La décennie que vient de vivre Apple a tout du parcours parfait. Débutée avec l’iPod (2001), elle se termine en apothéose avec le succès d’iPad. Entre les deux, la firme de Cupertino a rarement connu l'échec (hormis peut-être l'Apple TV et les Xserve) : iTunes Store, iPhone, transition vers l’architecture Intel, Mac OS X et ses évolutions, App Store : nul ne peut être surpris que Fortune ait décerné à Steve Jobs le titre de manager de la décennie en fin d'année 2009. Une donnée résume cette période : le chiffre d'affaires annuel d'Apple est passé de 6,6 milliards (2001) à 42,5 milliards (2009). Ce succès repose pour beaucoup sur une idée simple, mais qui au vu des évolutions technologiques doit être repensée…
Une stratégie payante
Le concept qui a conduit Apple à ce succès, c'est celui du "Digital Hub". Le 9 janvier 2001, Steve Jobs dévoilait cette nouvelle stratégie. Il est intéressant avec le recul de revoir cette vidéo : (quasiment) tout y était déjà. Après quatre années consacrées à remettre la compagnie sur pieds, cette étape marque le retour d'une vision pour Apple, basée sur un constat simple : le Mac doit être le point de liaison entre tous les éléments de la vie numérique.
Citant les PDG de Compaq ou Gateway (ironiquement, ils professaient en 2001 la mort du PC, sans anticiper celle de leur entreprise), le PDG d'Apple résume sa vision : « Nous pensons que le Mac peut être le hub de la vie numérique, créant de la valeur pour tous les appareils électroniques ».
Le hub numérique a surtout permis à Cupertino de communiquer sur l'utilisation de ses ordinateurs, plutôt que sur la puissance brute, à une époque où les PowerPC étaient encore utilisés.
Au moment où Intel, AMD et NVIDIA se battaient à coup de gigahertz, Apple, en ayant défini une place pour ses ordinateurs, pouvait insister sur un discours destiné à l'utilisateur final. La sortie de la première version d'iLife en 2003 venait parachever cette stratégie, qui a commencé par profiter au Mac, mais a aussi naturellement permis à Apple d'élargir son offre.
En effet, au fil de la décennie, la firme de Steve Jobs s'est finalement autant attelée à faire de l'ordinateur le centre du hub numérique, qu'à en redéfinir patiemment ses composants. Le lecteur de CD est devenu un iPod, le PDA a été remplacé par l'iPhone, et le lecteur DVD a été (en théorie) remplacé par l'Apple TV et l'iTunes Store. Là où elle pensait pouvoir apporter une innovation, Apple s'est emparée d'un segment du hub, avec le succès évoqué plus haut. Et cela pourrait passer bientôt par la sortie d'une télé Apple…
Quelques ratés
Paradoxalement, cette bonne idée a vite trouvé ses limites. La première est logicielle : car si Apple a décidé de faire de son ordinateur le centre de la vie numérique, elle a (bizarrement) souhaité faire d'iTunes le pivot de cette synchronisation. Ce qui vaut aujourd'hui à iTunes d'être un logiciel inélégant, peu intuitif, "l'Internet Explorer 6 d'Apple" selon certains !
En tout état de cause, et même si Steve Jobs s'en défend, iTunes est devenu une usine à gaz, bouffie de toutes ses fonctionnalités : le hub numérique, pour Apple, c'est désormais iTunes, et ce n'est pas un cadeau.
L'ergonomie du logiciel et quelques comportements surprenants (si on veut que iPhoto se lance automatiquement en présence d'un appareil photo, alors il se lancera en présence d'un iPod touch, en plus d'iTunes) sont le prix à payer pour ce choix, qui paraît désormais immuable.
La firme de Cupertino semble chercher sans succès depuis longtemps une solution élégante à cette difficulté posée par la synchronisation des données. La connexion du Mac et de la télé n'est pas totale (l'Apple TV reste un hobby sous-exploité), et de nombreux obstacles subsistent à une synchronisation polyvalente et multiforme de nos données (MobileMe ne remplissant pas le rôle qui pourrait être le sien).
