Lors d'une interview accordée à la chaîne CNBC, Eric Schmidt a tenu des propos qui en ont fait sourciller plus d'un. Jugez plutôt:
« S'il y a des choses que vous souhaitez cacher à tout le monde, vous ne devriez peut-être pas les faire. Si vous avez vraiment besoin de ce niveau de vie privée, la réalité c'est que les outils de recherche — Google y compris — conservent effectivement ces informations pendant un temps donné et il est important de noter, par exemple, que nous sommes tous soumis au Patriot Act aux Etats-Unis et qu'il est possible que toutes ces informations soient mises à disposition des autorités. »
Le propos est en effet surprenant, et n'a pas manqué d'attiser l'ire des militants pour le respect de la vie privée aux USA. Il y a nombre de choses qui n'ont rien de répréhensibles et qu'on ne souhaite pas pour autant divulguer sur la place publique, en toute légitimité : numéro de carte bancaire, pratiques sexuelles, bilan de santé, etc. En somme, Eric Schmidt avance l'idée que les notions de vie privée et de sphère intime appartiennent au passé.
Si on se place d'un point de vue purement pragmatique, on ne peut cependant qu'en faire le constat. Si par exemple vous vous êtes laissé aller lors d'une soirée arrosée, et qu'un ami publie une photo compromettante de vos exploits sur Facebook, vous aurez beau protester auprès du site communautaire, votre photo y restera, malgré l'atteinte manifeste à votre droit à l'image. A moins bien sûr de porter l'affaire en justice.
Souhaitant proposer un moyen de régler ce problème, Facebook vient justement de changer le système de confidentialité des images, mais celui-ci a abouti à la publication d'images privées, à commencer par celles du PDG de Facebook, Mark Zuckerberg. Quand bien même l'image indésirable serait-elle supprimée, qu'elle pourra demeurer dans le cache de Google. Il en va de même pour ce que vous publiez de vous-même et supprimez par repentir : Google a une mémoire infaillible, et sait tout ou presque de vous. Le "droit à l'oubli" est une notion qui fait beaucoup parler d'elle, et en Europe tout citoyen a le droit de faire rectifier, effacer ou verrouiller les données le concernant.
Mais au delà de ce constat, Eric Schmidt prend fait et cause pour cet état de fait, alors qu'il a fait lui-même l'amère expérience des terrifiants pouvoirs de sa propre créature. Le 14 juillet 2005, le site CNET publie nombre d'informations privées concernant le patron de Google, glanées grâce à son propre outil de recherche : son salaire, le quartier où il vit, certains de ses hobbies, et les partis politiques auxquels Schmidt avait fait des donations. L'expérience n'a semble-t-il pas beaucoup plu au dirigeant de Google, qui en guise de représailles aurait donné l'ordre à ses employés de ne plus communiquer auprès des journalistes de CNET pendant un an… tout ceci a de quoi faire passer la devise de Google ("don't be evil"), d'ailleurs inventée par Eric Schmidt en personne, pour un simple vœu pieux.
Parmi les personnes qui ont réagi aux propos d'Eric Schmidt, on trouve notamment Asa Dotzler, directeur du développement de la communauté chez Mozilla. Sur son blog, le responsable reprend la citation de Schmidt et la commente : « C'était Eric Schmidt, le PDG de Google, qui vous dit exactement ce qu'il pense de votre vie privée. Il n'y a aucune ambiguité, ni "hors contexte". Regardez la vidéo. Et voilà comment vous pouvez facilement basculer le moteur de recherche de Firefox de Google à Bing (et oui, Bing a une meilleure politique que Google concernant la vie privée) ». La déclaration est d'autant plus forte que Mozilla tire 85 % de ses revenus de ses accords avec Google, sans oublier que Bing est le moteur de recherche de Microsoft, par ailleurs grand concurrent de Firefox avec Internet Explorer.
