Après la tablette (Surface), l'hybride (Surface Book) et le tout-en-un tactile (Surface Studio), Microsoft a finalement décidé d'aller au plus simple avec le Surface Laptop. Comme son nom l'indique, il s'agit d'un ordinateur portable d'une facture très classique, ou du moins très sage si on considère les précédentes expérimentations un peu fofolles du constructeur.
Après tout, c'est dans les vieux pots que l'on fait les meilleures soupes. Un adage qui a dû revenir aux oreilles de Microsoft alors que les ventes de Surface piquent du nez. Il n'est pas certain toutefois que l'éditeur de Windows ait trouvé la formule idéale, même si le Surface Laptop ne manque pas d'atouts. Test !
Un portable aussi classique que sa connectique
Après avoir essayé toutes les formes possibles et imaginables, Microsoft est donc revenu à un design plus traditionnel avec le Surface Laptop. De loin comme de plus près, l'appareil ne cache pas sa condition de portable, qu'il porte dans son nom même. Pas de béquille ou de charnière bizarroïde ici, simplement un écran qui se referme gentiment sur un clavier. Cet écran reste fixe, on ne peut pas le retirer de la caisse (à moins d'y aller à la scie à métaux) pour en faire une tablette, bref, le Surface Laptop est bel et bien et uniquement un ordinateur portable.
On retrouve les matériaux et les finitions communs à la gamme Surface. Le châssis en alliage de magnésium apporte solidité et robustesse à l'appareil. L'appareil est dense, et on a l'impression qu'il est plus lourd qu'un MacBook Pro 13''... qui pèse pourtant 120 grammes de plus ! Une impression qui est sans doute le fruit d'un agencement des composants manquant d'équilibre ?
Sur le Laptop refermé, en appuyant un peu sur le capot au niveau du trackpad, on sent bien un vide sous le doigt... qui se transforme rapidement en clic. Heureusement, c'est sans effet puisque l'ordinateur est en veille. Il n'empêche qu'on aurait aimé ne pas subir ce petit défaut, en particulier sur une machine qui n'est pas spécialement bon marché.
Si on accepte d'une tablette une connectique allégée, un ordinateur (fût-il portable) se doit d'offrir un minimum d'ouverture avec tout un monde de périphériques. Il existe des exceptions comme c'est le cas du MacBook 12'' Retina qui n'a qu'un port USB-C, mais celui-ci est au moins assez polyvalent. De son côté, le Surface Laptop ne fait pas le grand saut vers le nouveau connecteur miracle : il faut se contenter d'un port USB-A 3.1 Gen. 1 (5 Gbps), qui apporte certes à l'ordinateur une large compatibilité avec toutes sortes d'appareils tiers.
Microsoft a sans doute voulu rassurer des utilisateurs de Windows légitimement perdus dans la jungle de l'USB-C. Néanmoins, il est un peu dommage d'insulter ainsi un avenir qui, même alambiqué, s'oriente très nettement vers ce connecteur. Le Surface Laptop comprend également un port Mini DisplayPort qui s'adaptera bien à de nombreux moniteurs externes.
On retrouve pour finir le port Surface Connect pour la recharge de la batterie (c'est l'équivalent du défunt MagSafe), ainsi qu'une sortie jack 3,5 mm. Pas de slot pour carte SD, ce qu'on peut voir sur les côtés ne sont que les antennes Wi-Fi. Avec ce choix de connectique, l'éditeur de Windows s'est montré pragmatique, voire conservateur (notons tout de même la présence d'un port USB 3.0 sur le bloc secteur servant à recharger un second appareil).
Le Surface Laptop est paré pour le présent, sans doute moins pour un avenir qui approche à grands pas. On peut reprocher à Apple d'avoir mis la charrue avant les bœufs en privilégiant l'USB-C à marche forcée sur ses MacBook. Était-il pour autant judicieux de se contenter de technologies qui ont certes fait leurs preuves, mais qui ont désormais vocation à laisser leur place à d'autres plus performantes ? Microsoft a en tout cas choisi son camp, et les consommateurs ne pourront pas dire qu'ils ne savaient pas.
