La dernière fois que nous avons testé Dragon pour Mac, en juillet 2014, OS X venait à peine d’intégrer une fonction de dictée vocale hors ligne. Deux ans plus tard, elle a énormément progressé, et s’est même enrichie d’un système de commandes permettant de contrôler son Mac à la voix. Pour un peu, on dirait que Dragon pour Mac s’est fait « sherlocker ».
Mais Nuance n’a pas dit son dernier mot : Dragon pour Mac 5 veut se distinguer avec une nouvelle interface plus claire, une meilleure intégration au système, et une prise en charge exemplaire des micros. Surtout, il est censé atteindre « une précision de reconnaissance […] de 99 % dès la première utilisation. » Cela suffit-il ? La réponse dans notre test.
Une mise à jour problématique
Si l’application de dictée de Nuance s’appelle désormais « Dragon pour Mac », c’est qu’elle commence à ressembler à une véritable version Mac de « Dragon pour PC », plus qu’à une nouvelle révision de MacSpeech Dictate. Ce rapprochement est sensible dès l’installation : grâce à son nouveau moteur de reconnaissance censé être « 14 % plus précis », Dragon n’impose plus un long apprentissage de la voix.
Plus rapide, le processus d’installation n’est pas toujours fiable. Vous utilisez Dragon Dictate 4 ? Si vous ne voulez pas vous arracher les cheveux, désinstallez-le complètement après avoir exporté vos commandes et vocabulaires et avant d’installer Dragon pour Mac 5. Vous n’aurez aucun mal à importer les vocabulaires, mais vous rencontrerez peut-être des problèmes avec les commandes, dont le fonctionnement a changé avec la nouvelle version.
Ces complications sont d’autant plus frustrantes qu’elles reviennent à chaque mise à jour majeure, gâchant ainsi tout le plaisir de leur découverte. Or, Dragon pour Mac 5 a de quoi plaire, à commencer par le regroupement de toutes ses fonctions dans un unique menu. Ce n’est plus une application mais un service, une présence qui n’est jamais aussi utile que lorsqu’elle est lancée en même temps que la session et conservée à l’écran en permanence.
Une interface allégée
Plus prosaïquement, ce menu accélère sensiblement les opérations en mettant à portée de deux clics le changement de profil ou de microphone. Dragon pour Mac 5 permet d’ailleurs de se passer totalement de micro-casque et d’utiliser le microphone intégré. Cela fera l’affaire en cas de besoin, mais de simples EarPods offrent un résultat incomparablement meilleur, comme le montre d’ailleurs la vidéo d’exemple un peu plus bas.
Le menu n’absorbe pas la « fenêtre d’état », qui reste la principale interface entre votre voix et le moteur de reconnaissance de Dragon. Mais elle a été complètement revue : blanche et opaque plutôt que noire et transparente, elle est plus claire et plus lisible. Plus encombrante aussi, du moins jusqu’à ce que vous désactiviez les petites astuces fort répétitives et rapidement inutiles.
Les commandes conservent leur propre fenêtre, mais les corrections prennent désormais place dans la fenêtre d’état. Si Dragon a mal compris ce que vous venez de dire, vous pouvez lui demander de « corrige ça » ou « corriger <mot> ». Il proposera alors plusieurs suggestions… mais la fenêtre d’état n’en affiche que trois, même lorsqu’il y a en quatre ou cinq. Pire : dites « prends 3 » pour sélectionner la troisième suggestion, et Dragon insèrera parfois « prend trois » dans le texte.
Une correction défaillante…
De fait, Dragon se casse trop souvent les dents sur une commande passée au milieu d’une dictée, même lorsque l’on prend soin de marquer une pause franche après avoir fini une phrase. Il faut dire que ce n’est pas un exercice facile : mieux vaut encore signaler son intention à l’application (« basculer en mode commande »). Mais Dragon bute alors sur un autre obstacle : il ne peut toujours pas prendre la main sur le curseur de manière fiable.
Son intégration au système a toujours tenu du bricolage : avec le sandboxing et les autres mesures de sécurité d’OS X, elle tient aujourd’hui du miracle. Heureusement, Dragon s’intègre parfaitement à TextEdit et Word, et même à Safari par l’entremise d’une extension. Dans ces applications, on peut dire « sélectionne <mot> » pour sélectionner immédiatement un mot, et donc le corriger ou le mettre en forme.
