Depuis quelques jours, tout le Net, à peu de choses près, s'interroge sur les différents pions avancés par Apple dans de domaine du hardware. Il est rare de disposer d'éléments permettant de jouer aux devinettes concernant les projets d'Apple, or de nombreuses offres d'emplois, couplées à d'importantes annonces d'embauches, pointent dans une seule et même direction : Apple œuvre à bâtir des processeurs maison.
Pourtant, il n'y a là rien qu'on ne savait déjà depuis longtemps : Apple avait déjà défrayé la chronique par deux fois dans le domaine, l'une en rachetant PA Semi il y a un an, l'autre en s'embourbant dans une dispute avec IBM pour embaucher Mark Papermaster. Quand on connaît le goût immodéré d'Apple pour la discrétion, on ne peut que se dire qu'il aura fallu des enjeux de taille pour qu'elle sacrifie à tant de publicité embarrassante.
Plus étonnant encore, Steve Jobs en personne n'a pas fait grand mystère de ses projets concernant PA Semi : il s'agit pour Apple de confectionner des processeurs sur mesure pour l'iPhone et l'iPod touch. Quant à Mark Papermaster, il s'est vu bombardé Vice President of Devices Hardware Engineering après six mois de tractations.
L'objectif est assez clair : l'iPhone souffre d'une consommation trop importante, et ça n'est pas l'ajout de nouvelles fonctions qui va arranger les choses. Il s'agit donc de créer des processeurs à la fois plus rapides et moins gourmands en énergie, en somme, résoudre la quadrature du cercle.
Mais pour en revenir aux manœuvres stratégiques, Apple est très loin de s'en être tenue là : the Inquirer rapporte qu'elle a embauché coup sur coup deux directeurs techniques d'ATI/AMD, d'abord Bob Drebin, puis Raja Koduri. Nul doute qu'ils apporteront leur savoir faire à l'amélioration des capacités graphiques des appareils d'Apple. En travaillant main dans la main, chacune de ces têtes pensantes apportera sa pierre à l'élaboration d'un SoC (system-on-a-chip) performant pour l'iPhone et l'iPod touch. Si on y ajoute l'embauche de Graeme Devine, grand manitou du jeu vidéo, ainsi que ce qu'Apple laissait pressentir à la dernière Game Developer Conference, il semble clair qu'elle compte accentuer les capacités de ses appareils pour le jeu, qui représente la locomotive de l'App Store.
Au-delà de ces embauches emblématiques, Apple a lancé une véritable offensive sur le plan de la main d'œuvre : c'est en tout pas moins d'une centaine d'offres d'emplois dans le domaine du hardware qui ont été repérées, en cumulant ce qu'on peut trouver sur Indeed.com, ou sur son propre site. Plus révélateur encore, en regardant de près sur LinkedIn, on trouve chez Apple des transfuges récents en provenance de chez Intel, Samsung, Texas Instruments ou encore Qualcomm.
Naturellement ces éléments posent des questions qui sont en tant que telles révélatrices : pourquoi vouloir créer ces processeurs en interne? La réponse pourrait sembler évidente, l'opération permet d'avoir les mains libres sur le design des puces plutôt que de s'encombrer d'un processeur générique, moins bien taillé pour les besoins spécifiques de la firme à la pomme.
Cependant, c'est oublier qu'Apple a su négocier des partenariats privilégiés avec ses fournisseurs, comme on a pu le voir avec Intel, qui conçoit des puces expressément pour Apple selon ses directives, ou lui en fournit d'autres avec une période d'exclusivité. Si le fondeur a consenti à de tels efforts, ça n'est pas tant pour les ventes directes qu'Apple représente que pour des questions d'image, car elle est avant tout une cliente prestigieuse et exigeante qu'il fait bon compter parmi sa clientèle. Apple représente un gage de qualité qui plaide donc pour l'image du fournisseur. Elle sait faire parler d'elle bien plus que n'importe quel autre constructeur, et se voir associé à ses produits, fusse de manière indirecte, est un atout indiscutable pour ses fournisseurs. L'iPhone n'échappe d'ailleurs pas à ce type d'accord, puisque le processeur qui l'anime a été adapté par Samsung selon les directives d'Apple. Pourquoi donc vouloir prendre en charge l'entière conception du processeur, un processus long, incroyablement coûteux et parfois hasardeux ?
