Un véritable feuilleton
Comme on n'osait plus l'espérer, l'ARCEP a finalement donné son feu vert à Free Mobile pour devenir le quatrième opérateur français de téléphonie mobile. C'est qu'il aura fallu en passer par bien des avatars pour arriver à ce résultat : Iliad/Free s'était déjà portée candidate au précédent appel d'offres, en 2007, où elle était déjà seule en lice. Mais la facture étant trop salée pour elle, elle a posé comme condition à sa candidature de pouvoir étaler le paiement du prix de la licence, condition qui a vu son dossier rejeté, car ne correspondant pas aux critères d'admission. Les conditions ont bien évolué depuis, et le gouvernement a consenti à quelques efforts pour rendre la chose faisable. Le montant initial, de plus de 619 millions d'euros (soit le même déboursé par Bouygues Telecom, SFR et Orange en 2000) a fondu pour descendre au tiers, soit 240 millions, mais la licence n'inclut également qu'un tiers de la bande de fréquence accordée aux autres opérateurs, afin de rester équitable.
Les opérateurs font de la résistance
Le triumvirat du mobile a en effet déployé toute son énergie pour freiner l'arrivée d'un quatrième opérateur, il ne s'agissait donc pas de prêter le dos à la moindre critique, ce qui ne les a d'ailleurs pas empêchés de déposer divers recours. Ainsi, les trois opérateurs ont chacun fait part de leurs récriminations tant auprès du Conseil d'État que de Bruxelles, dont on attend la décision. On se souvient également de la petite phrase du Président de la République, proche de Martin Bouygues, qui s'interrogeait à voix haute concernant le prix du mobile : « Je suis assez sceptique et réservé sur le choix d'un quatrième opérateur de téléphonie mobile. Car le prix le plus bas n'est pas forcément le meilleur », avait-il déclaré, alors que son camp politique s'est pourtant toujours montré favorable à la libéralisation du marché et de la concurrence.
Il faut dire que SFR, Bouygues Telecom et Orange ont de quoi avoir des sueurs froides à la perspective d'une telle concurrence : Free a mis le marché de l'ADSL sens dessus dessous en 2002 lorsqu'il a lancé leur offre triple play pour 30 euros par mois. En quelques années, la France qui était à la traîne au niveau de l'équipement des foyers en haut débit a rapidement rattrapé son retard, pour aujourd'hui faire partie des pays qui disposent des offres les plus compétitives. Pour peu que Free en fasse autant avec le téléphone mobile et c'est une belle manne qui disparaîtrait pour les opérateurs. Et quelle manne ! À l'image de l'ADSL il y a quelques années, le prix du téléphone mobile dans notre pays est parmi les plus élevés en Europe. La chose n'est pas anodine, sachant que les 3 opérateurs en place ont été condamnés pour entente illicite sur les prix à verser 442 millions de dommages et intérêts… On l'a encore vu dans les forfaits quasi identiques pour l'iPhone : il n'y a pas de concurrence sur le marché de la téléphonie mobile en France. Ça n'a d'ailleurs pas échappé à Xavier Niel, le président fondateur de Free, qui déclarait en juin dernier : « Je pense que le pouvoir règlementaire et que le pouvoir politique sont proconcurrence, et qu’ils font tout pour favoriser l’émergence d’une vraie compétition sur un marché qui n’en a pas : comparez le prix de l’iPhone chez Orange et chez SFR ! Seule Bouygues semble tenter de faire bouger les choses. Allez voir le prix de l’iPhone chez Orange Autriche pour 19,5 euros par mois vous avez un iPhone, 1000 minutes de téléphone, 1000 SMS, 3 Go de data... De qui se moque-t-on ? De nous, de vous » .

Dans ce contexte, on peut aisément comprendre que SFR, Bouygues Telecom et Orange ne voient pas d'un bon œil non seulement l'arrivée d'un nouvel opérateur, mais pire encore celle de Free qui a déjà démontré son agressivité commerciale. On a d'ailleurs pu en savoir un peu plus sur les intentions de Free Mobile, puisqu'elle a donné quelques engagements dans son dossier de candidature à l'ARCEP.
Une offre différente
Tout d'abord, Free veut casser le moule des offres existantes, en ne proposant aucun engagement avec ses abonnements, à l'image de ce qu'elle a fait pour l'ADSL. Par conséquent, exit également les appareils subventionnés, mais Free proposera de payer une gamme de téléphones à prix coûtant en plusieurs mensualités avec l'abonnement. Dans ce contexte, quid de l'iPhone (très cité en exemple par Xavier Niel), sachant que l'iPhone désimlocké est vendu aux alentours de 600 € en Belgique, ça représenterait une mensualité de 25 euros sur deux ans, ce qui ne va pas vraiment de pair avec une offre sans engagement. Quoi qu'il en soit, d'une certaine manière, un abonné qui n'est pas captif de son opérateur ne peut y voir qu'un gage de qualité de service, puisqu'il est libre de partir à tout moment dès qu'il n'est plus satisfait.
