour iPad quand il est à 39,99$ que 19,99$ ou 9,99$. C'est la preuve que la course aux prix bas n'est pas une vraie course.”. Sous-entendu, les gens qui ont vraiment besoin d'une application ne rechigneront pas à payer un tarif plus élevé que la moyenne, et d'autant plus si la qualité est au rendez-vous.
Desroziers, l'auteur d'Ecoute se montre plus sceptique “Apple a malheureusement rabaissé la valeur des applications sur Mac. C'est une très mauvaise chose, car l'utilisateur finit par croire qu'une application ne coûte quasiment rien et que c'est facile à réaliser. Il y a tellement de choses qu'il faut prendre en compte dans la conception d'un logiciel… Je suis absolument certain que la tendance à la baisse des prix va continuer. Et à vrai dire, nous sommes un peu obligés au risque de se faire rabaisser parce que "c'est trop cher par rapport au reste". Pour ma part, je ne compte pas baisser le prix d'Ecoute. J'ai déjà fait un petit effort pour le Mac App Store (8,99$ contre 10$ sur le site) histoire de suivre aussi la "tendance", même si elle me déplaît.”
Il ajoute “En toute logique, le prix de l'application devrait être plus élevé que via le web étant donné qu'Apple nous ponctionne 30%. Certains justifieront le fait qu'Apple héberge l'application, et que donc nous n'avons plus à nous soucier du trafic web mensuel autorisé par notre hébergeur, mais pour ma part j'ai déjà un trafic web illimité. J'ai de toute façon choisi de distribuer l'application aussi depuis mon site Internet, car Ecoute fonctionne sous Mac OS X 10.5.8 au minimum, alors que le MAS, lui, nécessite 10.6.6. En conclusion, Apple mène la danse. Et qu'elle la mène bien ou mal, les plus gros éditeurs suivront à coup sûr.”
Sur ce point, Intego ne se montre pas pressé de suivre et dresse un constat identique à App4Mac “Il est évident que les prix bas peuvent convenir pour certaines applications, cependant nous savons que des logiciels de qualité qui ont nécessité un travail de développement important se vendent à des prix plus habituels.” répond Laurent Marteau.
Paul Kafasis, le patron de Rogue Amoeba, spécialiste en utilitaires audio (et pour le moment absent du store, car ses logiciels ne répondent pas à toutes les règles de présence) abonde dans le même sens. Un logiciel est un objet sophistiqué et une guerre des prix n'est pas souhaité, “Sur iOS il n'y a qu'une poignée de gagnants, qui font des millions de dollars avec du logiciel, et beaucoup de perdants, qui ne gagnent même pas assez pour arriver à l'équilibre. À cause de cette disparité, créer des applications sophistiquées pour iOS devient plus difficile à justifier.”
La plateforme Mac à l'inverse est déjà riche de tels logiciels “Sur Mac OS X, nous avons toujours eu des applications complexes, où l'on offre un support technique complet et, souvent, des mises à jour gratuites contenant de nouvelles fonctionnalités. Peut-être y-a-t'il un peu de gras dans certains prix, une application à 50$ qui pourrait être vendue à 40. Mais c'est ce n'est pas jouable à 4$ ou 0,99$.”
Quand bien même le Store facilite les achats d'impulsion de petits logiciels, Kafasis espère qu'il ne conduira dans cette seule direction “Je souhaite pour les années à venir qu'il y ait toujours de la place pour de grosses applications, qui dégagent des marges plus élevées sur chaque vente. Le Mac App Store rend plus aisées la création et la vente d'applications légère à 5 ou 10$, mais ça ne veut pas dire qu'elles doivent toutes aller dans ce sens”.
Le VirusBarrier Express d'Intego correspond peut-être à ce type d'applications qui pourraient être amenées à foisonner sur le MAS. Des utilitaires se contentant de remplir quelques tâches très précises, simplement, et à un tarif plus proche de ceux que l'on connaît sur iOS, sinon gratuit.
Ce peut être un utilitaire spécialisé dans la conversion de vidéo, mais débarrassé d'options multiples et complexes (à l'exemple de Miro Video Converter) ou comme VirusBarrier Express, une déclinaison extrêmement allégée d'une application commerciale plus riche.
