À défaut d’un écran Retina 27 pouces, vous pouvez « au moins » avoir un écran 4K 32 pouces : le Sharp PN-K321. Non seulement Apple vend cet écran dans sa boutique en ligne, mais elle le met aussi en avant sur ses pages comme le compagnon naturel du nouveau Mac Pro. Qu’en est-il au quotidien ? La réponse dans notre test de l’écran Sharp PN-K321.
Un écran (presque) 32 pouces (presque) Retina
Le PN-K321 n’est pas tout à fait un écran 32 pouces : sa dalle mesure en fait 31,5 pouces de diagonale. Avec une résolution de 3 840 x 2 160 px, il atteint tout de même une définition très confortable de 140 ppp, un net cran au-dessus des écrans 27 pouces d’Apple (110 ppp). À une distance « normale » d’utilisation, il n’est même pas loin de répondre aux caractéristiques qui en feraient un écran Retina.
Apple définit en effet un écran Retina comme un écran dont le nombre de pixels par degré (PPD) est supérieur à 53. Ce nombre peut être calculé en multipliant la distance à l’écran (en centimètres ou en pouces) par la définition de l’écran (en points par centimètres ou en points par pouces) par 2tan(π/360)
. La firme de Cupertino conseille de placer son écran à une distance de 45 à 60 cm des yeux. Au plus bas de la fourchette, le PN-K321 est encore un peu trop grossier pour que ses pixels soient parfaitement indistinguables (44 PPD). Mais au plus haut, c’est techniquement un écran Retina (58 PPD).
Du moins en théorie : avant de voir tout ça, il faut déjà le brancher.
HDMI, DisplayPort, MST, SST : l’embrouillamini
Lors de son importation en Europe, un écran doté d’un port HDMI est considéré comme un téléviseur et taxé comme tel s’il dépasse une certaine taille… qu’excède le Sharp PN-K321. Le modèle vendu en Europe est donc dépourvu des deux ports HDMI 1.4 que l’on trouve sur le modèle américain : ne lui reste qu’un port DisplayPort 1.2. À près de 4 000 € l’écran, on ne sera pas surpris de trouver un câble DisplayPort vers mini DisplayPort dans le carton.
Au premier abord, l’absence de port HDMI 1.4 n’est pas rédhibitoire, puisqu’il ne permettrait pas de dépasser 30 Hz à 3 840 x 2 160 px, alors que le DisplayPort 1.2 dispose de la bande passante nécessaire à la 4K à 60 Hz. Reste qu’au premier allumage de l’écran… vous serez limité à 30 Hz. Pas besoin d’aller dans les Préférences système pour s’en rendre compte : le défilement du curseur n’est pas fluide, celui des fenêtres et de leur contenu est carrément haché.
L’implémentation actuelle du DisplayPort 1.2 empêche en effet d’utiliser un écran 4K à 60 Hz sans avoir activé au préalable le mode Multi-Stream Transport (MST) — or à la sortie du carton, le PN-K321 est configuré pour utiliser le mode Single-Stream Transport (SST). Avec le MST, le signal est décomposé en deux demi-écrans 1 920 x 2 160 px, reconstitués en un écran 3 840 x 2 160 px par l’écran. Activer le MST n’est pas très compliqué, mais l’arrangement des boutons du PN-K321 et son antique OSD ne rendent pas la chose très agréable.
Un redémarrage de l’écran plus tard, il peut enfin être utilisé à 60 Hz… du moins sur le nouveau Mac Pro. En effet, si les MacBook Pro Retina fin 2013 sont dotés de ports Thunderbolt 2 et sont donc compatibles DisplayPort 1.2, seule la build d’OS X spécifique au Mac Pro fin 2013 prend en charge le MST. Branchez le PN-K321 en mode MST à n’importe quel autre Mac, et seule la moitié de l’écran s’affichera, ou un demi-écran sera étiré sur l’écran complet.
Ce qui ne veut pas dire qu’il est impossible d’utiliser le PN-K321 avec un autre Mac que le nouveau Mac Pro : à condition d’utiliser le mode SST, il peut être utilisé avec la plupart des machines récentes. Avec les MacBook Pro Retina et au moins les deux dernières générations d’iMac, on pourra d’ailleurs l’utiliser en définition native, mais à 30 Hz seulement. Sur les autres Mac, tout dépendra de la puce graphique : étonnamment, une Intel Graphics HD 4000 ne gérera pas plus de la HD 1080p, et il faudra au moins une Intel Graphics HD 5000 pour passer en 2 660 x 1 440 px.