Free va également développer la notion de service postpayé : en lieu et place d'un forfait avec sa cohorte de minutes reportées et autres complications, vous ne payez que pour votre consommation du mois précédent. Toutes les offres postpayées intégreront d'ailleurs l'accès à un service d'internet mobile. De manière générale, le nouvel opérateur s'engage à plus de simplicité et de lisibilité dans les abonnements. Concernant les services, Free Mobile s'engage à respecter la neutralité des réseaux, les abonnés seront donc libres d'utiliser la VoIP sur le réseau 3G. On n'en attendait pas moins de l'opérateur qui a démocratisé la VoIP sur le réseau fixe, faisant de la France le premier consommateur mondial de cette technologie, dont l'utilisation a dépassé celle des communications sur le Réseau Téléphonique Commuté.
Un enjeu stratégique
Il faut dire qu'il était crucial stratégiquement pour Free d'entrer dans le marché de la téléphonie mobile, à plusieurs égards. D'abord parce que l'internet mobile est en train d'exploser littéralement, et qu'il s'agit là du cœur de métier de Free. Ensuite, parce qu'avec le jeu des fusions et acquisitions, les 3 opérateurs mobiles disposent d'une offre ADSL, et qu'on a commencé à voir une fusion des marchés : Bouygues Telecom a lancé une offre quadruple play, tandis que SFR a lancé un service Femtocell qui permet d'avoir une antenne 3G à son domicile pour faire transiter le signal par le réseau fixe. Free avait déjà pris une garantie en faisant l'acquisition de la seule licence nationale pour le Wimax, un réseau utilisant la Boucle Locale Radio mais qui présente malgré tout quelques inconvénients vis-à-vis de l'UMTS. L'acquisition de la licence était d'autant plus importante que l'offre ADSL de Free s'essouffle quelque peu, et recrute nettement moins de nouveaux abonnés de son concurrent direct SFR. Et de fait, Free promet également une offre quadruple play pour ses abonnés en ADSL, mais également l'accès au réseau WiFi des abonnés Freebox et Alicebox, auquel Free va également ajouter d'autres bornes dans les espaces publics, et la transposition de la plupart des services initiés avec la Freebox vers le mobile : télévision mobile personnelle, accès à un espace de stockage en ligne, etc. On peut sans doute compter sur une fonction Femtocell intégrée dans la Freebox V6, qui est entrée en production il y a peu de temps.
Mais Free compte également développer de nouveaux services, comme le paiement par mobile (via SMS et la technologie sans contact), ou encore des services de géolocalisation. Reproduisant le schéma qui a fait son succès dans l'ADSL et fait d'elle le premier opérateur alternatif français, Free compte coupler ces services innovants avec une tarification agressive. Pour l'heure, il ne s'agit que d'un savant « teasing », puisque, après avoir promis de diviser la facture mobile des Français par deux, Free ne donne qu'un prix plafond : elle s'est engagée à proposer un forfait inférieur à 20 euros par mois pour plus de 3 heures d'appel vers les fixes et mobiles en France métropolitaine. Il y aura également un forfait haut de gamme comprenant un forfait data illimité, dont les seuils devraient être bien supérieurs à ce qui se fait actuellement. Free proposera également une offre pour les clés 3G.
Il faudra cependant encore s'armer de patience : les premières offres seront mises sur le marché durant le premier semestre 2012. La couverture du territoire national sera déployée progressivement, Free s'est engagée à couvrir 27 % de la population après 2 ans, 75 % après 5 ans, et 90 % après 8 ans pour la voix, et 25 % après 2 ans, 69 % après 5 ans, et 83 % après 8 ans pour les données. Lorsque Free Mobile arrivera à 25 % de couverture, elle aura droit à des accords d'itinérance avec les autres opérateurs afin de maximiser sa couverture. Il reste à voir si Free parviendra à trouver des accords avec ses concurrents sur ce point, mais dans une interview accordée au Figaro, Xavier Niel indique qu'ils sont déjà en pourparlers à ce sujet. L'opérateur qui s'entendra avec Free décrochera un marché juteux, pesant entre 100 et 200 millions d'euros par an. Free compte également accueillir un opérateur MNVO sur son réseau. Il faudra également faire face à la résistance de la population à l'installation de nouvelles antennes GSM. En attendant, le top départ de la vraie concurrence dans la téléphonie mobile vient d'être lancé. Les trois opérateurs ont deux ans pour adapter leurs offres et faire en sorte que l'arrivée de Free dépareille le moins possible avec le paysage en place. Ce qui est déjà en soi un aspect bénéfique pour chaque abonné.