Des utilisateurs s'en satisferont, n'ayant pas d'autres besoins. Les autres, appâtés, se dirigeront vers la version complète payante. Dans ce cas aussi, la microapplication peut se prévaloir de la réputation de son aînée pour se faire une place au soleil et dépasser des concurrentes à la marque moins établie.
Dans les années 90, OpenDoc avait fait miroiter l'idée d'une informatique où l'on jonglerait avec des modules applicatifs spécialisés et interagissant entre eux, plutôt que des usines à gaz multifonctions. Peut-être que le Mac App Store, avec son système de micropaiement adapté à l'achat de petits outils, va concrétiser une réinterprétation de cette idée.
“En fonction des résultats du Mac App Store et de notre stratégie nous pourrions décider le lancement d'autres logiciels adaptés aux particularités du Mac App Store.“ déclare Laurent Marteau d'Intego qui s'en tient pour l'heure à une position d'observateur “Il est assez probable que le Mac App Store modifie la donne en terme de distribution des logiciels pour Mac, cependant, trois semaines après son lancement, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives. Nous observons attentivement, mais sans précipitation, l'évolution de notre marché comme nous le faisons en permanence depuis maintenant près de quinze ans.”
Breidenbach chez Boinx ne dit pas autre chose “Avant l'App Store, une application à 0,99$ était difficile à commercialiser. Maintenant, si vous voulez créer une application, vous pouvez envisager de jouer ce jeu en espérant pouvoir devenir millionnaire. Mais les applications les plus complexes ne sont pas prêtes de disparaître et elles nécessitent une rentrée d'argent régulière pour soutenir le travail du développeur”
App4Mac a une position plus tranchée, lui dont le catalogue mêle des applications de complexité variable “Nous n'irons pas dans cette voie là. Cette stratégie pour faire de l'argent à tout prix n'est pas la nôtre. Nous investissons notre temps sur de vraies solutions, innovantes et enrichies en fonctionnalités petit à petit. C'est ce qui fait le succès de nos produits, via le bouche à oreille principalement”.
Un Rogue Amoeba, qui a développé une expertise en utilitaires assez sophistiqués pourrait-il proposer des versions limitées à quelques fonctions courantes ? Paul Kafasis ne ferme pas complètement la porte à cette idée “Il y a effectivement des opportunités pour de tels logiciels. Quant à savoir si nous voulons attaquer ce marché, on verra. Nos logiciels sont encore vendus en direct, et jusque-là, ils ne semblent pas souffrir du Mac App Store. S'il y a une ruée vers de petites applications, et que nous avons des idées pour y répondre, nous envisagerons sans aucun doute leur commercialisation sur le Mac App Store. Mais comme je l'ai dit auparavant, nous aimons bien les applications ayant plus de consistance. Et d'ailleurs je ne trouve pas que 25 ou 40$ soit "cher". Vendre une version plus simple à 5$ n'a pas trop d'intérêt pour nous aujourd'hui.”.
Pour fermer le ban, nous avons sollicité l'avis de l'agence Backelite, qui a réalisé de nombreux développements iOS, sur l'opportunité de transformer certaines applications iPhone en versions Mac. En profitant de l'expérience acquise dans le développement et la gestion de l'App Store. On a vu par exemple le cas emblématique d'Angry Birds et Flight Control, ou dans une moindre mesure de Mashable (un lecteur pour le site web du même nom) ou d'applications de métro.
Backelite a conçu des applications mobiles pour Le Monde, AlloCiné, la SNCF, des banques, etc. Pour Thomas Sarlandie, co-fondateur de l'agence, le Mac App Store, malgré ses ressemblances avec l'App Store, n'offre pas les mêmes opportunités “Nous nous considérons plus comme des spécialistes du développement de services grand public, multiécrans (mobile, tablettes, télé connectée) que comme des spécialistes iOS. Même si nous élargissons notre périmètre vers les télés, nous n'envisageons pas d'aller vers le Mac App Store qui n'est pas aussi grand public (puisque limité aux possesseurs de Mac). La principale raison est que nos clients nous ne le demandent pas et que nous pensons que cela n'a pas beaucoup d'intérêt pour eux.”
