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Une FAQ du nouveau data-center d'Apple

Anthony Nelzin-Santos

lundi 27 décembre 2010 à 08:49 • 54

AAPL

Apple est en train de finaliser la construction de son nouveau data-center à Maiden (Caroline du Nord), qui devrait être mis en service début 2011. On ne sait toujours pas à quoi il va bien pouvoir servir, mais avant de se lancer dans la spéculation, revenons sur les faits.

Un data-center, c'est quoi ?

Un data-center (on dit aussi « centre de traitement de données » en bon français) est un lieu où sont stockés les serveurs qui font tourner les sites Internet et services que vous utilisez tous les jours, accompagnés de tout ce qu'il faut pour qu'ils fonctionnement correctement 24 heures par jour, 7 jours par semaine, 365 jours par an.

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Un des data-centers de Facebook, à Santa Clara. On voit ici les serveurs ainsi qu'un système d'alimentation redondante et de contrôle de la température. © Martin Schoeller (Time)


Les serveurs ne sont pas tout à fait des ordinateurs comme les autres : ils sont conçus pour être montés dans des racks, pour empiler le nombre le plus important de machines dans le plus petit espace au sol possible. La plupart sont au format « boite à pizza » 1U (43,66 mm) : empilés, ils peuvent former une grappe en étant reliés les uns aux autres pour mutualiser leurs ressources, mais aussi pour pallier la défaillance d'une machine en compensant avec les autres. Enfin, les serveurs sont conçus pour être fiables, avec une alimentation redondante et un système de contrôle et de gestion à distance même si la machine est éteinte (OOBM ou LOM, Lights-out management).

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Des kilomètres de câbles relient les unités de calcul et de stockage entre elles… et avec le reste du monde. © Martin Schoeller (Time)


Ces serveurs sont souvent reliés à des systèmes de stockage et au réseau (interne et externe) par fibre optique : ajoutez-y routeurs, switches et passerelles, systèmes de sécurité réseau, climatisation, alimentation (et alimentation d'urgence), système anti-incendies et une surveillance aux petits oignons, et vous obtenez, certes résumé très grossièrement, un data-center. Celui d'Apple n'est cependant pas n'importe quel data-center : il est un des plus grands et des plus chers de ces dernières années.

Pour quelques millions de plus…

La recherche d'un terrain pour accueillir un data-center géant a commencé en 2007 pour Apple. Ce choix doit tenir compte de plusieurs facteurs, le taux d'imposition et le coût de l'énergie étant certainement les plus décisifs aujourd'hui : l'Oregon (côte ouest : Facebook, Amazon…) a donc longtemps été un état de choix, mais la Caroline du Nord ou la Virginie (côte est : Google, Apple…) tiennent aujourd'hui la corde. La firme de Cupertino cherchait a priori un data-center sur la côte est : la Caroline du Nord l'a emporté grâce à une déduction d'impôts de 3 millions de dollars (lire : Une colonie de Xserve va envahir la Caroline du Nord). La chose s'est ensuite jouée entre le comté de Cleveland et celui de Catawba : 7,3 millions de dollars davantages plus tard, c'est ce dernier qui l'emportait (lire : Apple va poser ses serveurs à Maiden).

Data-Center Apple
Le data-center d'Apple à Maiden.


Le 31 juillet 2009, Apple a déboursé 3,5 millions de dollars pour un peu plus de 100 hectares pour réaliser son « projet Dolphin » (en deux parcelles, une de 74, et une de 28 hectares). Une peccadille en comparaison du 1,7 million que lui ont coûté les 6.900 m2 de la propriété que la famille Fulbright avait achetée 6.000 $ il y a un peu moins de 35 ans (lire Les bons plans immobiliers du data center d'Apple). La construction, débutée en septembre 2009, s'est achevée un peu moins d'un an plus tard. À la fin de l'été, on apprenait pourtant que l'histoire ne s'arrêtait pas là.