Un nouvel élément de difficulté vient d'Apple elle-même : à partir de 2007, en introduisant l'iPod touch puis l'iPhone, la firme de Cupertino a ajouté un niveau de complexité à son hub. Car ces deux produits (comme l'iPad aujourd'hui) ne peuvent se penser uniquement comme des extensions de l'ordinateur.
Dès lors la logique du hub prend un sérieux coup dans l'aile, puisqu'il n'est plus uniquement question de brancher un appareil photo numérique à son Mac, mais aussi des objets, autres que l'ordinateur, qui peuvent créer, manipuler et stocker de l'information au sein de l'univers Apple…
Le défi du renouvellement
On le voit, s'il a servi à vendre des Macs (et plutôt bien) au moment où Apple en avait besoin, le concept du hub numérique a bien besoin d'un coup de jeune. Victime de son succès, il est confronté à un double défi : le partage des données (symbolisé par un iTunes obsolète et inadapté) et les nouveaux outils de production (iPod touch, iPhone, iPad).
Concernant ces derniers, l'étroite imbrication avec l'ordinateur limite grandement l'intérêt de certaines solutions : l'utilisateur subit sur l'iPad le lien avec l'ordinateur, et on aimerait qu'Apple accorde une plus grande autonomie à ses solutions mobiles. La création, la modification et le partage de documents doivent devenir des fonctionnalités à part entière de l'iPhone et de l'iPad.
Ce qui pouvait encore s'accepter pour l'iPhone devient limitant sur l'iPad: le lien trop fort avec iTunes réduit le potentiel de la tablette d'Apple, en compliquant par exemple le partage de documents entre l'iPad et l'ordinateur.
En outre, Apple doit s'adapter à la variété des composants de son offre (on ne crée ou ne consomme pas les mêmes contenus, et de la même manière sur un Mac, un iPhone, ou un iPad) : avouons qu'il est quand même frustrant de pouvoir acheter des applications sur son iPhone, mais de ne pas pouvoir y écouter une chanson dont on ne dispose que sur son Mac, mais qu'on n'a pas synchronisée…
La solution est connue, et même de plus en plus évoquée ces derniers temps (lire ici en anglais) : il s'agit de proposer une synchronisation "over the air" entre les différents appareils estampillés Apple du hub numérique (lire : iTunes, le nuage se rapproche). Steve Jobs a d'ailleurs reconnu lors de la conférence D8 qu'Apple travaillait sur ce sujet.
La Pomme dispose en effet de nombreux atouts pour réussir le pari de la synchronisation dans le nuage. Le rachat de Lala, ainsi que la mise en service en cours d'une impressionnante ferme de serveurs montrent que la firme de Cupertino est prête à prendre ce virage, et une récente demande de brevet l'indique clairement.
La notion de "Home Server" unifiant de nombreux composants déjà existants dans l'offre d'Apple (Apple TV, Time Capsule, Mac mini), déjà évoquée par ailleurs, semble déjà dépassée. Le nouveau hub numérique doit réussir le pari d'être accessible de n'importe où, justement à cause de la nature même des composants de l'offre d'Apple.
Le moment semble être opportun pour passer du digital hub (élément centralisateur de la vie numérique) à quelque chose (un MobileMe, aux stéroïdes, ou un iSync, comme le suggérait Wired en...2007) qui serait plutôt un élément de distribution des contenus numériques sur les nombreuses plates-formes du hub (synchronisation des documents, partage de données, écoute en ligne de musique, …).
En amorçant cette transition, la guerre que se livrent notamment Apple et Google devrait prendre une nouvelle dimension. À cette occasion, comme nous l'expliquions plus haut, la firme de Cupertino a l'occasion également de repenser de fond en comble son modèle économique.
Il a fallu plusieurs années pour que la vision du hub numérique de Steve Jobs se concrétise. Une chose est sûre, la transition vers le nuage se fera à petits pas, ne serait-ce que parce que les débits proposés par les fournisseurs d'accès et les opérateurs de téléphonie mobile sont actuellement trop limités en regard de certaines applications.
