Jusqu'ici, le choix des fournisseurs de contenus en ligne quant au standard vidéo se posait en termes clairs : utiliser Ogg Theora ou WebM en toute liberté, ou H.264 en risquant de devoir payer une licence au MPEG-LA à compter du premier janvier 2016, puisque la libre exploitation du codec n'était garantie que jusqu'à cette date. C'est notamment pour cette raison que des projets collaboratifs et à but non lucratif tels que Wikipedia ont fait le choix d'Ogg Theora jusqu'ici, face au risque de devoir convertir toutes les vidéos dans un autre format ou de payer une fois l'échéance arrivée. Le MPEG-LA vient de lever cette épée de Damoclès, en offrant une licence gratuite illimitée à toute diffusion gratuite de vidéos au format H.264 (lire H.264 : gratuité permanente pour le streaming).
Une question devenue pragmatique
Ainsi, plus rien ne différencie les deux codecs pour les éditeurs de contenus en termes financiers directs, du moins pour ce qui concerne leur diffusion gratuite, et seules les parts de marché sont désormais à prendre en considération, abstraction faite de questions politiques ou éthiques.
À l'heure actuelle, trois navigateurs actuellement disponibles permettent de lire les fichiers WebM : Opera, Firefox, et Chromium (la version développeur de Chrome), soit 25,36 % des navigateurs installés (sans compter Chromium pour lequel il n'y a pas de chiffre, il faudra ajouter les 7,16 % dont Chrome dispose une fois que le navigateur de Google intégrera cette fonction).
En regard, Safari et Chrome intègrent le support du H.264, soit 12,25 % du parc installé. Les chiffres sont donc en faveur de WebM en termes de navigateurs : d'un point de vue purement pragmatique, un site de vidéo qui ouvrirait aujourd'hui s'adresserait à un plus large public en choisissant WebM plutôt que H.264 ! Mais il ne faut pas oublier une composante de taille : Flash. Le plug-in d'Adobe, installé sur quelque 97,7 % des navigateurs permettant d'intégrer un plug-in, offre à chacun la possibilité de lire des vidéos en H.264 même si le navigateur n'inclut pas cette fonction. Il ne fait nul doute que, sans l'ubiquité de Flash, la question d'un standard vidéo pour le web se ferait autrement plus douloureuse pour tout un chacun, l'injonction de choisir son camp en aurait été d'autant plus prégnante, et une jolie pagaille s'en serait suivie.
Ainsi, que ce soit en HTML5 pur ou par le truchement d'un lecteur Flash, une vidéo H.264 s'adresse actuellement à un plus large public potentiel. Cependant, s'il est possible de lire une vidéo H.264 dans Firefox en passant par un lecteur Flash, il est également possible de lire une vidéo au format WebM dans Safari par le biais d'une application Java (qu'il faut malgré tout télécharger à chaque occasion à l'inverse de Flash). Par ailleurs, Adobe a fait part de son intention d'intégrer le support de WebM dans une version ultérieure de Flash, mais d'ici là, le H.264 demeure malgré tout moins contraignant. Et puisqu'il est question d'avenir, Microsoft a annoncé qu'Internet Explorer 9, dont on attend la version bêta pour le 15 septembre, intégrera le support du H.264. Les internautes pourront également consulter les vidéos au format WebM dans IE9 à l'avenir, du moins s'ils font l'installation de codecs supplémentaires puisque ceux-ci ne seront pas livrés avec le navigateur.
Le Web mobile en ligne de mire
Mais c'est particulièrement l'accès mobile à Internet qui a été la locomotive de HTML5 en l'absence de Flash sur les appareils mobiles, du moins jusqu'il y a peu. Ainsi, une vidéo en H.264 peut actuellement être lue sur tous les iPhone, iPod touch, iPad, mais également les appareils tournant sous Android, BlackBerry, Symbian S60… WebM n'a pour l'heure aucune existence dans la poche du public, et il faudra encore attendre le quatrième trimestre 2010 pour qu'Android soit capable de le lire.
On sait l'importance stratégique que représente l'Internet mobile pour les éditeurs de sites web. Tout concourt donc à pousser les éditeurs de contenus à utiliser H.264, et de fait, c'est le format qu'on trouve de façon largement majoritaire en ligne. Certes, YouTube et DailyMotion distribuent une partie de leurs contenus au format WebM, mais ces initiatives font plus œuvre d'expérimentation que de processus industriel, YouTube ayant indiqué en termes clairs que le HTML5 n'était pas prêt de supplanter Flash à ses yeux (lire YouTube : bilan décevant pour HTML5).
