En sortant cette année deux ordinateurs ultra-portables, l'iPad en avril dernier et le tout dernier MacBook Air il y a quelques semaines, Apple est-elle en train de s'essayer à l'inénarrable technique dite de la "tenaille avancée" ? Sur un marché de l'informatique où les ordinateurs portables représentent près de 69% des ventes, la neutralisation de certains de ces segments est susceptible de donner au Californien de nouvelles positions de force et de répondre coup pour coup à ses compétiteurs. Explications…
L'année 2007 a été marquée par un vent de folie. Après des années de tâtonnements, la sortie de l'Asus EEE PC concrétise la quête d'un petit ordinateur portable, léger et peu onéreux. Généralement vendu avec l'équipement nécessaire pour être connecté à Internet, ce nouveau segment, dénommé "netbook" par Intel en 2008, va provoquer une véritable ruée vers l'or. Près de 3000 % de croissance d'une année sur l'autre ! La plupart des constructeurs pensent alors, tandis que la crise économique et financière provoque un attentisme chez les consommateurs, que le netbook leur permettra de garantir leur croissance.
L'essor des netbooks
Il faut dire qu'à l'époque il a toutes les vertus : léger, il propose un design très acceptable sans être frappé des prix auxquels sont vendus les plus légers des ordinateurs portables de l'époque, les ultraportables. En fait, les netbooks peuvent alors être considérés comme des "ultraportables à bas prix", sans toutefois proposer des performances comparables. Les mois qui suivent donnent raison aux partisans de cette nouvelle famille : en 2009, les netbooks représentent plus de 10% des ventes d'ordinateurs portables. Et sur 2010, ils sont en passe d'atteindre les 20%.
Reste qu'au passage, l'industrie de l'informatique s'est tiré une sacrée balle dans le pied… Alors que les volumes d'ordinateurs ont continué d'augmenter dans des proportions conséquentes et qui lui permettent de présenter des taux de croissance à deux chiffres, on ne peut pas en dire autant de sa croissance en valeur. Celle-ci recule sensiblement.
En d'autres termes, en mettant sur le marché des ordinateurs portables à moins de 500 dollars, les constructeurs de PC ont laminé leurs marges, déjà amoindries par la concurrence implacable de nouveaux entrants sur le marché : Acer, Asus et consorts.
Pour ajouter l'injure à cette blessure, le lancement et la commercialisation "ratés" de Windows Vista ont terminé de pousser les consommateurs vers des solutions de rechange au remplacement de PC sous Windows XP, les netbooks n'en représentant d'ailleurs qu'un des volets.
Les netbook essorés
Trois ans après cette vague d'admiration béate pour cette nouvelle catégorie informatique, maintes fois définie comme celle de "portables sous-doués", le lancement de l'iPad en avril dernier lui a définitivement rivé le clou. Alors même que le pouvoir d'attraction des netbooks s'étiolait lentement mais sûrement depuis juillet 2009. Les intentions d'achats se sont en effet écroulées à partir de cet été-là et la tendance à la baisse ne s'est pas arrêtée depuis. Au dernier point en octobre, il n'y a plus que 14% des sondés qui entendent acheter un netbook comme ordinateur portable d'ici à janvier 2011. Au pic de l'attraction de cette catégorie, près d'un quart des sondés s'apprêtaient à en faire l'acquisition !
Même si les sondeurs des marchés informatiques comme Gartner ou IDC ne placent pas l'iPad et le netbook dans la même catégorie, à l'évidence ces deux objets informatiques recouvrent les mêmes fonctionnalités et répondent à des besoins similaires. Le coup de frein sur les ventes de ces petites machines depuis le printemps dernier, jette un coup de projecteur assez crû sur le recouvrement fonctionnel entre tablettes et netbooks. Apple l'a bien compris en positionnant son "ardoise magique" à 500 euros en entrée de gamme, et en facilitant le développement d'un écosystème logiciel aux tarifs inférieurs à ceux que l'on trouve sur les netbooks.
