Il y a deux ans lors de la conférence TED (Technology, Entertainment, Design) Jeff Han avait fait grand bruit avec sa démonstration d'une interface multi-touch sur grand écran. Un procédé qui s'est aujourd'hui glissé dans quelques millions de poches avec Apple, que HP amène sur les dalles de ses ordinateurs de bureau et dont Microsoft fera l'une des nouveautés du prochain Windows après l'avoir utilisé dans une table interactive.
Dans une interview chez Wired, Jeff Han analyse cet engouement croissant autour du multi-touch et les défis qu'il implique pour l'avenir. Il estime que l'on a à peine effleuré ce qu'il est possible de faire. Figurant parmi les pionniers de cette évolution de l'interface entre l'homme et la machine, il ne ménage pas ses critiques sur la manière dont elle a été mise en oeuvre. Il ne cite jamais Apple avec son iPhone ou Microsoft avec sa table Surface mais on devine leurs noms entre les lignes.
Han, qui a fondé Perceptive Pixel et qui travaille exclusivement sur cette technologie, estime que si l'on veut en exploiter toutes les ressources il faut repartir d'une feuille blanche et de métaphores inédites "Comme le dit Yoda, il faut désapprendre ce que l'on a appris", s'éloigner de cet héritage de 40 ans d'interfaces articulées autour d'un clavier et d'une souris.
"Pour certaines choses triviales comme de faire un zoom avec deux doigts la question est réglée. Mais pour réussir à libérer tout le potentiel de cette technologie, il faut aller au-delà de simples extensions au clavier et à la souris […] Je vois des sociétés proposer du multi-touch mais tout qu'elles font c'est reproduire la manière dont nous interagissons avec nos ordinateurs."
Il convient qu'il est extrêmement difficile de faire le deuil de tout cet apprentissage. Et pour lui l'une des causes de ce problème c'est qu'aucun système d'exploitation existant n'est capable de gérer le multi-touch à un niveau fondamental.
D'où les travaux menés depuis deux ans par Perceptive Pixel pour créer un nouvel OS, une couche logicielle toute neuve et tournée autour du multi-touch. Une tâche fastidieuse, mais essentielle à ses yeux pour avancer et proposer un complément efficace aux interfaces actuelles.
"Ce qu'il faut garder à l'esprit c'est que nous ne poussons pas à remplacer une chose par une autre. Le multi-touch est naturel et utile pour certaines opérations qui seraient compliquées avec un clavier et une souris. Mais il y aura toujours des actions où ils resteront imbattables."
Jef Han voit aujourd'hui le domaine du multi-touch comme une nouvelle Ruée vers l'or, où chacun se précipite pour occuper une parcelle de terrain. Il n'imagine pas un seul acteur rafler la mise et s'imposer à tous, mais plutôt un écosystème. Avec des risques, comme celui de voir ces efforts partir dans toutes les directions et participer à une large confusion. Un même geste par exemple n'aurait pas le même sens chez les uns et chez les autres.
S'il estime normal que l'on dépose des brevets dans ce domaine - Perceptive Pixel ne s'en prive pas - il milite pour la définition de quelques règles communes. "Si cet écosystème veut prospérer, il faudra qu'il y ait une sorte d'autorité qui se mette en place et qui fasse en sorte que bien que nous soyons tous concurrents, on puisse se mettre d'accord sur certaines terminologies et sur quelques gestes de base dont aucun de nous n'a la propriété."
Il fait également la distinction entre ce "multi-touch" qui est mis à toutes les sauces, et le "vrai multi-touch" qu'il entend promouvoir, celui qui implique qu'un nombre arbitraire de doigts (ou de stylet) peut être utilisé simultanément.
"Il y a des sociétés qui ont une vue plus réduite des choses. Multi signifie "plus" en anglais n'est-ce pas ? Il y a ce système de "two-touch" que l'on voit aujourd'hui, et ils l'appellent multi-touch (ndr : ça c'est pour Apple). C'est terrible, car c'est par cette absence de concertation entre les différents protagonistes que l'on risque de faire des dégâts dans cette industrie."
