Un accord qui surprend
Lorsque les premiers échos d'un accord entre Psystar et Apple se sont fait entendre, ils avaient de quoi laisser dubitatif : lorsqu'une grosse entreprise attaque une petite entreprise pour violation de sa propriété intellectuelle, le scénario est immuable. La grosse société ne lâche jamais, jusqu'à ce que ses droits soient réaffirmés par le tribunal de façon pleine, entière, et incontestable.
Ça n'est pas tant pour les dommages et intérêts (la grosse société est quasi-certaine que la petite ne sera jamais en mesure de tout payer) que pour le respect de ses droits. Et ça n'est pas tant pour faire cesser le trafic de sa licence à ce petit niveau, que pour faire un exemple et décourager d'autres sociétés d'en faire autant sur une plus grande échelle : il s'agit d'endiguer la voie d'eau. Pour preuve, lorsqu'il arrive dans un procès similaire qu'une grosse société soit déboutée sur une question technique, il est fréquent de voir nombre d'autres petites sociétés s'essayer à la contrefaçon, avec l'espoir de s'en tirer à aussi bon compte. En outre, de telles pratiques concourent à la dilution de marque et à la concurrence déloyale, qui aboutissent au final à des dommages financiers bien sûr, mais surtout à une atteinte à ce qu'on appelle le droit moral, dont les conséquences peuvent être lourdes. Comme on le voit, la défense des droits est un enjeu crucial à plus d'un titre, et c'est particulièrement vrai pour Apple.
On dit souvent qu'un bon accord vaut mieux qu'un mauvais procès, mais étant donné ce contexte, et sachant que non seulement Apple n'avait rien à gagner dans un compromis, mais qu'en plus Psystar n'avait pas grand chose à faire miroiter pour son adversaire, l'annonce de cet accord était pour le moins surprenante, d'autant qu'elle s'est faite de manière confuse dans un premier temps, certains voulant y voir la fin de l'affaire. Ça n'est que lorsque les détails de l'accord se sont fait connaître que les choses se sont éclaircies.
Apple joue au « qui perd gagne » ?
Faisons un bref rappel de la situation : il y a à ce jour deux procédures croisées, l'une en Californie, portant sur Leopard, et l'autre en Floride, concernant cette fois Snow Leopard. L'accord signé par Psystar et Apple ne porte que sur l'affaire jugée en Californie, sachant que pour celle-ci les choses sont plus ou moins réglées suite à la victoire décisive d'Apple (voir notre article Psystar perd un gros match face à Apple). Cependant, tout n'était pas encore joué concernant ce volet de l'affaire, sachant qu'on attendait la suite de la procédure pour janvier 2010.
Sur l'autre front, et suite à cette décision, Apple a demandé une confusion des deux affaires, arguant que les éléments mis en cause n'étaient pas différents de Leopard à Snow Leopard (voir notre article Psystar : Apple exige la fusion des procédures). Apple a donc demandé à ce que l'affaire soit au choix classée ou rapatriée en Californie (ce qu'elle a eu beau jeu de faire sachant la tournure favorable que prend pour elle l'affaire dans cet État).
Cependant, l'accord entre Psystar et Apple indique que la firme de Cupertino n'a pas grand espoir de voir le juge William Hoeveler accéder à sa requête. Il faut en effet savoir que le système judiciaire américain est fort différent du nôtre : chaque État américain, sous la houlette de l'État fédéral, dispose de sa propre souveraineté, de ses propres lois, et de ses propres juges, parfois même élus par la population. Ainsi, pour une affaire de cette envergure, il est peu probable que le juge de Floride accepte de s'en remettre à un confrère d'un autre État. Il fera plus volontiers valoir sa propre compétence à décider du sort de l'affaire.
Apple a malgré tout formulé sa requête en pleine connaissance de cause, mais en matière de justice il n'est pas rare de lancer des procédures tout en les sachant pertinemment perdues d'avance : elles permettent de réaffirmer et de faire valoir certaines choses, tant aux juges qu'à la partie adverse, et tiennent avant tout de la guerre psychologique. En l'espèce, Apple attire l'attention du juge Hoeveler sur le fait que son confrère californien, dans une affaire hautement similaire, a d'ores et déjà tranché favorablement pour elle. De quoi donner quelques sueurs froides au camp adverse. Gageons que cet élément sera rappelé à d'autres reprises durant la suite de la procédure de Floride.