Bien qu'il soit situé nettement au sommet des tarifs des netbooks, l'iPad propose plus de valeurs à ses utilisateurs, en raison de la taille de son écran, de la très faible courbe d'apprentissage de son utilisation, et grâce à une bibliothèque d'"Apps bien plus accessible fonctionnellement et financièrement, et qui devrait s'étoffer de plus en plus. Les commentaires du président de Nvidia, Jen-Hsun Huang, ces derniers jours montrent à quel point l'industrie est impatiente d'obtenir de Google un OS susceptible d'offrir une expérience utilisateur similaire à celle d'iOS. Selon lui, “il en va de l'avenir de l'informatique.” (lire NVIDIA : "La tablette est un format révolutionnaire").
En attendant l'avenir, l'iPad n'en est qu'à ses débuts : même si sa courbe d'adoption semble très forte, il ne convaincra pas tous les utilisateurs d'ordinateurs portables. Surtout ceux qui ont besoin d'un peu plus de puissance, sans sacrifier l'autonomie et la légèreté. Cette catégorie, celle des ultraportables, encore appelée CULV (pour Consumer Ultra Low Voltage), a été relancée par Intel en 2009. Elle connaît actuellement la plus forte croissance au sein des trois segments d'informatique portable, avec 95% d'augmentation d'une année sur l'autre.
Les CULV sont clairement destinés à profiter du sillon tracé par le MacBook Air et de son pouvoir de séduction sur les cadres supérieurs. Les espoirs de ventes pour cette niche ont atteint 10 millions de pièces par an en 2009. Sans être des foudres de guerre, les CULV sont conçus pour fournir des performances "moyennes", des écrans autour de 13" ou plus, peser moins de 2 kilos, fournir de 3 à 7 heures d'autonomie et coûter entre 500 et 1000 euros. Plus chers qu'un netbook, plus puissants et plus fonctionnels également, ils répondent surtout à des besoins de mobilité et de petite bureautique.
L'intérêt d'Intel pour cette catégorie s'est surtout formalisé autour de sa nouvelle offre intégrée "Arrandale", avec des Core i5 et i7 qui intègrent le processeur, la puce graphique, ainsi que la mémoire cache, les contrôleurs mémoire et PCI Express. Une poussée en avant destinée à profiter de l'engouement des consommateurs, mais qui est aussi une manière d'exercer un bras de fer avec Apple, dont les ventes d'iPad sont susceptibles d'entraîner une baisse de revenus du fondeur sur le segment des netbooks. L'iPad est en effet doté d'un processeur ARM et est en train de voler des ventes à ce segment.
Apple a semble-t-il bien compris la manœuvre, et a décidé de ne pas adopter les processeurs Arrandale (s'en tenant aux anciens Core 2 Duo). La firme a amélioré le design du MacBook Air, a augmenté son autonomie tout en "baissant" son prix d'accès. L'opération est évidemment destinée à donner du fil à retordre aux différents constructeurs de portables CULV parmi lesquels on retrouve Asus, Acer, Dell, HP, Lenovo, Samsung, Sony ou Toshiba. Profitant de l'attrait du public pour l'iPhone et l'iPad, les ventes de Mac suivent résolument une courbe à la hausse, qu'Apple a décidé d'alimenter.
Il s'agit donc bien de la tactique de la "tenaille avancée" dans la forêt de Machecoul à laquelle nous assistons ! L'iPad et le MacBook Air se retrouvent en embuscade pour affaiblir les forces adverses. À cela s'ajoutent les rumeurs selon lesquelles Apple pourrait utiliser des processeurs AMD sur de futurs Mac (lire AMD Fusion Zacate : de quoi intéresser Apple ?). Elles soulignent le danger représenté désormais par Apple à l'égard d'Intel, un Apple dont les produits, déjà, n'embarquent pas tous ses processeurs, alors qu'ils captent trimestre après trimestre de nouvelles parts de marché. Le géant des processeurs a-t-il raison d'avoir peur de cette "Septième compagnie" ? L'avenir le dira.