La question sur la manière dont Apple va élargir le hub numérique au nuage est à ce titre cruciale. Est-ce que ce sera une simple extension à celui-ci ou est-il appelé à devenir le centre névralgique de nos données ? Dans ce cas, le Macintosh pourrait perdre son rôle central et être dévoué au rôle de poids lourd que Steve Jobs lui promettait en juin dernier.
Plusieurs pistes s'offrent à Apple et celle-ci n'en est qu'une parmi d'autres : les avis divergent sur cette stratégie au long terme, qu'en pensez-vous ?
Une stratégie payante
Le concept qui a conduit Apple à ce succès, c'est celui du "Digital Hub". Le 9 janvier 2001, Steve Jobs dévoilait cette nouvelle stratégie. Il est intéressant avec le recul de revoir cette vidéo : (quasiment) tout y était déjà. Après quatre années consacrées à remettre la compagnie sur pieds, cette étape marque le retour d'une vision pour Apple, basée sur un constat simple : le Mac doit être le point de liaison entre tous les éléments de la vie numérique.
Citant les PDG de Compaq ou Gateway (ironiquement, ils professaient en 2001 la mort du PC, sans anticiper celle de leur entreprise), le PDG d'Apple résume sa vision : « Nous pensons que le Mac peut être le hub de la vie numérique, créant de la valeur pour tous les appareils électroniques ».
Le hub numérique a surtout permis à Cupertino de communiquer sur l'utilisation de ses ordinateurs, plutôt que sur la puissance brute, à une époque où les PowerPC étaient encore utilisés.
Au moment où Intel, AMD et NVIDIA se battaient à coup de gigahertz, Apple, en ayant défini une place pour ses ordinateurs, pouvait insister sur un discours destiné à l'utilisateur final. La sortie de la première version d'iLife en 2003 venait parachever cette stratégie, qui a commencé par profiter au Mac, mais a aussi naturellement permis à Apple d'élargir son offre.
En effet, au fil de la décennie, la firme de Steve Jobs s'est finalement autant attelée à faire de l'ordinateur le centre du hub numérique, qu'à en redéfinir patiemment ses composants. Le lecteur de CD est devenu un iPod, le PDA a été remplacé par l'iPhone, et le lecteur DVD a été (en théorie) remplacé par l'Apple TV et l'iTunes Store. Là où elle pensait pouvoir apporter une innovation, Apple s'est emparée d'un segment du hub, avec le succès évoqué plus haut. Et cela pourrait passer bientôt par la sortie d'une télé Apple…
Quelques ratés
Paradoxalement, cette bonne idée a vite trouvé ses limites. La première est logicielle : car si Apple a décidé de faire de son ordinateur le centre de la vie numérique, elle a (bizarrement) souhaité faire d'iTunes le pivot de cette synchronisation. Ce qui vaut aujourd'hui à iTunes d'être un logiciel inélégant, peu intuitif, "l'Internet Explorer 6 d'Apple" selon certains !
En tout état de cause, et même si Steve Jobs s'en défend, iTunes est devenu une usine à gaz, bouffie de toutes ses fonctionnalités : le hub numérique, pour Apple, c'est désormais iTunes, et ce n'est pas un cadeau.
L'ergonomie du logiciel et quelques comportements surprenants (si on veut que iPhoto se lance automatiquement en présence d'un appareil photo, alors il se lancera en présence d'un iPod touch, en plus d'iTunes) sont le prix à payer pour ce choix, qui paraît désormais immuable.
La firme de Cupertino semble chercher sans succès depuis longtemps une solution élégante à cette difficulté posée par la synchronisation des données. La connexion du Mac et de la télé n'est pas totale (l'Apple TV reste un hobby sous-exploité), et de nombreux obstacles subsistent à une synchronisation polyvalente et multiforme de nos données (MobileMe ne remplissant pas le rôle qui pourrait être le sien).
Un nouvel élément de difficulté vient d'Apple elle-même : à partir de 2007, en introduisant l'iPod touch puis l'iPhone, la firme de Cupertino a ajouté un niveau de complexité à son hub. Car ces deux produits (comme l'iPad aujourd'hui) ne peuvent se penser uniquement comme des extensions de l'ordinateur.