La singularité alcantara
Le Surface Laptop, dans son design comme dans sa connectique, est donc une sorte de parangon de classicisme, mais — et c'est heureux finalement — Microsoft n'a pas pu s'empêcher de se singulariser en mettant à profit son "expertise" de l'alcantara, une matière textile qui recouvre les claviers Type Cover "Signature" des Surface Pro... et l'intérieur du Surface Laptop.
Cette fibre synthétique, que l'on trouve surtout sur les équipements automobiles, la maroquinerie et l'ameublement, reste une originalité dans le secteur informatique. Et c'est ce qui fait l'originalité de la proposition de Microsoft. Évidemment, taquin comme je suis, je n'ai pas pu m'empêcher de m'amuser de la présence de cette moumoute fourrure surface textile lors de la première ouverture de l'appareil. Mais voyez comme on peut parfois être mauvaise langue : ce n'est pas une si mauvaise idée.
Il est en fait très agréable d'utiliser le clavier du Laptop. La course et l'espacement des touches (qui troquent l'aluminium du Surface Book pour du plastique), proches de celles du Magic Keyboard, offrent une bonne qualité de frappe. Les repose-poignets, recouverts d'alcantara évidemment, sont doux sous la peau et se révèlent confortables (plus en tout cas que l'aluminium des MacBook).
On est plus circonspect sur le rétro-éclairage des touches, parfois masqué par le tissu : la découpe est certainement très complexe à réaliser. On aurait apprécié un trackpad plus grand : celui intégré n'est pas mauvais, mais quand on s'est habitué aux grandes tailles si pratiques des derniers MacBook, on a du mal à revenir en arrière.
Qui dit textile, dit aussi entretien. Microsoft explique qu'il faut appliquer de temps en temps un chiffon humide non pelucheux pour que l'alcantara conserve son apparence. Difficile, durant ces quelques jours de test, de salir le revêtement. Mais qu'en ira-t-il dans plusieurs mois, voire années ? Des utilisateurs qui ont plus de recul ont partagé des images peu ragoûtantes du clavier en alcantara de leur Surface Pro. Il s'agit de cas isolés, mais on ne peut pas dire qu'il y ait tant de ces claviers en circulation. Malgré tout, il est toujours possible de remplacer un Type Cover ; ce sera plus difficile avec le clavier du Surface Laptop, si les choses devaient mal se passer.
L'alcantara n'est pas l'unique signe distinctif de la gamme Surface. Microsoft a grimpé quatre à quatre l'échelle de la qualité d'affichage : l'écran PixelSense du Laptop est superbe. La dalle de 13,5 pouces (2 256 x 1 504, soit 201 pixels par pouce) est suffisamment définie pour qu'on n'y perçoive aucun pixel. Les couleurs sont très bien rendues, même si on n'est pas face à un écran P3. La lecture de vidéo en 4K, la consultation de sites web, et généralement tout ce qu'on peut faire avec un PC fait plaisir aux yeux. S'il est très lumineux, l'écran souffre aussi d'une réflectance élevée : les objets et les gens autour de soi s'y reflètent assez généreusement.
L'intéressant ratio 3:2 de l'écran (contre 16:10 pour les MacBook) oblige certes l'affichage de bandes noires plus importantes durant la lecture de vidéos. À tout malheur quelque chose est bon : la hauteur supplémentaire offre plus de place pour travailler. L'écran est bien évidemment tactile, ce qui est utile dans certains cas (plus peut-être que la Touch Bar). En revanche, on regrette que Microsoft n'ait pas poussé plus loin en fournissant d'emblée un stylet, à acheter séparément. Et pourquoi pas un Surface Dial, ce petit palet qui permet d'activer un menu contextuel dans les applications compatibles, et qui est pris en charge par le Surface Laptop.