Un accord pour mieux se battre
Car malgré l'accord signé par Apple et Psystar, l'affaire est loin d'être bouclée, puisqu'il reste encore le volet jugé en Floride. Malgré les similitudes, celui-ci est bien plus lourd de conséquences et au cœur d'enjeux plus décisifs encore : en effet, le cas californien ne portait que sur Leopard, un système d'exploitation qu'Apple ne commercialise plus, alors qu'en Floride c'est bien le dernier OS d'Apple qui est au cœur des débats. Il s'agissait donc de solder une affaire qui s'était quelque peu vidée de son sel pour Apple : inutile de tergiverser à l'envi sur ce volet, quitte à focaliser ses forces sur l'autre procédure, la messe étant plus ou moins dite pour celle-ci. On a donc conclu un accord qui érige les termes de la condamnation de Psystar en cas d'épuisement des voies de recours en Californie, là encore une spécificité de la justice américaine.
Cependant, ces termes sont relativement cléments : Psystar s'engage à verser à Apple 2.675.050 dollars à titre de compensation pour violation de copyright, violation de la protection de Mac OS X, violation de contrat, et le remboursement des "dépens", à savoir les frais judiciaire d'Apple (l'équivalent de l'article 700 du code de procédure civile français). Sur la durée, cette somme n'est pas hors de portée pour une PME, d'autant que nombre de dispositions permettent des facilités de paiement. Cependant, Psystar est déjà dans une situation financière délicate, sachant que fin mai 2009 elle s'est placée sous la protection dite du "chapter 11", une disposition prévue pour les entreprises au bord de la faillite financière, pour en sortir au début du mois de juillet. C'est d'ailleurs à cette occasion qu'on a appris que l'entreprise devait 75.000 dollars à Apple pour la licence de Mac OS X (ce qui représentait à l'époque une vente potentielle de 581 exemplaires de Snow Leopard, voir notre article Psystar doit 75 000 $ à Apple). Les choses ne se sont guère arrangées depuis, puisqu'on a découvert que toute cette affaire n'avait été causée que par la vente de… 768 machines ! Pas de quoi pavoiser pour le constructeur de clones, il lui faudra écouler bien plus de machines pour espérer arriver à payer le montant indiqué dans les termes de l'accord, qui représente 3.483 dollars par machine vendue.
Tout n'est pas encore joué cependant puisque l'accord stipule qu'Apple consent à attendre que Psystar épuise toutes les voies de recours pour passer à la caisse, et la première décision pourrait se voir invalidée, l'aléa judiciaire étant ce qu'il est. Ce dont on peut être sûr, c'est qu'Apple se montrera autrement plus féroce sur le procès jugé en Floride, sur les terres de Psystar. Non seulement il y va du modèle économique d'Apple, mais en outre son adversaire s'est montré particulièrement combatif malgré la répartition des forces en jeu. Bref, on n’a pas fini d'entendre parler de cette affaire.
Pendant ce temps là, d'autres vocations de cloneurs naissent en Europe : d'abord PearC en Allemagne, suivie par Freedom PC outre-manche, Russian Mac (en Russie, donc), puis Smartek en Suisse, et enfin Engineering Project en Italie. Le tout sans qu'Apple ne sourcille. Il faut dire que pour la plupart, ceux-ci se réfugient derrière une disposition légale européenne qui permettrait selon eux d'exercer leur activité en toute légalité. Peut-être faut-il voir une confirmation de cela dans l'immobilisme d'Apple sur ce plan. Au regard du sort réservé à Psystar, on peut se demander s'il y a là deux poids, deux mesures. Eu égard à la disparité des lois d'un pays à l'autre, c'est souvent le cas en matière de commerce international. Peut-être Psystar serait-elle bien inspirée de trouver asile sur le vieux continent, ou du moins d'y réserver la primeur de ses clones. Cependant, il n'est pas impossible qu'Apple attende de pouvoir se prévaloir d'une première décision en sa faveur afin de se simplifier la tâche sur d'autres procédures à suivre…
Lorsque les premiers échos d'un accord entre Psystar et Apple se sont fait entendre, ils avaient de quoi laisser dubitatif : lorsqu'une grosse entreprise attaque une petite entreprise pour violation de sa propriété intellectuelle, le scénario est immuable. La grosse société ne lâche jamais, jusqu'à ce que ses droits soient réaffirmés par le tribunal de façon pleine, entière, et incontestable.