Dès lors la logique du hub prend un sérieux coup dans l'aile, puisqu'il n'est plus uniquement question de brancher un appareil photo numérique à son Mac, mais aussi des objets, autres que l'ordinateur, qui peuvent créer, manipuler et stocker de l'information au sein de l'univers Apple…
Le défi du renouvellement
On le voit, s'il a servi à vendre des Macs (et plutôt bien) au moment où Apple en avait besoin, le concept du hub numérique a bien besoin d'un coup de jeune. Victime de son succès, il est confronté à un double défi : le partage des données (symbolisé par un iTunes obsolète et inadapté) et les nouveaux outils de production (iPod touch, iPhone, iPad).
Concernant ces derniers, l'étroite imbrication avec l'ordinateur limite grandement l'intérêt de certaines solutions : l'utilisateur subit sur l'iPad le lien avec l'ordinateur, et on aimerait qu'Apple accorde une plus grande autonomie à ses solutions mobiles. La création, la modification et le partage de documents doivent devenir des fonctionnalités à part entière de l'iPhone et de l'iPad.
Ce qui pouvait encore s'accepter pour l'iPhone devient limitant sur l'iPad: le lien trop fort avec iTunes réduit le potentiel de la tablette d'Apple, en compliquant par exemple le partage de documents entre l'iPad et l'ordinateur.
En outre, Apple doit s'adapter à la variété des composants de son offre (on ne crée ou ne consomme pas les mêmes contenus, et de la même manière sur un Mac, un iPhone, ou un iPad) : avouons qu'il est quand même frustrant de pouvoir acheter des applications sur son iPhone, mais de ne pas pouvoir y écouter une chanson dont on ne dispose que sur son Mac, mais qu'on n'a pas synchronisée…
La solution est connue, et même de plus en plus évoquée ces derniers temps (lire ici en anglais) : il s'agit de proposer une synchronisation "over the air" entre les différents appareils estampillés Apple du hub numérique (lire : iTunes, le nuage se rapproche). Steve Jobs a d'ailleurs reconnu lors de la conférence D8 qu'Apple travaillait sur ce sujet.
La Pomme dispose en effet de nombreux atouts pour réussir le pari de la synchronisation dans le nuage. Le rachat de Lala, ainsi que la mise en service en cours d'une impressionnante ferme de serveurs montrent que la firme de Cupertino est prête à prendre ce virage, et une récente demande de brevet l'indique clairement.
La notion de "Home Server" unifiant de nombreux composants déjà existants dans l'offre d'Apple (Apple TV, Time Capsule, Mac mini), déjà évoquée par ailleurs, semble déjà dépassée. Le nouveau hub numérique doit réussir le pari d'être accessible de n'importe où, justement à cause de la nature même des composants de l'offre d'Apple.
Le moment semble être opportun pour passer du digital hub (élément centralisateur de la vie numérique) à quelque chose (un MobileMe, aux stéroïdes, ou un iSync, comme le suggérait Wired en...2007) qui serait plutôt un élément de distribution des contenus numériques sur les nombreuses plates-formes du hub (synchronisation des documents, partage de données, écoute en ligne de musique, …).
En amorçant cette transition, la guerre que se livrent notamment Apple et Google devrait prendre une nouvelle dimension. À cette occasion, comme nous l'expliquions plus haut, la firme de Cupertino a l'occasion également de repenser de fond en comble son modèle économique.
Il a fallu plusieurs années pour que la vision du hub numérique de Steve Jobs se concrétise. Une chose est sûre, la transition vers le nuage se fera à petits pas, ne serait-ce que parce que les débits proposés par les fournisseurs d'accès et les opérateurs de téléphonie mobile sont actuellement trop limités en regard de certaines applications.
La question sur la manière dont Apple va élargir le hub numérique au nuage est à ce titre cruciale. Est-ce que ce sera une simple extension à celui-ci ou est-il appelé à devenir le centre névralgique de nos données ? Dans ce cas, le Macintosh pourrait perdre son rôle central et être dévoué au rôle de poids lourd que Steve Jobs lui promettait en juin dernier.
Plusieurs pistes s'offrent à Apple et celle-ci n'en est qu'une parmi d'autres : les avis divergent sur cette stratégie au long terme, qu'en pensez-vous ?