Évidemment, dans ces cas, l’affichage est très grossier : il est possible d’utiliser le PN-K321 avec un autre Mac que le nouveau Mac Pro, mais ce n’est pas souhaitable. Bref, il est pour le moment réservé à la station professionnelle d’Apple, son adéquation avec les derniers MacBook Pro Retina et de futurs Mac Thunderbolt 2 dépendant de mises à jour logicielles. Et de fait, c’est avant tout le logiciel qui limite les capacités de cet écran. Une fois passé en 60 Hz, il peut tout à fait être utilisé pour des usages bureautiques… mais là encore, ce qui est possible n’est pas forcément souhaitable.
Le plus gros défaut de cet écran ? OS X !
Pour ses écrans haute résolution, Apple rend l’affichage à deux fois la définition utile (2:1) avant de le mettre à l’échelle. L’affichage d’un MacBook Pro Retina 15 pouces est ainsi rendu à 2 880 x 1 800 px pour une définition utile de 1 440 x 900 px : on n’a pas plus de « place », mais tout est plus net. OS X ne gère pas les écrans 4K de la même manière. Cette fois, l’affichage est rendu à 1:1 : on a beaucoup plus de place, mais tous les éléments d’interface sont minuscules.
En attendant qu’Apple rende enfin son système véritablement indépendant de la résolution, on pourrait vouloir utiliser les définitions mises à l’échelle pour concilier finesse et lisibilité. Mais au lieu d’être rendue en 5 120 x 2 800 px et « dézoomée », la définition 2 560 x 1 440 px est rendue en 2 560 x 1 440 px et… « zoomée ». Les éléments d’interface sont certes plus gros et plus visibles, mais ils sont aussi beaucoup moins définis : on perd tout l’intérêt d’une dalle 4K.
En utilisant le débogueur Quartz d’Apple, on peut certes activer une définition HiDPI… mais elle est de seulement 1 920 x 1 080 px. Sur le papier, le PN-K321 rivalise avec les écrans Retina d’Apple, mais en l’espèce, il est difficilement utilisable en usage bureautique. À sa décharge, la firme de Cupertino ne le présente pas autrement que comme un écran destiné aux vidéastes. Force est de constater que grâce à son immense définition, il est impossible de se sentir à l’étroit dans Final Cut Pro X, où l’on affichera une vidéo HD 1080p au pixel près sur un quart de l’écran.
Réglage sur trois axes et en hauteur, le PN-K321 pourra s’adapter aux exigences ergonomiques des postes de travail. La dalle de Sharp possède d’excellents angles de vue (176° sur les deux axes) et surtout une très bonne qualité d’image. IGZO oblige, le contraste est bon sans être excellent (900:1) : la luminosité maximale atteint les 340 cd/m² et la luminosité minimale des noirs dépasse tout juste 0,5 cd/m².
En sortie de carton, la colorimétrie est plus que correcte : le ∆E dépasse à peine 3,5 (voir ces quelques explications si cette phrase vous semble être écrite en chinois). Les professionnels de l’image devront néanmoins prendre garde à la balance des blancs, par défaut très légèrement supérieure aux 6 500 K idéaux, et au gamma, un peu trop élevé sur les teintes les plus foncées. Les commandes intégrées permettent d’intervenir sur ces deux points, mais quitte à faire, on passera un petit coup de sonde pour gommer d’un coup tous les défauts.
Conclusion : oui, mais non
Le Sharp PN-K321 est donc un bon écran : sans être exceptionnelle, sa dalle est de bonne qualité… et c’est une des premières dalles 4K 32 pouces adaptées à l’informatique, une performance en soit. Malheureusement, son utilisation est grandement limitée par OS X.
Rien ne vous empêche d’utiliser le PN-K321 pour surfer sur le web et remplir des tableurs, à condition d’avoir une excellente vue. Vous voulez avoir de la place pour faire de la bureautique ? Vos 4 000 € seront mieux investis dans trois Thunderbolt Display, un nouveau siège et un nouveau bureau. Et vous aurez moins de migraines.
OS X ne permettant pas de concilier finesse et lisibilité, cet écran est de fait réservé aux vidéastes et autres professionnels de l’image… qui veilleront à ne pas le mettre en bout d’une chaîne contenant du stockage ni à le brancher sur n’importe quel port de leur Mac Pro. Bref, le PN-K321 n’est clairement pas fait pour tout le monde… mais il n’y avait qu’à lire le montant sur l’étiquette pour s’en convaincre.