Sur le même sujet :
- Test du MacBook Air 11" (1,4 GHz, 2010)
- Test du MacBook Air 13" (CTO 2,13 GHz, 2010)
L'année 2007 a été marquée par un vent de folie. Après des années de tâtonnements, la sortie de l'Asus EEE PC concrétise la quête d'un petit ordinateur portable, léger et peu onéreux. Généralement vendu avec l'équipement nécessaire pour être connecté à Internet, ce nouveau segment, dénommé "netbook" par Intel en 2008, va provoquer une véritable ruée vers l'or. Près de 3000 % de croissance d'une année sur l'autre ! La plupart des constructeurs pensent alors, tandis que la crise économique et financière provoque un attentisme chez les consommateurs, que le netbook leur permettra de garantir leur croissance.
L'essor des netbooks
Il faut dire qu'à l'époque il a toutes les vertus : léger, il propose un design très acceptable sans être frappé des prix auxquels sont vendus les plus légers des ordinateurs portables de l'époque, les ultraportables. En fait, les netbooks peuvent alors être considérés comme des "ultraportables à bas prix", sans toutefois proposer des performances comparables. Les mois qui suivent donnent raison aux partisans de cette nouvelle famille : en 2009, les netbooks représentent plus de 10% des ventes d'ordinateurs portables. Et sur 2010, ils sont en passe d'atteindre les 20%.
Reste qu'au passage, l'industrie de l'informatique s'est tiré une sacrée balle dans le pied… Alors que les volumes d'ordinateurs ont continué d'augmenter dans des proportions conséquentes et qui lui permettent de présenter des taux de croissance à deux chiffres, on ne peut pas en dire autant de sa croissance en valeur. Celle-ci recule sensiblement.
En d'autres termes, en mettant sur le marché des ordinateurs portables à moins de 500 dollars, les constructeurs de PC ont laminé leurs marges, déjà amoindries par la concurrence implacable de nouveaux entrants sur le marché : Acer, Asus et consorts.
Pour ajouter l'injure à cette blessure, le lancement et la commercialisation "ratés" de Windows Vista ont terminé de pousser les consommateurs vers des solutions de rechange au remplacement de PC sous Windows XP, les netbooks n'en représentant d'ailleurs qu'un des volets.
Les netbook essorés
Trois ans après cette vague d'admiration béate pour cette nouvelle catégorie informatique, maintes fois définie comme celle de "portables sous-doués", le lancement de l'iPad en avril dernier lui a définitivement rivé le clou. Alors même que le pouvoir d'attraction des netbooks s'étiolait lentement mais sûrement depuis juillet 2009. Les intentions d'achats se sont en effet écroulées à partir de cet été-là et la tendance à la baisse ne s'est pas arrêtée depuis. Au dernier point en octobre, il n'y a plus que 14% des sondés qui entendent acheter un netbook comme ordinateur portable d'ici à janvier 2011. Au pic de l'attraction de cette catégorie, près d'un quart des sondés s'apprêtaient à en faire l'acquisition !
Même si les sondeurs des marchés informatiques comme Gartner ou IDC ne placent pas l'iPad et le netbook dans la même catégorie, à l'évidence ces deux objets informatiques recouvrent les mêmes fonctionnalités et répondent à des besoins similaires. Le coup de frein sur les ventes de ces petites machines depuis le printemps dernier, jette un coup de projecteur assez crû sur le recouvrement fonctionnel entre tablettes et netbooks. Apple l'a bien compris en positionnant son "ardoise magique" à 500 euros en entrée de gamme, et en facilitant le développement d'un écosystème logiciel aux tarifs inférieurs à ceux que l'on trouve sur les netbooks.