Ça n'est pas tant pour les dommages et intérêts (la grosse société est quasi-certaine que la petite ne sera jamais en mesure de tout payer) que pour le respect de ses droits. Et ça n'est pas tant pour faire cesser le trafic de sa licence à ce petit niveau, que pour faire un exemple et décourager d'autres sociétés d'en faire autant sur une plus grande échelle : il s'agit d'endiguer la voie d'eau. Pour preuve, lorsqu'il arrive dans un procès similaire qu'une grosse société soit déboutée sur une question technique, il est fréquent de voir nombre d'autres petites sociétés s'essayer à la contrefaçon, avec l'espoir de s'en tirer à aussi bon compte. En outre, de telles pratiques concourent à la dilution de marque et à la concurrence déloyale, qui aboutissent au final à des dommages financiers bien sûr, mais surtout à une atteinte à ce qu'on appelle le droit moral, dont les conséquences peuvent être lourdes. Comme on le voit, la défense des droits est un enjeu crucial à plus d'un titre, et c'est particulièrement vrai pour Apple.
On dit souvent qu'un bon accord vaut mieux qu'un mauvais procès, mais étant donné ce contexte, et sachant que non seulement Apple n'avait rien à gagner dans un compromis, mais qu'en plus Psystar n'avait pas grand chose à faire miroiter pour son adversaire, l'annonce de cet accord était pour le moins surprenante, d'autant qu'elle s'est faite de manière confuse dans un premier temps, certains voulant y voir la fin de l'affaire. Ça n'est que lorsque les détails de l'accord se sont fait connaître que les choses se sont éclaircies.
Apple joue au « qui perd gagne » ?
Faisons un bref rappel de la situation : il y a à ce jour deux procédures croisées, l'une en Californie, portant sur Leopard, et l'autre en Floride, concernant cette fois Snow Leopard. L'accord signé par Psystar et Apple ne porte que sur l'affaire jugée en Californie, sachant que pour celle-ci les choses sont plus ou moins réglées suite à la victoire décisive d'Apple (voir notre article Psystar perd un gros match face à Apple). Cependant, tout n'était pas encore joué concernant ce volet de l'affaire, sachant qu'on attendait la suite de la procédure pour janvier 2010.
Sur l'autre front, et suite à cette décision, Apple a demandé une confusion des deux affaires, arguant que les éléments mis en cause n'étaient pas différents de Leopard à Snow Leopard (voir notre article Psystar : Apple exige la fusion des procédures). Apple a donc demandé à ce que l'affaire soit au choix classée ou rapatriée en Californie (ce qu'elle a eu beau jeu de faire sachant la tournure favorable que prend pour elle l'affaire dans cet État).
Cependant, l'accord entre Psystar et Apple indique que la firme de Cupertino n'a pas grand espoir de voir le juge William Hoeveler accéder à sa requête. Il faut en effet savoir que le système judiciaire américain est fort différent du nôtre : chaque État américain, sous la houlette de l'État fédéral, dispose de sa propre souveraineté, de ses propres lois, et de ses propres juges, parfois même élus par la population. Ainsi, pour une affaire de cette envergure, il est peu probable que le juge de Floride accepte de s'en remettre à un confrère d'un autre État. Il fera plus volontiers valoir sa propre compétence à décider du sort de l'affaire.
Apple a malgré tout formulé sa requête en pleine connaissance de cause, mais en matière de justice il n'est pas rare de lancer des procédures tout en les sachant pertinemment perdues d'avance : elles permettent de réaffirmer et de faire valoir certaines choses, tant aux juges qu'à la partie adverse, et tiennent avant tout de la guerre psychologique. En l'espèce, Apple attire l'attention du juge Hoeveler sur le fait que son confrère californien, dans une affaire hautement similaire, a d'ores et déjà tranché favorablement pour elle. De quoi donner quelques sueurs froides au camp adverse. Gageons que cet élément sera rappelé à d'autres reprises durant la suite de la procédure de Floride.
