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Apple et la fièvre du jeu

Arnaud de la Grandière

mardi 08 juillet 2008 à 16:29 • 48

AAPL

Le lieu commun qui a toujours la dent dure concernant notre plate-forme de prédilection, c'est la pauvreté de l'offre vidéoludique pour celle-ci. Et de fait, pour des machines, qui, pour l'essentiel, sont jusqu'ici plus orientées vers le grand public que vers les entreprises, le jeu n'est en effet pas le fer de lance d'Apple.

À bien y regarder, le jeu n'est pourtant guère moins bien traité que le reste de l'offre logicielle : la logithèque Mac est 100 fois moindre sur Mac que sur Windows, cette différence ne pose pourtant pas de problème majeur dans le reste des genres, puisque le haut du panier est disponible pour l'essentiel sur les deux plates-formes, ou à défaut dispose d'un équivalent. Ce qui a également toujours été le cas des jeux. La différence fondamentale qui rend cette disparité plus cruciale, c'est que les jeux sont des biens culturels, et par voie de conséquence l'impossibilité d'accéder à certains d'entre eux se fait plus cruellement sentir que pour tel ou tel logiciel de comptabilité.

Cependant le tableau qui est brossé est généralement plus sombre que la réalité : si en effet seuls les "blockbusters" de Windows sont portés sur le Mac pour ce qui concerne les jeux du circuit de production et de distribution classique, il ne faut pas pour autant oublier que l'immense majorité de ce qui se produit (et de ce qui se joue) est beaucoup plus uniformément proposée pour nos machines : il s'agit de cette myriade de "petits" jeux, dits de "casual gaming", qui fourmillent sur le net et qui sont quasi systématiquement proposés pour Mac.

Produits par des éditeurs et développeurs indépendants, ces jeux s'adressent à un public qui est autrement mieux représenté sur Mac que celui des jeux qui se destinent aux "hard-core gamers". Tels Super Collapse, Luxor, et bien d'autres, ces jeux ont même pu réaliser de confortables bénéfices pour leurs instigateurs, qui n'ont pas toujours à rougir en regard du chiffre réalisé par les grosses productions, et le Mac en représente une partie non négligeable. On le sait, ce domaine est appelé à se développer de plus en plus, et on commence à en ressentir les effets dans la qualité de réalisation des jeux en question, qui se professionnalisent à l'avenant.



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Le site d'Apple dispose d'une rubrique consacrée aux jeux.



La logique économique est en effet au cœur de la problématique : bien qu'allant en augmentant de façon significative, le marché du Mac reste plus limité que les autres, et il serait insensé d'arroser ce marché de jeux qui ne trouveraient par conséquent pas tous preneurs. Le risque est donc plus grand de connaître l'échec commercial et il est crucial de bien choisir les jeux qui seront élus, raison pour laquelle les portages se limitent pour l'essentiel aux licences qui ont fait leurs preuves du côté Windows.

Cependant, il entre dans cette logique prosaïquement financière d'autres éléments : la difficulté du portage en lui-même en est une composante essentielle. Et le passage au processeur Intel a énormément simplifié la donne : jusqu'alors, porter un jeu Windows vers le Mac impliquait non seulement de traduire l'appel aux jeux d'API (DirectX vers Open GL par exemple), mais également le code spécifique au processeur (assembleur x86 vers PPC), et surtout les questions de "boutisme", puisque le PowerPC et les x86 n'agencent pas les données de la même façon. Le travail était donc conséquent, et s'est vu amplement simplifié par la migration d'Apple, ne laissant plus que le problème des API.

C'est à celui-ci que répond Cider, un "wrapper" qui va automatiquement rediriger à la volée les appels des API spécifiques à Windows vers leurs équivalents sur Mac OS X, sans même nécessiter une recompilation du jeu ni en modifier la moindre ligne de code. C'est notamment le choix pour lequel Electronic Arts a opté récemment. (lire : La potion magique d'EA). Si l'impact en termes de puissance est négligeable (il ne s'agit pas d'émulation), toutefois Cider n'équivaut pas au travail d'un humain qui s'attachera à effectuer le portage le plus efficace et le plus élégant, ou encore à intégrer des technologies propres à Mac OS X, comme le fait Feral pour ses jeux (interruption de la lecture dans iTunes et passage d'iChat en "absent" au lancement du jeu, par exemple).

On a d'ailleurs craint un temps qu'Apple n'ait laissé entrer le loup dans la bergerie, puisque tous les jeux Windows devenaient accessibles aux Mac-Users à l'aide de Bootcamp, ou encore par le biais des solutions de virtualisation (VMware Fusion, Parallels Desktop, Virtual Box), voire par celui des autres wrappers comme Wine ou Crossover Games : il n'en est rien, ces solutions ne faisant figure que de pis-allers à défaut d'un portage digne de ce nom sur nos machines.





Un autre moyen de limiter les coûts entraînés par le portage est de concevoir les jeux dès l'origine dans ce sens. Bien entendu cette méthode se limite à un petit nombre d'élus, et c'est notamment le cas de Blizzard, qui année après année nous propose ses derniers hits simultanément sur Windows et Mac OS X. Il faut cependant voir dans cette politique une stratégie à long terme plus qu'un moyen d'augmenter ses revenus : en favorisant la concurrence de Windows, le studio s'assure de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier et de se voir à la merci de l'hégémonie microsoftienne.

Une autre façon de parvenir au même but est d'utiliser des outils de développements orientés multi plates-formes, comme ça a été le cas avec le jeu de Penny Arcade réalisé à l'aide du Torque Engine.

Et Apple, dans tout ça? A vrai dire sa politique dans ce domaine a longtemps été sujette à caution. Peut-être échaudée par l'échec commercial de sa console de jeu, la Pippin, réalisée en 1995 conjointement avec le japonais Bandaï, Apple n'a guère brillé pour son soutien aux jeux. De ce que la société de Cupertino aura fait pour la cause, on n'aura vraiment eu connaissance que des Game Sprockets, des extensions pour Mac OS 8 permettant de simplifier le développement et le portage de jeux (gestion du son, du réseau, des joysticks, et des graphismes), et de la consultation de John Carmack, patron d'Id Software, qui a abouti au choix d'Open GL pour le Mac. Outre cette dernière, Apple a intégré nombre de standards dans Mac OS X qui répondent aux besoins des développeurs de jeux : Open AL, support des périphériques HID, OpenPlay, etc.

Dans les coulisses, Apple a fait preuve d'inconstance : une interview de Gabe Newell, responsable de Valve Software, révélait en septembre dernier que le turn-over des employés dévolus au jeu chez Apple rendait stérile toute collaboration avec celle-ci. Plus récemment, une autre interview du CEO d'Id Software, Todd Hollenshead, confirme le diagnostic de Newell mais note une évolution encourageante. D'abord pour la place dévolue aux jeux lors du keynote de Steve Jobs à la WWDC en 2007, mais également pour les engagements pris par les ingénieurs d'Apple en matière de drivers et du support que la firme à la pomme entend fournir dans ce domaine. Nul doute d'ailleurs que l'avènement du kit de développement pour iPhone aura eu quelque effet bénéfique dans la motivation d'Apple : son téléphone va désormais se frotter directement aux consoles portables, et le lien de parenté avec le Mac est assez proche pour que ce dernier bénéficie des efforts faits dans ce domaine, d'autant qu'un Macintosh est obligatoire pour créer des jeux pour iPhone.

Espérons qu'Apple saura se détourner des erreurs du passé, et que les efforts seront cette fois inscrits dans la durée.

Crédit photo : All About Apple

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