Un autre motif de satisfaction pour ce produit : la caméra 720p en façade qui, en plus de sa fonction première pour les appels vidéo, intègre la reconnaissance faciale. Celle-ci est le moyen biométrique de prédilection pour déverrouiller le portable et force est de constater que c'est très efficace (lire : Reconnaissance faciale : l'exemple de Microsoft avec Windows Hello). Vivement qu'Apple en fasse autant sur l'iPhone et tous ses produits !
Taillé pour la bureautique
Microsoft a fait appel aux derniers processeurs Kaby Lake avec des configurations en Core i5 et Core i7 (deux cœurs) et des cartes graphiques intégrées Intel (HD Graphics 620 ou Iris Plus Graphics 640 suivant le processeur). Le constructeur module aussi les dotations en RAM (de 4 à 16 Go) et en stockage (de 128 à 512 Go). Le premier prix est de 1 149 € (Core i5, 4 Go de RAM, 128 Go de SSD), et cela va jusqu'à 2 499 € (Core i7, 16 Go de RAM et 512 Go de SSD). On peut également faire son choix en fonction des coloris, quatre sont ainsi proposés : platine, bordeaux, bleu cobalt et or minéral.
Nous avons pu utiliser une configuration milieu de gamme équipée d'un Core i5-7300U (2,7 GHz avec Turbo Boost à 3,1 GHz), de 8 Go de RAM et de 256 Go de stockage, un modèle vendu 1 449 € par Microsoft. Un ordinateur qui, sur le papier, ressemble beaucoup au MacBook Pro 13'' (sans Touch Bar) à 1 749 € qui embarque un Core i5 Kaby Lake un peu moins rapide sur le papier (2,3 GHz mais Turbo Boost à 3,6 GHz), 8 Go de RAM et 256 Go de stockage. Le portable d'Apple se distingue cependant par sa carte graphique intégrée plus puissante, une Iris Plus Graphics 640 que Microsoft réserve au Surface Laptop équipé d'un Core i7.
Au test Geekbench 4, notre Surface Laptop de test donne des résultats disons-le assez moyens. Les résultats du test d'efforts CPU positionnent l'ordinateur entre le Core i5-5Y54 du MacBook 12'' Retina et le Core i5-7360U du MacBook Pro 13''. Ce n'est pas une performance éclatante, sachant que le processeur de l'ultra-portable d'Apple est cadencé à 1,3 GHz et surtout qu'il s'agit d'un Core i5 très basse consommation (les puces de la gamme Y s'appelaient auparavant Core m). Notons au passage l'excellente tenue des systèmes sur puce Ax d'Apple : l'A10X des derniers iPad Pro fait plus que se défendre, notamment en tâches multicoeur.
En ce qui concerne les performances du GPU, le test Compute du même Geekbench confirme la petite forme de la carte intégrée HD Graphics 620. Notre configuration du Surface Laptop aura du mal à faire rouler les derniers gros jeux en 3D toutes options graphiques activées, c'est certain.
Il n'en reste pas moins vrai aussi que ce GPU est bien suffisant pour des jeux moins gourmands (même Asphalt 8 ne s'en sort pas si mal !). Et puis ce n'est clairement pas une machine pour joueurs acharnés, ces derniers iront plutôt voir ce que Razer ou HP ont à leur proposer pour éponger leur soif de plaisirs vidéo-ludiques.
L'autonomie est un critère déterminant évidemment, qu'il est malgré tout difficile d'établir précisément, chacun ayant ses propres besoins. Microsoft promet 14,5 heures d'autonomie en lecture vidéo, mais personne de censé ne se lancerait dans un tel défi. Il est plus prudent de dire que le Surface Laptop tient facilement une bonne journée de travail mêlant bureautique, navigation sur internet, lecture ponctuelle de vidéos sur YouTube… Il restera un peu de jus pour tenir aisément jusqu'à la fin de journée, et sans doute un peu encore au matin.
Windows 10 : un S qui veut dire Simplet ?
Avec le Surface Laptop, Microsoft inaugure une nouvelle branche de son système d’exploitation phare. Windows 10 S est une plateforme qui se destine à un usage dans le secteur de l’éducation. Présenté comme la réponse de Redmond à Chrome OS, Windows 10 S s'apparente un peu au défunt et maudit Windows RT, cette version de l’OS pour les tablettes Surface équipées de processeurs ARM (ce produit n’existe plus non plus).
