Voilà donc que l'opérateur américain a ouvert la boîte de Pandore et laisse les possesseurs d'iPhone utiliser les logiciels de voix sur IP sur son réseau 3G (voir notre article AT&T ouvre la voix sur IP à l'iPhone). Ça n'y paraît peut-être pas, mais il s'agit là d'une petite révolution qui pourrait bien faire basculer non seulement les utilisations du réseau mobile, mais même son modèle économique.
A bien y réfléchir, on ne pouvait que s'attendre à une telle évolution à terme : après la bascule de la VoIP sur les lignes téléphoniques fixes, le mobile ne pouvait que lui emboîter le pas, tôt ou tard. On imaginait cependant que la chose se ferait avec un peu plus de résistance, et voilà qu'un opérateur prend l'initiative de libérer l'utilisation qui est faite de son forfait data, de son propre chef.
Ceci étant, l'étau faisait mine de se resserrer quelque peu outre-Atlantique autour des opérateurs. La Federal Communication Commision, le régulateur américain des télécoms, avait en effet lancé plusieurs initiatives autour de cette thématique ces derniers temps. La première d'entre elles portait sur la fameuse "neutralité du net", un principe de sanctuarisation d'Internet qui interdirait aux fournisseurs de limiter ou de moduler l'accès aux contenus et services offerts sur Internet, afin d'éviter les scénarios d'épouvante tels que celui-ci.
Il est vrai que la question est quelque peu épineuse et contrarie le principe de propriété, si cher aux Américains : si Internet n'appartient à personne, en revanche ça n'est pas le cas des réseaux physiques : si un opérateur de téléphonie mobile bâtit son propre réseau, il est libre d'y autoriser ou d'y interdire des utilisations qui seraient contraires à ses propres intérêts et qui seraient de nature à remettre en question son modèle économique. La seule véritable porte de sortie pour les gouvernements qui souhaitent imposer l'ouverture de ces réseaux tient essentiellement dans les ondes nationales, pour l'exploitation desquelles les opérateurs ont payé le prix fort : les états peuvent changer la donne et imposer leurs conditions quant à l'utilisation qui en est faite pour le bien public. Si les États-Unis semblaient s'engager dans cette direction, les choses étaient pourtant loin d'être faites et chaque opérateur est encore à ce jour libre d'accepter ou de refuser l'utilisation de la VoIP sur son réseau.
C'est là du moins où nous en étions lorsqu'a éclaté « l'affaire » Google Voice : la FCC a lancé une enquête sur le refus d'Apple de publier l'application de téléphonie de Google, les rumeurs imputant à AT&T des pressions sur la firme à la pomme. Au stade actuel de l'enquête, Apple dément avoir recalé l'application, Google affirme qu'Apple l'a refusée, et toutes les parties s'accordent à dire qu'AT&T n'a joué aucun rôle dans cette affaire (voir notre article Google : coup de théâtre dans l'enquête de la FCC). Comme pour confirmer le peu de cas que l'opérateur américain fait de la voix sur IP, ce dernier annonce donc qu'il libéralise l'utilisation de cette technologie sur son réseau 3G, alors qu'elle était cantonnée au wifi, du moins sur l'iPhone.
Car AT&T avait déjà autorisé l'utilisation de la VoIP pour d'autres appareils. L'opérateur avait même proposé, dès 2007, des "skype phones" qui permettaient de téléphoner à moindre coût. Il propose également des solutions de VoIP sur ses offres de téléphonie fixe. Bref, l'opérateur est loin d'être aussi hostile à cette technologie qu'on pouvait le croire. Reste à voir si cette initiative aura une influence quelconque sur l'arrivée de Google Voice sur l'App Store, et sur l'enquête de la FCC. N'oublions pas également que le contrat d'exclusivité entre Apple et AT&T arrive prochainement à terme, et qu'au vu des ventes de l'iPhone dans les pays où une telle exclusivité n'existe pas, la firme de Cupertino pourrait bien être séduite par un peu plus de liberté. Peut-être que cette situation aura fini de convaincre l'opérateur américain d'autoriser la VoIP sur l'iPhone pour garder les faveurs d'Apple.
Cependant, l'iPhone a changé la donne à bien des égards en matière de téléphonie mobile : il a permis la création de forfaits data "illimités". Ce qui en soi a bouleversé l'utilisation de l'Internet mobile, on sait que l'utilisateur d'iPhone est un bien plus gros consommateur d'internet que les propriétaires d'autres smartphones. Il a d'ailleurs fallu que les opérateurs s'adaptent à une telle consommation, en débridant les débits par exemple.
