Apple, non contente d'être engagée dans un conflit de longue haleine avec Nokia, a donc intenté une procédure à l'encontre de HTC. S'agit-il d'un souci de cohérence, sachant que la contre-attaque envers Nokia concerne le même nombre de brevets portant sur l'iPhone ? L'affaire est beaucoup moins anodine qu'elle n'y paraît, car avant toute autre chose, Apple a surtout cherché à envoyer un message d'avertissement clair et fort bien au-delà de HTC elle-même.
Le G1, béni puis maudit
Il y a dans cette initiative quelques points qui soulèvent bien des questions : quel est l'élément déclencheur qui a pu décider Apple à lancer cette procédure ? La plainte d'Apple, un document de quelque 700 pages, concerne des appareils comme le HTC G1, le premier smartphone à base d'Android, qui est sorti en octobre 2008 aux États-Unis, alors que le modèle le plus récent évoqué dans la plainte n'est autre que le Nexus One, sorti début janvier. Il est d'ailleurs assez ironique de voir Apple faire des reproches au HTC G1 alors même que celui-ci aurait été validé par son propre département juridique à la demande de Google (lire Google aurait bel et bien présenté le G1 à Apple).
Mais c'est la présence du Nexus One dans la plainte qui est digne d'intérêt à plus d'un titre. Il faut tout d'abord noter qu'en l'occurrence, HTC n'est que prestataire fabricant du Nexus One, et que celui-ci est exploité commercialement par Google en son nom propre. Il faut également souligner que, si on pouvait considérer que les récriminations d'Apple concernant certains appareils pouvaient porter sur la couche d'interface "Sense" rajoutée par HTC par-dessus Android, ça n'est notamment pas le cas du Nexus One, qui intègre une version "brute" d'Android 2.1.
Le Nexus One au cœur de la discorde
En conséquence, concernant le Nexus One du moins, les éléments litigieux concernent bien plus Google que HTC, et c'est pourtant la seconde qui est visée. D'autant qu'avec le Nexus One, c'est la première fois que Google exploite Android commercialement, alors qu'elle s'était contentée jusqu'ici de mener les débats sur son système d'exploitation libre, laissant ses partenaires commerciaux aller au front en équipant leurs appareils du système. Signe d'un basculement majeur, alors que la société de Mountain View s'était jusqu'ici scrupuleusement limitée à une offre de services, le Nexus One constitue le seul et unique produit de Google.
Alors que Google s'était accommodée de l'hégémonie de Windows comme porte d'entrée à Internet, l'iPhone a démontré qu'il était non seulement possible de déporter le débat sur un autre terrain libre de tout monopole, mais en outre il préfigure d'un avenir où l'accès mobile à Internet deviendra prépondérant (lire : 2010 : début d'une nouvelle ère pour l'industrie high-tech ?). Google a donc pu y voir une chance de contrôler un pan de la chaîne d'intermédiaires qui lui était jusque-là encore inaccessible, un élément crucial pour mieux vendre encore ses espaces publicitaires aux annonceurs et pister les habitudes de consommation des internautes. Mais précisément, c'est là un objectif qu'Apple n'est pas du tout disposée à laisser lui échapper sans se battre avec la dernière énergie. L'amère expérience du Macintosh face à Windows, c'était déjà une fois de trop.
Apple lance l'iPhone, l'iPod touch, puis l'iPad, trois portes d'accès à sa plateforme iPhone OS + App Store, alors que Google lance Android, puis Chrome OS, puis son propre smartphone… Il est plus que temps de mettre un terme aux arrogantes ambitions du partenaire d'Apple. L'enjeu de la bataille est clair : la domination de l'informatique du futur. Apple a d'excellentes cartes en main, et l'iPad n'est probablement qu'une des premières étapes avant une montée en puissance dans ce domaine. Encore lui faut-il protéger ses acquis. La firme de Cupertino a certes bouleversé l'industrie du téléphone mobile avec l'iPhone, et trois ans après, la concurrence n'a toujours pas complètement rattrapé son retard. Malgré tout, Android bénéficie d'une croissance considérable, reste à voir où s'arrêtera sa vitesse de croisière.
