Steve Hayden, le co-créateur de la pub 1984 qui lança le Macintosh, livre dans une interview à AdWEEK de nouveaux éclairages sur la naissance de ce spot devenu culte. Des précisions sur le message qu'il souhaitait réellement véhiculer avant que Steve Jobs ne le réoriente sur IBM, sur des détails de mise en scène ou quelques mythes solidement installés, mais erronés.
Le premier mythe - qui n'en est peut-être plus un depuis le temps - est celui d'une diffusion unique de ce spot pendant le Super Bowl (la finale de football américain, un immense événement sportif dans le pays).
À la suite de quoi le spot aurait tellement impressionné qu'il aurait été rediffusé quantité de fois sur les chaînes américaines, assurant à Apple une couverture médiatique gratuite estimée à 150 millions de dollars.
Le clip, dans un format ramené de 60 à 30 secondes, fut en réalité diffusé dans 10 régions stratégiques du pays, plus une 11e, celle de Boca Raton en Floride, et pour une raison purement “puérile”, c'est là qu'était installé le QG de la division PC d'IBM… Une chaîne de cinémas le diffusa également, et l'un d'entre eux continua à le faire un mois de plus que prévu, tant la pub était appréciée.
Hayden explique ensuite qu'IBM n'était absolument pas visé par le message de la pub. Du moins du point de vue de ses concepteurs. C'est Steve Jobs qui décida de personnaliser ce Big Brother, lors de la présentation publique du clip durant un séminaire d'Apple. “Le vrai méchant était notre crainte collective vis-à-vis de technologie, pas une entreprise, qu'elle soit réelle ou fictive”.
Les Jetsons
Hayden raconte aussi que la première mouture du script tendait plus vers l'univers des Jetsons que de Metropolis (The Jetsons est un dessin animé des années 60 qui raconte la vie d'une famille vivant dans le futur, ndr) “Notre volonté était de rassurer les gens par rapport à la technologie à une époque où disposer de son propre ordinateur avait autant de sens que de posséder un missile à longue portée. Nous voulions démocratiser la technologie, dire aux gens que le pouvoir était littéralement entre leurs mains”. (Peut-être peut-on trouver une récupération de cet univers des Jetsons dans la campagne des premiers Power Macintosh, ci-dessous).
The Future - Power Macintosh
“1984” fut créé pendant les années Reagan et la confrontation idéologique avec l'Union Soviétique alias "l'Empire du Mal". “Le Big Brother dans le clip n'était pas IBM, il désignait n'importe quel gouvernement qui laissait son peuple dans les ténèbres. Nous savions que les ordinateurs et les communications pouvaient changer tout cela”.
Le marteau lancé par la jeune femme devait être au départ une batte de baseball, une idée de Lee Clow le directeur de la création de Chiat/Day, l'agence d'Apple à l'époque. Mais Ridley Scott, le réalisateur, insista pour que ce fût un marteau, lesté d'une charge symbolique plus forte. Avec le recul, au vu du message que les auteurs souhaitaient faire passer, l'idée était adroite, comme une prémonition de la chute à venir du Rideau de fer.
Dans la version originale aussi il n'était pas prévu de voix off. Cependant, l'idée germa de faire dire un texte au personnage à l'écran. Hayden, aidé de son frère - un avocat international et sinologue - mirent bout à bout quelques extraits de phrases prononcées par des leaders tels que Mao et Mussolini, avec l'assentiment enthousiaste de Scott devant le texte final.
Lorsque Steve Jobs et John Sculley virent les premiers rush, le premier décida de commander 20 pages de publicité dans Time et Newsweek ainsi que des clips détaillant le produit pour expliquer la différence qu'allait amener le Macintosh. Le cofondateur d'Apple pensait que face à la pub "1984" les gens resteraient quelque peu interloqués, en l'absence de clefs pour déchiffrer son message.
Hayden rappelle aussi quelques faits connus. Le tournage qui manqua de s'arrêter, car Apple ne voulait pas payer un second jour de tournage. Riddley Scott réussit à retourner la situation en proposant de filmer deux pubs - celle de "1984" et une autre pour le Lisa - pour un prix global de 600 000$.
