Quatre ans après le lancement de l'initiative One Laptop Per Child (OLPC, un portable par enfant), qui avait pour vocation de proposer un ordinateur portable pour moins de $100 aux enfants du tiers monde, son instigateur, Nicholas Negroponte, en fait un bilan en demi-teinte.
L'objectif des 100 dollars n'a malheureusement pas été atteint, le portable étant vendu pour $175, mais Nicholas Negroponte précise que le seuil fatidique aurait été atteint si la valeur monétaire et le coût des matières premières (telles que le zinc ou le plastique) étaient les mêmes qu'il y a cinq ans… Une bien maigre consolation, mais le second modèle, XO-2, devrait être proposé pour $75 l'année prochaine, il intégrera deux écrans tactiles (dont un en lieu et place du clavier).
Malgré son tarif agressif, le petit portable n'en était pas moins ambitieux : capable de fonctionner en intérieur comme en pleine lumière du soleil grâce à son écran à la fois transmissif (couleur) et réflectif (noir et blanc), il intègre une webcam, une carte Wifi limitée à 2 Mbits/s pour économiser les batteries, et il était le premier à utiliser 1 Go de mémoire flash en lieu et place du conventionnel disque dur, une architecture qui a non seulement inspiré, mais même rendu possible l'avènement des NetBooks, avec le succès que l'on sait. Le portable a été conçu pour résister aux plus mauvais traitements, tout en supportant les éprouvantes conditions climatiques et environnementales des pays chauds.
Côté logiciel, il est livré avec Linux, et utilise Sugar comme environnement de bureau. Negroponte formule quelques regrets vis-à-vis de ce choix : «La plus grosse erreur était de ne pas avoir fait Sugar OS en tant qu'application sur un environnement Linux classique. Au lieu de cela nous avons utilisé Sugar pour gérer la batterie et les réseaux sans fil... c'est devenu une sorte d'omelette. Le BIOS est en communication directe avec Sugar, donc le tout est devenu vraiment mal fichu». À noter que Steve Jobs avait proposé Mac OS X pour le projet, mais le système d'Apple n'a pas été retenu car OLPC préférait un système open source (vous pouvez essayer le système de l'OLPC en téléchargeant cette image disque pour VMWare Fusion). En fait de Bios, OLPC tourne plus exactement sur Open Firmware, tout comme les Macintosh à base de PowerPC. Le portable inclut également BitFrost, un système de sécurité innovant qui isole chaque application dans son propre "bac à sable", limitant ainsi l'exposition aux malwares. Apple a d'ailleurs débauché son créateur (voir notre article Apple embauche un crack en sécurité)
Prototype du prochain modèle à double écran tactile
OLPC traverse les embûches
Le premier modèle, XO-1, se trouve entre les mains de 900.000 enfants de par le monde, dans 31 pays, 230.000 de plus sont en cours de livraison. Un chiffre respectable, quoiqu'en deçà des espérances de ses instigateurs. Il faut dire que le projet aura connu bien des difficultés. A une époque où un portable à $1000 tenait déjà de l'exploit, l'ancêtre du NetBook faisait figure de serpent de mer, et peu nombreux ont été ceux qui y ont cru. Michael Dell n'a eu qu'un mot : "Impossible". Bill Gates a lâché "Bon sang, prenez un véritable ordinateur!". Quant à Craig Barret, alors président d'Intel, il n'y a vu qu'un "gadget".
C'était sans compter sur la force de persuasion de Nicholas Negroponte : fondateur du mythique Wired Magazine et du non moins mythique MediaLab du Massachusetts Institute of Technology, l'homme est réputé pour ses qualités de visionnaire (on peut en apprécier les talents dans cette conférence TED de …1984!), et compte parmi les figures importantes du monde de l'informatique depuis une trentaine d'années.
Il réussit donc le pari d'un portable à prix plancher, et tous ceux qui autrefois avaient méprisé l'initiative se retrouvent aujourd'hui à lui emboîter le pas avec les NetBooks. Cependant, le XO-1 n'en a pas moins rencontré d'autres difficultés. L'Asie, première cible de l'OLPC, n'a pas été aussi enthousiaste que prévu, faute à l'instabilité politique et la difficulté d'avoir des commerciaux sur place. Mais la plus grosse déception vient de l'Inde et de la Chine, qui préfèrent produire leur propre ordinateur pour l'éducation des enfants.
