À une époque où tout le monde, de RIM à Microsoft en passant par Google ou Palm, est décidé à copier Apple avec son App Store, jusqu'au nom même (lire : SFR ouvre son Appli Store pour le Mac et les autres), les critiques autour de ce magasin prennent d'autant plus de relief. Avec déjà plus de 10 000 applications disponibles et plusieurs cas de développeurs ayant amassé de jolies sommes grâce à une seule application, on a plutôt le sentiment d'une affaire rondement gérée.
Pourtant, à y regarder de plus près, une grande partie des applications proposées est sinon inutile du moins sans grand intérêt. À cet égard, un exemple frappant est la multiplication des logiciels ayant comme seul objet d'appeler un numéro d'un tapotement depuis l'écran d'accueil (leur icône est une sorte d'alias vers un contact de votre carnet d'adresses). Si l'idée n'est pas mauvaise en soi, bon nombre de développeurs l'ont déclinée à l'infini (une application pour papa, une pour maman, etc.). Ces applications, souvent surnommées "Crapwares" (de l'anglais "crap" comme merdique) menacent de transformer l'App Store en "Crap Store" de l'avis de certains développeurs.
Le prix moyen des applications est un bon indicateur de cette tendance. Il ressort d'une étude réalisée au mois de novembre, que la majorité des applications est vendue 79 centimes, puis viennent les gratuites et, loin derrière, toutes les autres. Le prix moyen était, à cette époque, de 3,21 $ (4,15 $ en ne considérant que les applications payantes). Certes les projets ambitieux existent et ils sont appelés à se développer (lire : SimCity : enfin un grand jeu sur iPhone et iPod touch ?), mais ils sont encore peu nombreux au vu du total.
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Par ailleurs, l'App Store manque de transparence dans la navigation, un point qui a déjà été largement souligné. Les applications profitant d'une bonne visibilité sont celles placées en page d'accueil de l'App Store et dans les listes de classements. Les autres plongent plus ou moins dans l'oubli : à part quelques titres connus, on ne tombe que par hasard sur la majorité des applications. Certes, des sites ou applications spécialisés essaient d'améliorer l'App Store, mais ces solutions sont loin d'être idéales.
Le juste prix
Dans une lettre ouverte à Steve Jobs, Craig Hockenberry, développeur de Twiterrific [1.1 – US – Gratuit | 1.1 – US – 7,99 € (version premium)] et Frenzic [1.0 – US – 3,99 €], fait part de ses doléances à propos des problèmes évoqués précédemment. Selon lui, le modèle de l'App Store inciterait les développeurs à ne proposer que de petites applications sans intérêt et pas chères et les empêcherait de travailler sur de gros projets. Il avance plusieurs arguments pour soutenir sa thèse.
Il explique d'abord qu'il est très difficile, pour un développeur, de maintenir la visibilité de son titre autrement qu'en baissant son prix. Puisque les clients ne connaissent d'une application qu'un court descriptif et cinq captures d'écran au maximum, leur seul véritable critère de tri est, selon lui, le prix.
Après tout, pourquoi payer plus cher si c'est pour avoir la même chose ? Par ailleurs, il n'y a aucun moyen de savoir si une application fonctionnera vraiment, dès lors, et il est plus prudent de payer 79 centimes que quelques euros. Résultat, les applications les moins chères se vendent plus facilement, elles se retrouvent ensuite dans les listes des plus vendues et par ricochet sur la première page de l'App Store. Leur visibilité est alors très grande et elles se vendent mieux, dans un processus vertueux très simple. Si Hockenberry oublie le rôle fondamental des critiques, il n'a pas, pour autant, entièrement tort. L'achat impulsif est plus aisé sur un titre à 79 centimes qu'à 8 euros.
Si, pour conserver une visibilité, un développeur doit baisser ses prix et s'aligner sur la concurrence, cela a des conséquences très importantes sur les applications elles-mêmes. La démonstration de Hockenberry, agrémentée d'exemples chiffrés, est sans appel : pour rentabiliser une application réalisée en un mois par trois personnes, un prix de vente à 79 centimes peut suffire si l'application connaît un certain succès. Mais c'est impossible pour un gros projet représentant six à neuf mois de travail : il faudrait en vendre entre 10 000 et 15 000 par jour pendant plusieurs semaines, ce qui est, en effet, assez improbable.