Des chiffres, rien que des chiffres

Au fur et à mesure des mois et des documents publiés, les spécialistes de Data Center Knowledge ont compilé quelques chiffres au sujet du data-center lui-même. Il s'agit d'un immense bâtiment de plain-pied de 7 à 12 mètres de haut. Le centre de données s'étend sur plus de 17.000 mètres carrés, entouré par près de 25.000 mètres carrés de systèmes d'alimentation et de climatisation. Il faut y ajouter 5.400 mètres carrés de bureaux pour obtenir une surface de près de 48.000 mètres carrés, soit cinq fois la surface du plus grand data-center que possède Apple, celui de Newark en Californie. Celui-ci possède en effet une surface de 10.000 mètres carrés : Apple l'a acheté en 2006 pour 45 millions de dollars, alors qu'il avait coûté 110 millions de dollars à construire six ans plus tôt (il faisait partie d'un ensemble de 23 data-centers destinés à l'hébergement Web).

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L'estimation de la valeur des terrains et locaux d'Apple dans le comté de Catawba.


Un peu plus de 13.000 mètres carrés de plus sont occupés par des terrains divers. L'ensemble vaut la bagatelle de 94,8 millions de dollars. Et il semble que la firme de Cupertino ne compte pas s'arrêter en si bon chemin : le complexe actuel pourrait être rejoint par un frère jumeau lui faisant face, pour une surface totale de plus de 100.000 mètres carrés. Les mauvaises langues diront que c'est pour mieux accueillir les Mac Pro Server, beaucoup moins faciles à stocker dans des armoires que les Xserve… Apple a même acheté plus de 280.000 mètres carrés de forêt de l'autre côté de la route desservant son centre de données, de quoi accueillir des bureaux… ou encore agrandir la capacité de stockage et de calcul de la société.

Data-Center Apple

Avec 50 employés à plein temps, ce data-center représente un investissement d'un milliard de dollars sur neuf ans et devrait créer 3.000 emplois dans la région (construction, maintenance, impact sur l'économie locale). En comparaison, le data-center moyen de Microsoft ou de Google coûte 500 à 600 millions de dollars, et les data-centers qui s'ouvrent actuellement ne dépassent en général pas 10 à 20.000 mètres carrés.

Dans sa configuration actuelle, le data-center d'Apple est le neuvième plus grand au monde, devant le SuperNAP de Switch (38.000 mètres carrés), ceux de Quincy et San Antonio de Microsoft (43.700 mètres carrés chacun), le CH1 de DuPont Fabros (45.000 mètres carrés), mais derrière le Phoenix One (50.000 mètres carrés). L'ensemble de près de 400.000 mètres carrés réservés par Apple à Maiden est tout simplement le plus grand ensemble d'un tenant dédié à des centres de données dans le monde, à peine inquiété par les centres de Lockerbie (242.000 mètres carrés) ou d'Annandale (280.000 mètres carrés) en Écosse.

Un investissement stratégique

Ce n'est donc pas un data-center de plus qu'ouvre Apple : c'est un véritable investissement stratégique, un mouvement vers le nuage d'une ampleur sans précédent, un nuage qu'Apple connaît bien avec son iTunes Store ou MobileMe. Le petit data-center de Cupertino sert a priori pour les services internes à la société, tandis que celui de Newark est utilisé pour les services d'Apple, des mises à jour logicielles à sa boutique en ligne. La firme de Cupertino utilise depuis longtemps les services d'Akamai et de Limelight pour dupliquer ses contenus sur des serveurs répartis à travers le monde afin de distribuer la charge et de servir les données au plus près des utilisateurs afin de minimiser les temps de latence et maximiser les débits.

Mais cette boulimie immobilière ne peut cacher les ambitions d'Apple, proportionnelles à la taille des data-centers qu'elle devrait construire ces prochaines années : « les sociétés qui construisent les plus gros data-centers sont souvent celles qui ont les ambitions les plus grandes dans le domaine du cloud » assène l'expert Rich Miller comme une évidence.