Han se démarque également des autres sociétés par les marchés qu'il veut aborder. Loin des baladeurs, des téléphones et des ordinateurs familiaux, il vise en premier lieu les entreprises. CNN par exemple utilise son "Mur Magique" pour ses émissions d'information (voir l'article CNN banalise le multi-touch).
"Il reste tellement d'inconnues que nous nous concentrons en priorité sur des sujets où cette technologie peut être utile, comme la productivité, sur ce qu'elle peut apporter sur des marchés spécialisés. Et fort de cette expérience on verra comment on peut appliquer ces enseignements auprès du grand public."
"Je pense qu'il est très important de ne pas commencer à utiliser ces systèmes pour des petits trucs ou par exemple pour commander un verre au restaurant" (ndr : ça c'est pour Microsoft) "A la place essayons de voir quelle utilité cela peut avoir pour aider au travail d'équipe entre les créatifs d'une entreprise, ou pour visualiser des informations ou pour des présentations […] comment un ingénieur peut manipuler les différentes pièces ou les éléments d'un moteur ou d'une construction avec seulement ses deux mains ? Ce sont des questions difficiles. C'est pour ça qu'on va d'abord vers ces marchés. Comme ça, lorsque sera venu le temps du grand public, toute la phase expérimentale sera terminée. Et on saura quelle est la bonne manière de faire."
Parmi les pistes qu'il défriche, il y a celle d'une interaction par la pression "On est très emballés en ce moment par des matériels qui peuvent détecter et mesurer un niveau de pression pour chacun de vos doigts. D'ici deux mois on va montrer quelque chose d'assez sympa où l'on utilise cette information de pression pour la manipulation d'objets 2D. Vous pourrez pousser des choses et les glisser les unes sous les autres. C'est extrêmement élégant et ça marche aussi avec un écran non multi-touch."
Enfin, Han donne son sentiment sur Minority Report à laquelle sa technologie a souvent été comparée dans les descriptions qui en étaient faites (ndr : Tom Cruise avec des gants ad-hoc manipule des données dans l'espace) "Je déteste Minority Report. Je déteste les interfaces purement gestuelles parce qu'en réalité elles fonctionnent assez mal. Ça a été prouvé. Le corps humain a besoin de ce retour tactile. Cependant, en l'associant avec le toucher, je pense que dans un futur lointain, l'intégration des deux pourrait être plus réussie que chacune prise séparemment."
Dans une interview chez Wired, Jeff Han analyse cet engouement croissant autour du multi-touch et les défis qu'il implique pour l'avenir. Il estime que l'on a à peine effleuré ce qu'il est possible de faire. Figurant parmi les pionniers de cette évolution de l'interface entre l'homme et la machine, il ne ménage pas ses critiques sur la manière dont elle a été mise en oeuvre. Il ne cite jamais Apple avec son iPhone ou Microsoft avec sa table Surface mais on devine leurs noms entre les lignes.
Han, qui a fondé Perceptive Pixel et qui travaille exclusivement sur cette technologie, estime que si l'on veut en exploiter toutes les ressources il faut repartir d'une feuille blanche et de métaphores inédites "Comme le dit Yoda, il faut désapprendre ce que l'on a appris", s'éloigner de cet héritage de 40 ans d'interfaces articulées autour d'un clavier et d'une souris.
"Pour certaines choses triviales comme de faire un zoom avec deux doigts la question est réglée. Mais pour réussir à libérer tout le potentiel de cette technologie, il faut aller au-delà de simples extensions au clavier et à la souris […] Je vois des sociétés proposer du multi-touch mais tout qu'elles font c'est reproduire la manière dont nous interagissons avec nos ordinateurs."
Il convient qu'il est extrêmement difficile de faire le deuil de tout cet apprentissage. Et pour lui l'une des causes de ce problème c'est qu'aucun système d'exploitation existant n'est capable de gérer le multi-touch à un niveau fondamental.
D'où les travaux menés depuis deux ans par Perceptive Pixel pour créer un nouvel OS, une couche logicielle toute neuve et tournée autour du multi-touch. Une tâche fastidieuse, mais essentielle à ses yeux pour avancer et proposer un complément efficace aux interfaces actuelles.