Hockenberry et son équipe ne développent pas, comme ils aimeraient le faire, de gros projets, mais de petites applications qui seront sans doute vendues à ce tarif ras du sol. D'un strict point de vue financier, les risques seraient trop élevés de ne pas rentabiliser le développement. Avec le temps, le nombre d'applications augmentant sans cesse et la visibilité de chaque application devenant mécaniquement plus réduite, la perspective tant redoutée d'un "Crap Store" se fait plus prégnante.
L'avis d'Andy Finnel, un autre développeur, rejoint celui de Hockenberry tout en étant beaucoup plus radical. Il incite en effet ses pairs à tous augmenter leurs prix de manière très significative : les applications à 0,79 € devraient passer à 7,99 €, celles à 3,99 € à 13,99 €, etc.
Les développeurs doivent pouvoir vivre de leur métier, et il leur faudra forcément augmenter leurs prix de vente sur l'App Store. Avec des applications à 79 centimes, la boutique d'Apple ne peut que courir à sa perte, en devenant un repère d'applications abandonnées faute de moyens, ou de petits logiciels conçus par des amateurs pour le plaisir, ou des étudiants qui les abandonneront tout aussi rapidement. Pour que l'App Store garde son intérêt, il faudra obligatoirement que les développeurs augmentent leurs prix et que les clients acceptent de payer le prix de la pérennité de leur acquisition. En revanche Andy Finnel oublie toutes ces petites applications, parfois fort utiles, mais qui ne pourraient pas, raisonnablement, trouver preneur à plus de 79 centimes.
Dan Cornish, PDG de Cosential, abonde dans ce sens : selon lui, les applications proposées sur l'App Store ne seront que le fait de passionnés, plus ou moins bénévoles, mais pas de grosses entreprises qui ne pourront pas y faire suffisamment d'argent. Pour le dire autrement, l'App Store sera sans doute plein de bonnes idées, mais sans argent.
Quelles solutions ?
Hockenberry conclut sa lettre par une question : est-ce qu'Apple n'attend de l'App Store que de l'insignifiant ou veut-elle des applications sérieuses qui exploitent réellement les capacités des iPhone et iPod touch ? C'est aussi la question posée par Fraser Speirs, développeur d'Exposure, un client pour Flickr.
Il explique que les appareils mobiles d'Apple constituent une plateforme aux nombreuses possibilités, mais que les applications gratuites ou à 79 centimes seront incapables d'exploiter. Si Cupertino le voulait, ses terminaux mobiles pourraient même devenir, selon lui, de véritables ordinateurs miniatures.
Il renvoie la balle à Apple et il se trouve que celle-ci a déjà pris quelques initiatives. Après avoir permis aux développeurs d'offrir plus facilement leurs applications, l'App Store vient d'être légèrement réaménagé afin de mettre en avant les meilleures applications de chaque catégorie (lire : Apple améliore l'App Store).
On est encore loin de résultats satisfaisants, mais il n'existe pas vraiment de solutions idéales : on pourrait imaginer un système identique à la location des films avec des applications qui se désactiveraient automatiquement au bout d'un certain temps. Pourquoi ne pas aussi imaginer un système d'achat dans les magasins en dur : par exemple, les plus gros jeux pourraient être vendus dans les magasins spécialisés, aux côtés des autres plateformes. Les boites ne contiendraient qu'un code pour télécharger le jeu qui serait aussi disponible dans l'App Store, bien sûr, mais un public différent serait assurément touché. De plus, il est sans doute plus facile de demander un prix important quand un objet physique est acheté.
Autre idée suggérée déjà depuis quelque temps, modifier le critère des classements des applications. Aujourd'hui, le seul critère retenu est le nombre de ventes, ce qui a permis à de nombreuses applications de monter directement tout en haut de la liste des applications payantes en étant d'abord proposées gratuitement. Cette concurrence déloyale aux applications payantes, très vite dénoncée, pourrait être annulée en pondérant le nombre de ventes par le prix. En clair, une application à 79 centimes vendue 100 fois (soit 79 euros) serait moins bien classée qu'une autre vendue 15 fois à 7,99 euros (soit un peu moins de 120 euros).