Bien qu'il soit situé nettement au sommet des tarifs des netbooks, l'iPad propose plus de valeurs à ses utilisateurs, en raison de la taille de son écran, de la très faible courbe d'apprentissage de son utilisation, et grâce à une bibliothèque d'"Apps bien plus accessible fonctionnellement et financièrement, et qui devrait s'étoffer de plus en plus. Les commentaires du président de Nvidia, Jen-Hsun Huang, ces derniers jours montrent à quel point l'industrie est impatiente d'obtenir de Google un OS susceptible d'offrir une expérience utilisateur similaire à celle d'iOS. Selon lui, “il en va de l'avenir de l'informatique.” (lire NVIDIA : "La tablette est un format révolutionnaire").
En attendant l'avenir, l'iPad n'en est qu'à ses débuts : même si sa courbe d'adoption semble très forte, il ne convaincra pas tous les utilisateurs d'ordinateurs portables. Surtout ceux qui ont besoin d'un peu plus de puissance, sans sacrifier l'autonomie et la légèreté. Cette catégorie, celle des ultraportables, encore appelée CULV (pour Consumer Ultra Low Voltage), a été relancée par Intel en 2009. Elle connaît actuellement la plus forte croissance au sein des trois segments d'informatique portable, avec 95% d'augmentation d'une année sur l'autre.
Les CULV sont clairement destinés à profiter du sillon tracé par le MacBook Air et de son pouvoir de séduction sur les cadres supérieurs. Les espoirs de ventes pour cette niche ont atteint 10 millions de pièces par an en 2009. Sans être des foudres de guerre, les CULV sont conçus pour fournir des performances "moyennes", des écrans autour de 13" ou plus, peser moins de 2 kilos, fournir de 3 à 7 heures d'autonomie et coûter entre 500 et 1000 euros. Plus chers qu'un netbook, plus puissants et plus fonctionnels également, ils répondent surtout à des besoins de mobilité et de petite bureautique.
L'intérêt d'Intel pour cette catégorie s'est surtout formalisé autour de sa nouvelle offre intégrée "Arrandale", avec des Core i5 et i7 qui intègrent le processeur, la puce graphique, ainsi que la mémoire cache, les contrôleurs mémoire et PCI Express. Une poussée en avant destinée à profiter de l'engouement des consommateurs, mais qui est aussi une manière d'exercer un bras de fer avec Apple, dont les ventes d'iPad sont susceptibles d'entraîner une baisse de revenus du fondeur sur le segment des netbooks. L'iPad est en effet doté d'un processeur ARM et est en train de voler des ventes à ce segment.
Apple a semble-t-il bien compris la manœuvre, et a décidé de ne pas adopter les processeurs Arrandale (s'en tenant aux anciens Core 2 Duo). La firme a amélioré le design du MacBook Air, a augmenté son autonomie tout en "baissant" son prix d'accès. L'opération est évidemment destinée à donner du fil à retordre aux différents constructeurs de portables CULV parmi lesquels on retrouve Asus, Acer, Dell, HP, Lenovo, Samsung, Sony ou Toshiba. Profitant de l'attrait du public pour l'iPhone et l'iPad, les ventes de Mac suivent résolument une courbe à la hausse, qu'Apple a décidé d'alimenter.
Il s'agit donc bien de la tactique de la "tenaille avancée" dans la forêt de Machecoul à laquelle nous assistons ! L'iPad et le MacBook Air se retrouvent en embuscade pour affaiblir les forces adverses. À cela s'ajoutent les rumeurs selon lesquelles Apple pourrait utiliser des processeurs AMD sur de futurs Mac (lire AMD Fusion Zacate : de quoi intéresser Apple ?). Elles soulignent le danger représenté désormais par Apple à l'égard d'Intel, un Apple dont les produits, déjà, n'embarquent pas tous ses processeurs, alors qu'ils captent trimestre après trimestre de nouvelles parts de marché. Le géant des processeurs a-t-il raison d'avoir peur de cette "Septième compagnie" ? L'avenir le dira.
Sur le même sujet :
- Test du MacBook Air 11" (1,4 GHz, 2010)
- Test du MacBook Air 13" (CTO 2,13 GHz, 2010)