La pub qui faillit ne jamais voir le jour tant elle avait déplu aux membres du conseil d'administration d'Apple. Le président du conseil, Mike Markula, demanda même un vote afin de rompre le contrat avec Chiat/Day. In fine ils laissèrent Jobs et Sculley prendre la responsabilité de la valider ou non. Steve Wozniak, après l'avoir vu, proposa de payer de sa poche la moitié du coût de sa diffusion pour assurer sa sortie.
Ordre fut néanmoins donné de revendre les deux minutes d'espace publicitaire réservées pour le Super Bowl. La veille du match, Chiat/Day réussit à caser 30 secondes auprès de Hertz et autant chez Heinz. 60 secondes leur restaient sur les bras. Mais il fut trop tard pour les écouler et au vu du coût de ces emplacements, il n'y avait d'autre possibilité pour Apple que de diffuser les 60 secondes de son clip, pour la plus grande joie des équipes de Chiat/Day.
Autre anecdote, celle de Steve Jobs qui à l'origine ne voyait pas l'intérêt d'une diffusion pendant le Super Bowl “Je ne connais pas une seule personne qui regarde le Super Bowl”. “Évidemment que vous ne le regardez pas. Vous êtes Steve Jobs” répliqua Hayden.
Enfin, Hayden dresse un parallèle entre cette époque et le retour de Jobs en 1996 “Il a quasiment refait à l'identique ce que nous avions fait en 1984. Il a d'abord rappelé Lee Clow et Chiat/Day - des gens qui comprenaient la marque Apple mieux que n'importe qui d'autre chez Apple. Ken Segall conçut le magnifique clip 'Here is to the Crazy Ones' à l'occasion du Super Bowl […]. Cette pub a rassuré les fidèles en laissant entendre que de bonnes choses allaient suivre.”
Hayden est aujourd'hui vice-président et directeur de la création chez Ogilvy. Après avoir travaillé plusieurs années sur le compte Apple il alla sur celui d'IBM “Autour de 1994 il devenait clair qu'il n'y avait plus personne chez Apple qui comprenait ou appréciait la marque. IBM était plus intéressé par devenir Apple que cette dernière, et j'ai trouvé une plus grande attention à Armonk (le siège d'IBM, ndr) qu'à Cupertino”.
Le premier mythe - qui n'en est peut-être plus un depuis le temps - est celui d'une diffusion unique de ce spot pendant le Super Bowl (la finale de football américain, un immense événement sportif dans le pays).
À la suite de quoi le spot aurait tellement impressionné qu'il aurait été rediffusé quantité de fois sur les chaînes américaines, assurant à Apple une couverture médiatique gratuite estimée à 150 millions de dollars.
Le clip, dans un format ramené de 60 à 30 secondes, fut en réalité diffusé dans 10 régions stratégiques du pays, plus une 11e, celle de Boca Raton en Floride, et pour une raison purement “puérile”, c'est là qu'était installé le QG de la division PC d'IBM… Une chaîne de cinémas le diffusa également, et l'un d'entre eux continua à le faire un mois de plus que prévu, tant la pub était appréciée.
Hayden explique ensuite qu'IBM n'était absolument pas visé par le message de la pub. Du moins du point de vue de ses concepteurs. C'est Steve Jobs qui décida de personnaliser ce Big Brother, lors de la présentation publique du clip durant un séminaire d'Apple. “Le vrai méchant était notre crainte collective vis-à-vis de technologie, pas une entreprise, qu'elle soit réelle ou fictive”.
Les Jetsons
Hayden raconte aussi que la première mouture du script tendait plus vers l'univers des Jetsons que de Metropolis (The Jetsons est un dessin animé des années 60 qui raconte la vie d'une famille vivant dans le futur, ndr) “Notre volonté était de rassurer les gens par rapport à la technologie à une époque où disposer de son propre ordinateur avait autant de sens que de posséder un missile à longue portée. Nous voulions démocratiser la technologie, dire aux gens que le pouvoir était littéralement entre leurs mains”. (Peut-être peut-on trouver une récupération de cet univers des Jetsons dans la campagne des premiers Power Macintosh, ci-dessous).