Les propos du patron de Google ont de quoi faire frémir : la société tentaculaire est incontournable sur Internet. Même si vous utilisez un autre moteur de recherche, nombre de sites internet s'appuient sur le moteur de Google pour vous permettre de fouiller dans leurs archives (comme c'est d'ailleurs le cas de MacGeneration). Même si vous n'avez pas de compte Gmail, il est probable que ça soit le cas de plus d'un de vos correspondants, et Google a donc accès à votre correspondance avec eux, aussi privée soit-elle. D'autres outils de Google sont utilisés par nombre de sites : Google Maps, Google Adsense, Google Analytics, Feedburner, YouTube, etc. Chacun d'entre eux est susceptible de conserver l'utilisation que vous en faites, ou votre simple passage sur la page. Chrome, le navigateur de Google, joue les mouchards et envoie par défaut l'adresse de tous les sites que vous consultez à la maison-mère, bien qu'il soit possible de désactiver cette fonction (encore faut-il en avoir connaissance). De même, l'historique des recherches peut s'avérer aussi pratique que gênante si on oublie de désactiver la fonction. Bref, si vous tenez à ce que vos pratiques sur le net restent inconnues de Google, la chose tient quasiment de l'impossible, à moins de bloquer les IP du géant d'Internet sur votre machine, auquel cas vous perdrez l'accès à nombre de fonctions. Certes, le bon sens veut qu'on fasse preuve de précautions quant à ce qu'on dévoile sur Internet. Malgré tout, on peut trouver une somme incroyable de détails sur une personne donnée, témoin la fameuse affaire du "portrait Google" lancée par Le Tigre.
De tels propos venant du patron de l'entreprise qui en sait le plus sur tous les internautes sont d'une coupable maladresse. Jusqu'ici les internautes acceptaient d'encourir le risque de confier leur intimité à Google en échange des services gratuits que la société leur offre, parce qu'ils lui font confiance. Mais suite à de tels propos, chacun est en mesure de prendre conscience que la protection des données personnelles est une notion à géométrie variable, qui pourrait bien changer du jour au lendemain, et que celle-ci ne tient qu'à la bonne volonté des dirigeants de Google. Si demain les choses venaient à changer, il serait trop tard pour que Google oublie ce qu'elle sait déjà sur vous.
Le tableau peut sembler bien sombre, mais l'abord sympathique de Google prend un sérieux coup dans l'aile avec une telle déclaration. Alors que Google s'est posée en anti-Microsoft depuis ses débuts, il n'est pas exclu qu'elle finisse par incarner bien pire, étant donné les moyens de nuisance autrement plus dévastateurs dont elle dispose. Certes, il parait contre-productif pour la société de Mountain View de traiter les données confidentielles avec légèreté. Mais il suffit que Google devienne indispensable et incontournable pour qu'elle n'aie plus à s'encombrer de tels principes. A tout le moins, on ne peut qu'espérer qu'il y ait un regain de concurrence dans le marché des services en ligne.
« S'il y a des choses que vous souhaitez cacher à tout le monde, vous ne devriez peut-être pas les faire. Si vous avez vraiment besoin de ce niveau de vie privée, la réalité c'est que les outils de recherche — Google y compris — conservent effectivement ces informations pendant un temps donné et il est important de noter, par exemple, que nous sommes tous soumis au Patriot Act aux Etats-Unis et qu'il est possible que toutes ces informations soient mises à disposition des autorités. »
Le propos est en effet surprenant, et n'a pas manqué d'attiser l'ire des militants pour le respect de la vie privée aux USA. Il y a nombre de choses qui n'ont rien de répréhensibles et qu'on ne souhaite pas pour autant divulguer sur la place publique, en toute légitimité : numéro de carte bancaire, pratiques sexuelles, bilan de santé, etc. En somme, Eric Schmidt avance l'idée que les notions de vie privée et de sphère intime appartiennent au passé.
Si on se place d'un point de vue purement pragmatique, on ne peut cependant qu'en faire le constat. Si par exemple vous vous êtes laissé aller lors d'une soirée arrosée, et qu'un ami publie une photo compromettante de vos exploits sur Facebook, vous aurez beau protester auprès du site communautaire, votre photo y restera, malgré l'atteinte manifeste à votre droit à l'image. A moins bien sûr de porter l'affaire en justice.
Souhaitant proposer un moyen de régler ce problème, Facebook vient justement de changer le système de confidentialité des images, mais celui-ci a abouti à la publication d'images privées, à commencer par celles du PDG de Facebook, Mark Zuckerberg. Quand bien même l'image indésirable serait-elle supprimée, qu'elle pourra demeurer dans le cache de Google. Il en va de même pour ce que vous publiez de vous-même et supprimez par repentir : Google a une mémoire infaillible, et sait tout ou presque de vous. Le "droit à l'oubli" est une notion qui fait beaucoup parler d'elle, et en Europe tout citoyen a le droit de faire rectifier, effacer ou verrouiller les données le concernant.