Le programme "Get one give one" a perdu de l'ampleur d'une année sur l'autre, le nombre d'ordinateurs financés par ce biais fondant de 90%, et OLPC a perdu 10 de ses mécènes d'un coup. Pire encore, Intel a quitté le navire pour promouvoir son propre projet concurrent, allant jusqu'à convaincre les autorités libyennes de n'acquérir que 10% du million et demi de XO-1 initialement envisagés. Negroponte n'en décolère pas : «C'est comme si Mac Donald's entrait en compétition avec la banque alimentaire mondiale», rage-t-il.
L'initiative a également souffert de quelques reproches, notamment sur son impact écologique. Cependant, OLPC garantit qu'elle utilise les matériaux les plus écologiques possible, et la consommation de son portable est bien en deçà de ce qui se fait dans le reste de l'industrie informatique. Une autre critique concerne les besoins du tiers monde, plus d'ordre alimentaire que culturel, ce sur quoi l'OLPC s'inscrit en faux : s'il y a effectivement nombre de personnes en situation de malnutrition dans le tiers monde, il n'y en a pas moins qui mangent à leur faim sans pour autant avoir de perspective d'émancipation faute d'avoir accès au savoir.
le prototype intégrait une manivelle pour recharger la batterie à l'huile de coude!
Cependant OLPC peut s'enorgueillir d'avoir changé le destin de bien des enfants, et même au-delà : 50% des élèves péruviens équipés apprennent la lecture et l'écriture à leurs propres parents à l'aide de leur ordinateur. «C'est parfois la source de lumière la plus vive du foyer», précise Nicholas Negroponte. Le portable étant livré avec 100 e-books, il suffit d'une centaine d'appareils pour qu'un village se trouve subitement équipé d'une respectable bibliothèque. Rien que pour tout ça, clairement, l'initiative OLPC est une franche réussite, en espérant que ses efforts connaissent un meilleur succès pour aller encore au-delà.
L'objectif des 100 dollars n'a malheureusement pas été atteint, le portable étant vendu pour $175, mais Nicholas Negroponte précise que le seuil fatidique aurait été atteint si la valeur monétaire et le coût des matières premières (telles que le zinc ou le plastique) étaient les mêmes qu'il y a cinq ans… Une bien maigre consolation, mais le second modèle, XO-2, devrait être proposé pour $75 l'année prochaine, il intégrera deux écrans tactiles (dont un en lieu et place du clavier).
Malgré son tarif agressif, le petit portable n'en était pas moins ambitieux : capable de fonctionner en intérieur comme en pleine lumière du soleil grâce à son écran à la fois transmissif (couleur) et réflectif (noir et blanc), il intègre une webcam, une carte Wifi limitée à 2 Mbits/s pour économiser les batteries, et il était le premier à utiliser 1 Go de mémoire flash en lieu et place du conventionnel disque dur, une architecture qui a non seulement inspiré, mais même rendu possible l'avènement des NetBooks, avec le succès que l'on sait. Le portable a été conçu pour résister aux plus mauvais traitements, tout en supportant les éprouvantes conditions climatiques et environnementales des pays chauds.