Windows 10 S est capable de faire tout ce que Windows 10 peut accomplir, à deux exceptions près : il ne peut pas connecter l’utilisateur au réseau de son entreprise, et surtout il est impossible d’installer une application en dehors du Windows Store. On peut toujours télécharger un logiciel depuis le navigateur Edge, mais il sera impossible de l’installer : une alerte s’affiche alors aussitôt.
En cliquant sur le lien Découvrir la procédure, on accède à une page spéciale du Windows Store proposant de basculer l’ordinateur sous Windows 10 Pro. Jusqu’au 31 décembre, la bascule est gratuite, il faudra ensuite débourser 79 € pour obtenir la licence.
Le processus est assez long et il nécessite plusieurs démarrages, il ne s’agit visiblement pas de simplement pousser un bouton. L’attente vaut pourtant le coup.
Car après l'installation des composants indispensables, on se retrouve avec un ordinateur portable au complet !
On comprend bien ce qu'a voulu faire Microsoft avec Windows 10 S. Limiter les installations d'applications aux seules apps du Windows Store permet à l'éditeur de mieux maîtriser son écosystème logiciel, en particulier tout ce qui touche à la sécurité, un peu de la même manière qu'Apple avec son App Store sur iOS, seule porte d'entrée (ou presque...) pour installer des apps sur iPhone et iPad. Un principe qui peut se justifier pour un OS destiné au monde de l'éducation comme l'est Windows 10 S.
Mais il est bien dommage de cantonner une machine comme le Surface Laptop au seul catalogue du Windows Store. Celui-ci n'est pas spécialement bien achalandé d'une part (bien moins que l'App Store, évidemment), mais surtout se priver de l'immense et très riche logithèque pour Windows est vraiment triste. Et contre-productif si on utilise le Laptop comme son portable "de tous les jours".
Fort heureusement, le passage à Windows 10 Pro est gratuit jusqu'à la fin de l'année, mais on peine à croire que Microsoft a vraiment l'intention de brider son Surface Laptop par la suite, imposant aux utilisateurs de cette machine le paiement de 79 € supplémentaires. Quant à Windows 10 S, il aura plus de sens sur des ordinateurs de type Chromebook, c'est à dire très résistants et bon marché, deux critères qui importent pour les établissements scolaires. Les partenaires habituels de Microsoft seront sans doute ravis de fournir ce genre de machines.
En bref, le Surface Laptop mérite Windows 10 Pro.
Pour conclure
Le Surface Laptop ne sera sans doute pas l'ordinateur qui poussera les utilisateurs de macOS à basculer du côté de Windows, ce n'est pas son rôle. La machine n'en est pas moins attachante, de part son aspect classique mais robuste (le combo tablette + clavier ayant toujours un peu de peine à convaincre du côté de Windows), compensé par le petit grain de folie de l'alcantara.
Ce portable est loin d'être parfait évidemment, ses performances (en Core i5 du moins) sont moyennes, et le choix d'en faire "l'écrin" de Windows 10 S n'est pas la meilleure idée qu'ait eu Microsoft. On basculera rapidement — et à moindres frais — sous Windows 10 Pro, un OS autrement plus capable que cette version destinée au secteur de l'éducation. Les établissements scolaires seront peu nombreux de toute manière à pouvoir offrir à leurs étudiants et enseignants cette machine.
De même, le choix d'une connectique certes éprouvée mais dont le remplacement est programmé à moyen terme peut constituer un frein. Après tout, le prix du Surface Laptop représente un investissement censé durer plusieurs années. Ces préventions faites, il est indéniable que Microsoft a su sortir du lot des ordinateurs portables traditionnels — qui ont une propension assez lourde à suivre les choix esthétiques et technologiques d'Apple — avec cette proposition somme toute intéressante pour les utilisateurs de Windows. En cela, le Surface Laptop est un digne représentant de la famille Surface.