"Ce qu'il faut garder à l'esprit c'est que nous ne poussons pas à remplacer une chose par une autre. Le multi-touch est naturel et utile pour certaines opérations qui seraient compliquées avec un clavier et une souris. Mais il y aura toujours des actions où ils resteront imbattables."
Jef Han voit aujourd'hui le domaine du multi-touch comme une nouvelle Ruée vers l'or, où chacun se précipite pour occuper une parcelle de terrain. Il n'imagine pas un seul acteur rafler la mise et s'imposer à tous, mais plutôt un écosystème. Avec des risques, comme celui de voir ces efforts partir dans toutes les directions et participer à une large confusion. Un même geste par exemple n'aurait pas le même sens chez les uns et chez les autres.
S'il estime normal que l'on dépose des brevets dans ce domaine - Perceptive Pixel ne s'en prive pas - il milite pour la définition de quelques règles communes. "Si cet écosystème veut prospérer, il faudra qu'il y ait une sorte d'autorité qui se mette en place et qui fasse en sorte que bien que nous soyons tous concurrents, on puisse se mettre d'accord sur certaines terminologies et sur quelques gestes de base dont aucun de nous n'a la propriété."
Il fait également la distinction entre ce "multi-touch" qui est mis à toutes les sauces, et le "vrai multi-touch" qu'il entend promouvoir, celui qui implique qu'un nombre arbitraire de doigts (ou de stylet) peut être utilisé simultanément.
"Il y a des sociétés qui ont une vue plus réduite des choses. Multi signifie "plus" en anglais n'est-ce pas ? Il y a ce système de "two-touch" que l'on voit aujourd'hui, et ils l'appellent multi-touch (ndr : ça c'est pour Apple). C'est terrible, car c'est par cette absence de concertation entre les différents protagonistes que l'on risque de faire des dégâts dans cette industrie."
Han se démarque également des autres sociétés par les marchés qu'il veut aborder. Loin des baladeurs, des téléphones et des ordinateurs familiaux, il vise en premier lieu les entreprises. CNN par exemple utilise son "Mur Magique" pour ses émissions d'information (voir l'article CNN banalise le multi-touch).
"Il reste tellement d'inconnues que nous nous concentrons en priorité sur des sujets où cette technologie peut être utile, comme la productivité, sur ce qu'elle peut apporter sur des marchés spécialisés. Et fort de cette expérience on verra comment on peut appliquer ces enseignements auprès du grand public."
"Je pense qu'il est très important de ne pas commencer à utiliser ces systèmes pour des petits trucs ou par exemple pour commander un verre au restaurant" (ndr : ça c'est pour Microsoft) "A la place essayons de voir quelle utilité cela peut avoir pour aider au travail d'équipe entre les créatifs d'une entreprise, ou pour visualiser des informations ou pour des présentations […] comment un ingénieur peut manipuler les différentes pièces ou les éléments d'un moteur ou d'une construction avec seulement ses deux mains ? Ce sont des questions difficiles. C'est pour ça qu'on va d'abord vers ces marchés. Comme ça, lorsque sera venu le temps du grand public, toute la phase expérimentale sera terminée. Et on saura quelle est la bonne manière de faire."
Parmi les pistes qu'il défriche, il y a celle d'une interaction par la pression "On est très emballés en ce moment par des matériels qui peuvent détecter et mesurer un niveau de pression pour chacun de vos doigts. D'ici deux mois on va montrer quelque chose d'assez sympa où l'on utilise cette information de pression pour la manipulation d'objets 2D. Vous pourrez pousser des choses et les glisser les unes sous les autres. C'est extrêmement élégant et ça marche aussi avec un écran non multi-touch."
Enfin, Han donne son sentiment sur Minority Report à laquelle sa technologie a souvent été comparée dans les descriptions qui en étaient faites (ndr : Tom Cruise avec des gants ad-hoc manipule des données dans l'espace) "Je déteste Minority Report. Je déteste les interfaces purement gestuelles parce qu'en réalité elles fonctionnent assez mal. Ça a été prouvé. Le corps humain a besoin de ce retour tactile. Cependant, en l'associant avec le toucher, je pense que dans un futur lointain, l'intégration des deux pourrait être plus réussie que chacune prise séparemment."