Si l'App Store est un incontestable succès à ce jour, on ne peut pas écarter d'un revers de la main les arguments de Hockenberry. Bien sûr, les grands studios de développement, comme Gameloft, sont capables d'égaliser leurs revenus avec d'autres sources, mais les petits développeurs indépendants pourraient rapidement arrêter de développer pour l'App Store s'ils venaient à perdre de l'argent. Étant donné qu'ils ont tout intérêt à vendre des applications plus cher (rappelons qu'Apple prélève 30 % des ventes).
Un problème, quel problème ?
La lettre de Hockenberry a rapidement fait le tour de la toile et les réponses ne se sont pas fait attendre. Peter Cohen, sur Macworld, tempère sur la responsabilité d'Apple. Selon lui, le problème est réel, mais c'est aux développeurs de se prendre en main pour gagner en visibilité.
Il ne faut pas juste avoir le meilleur produit, ça ne suffira pas ; il faut également dérouler un marketing puissant et innovant pour "se faire un nom". Rendre sa marque visible, se faire connaître auprès du public, voilà ce qui est indispensable pour que ses produits soient vendus, quel que soit leur prix. Et Peter Cohen de citer l'exemple de ngomoco.inc qui a commencé à être connu et reconnu sur l'App Store pour ses applications.
Peter Cohen conclut malicieusement son article en rappelant que le destinataire de la lettre, Steve Jobs, est bien le premier à savoir ça. Depuis ses débuts, rappelle-t-il, le Mac est meilleur que le PC, ce qui n'a pas permis pour autant une domination du premier sur le second, alors que le succès actuel vient, pour une bonne partie, du marketing…
Autre réponse à cette lettre ouverte, celle d'appcubby est à la fois très complète et très intéressante sur, justement, la question du marketing. Du site aux applications, David et son équipe de développeurs indépendants ont choisi l'unité graphique (esprit "fait main") pour essayer de créer une image.
Loin des succès surmédiatisés de l'App Store qui ne sont que des exceptions, son exposé financier remet les pendules à l'heure : depuis le mois de mars, il est parvenu tout juste à l'équilibre financier et espère quelques bénéfices légers pour le début 2009. Il s'estime de ce fait plutôt content, mais reste inquiet sur l'avenir : les ventes d'applications sur l'App Store, et donc ses revenus, ont été jusque-là plus proches de montagnes russes que de ventes durables. Et il cherche comment stabiliser les ventes de ses applications de niche - Gas Cubby (1.1 – US – 3,99 € puis 7,99 €) pour gérer la consommation de son véhicule et son entretien et Trip Cubby (1.1.1 – US – 3,99 € puis 7,99 €) pour calculer ses frais de déplacements.
David détaille avec précision tout ce qu'il a essayé en marketing pour gagner des clients (bandeau pub sur un site Mac, liens Google, promotion auprès des sites d'actualité, etc). Il en ressort que le levier le plus efficace est en fin de compte celui d'Apple. Gas Cubby a été choisie par les équipes d'Apple et placée en première page du magasin, dans la liste des applications recommandées puis celle des actualités. Du jour au lendemain, ses revenus ont augmenté de manière considérable comme le montre le graphique ci-dessous. Inversement, sitôt que l'application a quitté la première page, ses revenus ont pris le chemin inverse avec régularité. S'il est, bien sûr, ravi de l'aubain fournie par Apple, il ne sait pas sur quels critères son application a été retenue, ni qui a présidé à ce choix. Ainsi, bien que l'impact soit réel, un développeur ne peut pas compter sur ce coup de pouce tant il semble aléatoire.
Hors Apple, le soutien le plus efficace est venu des articles parus sur de grands sites comme Gizmodo. Malheureusement, l'effet est à chaque fois très court (de l'ordre d'un jour) et cette méthode n'est donc pas viable. Il a été en revanche déçu par la publicité, que ce soit sur Internet (AdWords de Google) ou directement intégrée dans les applications (AdMob). Sans nier que la publicité ait eu le moindre impact, il ne peut pas le quantifier et considère que les gains sont trop faibles ou imprévisibles par rapport aux coûts.