Seulement, le Mac App Store ne se réduit pas à un nouveau canal de distribution, il peut chambouler la manière dont seront conçues, tarifées et vendues les applications. Nous avons interrogé quelques développeurs face à ces possibles changements.
Premiers bilans
Parmi ces développeurs, tous n'ont pu avoir leur application validée pour l'ouverture du Mac App Store (MAS), mais chacun a pu dresser un premier bilan provisoire de l'opération. Intego a joué la carte d'une application inédite, l'application iCompta a bénéficié de cette nouvelle exposition et un éditeur comme App4Mac envisage de fermer purement et simplement sa boutique au profit du Mac App Store.
Intego a pris la température de l'eau en lançant VirusBarrier Express (gratuit, avec certaines définitions de virus payantes), une version très allégée de l'un de ses utilitaires. Seule dans sa catégorie, elle a longtemps trusté la première place de la section des applications gratuites dans les différents stores français et étrangers “Le nombre de téléchargements de VirusBarrier Express dépasse largement nos attentes, mais nous préférons ne pas communiquer pour l'instant de chiffre précis.” explique Laurent Marteau, le PDG d'Intego. Cependant le logiciel vient d'être proposé dans huit langues supplémentaires “Bien qu'étant présent dès l'ouverture du Mac App Store le 6 janvier 2011, cette nouvelle expérience est encore trop courte pour pouvoir mesurer l'impact sur nos ventes web de VirusBarrier X6 ou Internet Security Barrier X6.”
Chez Boinx (PhotoMagico, iStopMotion, Mouseposé…) Oliver Breidenbach explique que les ventes du Mac App Store, sur cette courte période, sont venues s'additionner à celles des autres canaux de distribution. Elles en ont même profité. Cependant les résultats du MAS sont encourageants “Je ne donnerai pas de chiffres, mais les ventes de FotoMagico Home (23€) représente, en deux semaines de présence, presque la moitié de celles de l'année 2010. Et sur nos autres canaux de distribution, nous en avons vendu autant que l'année dernière."
Boinx, à l'image d'Intego, a envoyé sur le Mac App Store une version "home" à 40€ de son Boinx TV pour un public moins professionnel et plus versé dans la publication de clips sur YouTube “Nous l'avons fait pour en tirer des leçons sur le Mac App Store et du marketing qui y est associé”. Cette version sera néanmoins proposée aussi en dehors du MAS.
À l'inverse d'Intego, App4Mac envoie progressivement tous ses logiciels sur le Mac App Store. Les débuts ont connu quelques ratés - lenteurs de validation ou logiciels rejetés, car utilisant des interfaces de programmation non publiques de Mac OS X - mais les perspectives sont plus qu'intéressantes pour Patrice Caligaris, co-fondateur de l'éditeur “Pour nous ce fut un peu laborieux, car le délai d'attente en mode "In Review" (lorsque les validateurs testent l'application, ndr) a dépassé le mois pour certaines applications. Alors que nous étions prêts dès le 10 décembre pour quasiment toutes. Ceci, sans explications d'Apple… clairement, ils ont fait une sélection de 1000 applications pour le lancement et validé les autres seulement plus tard. Le choix semble avoir été fait de façon aléatoire si on regarde la qualité de certaines apps.”
Quatre applications étaient au rendez-vous de l'ouverture et le retour a été positif “Nous avons multiplié par quatre le volume de nos ventes journalières. Le nombre de téléchargements des versions démos sur le site a été multiplié par 12 ! En prenant les 10 derniers jours qui représentent la plus forte progression, 65% de nos clients sont sur le Mac App Store et le reste sur notre boutique. Nous envisageons sa fermeture complète d'ici au 31 décembre 2011”. Quatre produits de l'éditeur ne pourront aller sur le Mac App Store : CheckUp, Sequence, Jump et Presto. Apple n'acceptant pas les applications fonctionnant en tâche de fond “Imagerie et GiddyUp arrivent prochainement”.