The Future - Power Macintosh
“1984” fut créé pendant les années Reagan et la confrontation idéologique avec l'Union Soviétique alias "l'Empire du Mal". “Le Big Brother dans le clip n'était pas IBM, il désignait n'importe quel gouvernement qui laissait son peuple dans les ténèbres. Nous savions que les ordinateurs et les communications pouvaient changer tout cela”.
Le marteau lancé par la jeune femme devait être au départ une batte de baseball, une idée de Lee Clow le directeur de la création de Chiat/Day, l'agence d'Apple à l'époque. Mais Ridley Scott, le réalisateur, insista pour que ce fût un marteau, lesté d'une charge symbolique plus forte. Avec le recul, au vu du message que les auteurs souhaitaient faire passer, l'idée était adroite, comme une prémonition de la chute à venir du Rideau de fer.
Dans la version originale aussi il n'était pas prévu de voix off. Cependant, l'idée germa de faire dire un texte au personnage à l'écran. Hayden, aidé de son frère - un avocat international et sinologue - mirent bout à bout quelques extraits de phrases prononcées par des leaders tels que Mao et Mussolini, avec l'assentiment enthousiaste de Scott devant le texte final.
Lorsque Steve Jobs et John Sculley virent les premiers rush, le premier décida de commander 20 pages de publicité dans Time et Newsweek ainsi que des clips détaillant le produit pour expliquer la différence qu'allait amener le Macintosh. Le cofondateur d'Apple pensait que face à la pub "1984" les gens resteraient quelque peu interloqués, en l'absence de clefs pour déchiffrer son message.
Hayden rappelle aussi quelques faits connus. Le tournage qui manqua de s'arrêter, car Apple ne voulait pas payer un second jour de tournage. Riddley Scott réussit à retourner la situation en proposant de filmer deux pubs - celle de "1984" et une autre pour le Lisa - pour un prix global de 600 000$.
La pub qui faillit ne jamais voir le jour tant elle avait déplu aux membres du conseil d'administration d'Apple. Le président du conseil, Mike Markula, demanda même un vote afin de rompre le contrat avec Chiat/Day. In fine ils laissèrent Jobs et Sculley prendre la responsabilité de la valider ou non. Steve Wozniak, après l'avoir vu, proposa de payer de sa poche la moitié du coût de sa diffusion pour assurer sa sortie.
Ordre fut néanmoins donné de revendre les deux minutes d'espace publicitaire réservées pour le Super Bowl. La veille du match, Chiat/Day réussit à caser 30 secondes auprès de Hertz et autant chez Heinz. 60 secondes leur restaient sur les bras. Mais il fut trop tard pour les écouler et au vu du coût de ces emplacements, il n'y avait d'autre possibilité pour Apple que de diffuser les 60 secondes de son clip, pour la plus grande joie des équipes de Chiat/Day.
Autre anecdote, celle de Steve Jobs qui à l'origine ne voyait pas l'intérêt d'une diffusion pendant le Super Bowl “Je ne connais pas une seule personne qui regarde le Super Bowl”. “Évidemment que vous ne le regardez pas. Vous êtes Steve Jobs” répliqua Hayden.
Enfin, Hayden dresse un parallèle entre cette époque et le retour de Jobs en 1996 “Il a quasiment refait à l'identique ce que nous avions fait en 1984. Il a d'abord rappelé Lee Clow et Chiat/Day - des gens qui comprenaient la marque Apple mieux que n'importe qui d'autre chez Apple. Ken Segall conçut le magnifique clip 'Here is to the Crazy Ones' à l'occasion du Super Bowl […]. Cette pub a rassuré les fidèles en laissant entendre que de bonnes choses allaient suivre.”
Hayden est aujourd'hui vice-président et directeur de la création chez Ogilvy. Après avoir travaillé plusieurs années sur le compte Apple il alla sur celui d'IBM “Autour de 1994 il devenait clair qu'il n'y avait plus personne chez Apple qui comprenait ou appréciait la marque. IBM était plus intéressé par devenir Apple que cette dernière, et j'ai trouvé une plus grande attention à Armonk (le siège d'IBM, ndr) qu'à Cupertino”.