Google s'est pour le moment attelé à la construction de data-centers modestes (moins de 30.000 mètres carrés), mais en divers points du globe, de Paris à Munich en passant par Moutain View, San Jose ou Palo Alto. Mais toutes les sociétés sortent la grosse artillerie : le data-center de Google à Lenoir (Caroline du Nord) devrait toiser les 50.000 mètres carrés, le data-center de Facebook à Prineville (Oregon) étant sous les 30.000 mètres carrés. Microsoft est hors de portée : quatre des dix plus grands data-center du monde appartiennent à la firme de Redmond, le plus grand (Chicago) dépassant les 65.000 mètres carrés et ne contient rien de moins que 224.000 serveurs qui font tourner les services Microsoft Live.

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Quelques serveurs du data-center de Microsoft à Chicago. © Data Center Knowledge.


La surface ne fait pas tout : le nombre de serveurs au mètre carré et l'efficacité énergétique sont la clef, et à ce petit jeu, c'est là encore Microsoft qui tient la corde avec son système de containers renfermant 1.800 à 2.500 serveurs ainsi que les systèmes électriques et de climatisation.

Le data-center d'Apple ne contiendra donc a priori pas (ou peu) de Mac Pro et Mac mini server : les dernières offres d'emploi de la société indiquaient clairement que l'environnement serveur de Maiden serait composé de machines sous « Mac OS X, IBM/AIX, Linux et SUN/Solaris », de bonnes vieilles boîtes à pizza que l'on peut empiler à perte de vue (lire : Mac OS X toujours au coeur du nouveau datacenter d'Apple ?). Contrairement à Google ou Microsoft qui utilisent de plus en plus des systèmes de refroidissement par air avec une gestion précise des ressources pour éviter la surchauffe, Apple devrait utiliser un classique système de refroidissement liquide, certes moins écologique, mais aussi moins contraignant : la firme de Cupertino n'ayant pas à sa disposition des dizaines de sites pour repartir la charge, elle doit assurer un fonctionnement continu.

Un data-center géant, pourquoi faire ?

La taille et surtout la position de ce data-center indiquent plus ou moins son utilisation. La Caroline du Nord ou la Virginie sont de bonnes implantations pour desservir la mégalopole dite de "BosWash" (New York-Boston-Philadelphie-Baltimore-Washington, un cinquième de la population américaine), mais aussi pour desservir l'Europe : Facebook s'est implanté en Virginie pour être plus proche du Vieux Continent et donc réduire les temps de latence. En balançant sa charge entre Newark (cote ouest, mégalopole SanSan, Japon, Océanie et Asie du Sud-Est) et Maiden (cote est, mégalopole BosWash, Europe), Apple pourrait progressivement se passer des CDN comme Akamai comme l'a fait Microsoft, avec de jolies économies à la clef.

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Reste à savoir s'il s'agit de simplement augmenter les capacités serveur d'Apple pour accompagner la croissance de ses services existants, où s'il s'agit bel et bien de prévoir l'ouverture de nouveaux services qui seraient de vrais gouffres : cette deuxième hypothèse est celle qui est le plus souvent retenue. Pour Nicholas Carr, auteur de The Big Switch, Apple est un fervent défenseur du nuage comme d'une extension du stockage local (lire : Data-center Apple : le réseau dans le réseau).

Les serveurs de Maiden seraient donc un stockage virtuel étendant la capacité de nos Mac, de nos iPhone et iPod, peut-être même de notre télévision. À la manière du monde de la télévision qui décide ce qui va passer et à quelle heure, Apple pourrait avoir conçu son data-center comme le dernier verrou d'un écosystème fermé et complètement verrouillé : un nuage privé qui stockerait non seulement musique, vidéo et documents, mais aussi applications (lire aussi L'iPhone 5 pour transporter son dossier utilisateur).

Rien n'empêcherait de rapatrier et stocker ces données, mais on pourrait aussi simplement les streamer : on choisit ce que l'on veut écouter, voir, ou exécuter, et on zappe, sans jamais avoir à se soucier d'installations, de téléchargements, de stockage, ce que semble corroborer la réduction de l'espace de stockage des portables au profit du SSD et de sa rapidité d'accès. Le rêve de l'intégration poussée à son paroxysme pour Apple, un véritable cauchemar pour d'autres — à commencer peut-être par la concurrence.
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