L'opération n'est en effet pas exempte d'inconvénient : en prenant en charge la création de ses processeurs, Apple s'expose à des revers potentiels. En devenant son propre et unique fournisseur, elle fera preuve de moins de réactivité et de souplesse qu'en s'adressant à différents acteurs. Si Apple n'est pas béotienne en la matière (elle a participé à l'élaboration du PowerPC conjointement à IBM et Motorola, entre autres hauts faits d'armes), elle n'a jamais jusqu'ici été entièrement autonome sur ce domaine qui requiert un savoir-faire de pointe. De plus, elle doit intégrer l'équipe de PA Semi qui n'a pas la même culture d'entreprise (d'après cet article du Wall Street Journal, un ingénieur de PA Semi s'est vu opposer une fin de non-recevoir alors qu'il estimait pouvoir s'abstenir de répondre à ses emails lorsqu'il était en vacances, par exemple). De plus, elle doit endosser la responsabilité des conséquences de ses choix, qui peuvent aller de la malfaçon jusqu'à des erreurs stratégiques, ou encore manquer le coche d'une nouvelle technologie. Bref, c'est un choix lourd de conséquences, et Apple semble vouloir mettre tous les moyens de son côté pour réussir avec de telles embauches. Mais clairement, pour accepter de faire face à de tels défis, et se donner de pareils moyens, il faut qu'Apple considère que le jeu en vaille la chandelle.
Quand on réalise un produit comme l'iPhone, il faut impérativement racler tous les fonds de tiroirs pour tirer le maximum de puissance tout en économisant le moindre ampère : pour offrir un abord aussi intuitif, il faut réaliser des tâches extrêmement complexes et gourmandes en énergie, et un appareil de cette taille est considérablement limité sur ces deux aspects. L'optimisation est donc le maître mot, par conséquent il s'agit pour Apple de pousser la notion jusque dans ses derniers retranchements, ce que la personnalisation d'un processeur existant ne peut offrir. D'autre part, en se passant des services d'un fournisseur, Apple évite de voir ses secrets de fabrication éventés, voire pire, repris par des concurrents.
Or la firme de Cupertino n'a guère fait de grand secret là-dessus : elle ne compte pas s'endormir sur son avance et entend bien garder la tête du peloton. On l'a vu sur le plan du logiciel avec iPhone OS 3.0, il ne fait aucun doute qu'on en verra autant du côté matériel avec le prochain iPhone. Il faudra cependant attendre encore pour voir arriver les premiers fruits de ces nouvelles collaborations. On croit d'ailleurs savoir que le processeur du prochain iPhone portera toujours les couleurs de Samsung. De tels investissements mettent du temps à aboutir, ce qui n'est pas le moindre de leurs inconvénients. Le WSJ croit d'ailleurs savoir qu'il faudra attendre 2010 pour en voir les résultats. Apple s'engage donc sur le long terme, et on pourra mesurer si la stratégie sera payante dans les générations futures d'iPhone et iPod touch, et probablement dans de nouveaux appareils qui permettraient de mieux rentabiliser de tels investissements. Et qui sait, l'expérience profitera-t-elle peut-être au Mac…
Pourtant, il n'y a là rien qu'on ne savait déjà depuis longtemps : Apple avait déjà défrayé la chronique par deux fois dans le domaine, l'une en rachetant PA Semi il y a un an, l'autre en s'embourbant dans une dispute avec IBM pour embaucher Mark Papermaster. Quand on connaît le goût immodéré d'Apple pour la discrétion, on ne peut que se dire qu'il aura fallu des enjeux de taille pour qu'elle sacrifie à tant de publicité embarrassante.
Plus étonnant encore, Steve Jobs en personne n'a pas fait grand mystère de ses projets concernant PA Semi : il s'agit pour Apple de confectionner des processeurs sur mesure pour l'iPhone et l'iPod touch. Quant à Mark Papermaster, il s'est vu bombardé Vice President of Devices Hardware Engineering après six mois de tractations.
L'objectif est assez clair : l'iPhone souffre d'une consommation trop importante, et ça n'est pas l'ajout de nouvelles fonctions qui va arranger les choses. Il s'agit donc de créer des processeurs à la fois plus rapides et moins gourmands en énergie, en somme, résoudre la quadrature du cercle.
Mais pour en revenir aux manœuvres stratégiques, Apple est très loin de s'en être tenue là : the Inquirer rapporte qu'elle a embauché coup sur coup deux directeurs techniques d'ATI/AMD, d'abord Bob Drebin, puis Raja Koduri. Nul doute qu'ils apporteront leur savoir faire à l'amélioration des capacités graphiques des appareils d'Apple. En travaillant main dans la main, chacune de ces têtes pensantes apportera sa pierre à l'élaboration d'un SoC (system-on-a-chip) performant pour l'iPhone et l'iPod touch. Si on y ajoute l'embauche de Graeme Devine, grand manitou du jeu vidéo, ainsi que ce qu'Apple laissait pressentir à la dernière Game Developer Conference, il semble clair qu'elle compte accentuer les capacités de ses appareils pour le jeu, qui représente la locomotive de l'App Store.