Si David a envisagé de proposer une version "Lite" et gratuite de ses applications, il ne l'a pas fait et il doute même de son utilité, la jugeant même contre-productive. Le risque étant que les clients se contentent de cette version gratuite. En définitive, ce qu'il attend, c'est un système de téléchargement de versions démo. Et celui-ci ne pourra venir que d'Apple.
crédit image : Flickr - taptaptap
Pourtant, à y regarder de plus près, une grande partie des applications proposées est sinon inutile du moins sans grand intérêt. À cet égard, un exemple frappant est la multiplication des logiciels ayant comme seul objet d'appeler un numéro d'un tapotement depuis l'écran d'accueil (leur icône est une sorte d'alias vers un contact de votre carnet d'adresses). Si l'idée n'est pas mauvaise en soi, bon nombre de développeurs l'ont déclinée à l'infini (une application pour papa, une pour maman, etc.). Ces applications, souvent surnommées "Crapwares" (de l'anglais "crap" comme merdique) menacent de transformer l'App Store en "Crap Store" de l'avis de certains développeurs.
Le prix moyen des applications est un bon indicateur de cette tendance. Il ressort d'une étude réalisée au mois de novembre, que la majorité des applications est vendue 79 centimes, puis viennent les gratuites et, loin derrière, toutes les autres. Le prix moyen était, à cette époque, de 3,21 $ (4,15 $ en ne considérant que les applications payantes). Certes les projets ambitieux existent et ils sont appelés à se développer (lire : SimCity : enfin un grand jeu sur iPhone et iPod touch ?), mais ils sont encore peu nombreux au vu du total.
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Par ailleurs, l'App Store manque de transparence dans la navigation, un point qui a déjà été largement souligné. Les applications profitant d'une bonne visibilité sont celles placées en page d'accueil de l'App Store et dans les listes de classements. Les autres plongent plus ou moins dans l'oubli : à part quelques titres connus, on ne tombe que par hasard sur la majorité des applications. Certes, des sites ou applications spécialisés essaient d'améliorer l'App Store, mais ces solutions sont loin d'être idéales.
Le juste prix
Dans une lettre ouverte à Steve Jobs, Craig Hockenberry, développeur de Twiterrific [1.1 – US – Gratuit | 1.1 – US – 7,99 € (version premium)] et Frenzic [1.0 – US – 3,99 €], fait part de ses doléances à propos des problèmes évoqués précédemment. Selon lui, le modèle de l'App Store inciterait les développeurs à ne proposer que de petites applications sans intérêt et pas chères et les empêcherait de travailler sur de gros projets. Il avance plusieurs arguments pour soutenir sa thèse.
Il explique d'abord qu'il est très difficile, pour un développeur, de maintenir la visibilité de son titre autrement qu'en baissant son prix. Puisque les clients ne connaissent d'une application qu'un court descriptif et cinq captures d'écran au maximum, leur seul véritable critère de tri est, selon lui, le prix.
Après tout, pourquoi payer plus cher si c'est pour avoir la même chose ? Par ailleurs, il n'y a aucun moyen de savoir si une application fonctionnera vraiment, dès lors, et il est plus prudent de payer 79 centimes que quelques euros. Résultat, les applications les moins chères se vendent plus facilement, elles se retrouvent ensuite dans les listes des plus vendues et par ricochet sur la première page de l'App Store. Leur visibilité est alors très grande et elles se vendent mieux, dans un processus vertueux très simple. Si Hockenberry oublie le rôle fondamental des critiques, il n'a pas, pour autant, entièrement tort. L'achat impulsif est plus aisé sur un titre à 79 centimes qu'à 8 euros.
Si, pour conserver une visibilité, un développeur doit baisser ses prix et s'aligner sur la concurrence, cela a des conséquences très importantes sur les applications elles-mêmes. La démonstration de Hockenberry, agrémentée d'exemples chiffrés, est sans appel : pour rentabiliser une application réalisée en un mois par trois personnes, un prix de vente à 79 centimes peut suffire si l'application connaît un certain succès. Mais c'est impossible pour un gros projet représentant six à neuf mois de travail : il faudrait en vendre entre 10 000 et 15 000 par jour pendant plusieurs semaines, ce qui est, en effet, assez improbable.