Eric Schmidt : « Avec Apple, c'est stable. »
Pour autant, Apple ne peut pas se permettre le luxe d'une guerre ouverte avec Google. Les contrecoups d'un tel choc des titans porteraient très loin, et ne feraient que favoriser leurs concurrents : une telle approche serait contreproductive pour les deux géants, qui sont condamnés à s'entendre, du moins officiellement. Les deux parties se sont contentées de petites phrases ici et là, et Steve Jobs masque à peine son agacement, mais on persiste à afficher globalement une entente cordiale. Google est d'ailleurs bien en peine d'afficher une position tranchée dans cette affaire, tout au plus adresse-t-elle son soutien moral à HTC du bout des lèvres (lire : Affaire HTC/Apple : la réaction de Google). Pour autant, il faut couper court à la progression d'Android, et Apple a choisi d'attaquer par la bande, et d'assécher l'enthousiasme des fabricants autour du système de Google.
En attaquant HTC, qui pèse en bourse 23 fois moins lourd qu'elle, Apple envoie un message à qui de droit. D'une part il s'agit d'indiquer que nul de ceux qui utilisent Android n'est à l'abri, et de l'autre, il se résume à un sérieux coup de semonce envers Google. Avec le Nexus One, Google a transgressé un accord tacite : passe encore qu'elle fournisse un système d'exploitation aux concurrents d'Apple, mais s'il s'agit de commercialiser elle-même un smartphone, la ligne jaune n'est plus très loin. La proie est d'autant plus facile qu'elle fait partie des sociétés de l'industrie mobile qui ont déposé le moins de brevets ces dernières années, et qui ont donc d'autant moins de moyens de contre-attaquer sur le même terrain.
Android, cadeau empoisonné
Alors que les partenaires de Google se disputaient le privilège de construire le prochain Google Phone, voilà qui devrait sérieusement remettre en question leurs velléités. Pire encore, Android semblait jusqu'ici une solution idéale pour les constructeurs : gratuit, modulable, libre de toute contrainte imposée par Microsoft, c'était le ticket d'entrée pour plus de liberté à moindres frais. Dorénavant, la menace d'un procès avec Apple fera également partie du package, de quoi réfléchir à deux fois.
Reste que l'aléa judiciaire ne permet aucunement de présager de l'issue de la querelle, qui prendra sans doute de nombreuses années à résoudre. En attendant, Apple a clairement fait connaître son intention de défendre sa chasse gardée avec toute la hargne dont elle est capable. Reste à voir quelles conséquences cette initiative aura sur le marché. Si Google ne renonce pas à emporter le marché de l'internet mobile, alors les deux partenaires seront inéluctablement engagés sur une trajectoire de collision.
Le G1, béni puis maudit
Il y a dans cette initiative quelques points qui soulèvent bien des questions : quel est l'élément déclencheur qui a pu décider Apple à lancer cette procédure ? La plainte d'Apple, un document de quelque 700 pages, concerne des appareils comme le HTC G1, le premier smartphone à base d'Android, qui est sorti en octobre 2008 aux États-Unis, alors que le modèle le plus récent évoqué dans la plainte n'est autre que le Nexus One, sorti début janvier. Il est d'ailleurs assez ironique de voir Apple faire des reproches au HTC G1 alors même que celui-ci aurait été validé par son propre département juridique à la demande de Google (lire Google aurait bel et bien présenté le G1 à Apple).
Mais c'est la présence du Nexus One dans la plainte qui est digne d'intérêt à plus d'un titre. Il faut tout d'abord noter qu'en l'occurrence, HTC n'est que prestataire fabricant du Nexus One, et que celui-ci est exploité commercialement par Google en son nom propre. Il faut également souligner que, si on pouvait considérer que les récriminations d'Apple concernant certains appareils pouvaient porter sur la couche d'interface "Sense" rajoutée par HTC par-dessus Android, ça n'est notamment pas le cas du Nexus One, qui intègre une version "brute" d'Android 2.1.
Le Nexus One au cœur de la discorde
En conséquence, concernant le Nexus One du moins, les éléments litigieux concernent bien plus Google que HTC, et c'est pourtant la seconde qui est visée. D'autant qu'avec le Nexus One, c'est la première fois que Google exploite Android commercialement, alors qu'elle s'était contentée jusqu'ici de mener les débats sur son système d'exploitation libre, laissant ses partenaires commerciaux aller au front en équipant leurs appareils du système. Signe d'un basculement majeur, alors que la société de Mountain View s'était jusqu'ici scrupuleusement limitée à une offre de services, le Nexus One constitue le seul et unique produit de Google.