Comme on n'osait plus l'espérer, l'ARCEP a finalement donné son feu vert à Free Mobile pour devenir le quatrième opérateur français de téléphonie mobile. C'est qu'il aura fallu en passer par bien des avatars pour arriver à ce résultat : Iliad/Free s'était déjà portée candidate au précédent appel d'offres, en 2007, où elle était déjà seule en lice. Mais la facture étant trop salée pour elle, elle a posé comme condition à sa candidature de pouvoir étaler le paiement du prix de la licence, condition qui a vu son dossier rejeté, car ne correspondant pas aux critères d'admission. Les conditions ont bien évolué depuis, et le gouvernement a consenti à quelques efforts pour rendre la chose faisable. Le montant initial, de plus de 619 millions d'euros (soit le même déboursé par Bouygues Telecom, SFR et Orange en 2000) a fondu pour descendre au tiers, soit 240 millions, mais la licence n'inclut également qu'un tiers de la bande de fréquence accordée aux autres opérateurs, afin de rester équitable.
Les opérateurs font de la résistance
Le triumvirat du mobile a en effet déployé toute son énergie pour freiner l'arrivée d'un quatrième opérateur, il ne s'agissait donc pas de prêter le dos à la moindre critique, ce qui ne les a d'ailleurs pas empêchés de déposer divers recours. Ainsi, les trois opérateurs ont chacun fait part de leurs récriminations tant auprès du Conseil d'État que de Bruxelles, dont on attend la décision. On se souvient également de la petite phrase du Président de la République, proche de Martin Bouygues, qui s'interrogeait à voix haute concernant le prix du mobile : « Je suis assez sceptique et réservé sur le choix d'un quatrième opérateur de téléphonie mobile. Car le prix le plus bas n'est pas forcément le meilleur », avait-il déclaré, alors que son camp politique s'est pourtant toujours montré favorable à la libéralisation du marché et de la concurrence.
Il faut dire que SFR, Bouygues Telecom et Orange ont de quoi avoir des sueurs froides à la perspective d'une telle concurrence : Free a mis le marché de l'ADSL sens dessus dessous en 2002 lorsqu'il a lancé leur offre triple play pour 30 euros par mois. En quelques années, la France qui était à la traîne au niveau de l'équipement des foyers en haut débit a rapidement rattrapé son retard, pour aujourd'hui faire partie des pays qui disposent des offres les plus compétitives. Pour peu que Free en fasse autant avec le téléphone mobile et c'est une belle manne qui disparaîtrait pour les opérateurs. Et quelle manne ! À l'image de l'ADSL il y a quelques années, le prix du téléphone mobile dans notre pays est parmi les plus élevés en Europe. La chose n'est pas anodine, sachant que les 3 opérateurs en place ont été condamnés pour entente illicite sur les prix à verser 442 millions de dommages et intérêts… On l'a encore vu dans les forfaits quasi identiques pour l'iPhone : il n'y a pas de concurrence sur le marché de la téléphonie mobile en France. Ça n'a d'ailleurs pas échappé à Xavier Niel, le président fondateur de Free, qui déclarait en juin dernier : « Je pense que le pouvoir règlementaire et que le pouvoir politique sont proconcurrence, et qu’ils font tout pour favoriser l’émergence d’une vraie compétition sur un marché qui n’en a pas : comparez le prix de l’iPhone chez Orange et chez SFR ! Seule Bouygues semble tenter de faire bouger les choses. Allez voir le prix de l’iPhone chez Orange Autriche pour 19,5 euros par mois vous avez un iPhone, 1000 minutes de téléphone, 1000 SMS, 3 Go de data... De qui se moque-t-on ? De nous, de vous » .

Dans ce contexte, on peut aisément comprendre que SFR, Bouygues Telecom et Orange ne voient pas d'un bon œil non seulement l'arrivée d'un nouvel opérateur, mais pire encore celle de Free qui a déjà démontré son agressivité commerciale. On a d'ailleurs pu en savoir un peu plus sur les intentions de Free Mobile, puisqu'elle a donné quelques engagements dans son dossier de candidature à l'ARCEP.
Une offre différente
Tout d'abord, Free veut casser le moule des offres existantes, en ne proposant aucun engagement avec ses abonnements, à l'image de ce qu'elle a fait pour l'ADSL. Par conséquent, exit également les appareils subventionnés, mais Free proposera de payer une gamme de téléphones à prix coûtant en plusieurs mensualités avec l'abonnement. Dans ce contexte, quid de l'iPhone (très cité en exemple par Xavier Niel), sachant que l'iPhone désimlocké est vendu aux alentours de 600 € en Belgique, ça représenterait une mensualité de 25 euros sur deux ans, ce qui ne va pas vraiment de pair avec une offre sans engagement. Quoi qu'il en soit, d'une certaine manière, un abonné qui n'est pas captif de son opérateur ne peut y voir qu'un gage de qualité de service, puisqu'il est libre de partir à tout moment dès qu'il n'est plus satisfait.