Hockenberry et son équipe ne développent pas, comme ils aimeraient le faire, de gros projets, mais de petites applications qui seront sans doute vendues à ce tarif ras du sol. D'un strict point de vue financier, les risques seraient trop élevés de ne pas rentabiliser le développement. Avec le temps, le nombre d'applications augmentant sans cesse et la visibilité de chaque application devenant mécaniquement plus réduite, la perspective tant redoutée d'un "Crap Store" se fait plus prégnante.
L'avis d'Andy Finnel, un autre développeur, rejoint celui de Hockenberry tout en étant beaucoup plus radical. Il incite en effet ses pairs à tous augmenter leurs prix de manière très significative : les applications à 0,79 € devraient passer à 7,99 €, celles à 3,99 € à 13,99 €, etc.
Les développeurs doivent pouvoir vivre de leur métier, et il leur faudra forcément augmenter leurs prix de vente sur l'App Store. Avec des applications à 79 centimes, la boutique d'Apple ne peut que courir à sa perte, en devenant un repère d'applications abandonnées faute de moyens, ou de petits logiciels conçus par des amateurs pour le plaisir, ou des étudiants qui les abandonneront tout aussi rapidement. Pour que l'App Store garde son intérêt, il faudra obligatoirement que les développeurs augmentent leurs prix et que les clients acceptent de payer le prix de la pérennité de leur acquisition. En revanche Andy Finnel oublie toutes ces petites applications, parfois fort utiles, mais qui ne pourraient pas, raisonnablement, trouver preneur à plus de 79 centimes.
Dan Cornish, PDG de Cosential, abonde dans ce sens : selon lui, les applications proposées sur l'App Store ne seront que le fait de passionnés, plus ou moins bénévoles, mais pas de grosses entreprises qui ne pourront pas y faire suffisamment d'argent. Pour le dire autrement, l'App Store sera sans doute plein de bonnes idées, mais sans argent.
Quelles solutions ?
Hockenberry conclut sa lettre par une question : est-ce qu'Apple n'attend de l'App Store que de l'insignifiant ou veut-elle des applications sérieuses qui exploitent réellement les capacités des iPhone et iPod touch ? C'est aussi la question posée par Fraser Speirs, développeur d'Exposure, un client pour Flickr.
Il explique que les appareils mobiles d'Apple constituent une plateforme aux nombreuses possibilités, mais que les applications gratuites ou à 79 centimes seront incapables d'exploiter. Si Cupertino le voulait, ses terminaux mobiles pourraient même devenir, selon lui, de véritables ordinateurs miniatures.
Il renvoie la balle à Apple et il se trouve que celle-ci a déjà pris quelques initiatives. Après avoir permis aux développeurs d'offrir plus facilement leurs applications, l'App Store vient d'être légèrement réaménagé afin de mettre en avant les meilleures applications de chaque catégorie (lire : Apple améliore l'App Store).
On est encore loin de résultats satisfaisants, mais il n'existe pas vraiment de solutions idéales : on pourrait imaginer un système identique à la location des films avec des applications qui se désactiveraient automatiquement au bout d'un certain temps. Pourquoi ne pas aussi imaginer un système d'achat dans les magasins en dur : par exemple, les plus gros jeux pourraient être vendus dans les magasins spécialisés, aux côtés des autres plateformes. Les boites ne contiendraient qu'un code pour télécharger le jeu qui serait aussi disponible dans l'App Store, bien sûr, mais un public différent serait assurément touché. De plus, il est sans doute plus facile de demander un prix important quand un objet physique est acheté.
Autre idée suggérée déjà depuis quelque temps, modifier le critère des classements des applications. Aujourd'hui, le seul critère retenu est le nombre de ventes, ce qui a permis à de nombreuses applications de monter directement tout en haut de la liste des applications payantes en étant d'abord proposées gratuitement. Cette concurrence déloyale aux applications payantes, très vite dénoncée, pourrait être annulée en pondérant le nombre de ventes par le prix. En clair, une application à 79 centimes vendue 100 fois (soit 79 euros) serait moins bien classée qu'une autre vendue 15 fois à 7,99 euros (soit un peu moins de 120 euros).