Une guerre de standards différente
À chaque création d'un nouveau standard, son promoteur se trouve face à un écueil de taille : résoudre l'énigme de l'œuf et de la poule. En effet, sans contenu, il n'y a pas de public, et sans public, il n'y a pas de contenu. Les éditeurs ne s'investiront pas sur une plateforme si son public potentiel ne le justifie pas, et le consommateur ne se tournera pas vers une plateforme si les contenus qu'elle propose sont trop limités, car un tel choix engage les uns comme les autres sur l'avenir : autant miser sur le bon cheval. On a assisté par le passé à d'épiques guerres de standards : VHS contre Betamax, HD-DVD contre Blu-ray… La donne est toutefois différente pour la vidéo sur le Web, puisque, pour l'heure du moins, aucun consommateur n'a à payer quoi que ce soit pour utiliser l'un comme l'autre des standards. Il n'y a pas de choix à faire à proprement parler, puisque chacun peut à loisir télécharger et utiliser tel ou tel navigateur, sans exclure les autres. Seule la préférence personnelle dictera le navigateur qui sera plus volontiers utilisé, quoi qu'il faille malgré tout prendre en compte la domination indiscutable des navigateurs installés par défaut sur les machines.
Tous les enjeux se retrouvent donc bien du côté des contenus, puisque seuls ceux-ci peuvent déterminer du choix qui sera fait par le public quant au standard qui se rendra indispensable. Et en libérant l'exploitation du H.264, le MPEG-LA a fait bien plus qu'équilibrer les arguments financiers, puisque la pression économique se retrouve dorénavant du côté de WebM : en effet, il n'y a pour l'heure aucun appareil d'enregistrement vidéo qui utilise le format WebM, alors que pléthore de caméscopes, set-top boxes, magnétoscopes numériques, disques durs multimédias, tuners TNT et smartphones utilisent H.264 comme format natif. Moralité la diffusion d'une vidéo au format WebM a beaucoup de chances d'impliquer une conversion à partir d'une source au format H.264, conversion qui implique des ressources et un coût pour les diffuseurs. Voilà qui change l'équilibre des forces avec l'exploitation du H.264 dorénavant gratuite comme format de diffusion. Olivier Poitrey, directeur technique de DailyMotion, se montre pessimiste pour le standard libre : « La récente annonce de la MPEG-LA indiquant que la licence H.264 sera gratuite à vie pour la diffusion de vidéo sur Internet met sérieusement en péril le devenir de WebM. Je ne vois pas aujourd’hui une adoption massive de WebM au détriment de H.264 ». Ajoutez à cela la menace de procès autour de WebM, savamment insinuée par le MPEG-LA sans pour autant que rien ne soit encore fait concrètement, et l'avenir s'assombrit d'un coup pour le standard libre.
Comble de l'ironie, c'est peut-être des marchands que le salut de WebM viendra, puisque ceux-ci devront payer pour utiliser le H.264 à compter de 2016. Pourquoi s'encombrer d'un tel surcoût si la diffusion des vidéos peut être gratuite avec WebM ? Les sites qui recourent à ce modèle économique diffusent essentiellement des vidéos à valeur ajoutée, qui justifie que l'internaute délie sa bourse : vidéos de formation, œuvres de fiction, information, et bien évidemment, la pornographie dont on dit qu'elle scelle le destin de toute plateforme. Reste à voir si la popularité de H.264 et son support universel justifieront le coût qu'il peut induire en regard des revenus potentiels qu'il apporte, et si WebM apportera un moyen de protéger les vidéos. Une chose est sûre, en l'état actuel des choses c'est bien le H.264 qui a de loin la préférence des vendeurs de contenus vidéos, reste à voir ce qu'il en adviendra à compter de 2016.
Vers une issue pacifique ?
Avec cette initiative, le MPEG-LA assoit un peu plus la domination du H.264, et par là même se garantit une source conséquente de revenus. Les autres acteurs de l'industrie, que ce soit les logiciels comme le matériel qui permettent la lecture et l'enregistrement au format H.264, ou les diffuseurs de contenus payants, devront toujours s'acquitter d'une rémunération pour l'exploitation de la licence.
Et c'est bien ce qui pose un problème aux logiciels libres et gratuits, qui se retrouvent un peu plus isolés. Si WebM aura du mal à accomplir les espoirs placés en lui, il reste cependant une solution qui permettrait de résoudre définitivement le problème : faire pour les logiciels gratuits ce qui a été fait pour la diffusion gratuite, en leur offrant également une licence perpétuelle.