Un changement de mode de distribution qui signifie un abandon complet de Leopard déjà bien engagé (le MAS exige Snow Leopard) “Nous devions abandonner le support de Leopard début 2011, mais nous l'avons prolongé jusqu'à la fin 2011 pour les app existantes. Par contre les nouvelles comme Imagerie et deux produits en chantier sont uniquement Snow Leopard. Les ventes sur Leopard ne représentent qu'environ 15% de notre CA et il devrait passer sous la barre des 5% à la fin de cette année”.
Chez deux développeurs indépendants, le Mac App Store a été perçu globalement favorablement. Louka Desroziers est l'auteur d'Ecoute, un substitut à iTunes pour la lecture audio et vidéo, il a un regard encore mitigé, même si les débuts ne sont pas mauvais “Ecoute est malheureusement arrivé une semaine après. Je pense qu'il y aurait eu plus de ventes en arrivant à l'ouverture. Il aurait bénéficié d'une plus grande visibilité. Ceci dit, j'ai désormais plus de ventes/jour sur le Mac App Store que via le site. Je pense donc que le MAS apporte un certain avantage sur la continuité des ventes. Ça m'a amené de nouveaux utilisateurs. Je m'y attendais, car de nombreuses personnes m'ont écrit avant le lancement pour savoir si je comptais le soumettre. En résumé, certains souhaitaient uniquement passer par le Mac App Store pour acheter leurs futures applications. Après le rush, on peut donc dire que le MAS me rapporte plus d'utilisateurs, avec une moyenne de 15 clients par jour”. Ecoute 2 y est vendu environ 7€.
Autre indépendant, Cyril Anger, développeur d'iCompta sur Mac OS X et iOS. Ses ventes journalières ont été mulitpliées par trois, de 30 en moyenne à 90. Son logiciel de compatibilité est vendu un peu moins de 15€, depuis son site et sur le Mac App Store. iCompta a profité d'une meilleure exposition, mais pas seulement “Chose assez intéressante, j'ai eu quelques retours de personnes qui me disent avoir franchi le pas de l'achat grâce au Mac App Store. Sans doute faisaient-elles preuve de méfiance à l'égard du paiement en ligne et le fait de passer par Apple les rassure. Dans mon cas 80% des clients achètent sur le MAS”.
Quelle évolution pour les prix ?
Habitués à payer sur l'App Store de l'iPhone et de l'iPad des sommes modiques pour leurs logiciels (que d'aucuns jugent encore trop élevées…), les utilisateurs du Mac App Store ne vont-il pas pousser vers une réduction des prix des applications Mac ?
On a vu l'exemple d'Apple avec un Aperture passant du jour au lendemain de 199€ (son prix actuel sur l'Apple Store) à 63€ sur la nouvelle boutique, ou chez un éditeur comme Realmac qui a appliqué une baisse sensible et égale chez lui et chez Apple (lire Mac App Store : les étiquettes valsent (ou pas)). Tous n'ont pas suivi cet exemple, mais demain ? S'agissant de nos développeurs, ils se refusent à fortement casser les prix.
“Avec iCompta, j'ai fait le choix de maintenir le prix du site sur le MAS pour ne léser personne malgré les 30% de recette en moins, donc personnellement je ne pourrai pas baisser plus le prix” explique Cyril Anger “Je ne sais pas si les clients vont pousser à une baisse générale, mais en tout cas j'imagine que la plupart des petits éditeurs comme moi ne pourront pas suivre si c'est le cas…” Dans l'immédiat, il exclut aussi d'aller uniquement sur le Mac App Store “Les ventes directes restent quand même plus intéressantes à cause des 30% d'Apple (à prix égal)”.
Chez App4Mac on a tenté l'expérience “Dès le 6 janvier nos prix ont baissé en moyenne de 20 à 25%, mais nous n'irons pas au delà. Nous ne ferons pas la course vers l'application à 1$. Pour continuer à innover et investir, ça n'aurait pas de sens.” déclare Patrice Caligaris qui doute de l'attrait d'un prix très nettement inférieur “Nous avons plus de résultats sur Projector pour iPad quand il est à 39,99$ que 19,99$ ou 9,99$. C'est la preuve que la course aux prix bas n'est pas une vraie course.”. Sous-entendu, les gens qui ont vraiment besoin d'une application ne rechigneront pas à payer un tarif plus élevé que la moyenne, et d'autant plus si la qualité est au rendez-vous.