Au-delà de ces embauches emblématiques, Apple a lancé une véritable offensive sur le plan de la main d'œuvre : c'est en tout pas moins d'une centaine d'offres d'emplois dans le domaine du hardware qui ont été repérées, en cumulant ce qu'on peut trouver sur Indeed.com, ou sur son propre site. Plus révélateur encore, en regardant de près sur LinkedIn, on trouve chez Apple des transfuges récents en provenance de chez Intel, Samsung, Texas Instruments ou encore Qualcomm.
Naturellement ces éléments posent des questions qui sont en tant que telles révélatrices : pourquoi vouloir créer ces processeurs en interne? La réponse pourrait sembler évidente, l'opération permet d'avoir les mains libres sur le design des puces plutôt que de s'encombrer d'un processeur générique, moins bien taillé pour les besoins spécifiques de la firme à la pomme.
Cependant, c'est oublier qu'Apple a su négocier des partenariats privilégiés avec ses fournisseurs, comme on a pu le voir avec Intel, qui conçoit des puces expressément pour Apple selon ses directives, ou lui en fournit d'autres avec une période d'exclusivité. Si le fondeur a consenti à de tels efforts, ça n'est pas tant pour les ventes directes qu'Apple représente que pour des questions d'image, car elle est avant tout une cliente prestigieuse et exigeante qu'il fait bon compter parmi sa clientèle. Apple représente un gage de qualité qui plaide donc pour l'image du fournisseur. Elle sait faire parler d'elle bien plus que n'importe quel autre constructeur, et se voir associé à ses produits, fusse de manière indirecte, est un atout indiscutable pour ses fournisseurs. L'iPhone n'échappe d'ailleurs pas à ce type d'accord, puisque le processeur qui l'anime a été adapté par Samsung selon les directives d'Apple. Pourquoi donc vouloir prendre en charge l'entière conception du processeur, un processus long, incroyablement coûteux et parfois hasardeux ?
L'opération n'est en effet pas exempte d'inconvénient : en prenant en charge la création de ses processeurs, Apple s'expose à des revers potentiels. En devenant son propre et unique fournisseur, elle fera preuve de moins de réactivité et de souplesse qu'en s'adressant à différents acteurs. Si Apple n'est pas béotienne en la matière (elle a participé à l'élaboration du PowerPC conjointement à IBM et Motorola, entre autres hauts faits d'armes), elle n'a jamais jusqu'ici été entièrement autonome sur ce domaine qui requiert un savoir-faire de pointe. De plus, elle doit intégrer l'équipe de PA Semi qui n'a pas la même culture d'entreprise (d'après cet article du Wall Street Journal, un ingénieur de PA Semi s'est vu opposer une fin de non-recevoir alors qu'il estimait pouvoir s'abstenir de répondre à ses emails lorsqu'il était en vacances, par exemple). De plus, elle doit endosser la responsabilité des conséquences de ses choix, qui peuvent aller de la malfaçon jusqu'à des erreurs stratégiques, ou encore manquer le coche d'une nouvelle technologie. Bref, c'est un choix lourd de conséquences, et Apple semble vouloir mettre tous les moyens de son côté pour réussir avec de telles embauches. Mais clairement, pour accepter de faire face à de tels défis, et se donner de pareils moyens, il faut qu'Apple considère que le jeu en vaille la chandelle.
Quand on réalise un produit comme l'iPhone, il faut impérativement racler tous les fonds de tiroirs pour tirer le maximum de puissance tout en économisant le moindre ampère : pour offrir un abord aussi intuitif, il faut réaliser des tâches extrêmement complexes et gourmandes en énergie, et un appareil de cette taille est considérablement limité sur ces deux aspects. L'optimisation est donc le maître mot, par conséquent il s'agit pour Apple de pousser la notion jusque dans ses derniers retranchements, ce que la personnalisation d'un processeur existant ne peut offrir. D'autre part, en se passant des services d'un fournisseur, Apple évite de voir ses secrets de fabrication éventés, voire pire, repris par des concurrents.
Or la firme de Cupertino n'a guère fait de grand secret là-dessus : elle ne compte pas s'endormir sur son avance et entend bien garder la tête du peloton. On l'a vu sur le plan du logiciel avec iPhone OS 3.0, il ne fait aucun doute qu'on en verra autant du côté matériel avec le prochain iPhone. Il faudra cependant attendre encore pour voir arriver les premiers fruits de ces nouvelles collaborations. On croit d'ailleurs savoir que le processeur du prochain iPhone portera toujours les couleurs de Samsung. De tels investissements mettent du temps à aboutir, ce qui n'est pas le moindre de leurs inconvénients. Le WSJ croit d'ailleurs savoir qu'il faudra attendre 2010 pour en voir les résultats. Apple s'engage donc sur le long terme, et on pourra mesurer si la stratégie sera payante dans les générations futures d'iPhone et iPod touch, et probablement dans de nouveaux appareils qui permettraient de mieux rentabiliser de tels investissements. Et qui sait, l'expérience profitera-t-elle peut-être au Mac…