Free va également développer la notion de service postpayé : en lieu et place d'un forfait avec sa cohorte de minutes reportées et autres complications, vous ne payez que pour votre consommation du mois précédent. Toutes les offres postpayées intégreront d'ailleurs l'accès à un service d'internet mobile. De manière générale, le nouvel opérateur s'engage à plus de simplicité et de lisibilité dans les abonnements. Concernant les services, Free Mobile s'engage à respecter la neutralité des réseaux, les abonnés seront donc libres d'utiliser la VoIP sur le réseau 3G. On n'en attendait pas moins de l'opérateur qui a démocratisé la VoIP sur le réseau fixe, faisant de la France le premier consommateur mondial de cette technologie, dont l'utilisation a dépassé celle des communications sur le Réseau Téléphonique Commuté.
Un enjeu stratégique
Il faut dire qu'il était crucial stratégiquement pour Free d'entrer dans le marché de la téléphonie mobile, à plusieurs égards. D'abord parce que l'internet mobile est en train d'exploser littéralement, et qu'il s'agit là du cœur de métier de Free. Ensuite, parce qu'avec le jeu des fusions et acquisitions, les 3 opérateurs mobiles disposent d'une offre ADSL, et qu'on a commencé à voir une fusion des marchés : Bouygues Telecom a lancé une offre quadruple play, tandis que SFR a lancé un service Femtocell qui permet d'avoir une antenne 3G à son domicile pour faire transiter le signal par le réseau fixe. Free avait déjà pris une garantie en faisant l'acquisition de la seule licence nationale pour le Wimax, un réseau utilisant la Boucle Locale Radio mais qui présente malgré tout quelques inconvénients vis-à-vis de l'UMTS. L'acquisition de la licence était d'autant plus importante que l'offre ADSL de Free s'essouffle quelque peu, et recrute nettement moins de nouveaux abonnés de son concurrent direct SFR. Et de fait, Free promet également une offre quadruple play pour ses abonnés en ADSL, mais également l'accès au réseau WiFi des abonnés Freebox et Alicebox, auquel Free va également ajouter d'autres bornes dans les espaces publics, et la transposition de la plupart des services initiés avec la Freebox vers le mobile : télévision mobile personnelle, accès à un espace de stockage en ligne, etc. On peut sans doute compter sur une fonction Femtocell intégrée dans la Freebox V6, qui est entrée en production il y a peu de temps.
Mais Free compte également développer de nouveaux services, comme le paiement par mobile (via SMS et la technologie sans contact), ou encore des services de géolocalisation. Reproduisant le schéma qui a fait son succès dans l'ADSL et fait d'elle le premier opérateur alternatif français, Free compte coupler ces services innovants avec une tarification agressive. Pour l'heure, il ne s'agit que d'un savant « teasing », puisque, après avoir promis de diviser la facture mobile des Français par deux, Free ne donne qu'un prix plafond : elle s'est engagée à proposer un forfait inférieur à 20 euros par mois pour plus de 3 heures d'appel vers les fixes et mobiles en France métropolitaine. Il y aura également un forfait haut de gamme comprenant un forfait data illimité, dont les seuils devraient être bien supérieurs à ce qui se fait actuellement. Free proposera également une offre pour les clés 3G.
Il faudra cependant encore s'armer de patience : les premières offres seront mises sur le marché durant le premier semestre 2012. La couverture du territoire national sera déployée progressivement, Free s'est engagée à couvrir 27 % de la population après 2 ans, 75 % après 5 ans, et 90 % après 8 ans pour la voix, et 25 % après 2 ans, 69 % après 5 ans, et 83 % après 8 ans pour les données. Lorsque Free Mobile arrivera à 25 % de couverture, elle aura droit à des accords d'itinérance avec les autres opérateurs afin de maximiser sa couverture. Il reste à voir si Free parviendra à trouver des accords avec ses concurrents sur ce point, mais dans une interview accordée au Figaro, Xavier Niel indique qu'ils sont déjà en pourparlers à ce sujet. L'opérateur qui s'entendra avec Free décrochera un marché juteux, pesant entre 100 et 200 millions d'euros par an. Free compte également accueillir un opérateur MNVO sur son réseau. Il faudra également faire face à la résistance de la population à l'installation de nouvelles antennes GSM. En attendant, le top départ de la vraie concurrence dans la téléphonie mobile vient d'être lancé. Les trois opérateurs ont deux ans pour adapter leurs offres et faire en sorte que l'arrivée de Free dépareille le moins possible avec le paysage en place. Ce qui est déjà en soi un aspect bénéfique pour chaque abonné.