Desroziers, l'auteur d'Ecoute se montre plus sceptique “Apple a malheureusement rabaissé la valeur des applications sur Mac. C'est une très mauvaise chose, car l'utilisateur finit par croire qu'une application ne coûte quasiment rien et que c'est facile à réaliser. Il y a tellement de choses qu'il faut prendre en compte dans la conception d'un logiciel… Je suis absolument certain que la tendance à la baisse des prix va continuer. Et à vrai dire, nous sommes un peu obligés au risque de se faire rabaisser parce que "c'est trop cher par rapport au reste". Pour ma part, je ne compte pas baisser le prix d'Ecoute. J'ai déjà fait un petit effort pour le Mac App Store (8,99$ contre 10$ sur le site) histoire de suivre aussi la "tendance", même si elle me déplaît.”
Il ajoute “En toute logique, le prix de l'application devrait être plus élevé que via le web étant donné qu'Apple nous ponctionne 30%. Certains justifieront le fait qu'Apple héberge l'application, et que donc nous n'avons plus à nous soucier du trafic web mensuel autorisé par notre hébergeur, mais pour ma part j'ai déjà un trafic web illimité. J'ai de toute façon choisi de distribuer l'application aussi depuis mon site Internet, car Ecoute fonctionne sous Mac OS X 10.5.8 au minimum, alors que le MAS, lui, nécessite 10.6.6. En conclusion, Apple mène la danse. Et qu'elle la mène bien ou mal, les plus gros éditeurs suivront à coup sûr.”
Sur ce point, Intego ne se montre pas pressé de suivre et dresse un constat identique à App4Mac “Il est évident que les prix bas peuvent convenir pour certaines applications, cependant nous savons que des logiciels de qualité qui ont nécessité un travail de développement important se vendent à des prix plus habituels.” répond Laurent Marteau.
Paul Kafasis, le patron de Rogue Amoeba, spécialiste en utilitaires audio (et pour le moment absent du store, car ses logiciels ne répondent pas à toutes les règles de présence) abonde dans le même sens. Un logiciel est un objet sophistiqué et une guerre des prix n'est pas souhaité, “Sur iOS il n'y a qu'une poignée de gagnants, qui font des millions de dollars avec du logiciel, et beaucoup de perdants, qui ne gagnent même pas assez pour arriver à l'équilibre. À cause de cette disparité, créer des applications sophistiquées pour iOS devient plus difficile à justifier.”
La plateforme Mac à l'inverse est déjà riche de tels logiciels “Sur Mac OS X, nous avons toujours eu des applications complexes, où l'on offre un support technique complet et, souvent, des mises à jour gratuites contenant de nouvelles fonctionnalités. Peut-être y-a-t'il un peu de gras dans certains prix, une application à 50$ qui pourrait être vendue à 40. Mais c'est ce n'est pas jouable à 4$ ou 0,99$.”
Quand bien même le Store facilite les achats d'impulsion de petits logiciels, Kafasis espère qu'il ne conduira dans cette seule direction “Je souhaite pour les années à venir qu'il y ait toujours de la place pour de grosses applications, qui dégagent des marges plus élevées sur chaque vente. Le Mac App Store rend plus aisées la création et la vente d'applications légère à 5 ou 10$, mais ça ne veut pas dire qu'elles doivent toutes aller dans ce sens”.
Le VirusBarrier Express d'Intego correspond peut-être à ce type d'applications qui pourraient être amenées à foisonner sur le MAS. Des utilitaires se contentant de remplir quelques tâches très précises, simplement, et à un tarif plus proche de ceux que l'on connaît sur iOS, sinon gratuit.
Ce peut être un utilitaire spécialisé dans la conversion de vidéo, mais débarrassé d'options multiples et complexes (à l'exemple de Miro Video Converter) ou comme VirusBarrier Express, une déclinaison extrêmement allégée d'une application commerciale plus riche.