Certes, une telle initiative ne permettrait pas pour autant d'adopter le H.264 comme standard vidéo officiel pour HTML5, le W3C étant contraint par la question de la seule propriété intellectuelle, mais elle permettrait à tous de se rallier derrière ce format sans plus aucun blocage. À charge pour ceux qui feront une exploitation commerciale du codec de s'acquitter de la somme demandée. Nous n'en sommes pas encore là, mais le MPEG-LA vient malgré tout de faire un pas décisif dans ce sens, reste à voir si le consortium juge que là est son intérêt propre.
Sur le même sujet :
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Ainsi, plus rien ne différencie les deux codecs pour les éditeurs de contenus en termes financiers directs, du moins pour ce qui concerne leur diffusion gratuite, et seules les parts de marché sont désormais à prendre en considération, abstraction faite de questions politiques ou éthiques.
À l'heure actuelle, trois navigateurs actuellement disponibles permettent de lire les fichiers WebM : Opera, Firefox, et Chromium (la version développeur de Chrome), soit 25,36 % des navigateurs installés (sans compter Chromium pour lequel il n'y a pas de chiffre, il faudra ajouter les 7,16 % dont Chrome dispose une fois que le navigateur de Google intégrera cette fonction).
En regard, Safari et Chrome intègrent le support du H.264, soit 12,25 % du parc installé. Les chiffres sont donc en faveur de WebM en termes de navigateurs : d'un point de vue purement pragmatique, un site de vidéo qui ouvrirait aujourd'hui s'adresserait à un plus large public en choisissant WebM plutôt que H.264 ! Mais il ne faut pas oublier une composante de taille : Flash. Le plug-in d'Adobe, installé sur quelque 97,7 % des navigateurs permettant d'intégrer un plug-in, offre à chacun la possibilité de lire des vidéos en H.264 même si le navigateur n'inclut pas cette fonction. Il ne fait nul doute que, sans l'ubiquité de Flash, la question d'un standard vidéo pour le web se ferait autrement plus douloureuse pour tout un chacun, l'injonction de choisir son camp en aurait été d'autant plus prégnante, et une jolie pagaille s'en serait suivie.
Ainsi, que ce soit en HTML5 pur ou par le truchement d'un lecteur Flash, une vidéo H.264 s'adresse actuellement à un plus large public potentiel. Cependant, s'il est possible de lire une vidéo H.264 dans Firefox en passant par un lecteur Flash, il est également possible de lire une vidéo au format WebM dans Safari par le biais d'une application Java (qu'il faut malgré tout télécharger à chaque occasion à l'inverse de Flash). Par ailleurs, Adobe a fait part de son intention d'intégrer le support de WebM dans une version ultérieure de Flash, mais d'ici là, le H.264 demeure malgré tout moins contraignant. Et puisqu'il est question d'avenir, Microsoft a annoncé qu'Internet Explorer 9, dont on attend la version bêta pour le 15 septembre, intégrera le support du H.264. Les internautes pourront également consulter les vidéos au format WebM dans IE9 à l'avenir, du moins s'ils font l'installation de codecs supplémentaires puisque ceux-ci ne seront pas livrés avec le navigateur.
Le Web mobile en ligne de mire
Mais c'est particulièrement l'accès mobile à Internet qui a été la locomotive de HTML5 en l'absence de Flash sur les appareils mobiles, du moins jusqu'il y a peu. Ainsi, une vidéo en H.264 peut actuellement être lue sur tous les iPhone, iPod touch, iPad, mais également les appareils tournant sous Android, BlackBerry, Symbian S60… WebM n'a pour l'heure aucune existence dans la poche du public, et il faudra encore attendre le quatrième trimestre 2010 pour qu'Android soit capable de le lire.
On sait l'importance stratégique que représente l'Internet mobile pour les éditeurs de sites web. Tout concourt donc à pousser les éditeurs de contenus à utiliser H.264, et de fait, c'est le format qu'on trouve de façon largement majoritaire en ligne. Certes, YouTube et DailyMotion distribuent une partie de leurs contenus au format WebM, mais ces initiatives font plus œuvre d'expérimentation que de processus industriel, YouTube ayant indiqué en termes clairs que le HTML5 n'était pas prêt de supplanter Flash à ses yeux (lire YouTube : bilan décevant pour HTML5).