Alors que Google s'était accommodée de l'hégémonie de Windows comme porte d'entrée à Internet, l'iPhone a démontré qu'il était non seulement possible de déporter le débat sur un autre terrain libre de tout monopole, mais en outre il préfigure d'un avenir où l'accès mobile à Internet deviendra prépondérant (lire : 2010 : début d'une nouvelle ère pour l'industrie high-tech ?). Google a donc pu y voir une chance de contrôler un pan de la chaîne d'intermédiaires qui lui était jusque-là encore inaccessible, un élément crucial pour mieux vendre encore ses espaces publicitaires aux annonceurs et pister les habitudes de consommation des internautes. Mais précisément, c'est là un objectif qu'Apple n'est pas du tout disposée à laisser lui échapper sans se battre avec la dernière énergie. L'amère expérience du Macintosh face à Windows, c'était déjà une fois de trop.
Apple lance l'iPhone, l'iPod touch, puis l'iPad, trois portes d'accès à sa plateforme iPhone OS + App Store, alors que Google lance Android, puis Chrome OS, puis son propre smartphone… Il est plus que temps de mettre un terme aux arrogantes ambitions du partenaire d'Apple. L'enjeu de la bataille est clair : la domination de l'informatique du futur. Apple a d'excellentes cartes en main, et l'iPad n'est probablement qu'une des premières étapes avant une montée en puissance dans ce domaine. Encore lui faut-il protéger ses acquis. La firme de Cupertino a certes bouleversé l'industrie du téléphone mobile avec l'iPhone, et trois ans après, la concurrence n'a toujours pas complètement rattrapé son retard. Malgré tout, Android bénéficie d'une croissance considérable, reste à voir où s'arrêtera sa vitesse de croisière.
Eric Schmidt : « Avec Apple, c'est stable. »
Pour autant, Apple ne peut pas se permettre le luxe d'une guerre ouverte avec Google. Les contrecoups d'un tel choc des titans porteraient très loin, et ne feraient que favoriser leurs concurrents : une telle approche serait contreproductive pour les deux géants, qui sont condamnés à s'entendre, du moins officiellement. Les deux parties se sont contentées de petites phrases ici et là, et Steve Jobs masque à peine son agacement, mais on persiste à afficher globalement une entente cordiale. Google est d'ailleurs bien en peine d'afficher une position tranchée dans cette affaire, tout au plus adresse-t-elle son soutien moral à HTC du bout des lèvres (lire : Affaire HTC/Apple : la réaction de Google). Pour autant, il faut couper court à la progression d'Android, et Apple a choisi d'attaquer par la bande, et d'assécher l'enthousiasme des fabricants autour du système de Google.
En attaquant HTC, qui pèse en bourse 23 fois moins lourd qu'elle, Apple envoie un message à qui de droit. D'une part il s'agit d'indiquer que nul de ceux qui utilisent Android n'est à l'abri, et de l'autre, il se résume à un sérieux coup de semonce envers Google. Avec le Nexus One, Google a transgressé un accord tacite : passe encore qu'elle fournisse un système d'exploitation aux concurrents d'Apple, mais s'il s'agit de commercialiser elle-même un smartphone, la ligne jaune n'est plus très loin. La proie est d'autant plus facile qu'elle fait partie des sociétés de l'industrie mobile qui ont déposé le moins de brevets ces dernières années, et qui ont donc d'autant moins de moyens de contre-attaquer sur le même terrain.
Android, cadeau empoisonné
Alors que les partenaires de Google se disputaient le privilège de construire le prochain Google Phone, voilà qui devrait sérieusement remettre en question leurs velléités. Pire encore, Android semblait jusqu'ici une solution idéale pour les constructeurs : gratuit, modulable, libre de toute contrainte imposée par Microsoft, c'était le ticket d'entrée pour plus de liberté à moindres frais. Dorénavant, la menace d'un procès avec Apple fera également partie du package, de quoi réfléchir à deux fois.
Reste que l'aléa judiciaire ne permet aucunement de présager de l'issue de la querelle, qui prendra sans doute de nombreuses années à résoudre. En attendant, Apple a clairement fait connaître son intention de défendre sa chasse gardée avec toute la hargne dont elle est capable. Reste à voir quelles conséquences cette initiative aura sur le marché. Si Google ne renonce pas à emporter le marché de l'internet mobile, alors les deux partenaires seront inéluctablement engagés sur une trajectoire de collision.