Côté logiciel, il est livré avec Linux, et utilise Sugar comme environnement de bureau. Negroponte formule quelques regrets vis-à-vis de ce choix : «La plus grosse erreur était de ne pas avoir fait Sugar OS en tant qu'application sur un environnement Linux classique. Au lieu de cela nous avons utilisé Sugar pour gérer la batterie et les réseaux sans fil... c'est devenu une sorte d'omelette. Le BIOS est en communication directe avec Sugar, donc le tout est devenu vraiment mal fichu». À noter que Steve Jobs avait proposé Mac OS X pour le projet, mais le système d'Apple n'a pas été retenu car OLPC préférait un système open source (vous pouvez essayer le système de l'OLPC en téléchargeant cette image disque pour VMWare Fusion). En fait de Bios, OLPC tourne plus exactement sur Open Firmware, tout comme les Macintosh à base de PowerPC. Le portable inclut également BitFrost, un système de sécurité innovant qui isole chaque application dans son propre "bac à sable", limitant ainsi l'exposition aux malwares. Apple a d'ailleurs débauché son créateur (voir notre article Apple embauche un crack en sécurité)
Prototype du prochain modèle à double écran tactile
OLPC traverse les embûches
Le premier modèle, XO-1, se trouve entre les mains de 900.000 enfants de par le monde, dans 31 pays, 230.000 de plus sont en cours de livraison. Un chiffre respectable, quoiqu'en deçà des espérances de ses instigateurs. Il faut dire que le projet aura connu bien des difficultés. A une époque où un portable à $1000 tenait déjà de l'exploit, l'ancêtre du NetBook faisait figure de serpent de mer, et peu nombreux ont été ceux qui y ont cru. Michael Dell n'a eu qu'un mot : "Impossible". Bill Gates a lâché "Bon sang, prenez un véritable ordinateur!". Quant à Craig Barret, alors président d'Intel, il n'y a vu qu'un "gadget".
C'était sans compter sur la force de persuasion de Nicholas Negroponte : fondateur du mythique Wired Magazine et du non moins mythique MediaLab du Massachusetts Institute of Technology, l'homme est réputé pour ses qualités de visionnaire (on peut en apprécier les talents dans cette conférence TED de …1984!), et compte parmi les figures importantes du monde de l'informatique depuis une trentaine d'années.
Il réussit donc le pari d'un portable à prix plancher, et tous ceux qui autrefois avaient méprisé l'initiative se retrouvent aujourd'hui à lui emboîter le pas avec les NetBooks. Cependant, le XO-1 n'en a pas moins rencontré d'autres difficultés. L'Asie, première cible de l'OLPC, n'a pas été aussi enthousiaste que prévu, faute à l'instabilité politique et la difficulté d'avoir des commerciaux sur place. Mais la plus grosse déception vient de l'Inde et de la Chine, qui préfèrent produire leur propre ordinateur pour l'éducation des enfants.
Le programme "Get one give one" a perdu de l'ampleur d'une année sur l'autre, le nombre d'ordinateurs financés par ce biais fondant de 90%, et OLPC a perdu 10 de ses mécènes d'un coup. Pire encore, Intel a quitté le navire pour promouvoir son propre projet concurrent, allant jusqu'à convaincre les autorités libyennes de n'acquérir que 10% du million et demi de XO-1 initialement envisagés. Negroponte n'en décolère pas : «C'est comme si Mac Donald's entrait en compétition avec la banque alimentaire mondiale», rage-t-il.
L'initiative a également souffert de quelques reproches, notamment sur son impact écologique. Cependant, OLPC garantit qu'elle utilise les matériaux les plus écologiques possible, et la consommation de son portable est bien en deçà de ce qui se fait dans le reste de l'industrie informatique. Une autre critique concerne les besoins du tiers monde, plus d'ordre alimentaire que culturel, ce sur quoi l'OLPC s'inscrit en faux : s'il y a effectivement nombre de personnes en situation de malnutrition dans le tiers monde, il n'y en a pas moins qui mangent à leur faim sans pour autant avoir de perspective d'émancipation faute d'avoir accès au savoir.
le prototype intégrait une manivelle pour recharger la batterie à l'huile de coude!
Cependant OLPC peut s'enorgueillir d'avoir changé le destin de bien des enfants, et même au-delà : 50% des élèves péruviens équipés apprennent la lecture et l'écriture à leurs propres parents à l'aide de leur ordinateur. «C'est parfois la source de lumière la plus vive du foyer», précise Nicholas Negroponte. Le portable étant livré avec 100 e-books, il suffit d'une centaine d'appareils pour qu'un village se trouve subitement équipé d'une respectable bibliothèque. Rien que pour tout ça, clairement, l'initiative OLPC est une franche réussite, en espérant que ses efforts connaissent un meilleur succès pour aller encore au-delà.