Mais au delà de ce constat, Eric Schmidt prend fait et cause pour cet état de fait, alors qu'il a fait lui-même l'amère expérience des terrifiants pouvoirs de sa propre créature. Le 14 juillet 2005, le site CNET publie nombre d'informations privées concernant le patron de Google, glanées grâce à son propre outil de recherche : son salaire, le quartier où il vit, certains de ses hobbies, et les partis politiques auxquels Schmidt avait fait des donations. L'expérience n'a semble-t-il pas beaucoup plu au dirigeant de Google, qui en guise de représailles aurait donné l'ordre à ses employés de ne plus communiquer auprès des journalistes de CNET pendant un an… tout ceci a de quoi faire passer la devise de Google ("don't be evil"), d'ailleurs inventée par Eric Schmidt en personne, pour un simple vœu pieux.
Parmi les personnes qui ont réagi aux propos d'Eric Schmidt, on trouve notamment Asa Dotzler, directeur du développement de la communauté chez Mozilla. Sur son blog, le responsable reprend la citation de Schmidt et la commente : « C'était Eric Schmidt, le PDG de Google, qui vous dit exactement ce qu'il pense de votre vie privée. Il n'y a aucune ambiguité, ni "hors contexte". Regardez la vidéo. Et voilà comment vous pouvez facilement basculer le moteur de recherche de Firefox de Google à Bing (et oui, Bing a une meilleure politique que Google concernant la vie privée) ». La déclaration est d'autant plus forte que Mozilla tire 85 % de ses revenus de ses accords avec Google, sans oublier que Bing est le moteur de recherche de Microsoft, par ailleurs grand concurrent de Firefox avec Internet Explorer.
Les propos du patron de Google ont de quoi faire frémir : la société tentaculaire est incontournable sur Internet. Même si vous utilisez un autre moteur de recherche, nombre de sites internet s'appuient sur le moteur de Google pour vous permettre de fouiller dans leurs archives (comme c'est d'ailleurs le cas de MacGeneration). Même si vous n'avez pas de compte Gmail, il est probable que ça soit le cas de plus d'un de vos correspondants, et Google a donc accès à votre correspondance avec eux, aussi privée soit-elle. D'autres outils de Google sont utilisés par nombre de sites : Google Maps, Google Adsense, Google Analytics, Feedburner, YouTube, etc. Chacun d'entre eux est susceptible de conserver l'utilisation que vous en faites, ou votre simple passage sur la page. Chrome, le navigateur de Google, joue les mouchards et envoie par défaut l'adresse de tous les sites que vous consultez à la maison-mère, bien qu'il soit possible de désactiver cette fonction (encore faut-il en avoir connaissance). De même, l'historique des recherches peut s'avérer aussi pratique que gênante si on oublie de désactiver la fonction. Bref, si vous tenez à ce que vos pratiques sur le net restent inconnues de Google, la chose tient quasiment de l'impossible, à moins de bloquer les IP du géant d'Internet sur votre machine, auquel cas vous perdrez l'accès à nombre de fonctions. Certes, le bon sens veut qu'on fasse preuve de précautions quant à ce qu'on dévoile sur Internet. Malgré tout, on peut trouver une somme incroyable de détails sur une personne donnée, témoin la fameuse affaire du "portrait Google" lancée par Le Tigre.
De tels propos venant du patron de l'entreprise qui en sait le plus sur tous les internautes sont d'une coupable maladresse. Jusqu'ici les internautes acceptaient d'encourir le risque de confier leur intimité à Google en échange des services gratuits que la société leur offre, parce qu'ils lui font confiance. Mais suite à de tels propos, chacun est en mesure de prendre conscience que la protection des données personnelles est une notion à géométrie variable, qui pourrait bien changer du jour au lendemain, et que celle-ci ne tient qu'à la bonne volonté des dirigeants de Google. Si demain les choses venaient à changer, il serait trop tard pour que Google oublie ce qu'elle sait déjà sur vous.
Le tableau peut sembler bien sombre, mais l'abord sympathique de Google prend un sérieux coup dans l'aile avec une telle déclaration. Alors que Google s'est posée en anti-Microsoft depuis ses débuts, il n'est pas exclu qu'elle finisse par incarner bien pire, étant donné les moyens de nuisance autrement plus dévastateurs dont elle dispose. Certes, il parait contre-productif pour la société de Mountain View de traiter les données confidentielles avec légèreté. Mais il suffit que Google devienne indispensable et incontournable pour qu'elle n'aie plus à s'encombrer de tels principes. A tout le moins, on ne peut qu'espérer qu'il y ait un regain de concurrence dans le marché des services en ligne.