Des utilisateurs s'en satisferont, n'ayant pas d'autres besoins. Les autres, appâtés, se dirigeront vers la version complète payante. Dans ce cas aussi, la microapplication peut se prévaloir de la réputation de son aînée pour se faire une place au soleil et dépasser des concurrentes à la marque moins établie.
Dans les années 90, OpenDoc avait fait miroiter l'idée d'une informatique où l'on jonglerait avec des modules applicatifs spécialisés et interagissant entre eux, plutôt que des usines à gaz multifonctions. Peut-être que le Mac App Store, avec son système de micropaiement adapté à l'achat de petits outils, va concrétiser une réinterprétation de cette idée.
“En fonction des résultats du Mac App Store et de notre stratégie nous pourrions décider le lancement d'autres logiciels adaptés aux particularités du Mac App Store.“ déclare Laurent Marteau d'Intego qui s'en tient pour l'heure à une position d'observateur “Il est assez probable que le Mac App Store modifie la donne en terme de distribution des logiciels pour Mac, cependant, trois semaines après son lancement, il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives. Nous observons attentivement, mais sans précipitation, l'évolution de notre marché comme nous le faisons en permanence depuis maintenant près de quinze ans.”
Breidenbach chez Boinx ne dit pas autre chose “Avant l'App Store, une application à 0,99$ était difficile à commercialiser. Maintenant, si vous voulez créer une application, vous pouvez envisager de jouer ce jeu en espérant pouvoir devenir millionnaire. Mais les applications les plus complexes ne sont pas prêtes de disparaître et elles nécessitent une rentrée d'argent régulière pour soutenir le travail du développeur”
App4Mac a une position plus tranchée, lui dont le catalogue mêle des applications de complexité variable “Nous n'irons pas dans cette voie là. Cette stratégie pour faire de l'argent à tout prix n'est pas la nôtre. Nous investissons notre temps sur de vraies solutions, innovantes et enrichies en fonctionnalités petit à petit. C'est ce qui fait le succès de nos produits, via le bouche à oreille principalement”.
Un Rogue Amoeba, qui a développé une expertise en utilitaires assez sophistiqués pourrait-il proposer des versions limitées à quelques fonctions courantes ? Paul Kafasis ne ferme pas complètement la porte à cette idée “Il y a effectivement des opportunités pour de tels logiciels. Quant à savoir si nous voulons attaquer ce marché, on verra. Nos logiciels sont encore vendus en direct, et jusque-là, ils ne semblent pas souffrir du Mac App Store. S'il y a une ruée vers de petites applications, et que nous avons des idées pour y répondre, nous envisagerons sans aucun doute leur commercialisation sur le Mac App Store. Mais comme je l'ai dit auparavant, nous aimons bien les applications ayant plus de consistance. Et d'ailleurs je ne trouve pas que 25 ou 40$ soit "cher". Vendre une version plus simple à 5$ n'a pas trop d'intérêt pour nous aujourd'hui.”.
Pour fermer le ban, nous avons sollicité l'avis de l'agence Backelite, qui a réalisé de nombreux développements iOS, sur l'opportunité de transformer certaines applications iPhone en versions Mac. En profitant de l'expérience acquise dans le développement et la gestion de l'App Store. On a vu par exemple le cas emblématique d'Angry Birds et Flight Control, ou dans une moindre mesure de Mashable (un lecteur pour le site web du même nom) ou d'applications de métro.
Backelite a conçu des applications mobiles pour Le Monde, AlloCiné, la SNCF, des banques, etc. Pour Thomas Sarlandie, co-fondateur de l'agence, le Mac App Store, malgré ses ressemblances avec l'App Store, n'offre pas les mêmes opportunités “Nous nous considérons plus comme des spécialistes du développement de services grand public, multiécrans (mobile, tablettes, télé connectée) que comme des spécialistes iOS. Même si nous élargissons notre périmètre vers les télés, nous n'envisageons pas d'aller vers le Mac App Store qui n'est pas aussi grand public (puisque limité aux possesseurs de Mac). La principale raison est que nos clients nous ne le demandent pas et que nous pensons que cela n'a pas beaucoup d'intérêt pour eux.”