Si l'App Store est un incontestable succès à ce jour, on ne peut pas écarter d'un revers de la main les arguments de Hockenberry. Bien sûr, les grands studios de développement, comme Gameloft, sont capables d'égaliser leurs revenus avec d'autres sources, mais les petits développeurs indépendants pourraient rapidement arrêter de développer pour l'App Store s'ils venaient à perdre de l'argent. Étant donné qu'ils ont tout intérêt à vendre des applications plus cher (rappelons qu'Apple prélève 30 % des ventes).
Un problème, quel problème ?
La lettre de Hockenberry a rapidement fait le tour de la toile et les réponses ne se sont pas fait attendre. Peter Cohen, sur Macworld, tempère sur la responsabilité d'Apple. Selon lui, le problème est réel, mais c'est aux développeurs de se prendre en main pour gagner en visibilité.
Il ne faut pas juste avoir le meilleur produit, ça ne suffira pas ; il faut également dérouler un marketing puissant et innovant pour "se faire un nom". Rendre sa marque visible, se faire connaître auprès du public, voilà ce qui est indispensable pour que ses produits soient vendus, quel que soit leur prix. Et Peter Cohen de citer l'exemple de ngomoco.inc qui a commencé à être connu et reconnu sur l'App Store pour ses applications.
Peter Cohen conclut malicieusement son article en rappelant que le destinataire de la lettre, Steve Jobs, est bien le premier à savoir ça. Depuis ses débuts, rappelle-t-il, le Mac est meilleur que le PC, ce qui n'a pas permis pour autant une domination du premier sur le second, alors que le succès actuel vient, pour une bonne partie, du marketing…
Autre réponse à cette lettre ouverte, celle d'appcubby est à la fois très complète et très intéressante sur, justement, la question du marketing. Du site aux applications, David et son équipe de développeurs indépendants ont choisi l'unité graphique (esprit "fait main") pour essayer de créer une image.
Loin des succès surmédiatisés de l'App Store qui ne sont que des exceptions, son exposé financier remet les pendules à l'heure : depuis le mois de mars, il est parvenu tout juste à l'équilibre financier et espère quelques bénéfices légers pour le début 2009. Il s'estime de ce fait plutôt content, mais reste inquiet sur l'avenir : les ventes d'applications sur l'App Store, et donc ses revenus, ont été jusque-là plus proches de montagnes russes que de ventes durables. Et il cherche comment stabiliser les ventes de ses applications de niche - Gas Cubby (1.1 – US – 3,99 € puis 7,99 €) pour gérer la consommation de son véhicule et son entretien et Trip Cubby (1.1.1 – US – 3,99 € puis 7,99 €) pour calculer ses frais de déplacements.
David détaille avec précision tout ce qu'il a essayé en marketing pour gagner des clients (bandeau pub sur un site Mac, liens Google, promotion auprès des sites d'actualité, etc). Il en ressort que le levier le plus efficace est en fin de compte celui d'Apple. Gas Cubby a été choisie par les équipes d'Apple et placée en première page du magasin, dans la liste des applications recommandées puis celle des actualités. Du jour au lendemain, ses revenus ont augmenté de manière considérable comme le montre le graphique ci-dessous. Inversement, sitôt que l'application a quitté la première page, ses revenus ont pris le chemin inverse avec régularité. S'il est, bien sûr, ravi de l'aubain fournie par Apple, il ne sait pas sur quels critères son application a été retenue, ni qui a présidé à ce choix. Ainsi, bien que l'impact soit réel, un développeur ne peut pas compter sur ce coup de pouce tant il semble aléatoire.
Hors Apple, le soutien le plus efficace est venu des articles parus sur de grands sites comme Gizmodo. Malheureusement, l'effet est à chaque fois très court (de l'ordre d'un jour) et cette méthode n'est donc pas viable. Il a été en revanche déçu par la publicité, que ce soit sur Internet (AdWords de Google) ou directement intégrée dans les applications (AdMob). Sans nier que la publicité ait eu le moindre impact, il ne peut pas le quantifier et considère que les gains sont trop faibles ou imprévisibles par rapport aux coûts.
Si David a envisagé de proposer une version "Lite" et gratuite de ses applications, il ne l'a pas fait et il doute même de son utilité, la jugeant même contre-productive. Le risque étant que les clients se contentent de cette version gratuite. En définitive, ce qu'il attend, c'est un système de téléchargement de versions démo. Et celui-ci ne pourra venir que d'Apple.
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