Au lieu de mesurer le service sur une base temporelle, on est passé à une base de quantité de données (jusqu'à 1 Go en France, la bande passante est réduite en cas de dépassement). Et mine de rien, ça change profondément les choses : en termes de trafic, qu'il s'agisse de voix ou de données, ça ne change pas fondamentalement les choses, et l'idée pourrait faire son chemin dans la tête du consommateur : pourquoi payer la minute voix si cher quand elle n'est pas décomptée en VoIP? Qu'est-ce que ça change pour l'opérateur ? Avec le jeu de la concurrence, on pourrait bien voir à long terme les forfaits voix tout bonnement disparaître au profit d'un tout VoIP avec données illimitées. Une petite révolution quand on pense qu'il n'y a pas si longtemps encore, on payait le SMS à prix d'or, dont la valeur marchande est purement virtuelle. Cependant, la VoIP n'a pas simplifié les choses : si un appel vers un téléphone mobile en France reste payant, en revanche un appel vers un mobile aux États-Unis est lui bel et bien gratuit, et comble du comble, aux USA le destinataire d'un appel sur un mobile se voit défalquer les minutes d'appel de son forfait ! Les coûts d'interconnexion ont longtemps été un certain casse-tête, mais les choses sont en voie de s'harmoniser.
Peut-on espérer un tel changement de paradigme en France prochainement ? La question est autrement plus délicate. Avec les fameuses "box", la France est devenue le premier consommateur mondial de VoIP, et le trafic téléphonique sur ce protocole a même dépassé le trafic sur le bon vieux Réseau Téléphonique Commuté. Mieux encore, votre numéro de ligne fixe vous suit partout grâce à l'accès SIP sur Internet, totalement gratuit, contrairement à Skype. On le sait, le triumvirat des opérateurs mobiles en France n'est guère enclin à la concurrence fratricide, avec des tarifs parmi les plus élevés d'Europe, et à moins de l'arrivée d'un quatrième opérateur décidé à changer la donne, rien n'indique qu'Orange, Bouygues Telecom ou SFR se piqueront de suivre l'exemple d'AT&T, ce qui aurait pour effet de tuer la poule aux œufs d'or. L'ARCEP doit attribuer une licence UMTS à un nouvel opérateur d'ici la fin de l'année, espérons que l'heureux gagnant aura quelque velléité de faire bouger les choses.
A bien y réfléchir, on ne pouvait que s'attendre à une telle évolution à terme : après la bascule de la VoIP sur les lignes téléphoniques fixes, le mobile ne pouvait que lui emboîter le pas, tôt ou tard. On imaginait cependant que la chose se ferait avec un peu plus de résistance, et voilà qu'un opérateur prend l'initiative de libérer l'utilisation qui est faite de son forfait data, de son propre chef.
Ceci étant, l'étau faisait mine de se resserrer quelque peu outre-Atlantique autour des opérateurs. La Federal Communication Commision, le régulateur américain des télécoms, avait en effet lancé plusieurs initiatives autour de cette thématique ces derniers temps. La première d'entre elles portait sur la fameuse "neutralité du net", un principe de sanctuarisation d'Internet qui interdirait aux fournisseurs de limiter ou de moduler l'accès aux contenus et services offerts sur Internet, afin d'éviter les scénarios d'épouvante tels que celui-ci.
Il est vrai que la question est quelque peu épineuse et contrarie le principe de propriété, si cher aux Américains : si Internet n'appartient à personne, en revanche ça n'est pas le cas des réseaux physiques : si un opérateur de téléphonie mobile bâtit son propre réseau, il est libre d'y autoriser ou d'y interdire des utilisations qui seraient contraires à ses propres intérêts et qui seraient de nature à remettre en question son modèle économique. La seule véritable porte de sortie pour les gouvernements qui souhaitent imposer l'ouverture de ces réseaux tient essentiellement dans les ondes nationales, pour l'exploitation desquelles les opérateurs ont payé le prix fort : les états peuvent changer la donne et imposer leurs conditions quant à l'utilisation qui en est faite pour le bien public. Si les États-Unis semblaient s'engager dans cette direction, les choses étaient pourtant loin d'être faites et chaque opérateur est encore à ce jour libre d'accepter ou de refuser l'utilisation de la VoIP sur son réseau.