Une guerre de standards différente
À chaque création d'un nouveau standard, son promoteur se trouve face à un écueil de taille : résoudre l'énigme de l'œuf et de la poule. En effet, sans contenu, il n'y a pas de public, et sans public, il n'y a pas de contenu. Les éditeurs ne s'investiront pas sur une plateforme si son public potentiel ne le justifie pas, et le consommateur ne se tournera pas vers une plateforme si les contenus qu'elle propose sont trop limités, car un tel choix engage les uns comme les autres sur l'avenir : autant miser sur le bon cheval. On a assisté par le passé à d'épiques guerres de standards : VHS contre Betamax, HD-DVD contre Blu-ray… La donne est toutefois différente pour la vidéo sur le Web, puisque, pour l'heure du moins, aucun consommateur n'a à payer quoi que ce soit pour utiliser l'un comme l'autre des standards. Il n'y a pas de choix à faire à proprement parler, puisque chacun peut à loisir télécharger et utiliser tel ou tel navigateur, sans exclure les autres. Seule la préférence personnelle dictera le navigateur qui sera plus volontiers utilisé, quoi qu'il faille malgré tout prendre en compte la domination indiscutable des navigateurs installés par défaut sur les machines.
Tous les enjeux se retrouvent donc bien du côté des contenus, puisque seuls ceux-ci peuvent déterminer du choix qui sera fait par le public quant au standard qui se rendra indispensable. Et en libérant l'exploitation du H.264, le MPEG-LA a fait bien plus qu'équilibrer les arguments financiers, puisque la pression économique se retrouve dorénavant du côté de WebM : en effet, il n'y a pour l'heure aucun appareil d'enregistrement vidéo qui utilise le format WebM, alors que pléthore de caméscopes, set-top boxes, magnétoscopes numériques, disques durs multimédias, tuners TNT et smartphones utilisent H.264 comme format natif. Moralité la diffusion d'une vidéo au format WebM a beaucoup de chances d'impliquer une conversion à partir d'une source au format H.264, conversion qui implique des ressources et un coût pour les diffuseurs. Voilà qui change l'équilibre des forces avec l'exploitation du H.264 dorénavant gratuite comme format de diffusion. Olivier Poitrey, directeur technique de DailyMotion, se montre pessimiste pour le standard libre : « La récente annonce de la MPEG-LA indiquant que la licence H.264 sera gratuite à vie pour la diffusion de vidéo sur Internet met sérieusement en péril le devenir de WebM. Je ne vois pas aujourd’hui une adoption massive de WebM au détriment de H.264 ». Ajoutez à cela la menace de procès autour de WebM, savamment insinuée par le MPEG-LA sans pour autant que rien ne soit encore fait concrètement, et l'avenir s'assombrit d'un coup pour le standard libre.
Comble de l'ironie, c'est peut-être des marchands que le salut de WebM viendra, puisque ceux-ci devront payer pour utiliser le H.264 à compter de 2016. Pourquoi s'encombrer d'un tel surcoût si la diffusion des vidéos peut être gratuite avec WebM ? Les sites qui recourent à ce modèle économique diffusent essentiellement des vidéos à valeur ajoutée, qui justifie que l'internaute délie sa bourse : vidéos de formation, œuvres de fiction, information, et bien évidemment, la pornographie dont on dit qu'elle scelle le destin de toute plateforme. Reste à voir si la popularité de H.264 et son support universel justifieront le coût qu'il peut induire en regard des revenus potentiels qu'il apporte, et si WebM apportera un moyen de protéger les vidéos. Une chose est sûre, en l'état actuel des choses c'est bien le H.264 qui a de loin la préférence des vendeurs de contenus vidéos, reste à voir ce qu'il en adviendra à compter de 2016.
Vers une issue pacifique ?
Avec cette initiative, le MPEG-LA assoit un peu plus la domination du H.264, et par là même se garantit une source conséquente de revenus. Les autres acteurs de l'industrie, que ce soit les logiciels comme le matériel qui permettent la lecture et l'enregistrement au format H.264, ou les diffuseurs de contenus payants, devront toujours s'acquitter d'une rémunération pour l'exploitation de la licence.
Et c'est bien ce qui pose un problème aux logiciels libres et gratuits, qui se retrouvent un peu plus isolés. Si WebM aura du mal à accomplir les espoirs placés en lui, il reste cependant une solution qui permettrait de résoudre définitivement le problème : faire pour les logiciels gratuits ce qui a été fait pour la diffusion gratuite, en leur offrant également une licence perpétuelle.
Certes, une telle initiative ne permettrait pas pour autant d'adopter le H.264 comme standard vidéo officiel pour HTML5, le W3C étant contraint par la question de la seule propriété intellectuelle, mais elle permettrait à tous de se rallier derrière ce format sans plus aucun blocage. À charge pour ceux qui feront une exploitation commerciale du codec de s'acquitter de la somme demandée. Nous n'en sommes pas encore là, mais le MPEG-LA vient malgré tout de faire un pas décisif dans ce sens, reste à voir si le consortium juge que là est son intérêt propre.
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