Mais dans toutes les autres applications, on verra le curseur se déplacer de caractère en caractère jusqu’à trouver le bon mot. On aura tôt fait de se saisir de sa souris… et d’interrompre l’application, dont la reconnaissance s’affine au fur de l’utilisation et à mesure des corrections. Or, si l’on préfère la souris et le clavier à la voix…
…mais une reconnaissance de grande qualité
Heureusement, Dragon fait de moins en moins d’erreurs. Il est difficile de vérifier les chiffres avancés par Nuance, mais il est évident que la reconnaissance a encore progressé, au point d’être fiable sans apprentissage préalable ni matériel dédié. Cela ne veut pas dire que l’on n’a pas intérêt à investir dans un bon micro-casque et une bonne session d’entrainement. Mais on peut commencer sans : une barrière à l’utilisation de ce genre d’applications est tombée.
Cela peut sembler évident à l’heure des assistants virtuels, mais le travail effectué par Dragon est autrement plus complexe. Il ne reçoit pas de courtes phrases à la structure plus ou moins définie, mais de longs énoncés au vocabulaire riche, qui peuvent être interrompus par diverses commandes. Il n’est donc pas juste de le comparer à Siri — mais on peut naturellement le comparer au système de « dictée vocale » intégré à OS X.
Les deux systèmes se font piéger de la même manière par la dictée de Mérimée : que la prononciation du mot « infâme » soit affaiblie n’empêche pas que ses transcriptions par « en femme » ou « un femme » n’ait aucun sens ; l’accord du verbe « songer » est oublié ; et OS X ajoute une faute supplémentaire. Paradoxalement, les différences sont plus sensibles sur un texte plus « facile », mais aussi plus long.
La dictée vocale d’OS X revient sur sa transcription, provoquant des décalages qui cassent la concentration. Le résultat est globalement décevant : le système massacre la première phrase de l’article, laisse trainer des erreurs typographiques, et se fait piéger trop facilement (« 2012 » transcrit « de 1012 »). Dragon fournit un résultat beaucoup plus acceptable, qui peut être facilement corrigé.
Une utilisation plus fluide
Il pourrait être plus rapide, mais il faut garder à l’esprit que cette comparaison n’est pas tout à fait représentative d’une utilisation quotidienne, où l’on marque de plus grandes pauses entre les phrases (et souvent à l’intérieur même des phrases). Le jour où la reconnaissance pourra se faire en temps réel ne viendra pas assez tôt, mais en attendant, on se satisfera tout à fait du comportement de Dragon.
D’autant plus que cette nouvelle version est capable de tourner de longues heures sans ployer sous l’effort, contrairement à la précédente qui devait être régulièrement relancée. Heureusement, d’ailleurs, quand Nuance recommande d’utiliser un processeur Intel Core iX récent et 8 Go de RAM… Mais enfin, Dragon est généralement fluide, même si le chargement des vocabulaires entraine toujours de gros ralentissements.
Cette fluidité tient aussi du fonctionnement même de l’application : il est toujours plus facile de rester concentré sur l’interface vocale, de passer de la dictée aux commandes et des commandes à la dictée. OS X El Capitan intègre certes un système de « commandes de dictée », mais il demande une longue préparation en amont, alors que Dragon embarque des centaines de commandes et permet désormais de contrôler n’importe quel menu.
Pour conclure
Dragon pour Mac conserve donc tout son intérêt : aussi imparfait soit-il, il demeure la référence qu’il a toujours été. Reste que son prix de 199 € n’a jamais été aussi difficile à encaisser, surtout lorsque la version PC « Premium » vaut 30 € de moins… avec quelques fonctions de plus. (Nuance propose aussi un pack à 299 € avec un micro, et une réduction de 100 € pour le monde de l’éducation.)
De la même manière que le correcteur orthographique du système ne concurrence pas directement Antidote, la « dictée vocale » s’adresse à un public différent que celui visé par Nuance. Dragon s’impose dès lors que l’on souffre de troubles musculosquelettiques avancés, ou que l’on peut gagner des heures avec ses fonctions de transcription. C’est une application de niche, mais c’est l’application qui domine cette niche.