C'est là du moins où nous en étions lorsqu'a éclaté « l'affaire » Google Voice : la FCC a lancé une enquête sur le refus d'Apple de publier l'application de téléphonie de Google, les rumeurs imputant à AT&T des pressions sur la firme à la pomme. Au stade actuel de l'enquête, Apple dément avoir recalé l'application, Google affirme qu'Apple l'a refusée, et toutes les parties s'accordent à dire qu'AT&T n'a joué aucun rôle dans cette affaire (voir notre article Google : coup de théâtre dans l'enquête de la FCC). Comme pour confirmer le peu de cas que l'opérateur américain fait de la voix sur IP, ce dernier annonce donc qu'il libéralise l'utilisation de cette technologie sur son réseau 3G, alors qu'elle était cantonnée au wifi, du moins sur l'iPhone.
Car AT&T avait déjà autorisé l'utilisation de la VoIP pour d'autres appareils. L'opérateur avait même proposé, dès 2007, des "skype phones" qui permettaient de téléphoner à moindre coût. Il propose également des solutions de VoIP sur ses offres de téléphonie fixe. Bref, l'opérateur est loin d'être aussi hostile à cette technologie qu'on pouvait le croire. Reste à voir si cette initiative aura une influence quelconque sur l'arrivée de Google Voice sur l'App Store, et sur l'enquête de la FCC. N'oublions pas également que le contrat d'exclusivité entre Apple et AT&T arrive prochainement à terme, et qu'au vu des ventes de l'iPhone dans les pays où une telle exclusivité n'existe pas, la firme de Cupertino pourrait bien être séduite par un peu plus de liberté. Peut-être que cette situation aura fini de convaincre l'opérateur américain d'autoriser la VoIP sur l'iPhone pour garder les faveurs d'Apple.
Cependant, l'iPhone a changé la donne à bien des égards en matière de téléphonie mobile : il a permis la création de forfaits data "illimités". Ce qui en soi a bouleversé l'utilisation de l'Internet mobile, on sait que l'utilisateur d'iPhone est un bien plus gros consommateur d'internet que les propriétaires d'autres smartphones. Il a d'ailleurs fallu que les opérateurs s'adaptent à une telle consommation, en débridant les débits par exemple.
Au lieu de mesurer le service sur une base temporelle, on est passé à une base de quantité de données (jusqu'à 1 Go en France, la bande passante est réduite en cas de dépassement). Et mine de rien, ça change profondément les choses : en termes de trafic, qu'il s'agisse de voix ou de données, ça ne change pas fondamentalement les choses, et l'idée pourrait faire son chemin dans la tête du consommateur : pourquoi payer la minute voix si cher quand elle n'est pas décomptée en VoIP? Qu'est-ce que ça change pour l'opérateur ? Avec le jeu de la concurrence, on pourrait bien voir à long terme les forfaits voix tout bonnement disparaître au profit d'un tout VoIP avec données illimitées. Une petite révolution quand on pense qu'il n'y a pas si longtemps encore, on payait le SMS à prix d'or, dont la valeur marchande est purement virtuelle. Cependant, la VoIP n'a pas simplifié les choses : si un appel vers un téléphone mobile en France reste payant, en revanche un appel vers un mobile aux États-Unis est lui bel et bien gratuit, et comble du comble, aux USA le destinataire d'un appel sur un mobile se voit défalquer les minutes d'appel de son forfait ! Les coûts d'interconnexion ont longtemps été un certain casse-tête, mais les choses sont en voie de s'harmoniser.
Peut-on espérer un tel changement de paradigme en France prochainement ? La question est autrement plus délicate. Avec les fameuses "box", la France est devenue le premier consommateur mondial de VoIP, et le trafic téléphonique sur ce protocole a même dépassé le trafic sur le bon vieux Réseau Téléphonique Commuté. Mieux encore, votre numéro de ligne fixe vous suit partout grâce à l'accès SIP sur Internet, totalement gratuit, contrairement à Skype. On le sait, le triumvirat des opérateurs mobiles en France n'est guère enclin à la concurrence fratricide, avec des tarifs parmi les plus élevés d'Europe, et à moins de l'arrivée d'un quatrième opérateur décidé à changer la donne, rien n'indique qu'Orange, Bouygues Telecom ou SFR se piqueront de suivre l'exemple d'AT&T, ce qui aurait pour effet de tuer la poule aux œufs d'or. L'ARCEP doit attribuer une licence UMTS à un nouvel opérateur d'ici la fin de l'année, espérons que l'heureux gagnant aura quelque velléité de faire bouger les choses.