Un accord pour mieux se battre
Car malgré l'accord signé par Apple et Psystar, l'affaire est loin d'être bouclée, puisqu'il reste encore le volet jugé en Floride. Malgré les similitudes, celui-ci est bien plus lourd de conséquences et au cœur d'enjeux plus décisifs encore : en effet, le cas californien ne portait que sur Leopard, un système d'exploitation qu'Apple ne commercialise plus, alors qu'en Floride c'est bien le dernier OS d'Apple qui est au cœur des débats. Il s'agissait donc de solder une affaire qui s'était quelque peu vidée de son sel pour Apple : inutile de tergiverser à l'envi sur ce volet, quitte à focaliser ses forces sur l'autre procédure, la messe étant plus ou moins dite pour celle-ci. On a donc conclu un accord qui érige les termes de la condamnation de Psystar en cas d'épuisement des voies de recours en Californie, là encore une spécificité de la justice américaine.
Cependant, ces termes sont relativement cléments : Psystar s'engage à verser à Apple 2.675.050 dollars à titre de compensation pour violation de copyright, violation de la protection de Mac OS X, violation de contrat, et le remboursement des "dépens", à savoir les frais judiciaire d'Apple (l'équivalent de l'article 700 du code de procédure civile français). Sur la durée, cette somme n'est pas hors de portée pour une PME, d'autant que nombre de dispositions permettent des facilités de paiement. Cependant, Psystar est déjà dans une situation financière délicate, sachant que fin mai 2009 elle s'est placée sous la protection dite du "chapter 11", une disposition prévue pour les entreprises au bord de la faillite financière, pour en sortir au début du mois de juillet. C'est d'ailleurs à cette occasion qu'on a appris que l'entreprise devait 75.000 dollars à Apple pour la licence de Mac OS X (ce qui représentait à l'époque une vente potentielle de 581 exemplaires de Snow Leopard, voir notre article Psystar doit 75 000 $ à Apple). Les choses ne se sont guère arrangées depuis, puisqu'on a découvert que toute cette affaire n'avait été causée que par la vente de… 768 machines ! Pas de quoi pavoiser pour le constructeur de clones, il lui faudra écouler bien plus de machines pour espérer arriver à payer le montant indiqué dans les termes de l'accord, qui représente 3.483 dollars par machine vendue.
Tout n'est pas encore joué cependant puisque l'accord stipule qu'Apple consent à attendre que Psystar épuise toutes les voies de recours pour passer à la caisse, et la première décision pourrait se voir invalidée, l'aléa judiciaire étant ce qu'il est. Ce dont on peut être sûr, c'est qu'Apple se montrera autrement plus féroce sur le procès jugé en Floride, sur les terres de Psystar. Non seulement il y va du modèle économique d'Apple, mais en outre son adversaire s'est montré particulièrement combatif malgré la répartition des forces en jeu. Bref, on n’a pas fini d'entendre parler de cette affaire.
Pendant ce temps là, d'autres vocations de cloneurs naissent en Europe : d'abord PearC en Allemagne, suivie par Freedom PC outre-manche, Russian Mac (en Russie, donc), puis Smartek en Suisse, et enfin Engineering Project en Italie. Le tout sans qu'Apple ne sourcille. Il faut dire que pour la plupart, ceux-ci se réfugient derrière une disposition légale européenne qui permettrait selon eux d'exercer leur activité en toute légalité. Peut-être faut-il voir une confirmation de cela dans l'immobilisme d'Apple sur ce plan. Au regard du sort réservé à Psystar, on peut se demander s'il y a là deux poids, deux mesures. Eu égard à la disparité des lois d'un pays à l'autre, c'est souvent le cas en matière de commerce international. Peut-être Psystar serait-elle bien inspirée de trouver asile sur le vieux continent, ou du moins d'y réserver la primeur de ses clones. Cependant, il n'est pas impossible qu'Apple attende de pouvoir se prévaloir d'une première décision en sa faveur afin de se simplifier la tâche sur d'autres procédures à suivre…