Tandis que Microsoft enchaînait les mises à jour d’Office et que Google développait en continu son service Docs, Apple a semblé ignorer sa suite bureautique pendant plus de trois ans. Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage : Pages, Keynote et Numbers ont enfin été revues.
L’inspecteur se tape des barres
Les applications de la suite iWork '09 n’avaient pas forcément mal vieilli, d’autant qu’Apple avait pris la peine d’y intégrer iCloud. Mais en amenant de nouveaux éléments d’interfaces et de nouveaux modes d’interaction à OS X Mavericks, Pages 5, Keynote 6 et Numbers 3 semblent venir du futur.
L’inspecteur en forme de fenêtre flottante tire ainsi sa révérence, remplacé par une barre latérale dynamique. Sélectionnez du texte et elle n’affiche que les réglages typographiques. Insérez une figure et elle vous présente les styles et contrôles de position en trois onglets. Entrez des données dans un tableau et quatre onglets dédiés aux cellules et aux données apparaissent.
Malheureusement, il faut toujours autant cliquer pour retrouver des réglages. Les sous-onglets et segments de l’inspecteur ont ainsi été remplacés par des sections déroulantes — les habitués de Nisus Writer seront en terrain connu. Les listes déroulantes ont quant à elles été remplacées par des pop-ups, parfois à l’excès : en l’absence de tiroir des styles, il faut désormais deux clics pour changer les styles de texte et de caractère dans Pages.
Ce qui ne veut pas dire que cette barre latérale soit moins efficace que l’ancien inspecteur. Dans Pages, il est beaucoup plus facile de gérer les marges, césures, ligatures, en-têtes, pieds de page et sections grâce à la barre Configuration. La barre Filtrer de Numbers est d’une efficacité redoutable et met enfin cette fonction de base au premier plan.
Pages tourne la page sur de nombreuses fonctions
Des trois applications, Pages est sans doute celle qui reçoit le moins de nouvelles fonctions… et qui en a perdu le plus. La règle horizontale est plus lisible, mais sa cousine verticale a pris la tangente, et les guides d’alignement sont désormais optionnels (onglet Règles des préférences). Le mode Structure a été supprimé, et vous ne pourrez plus supprimer ou dupliquer une page. À propos de pages, on aimerait comprendre pourquoi l’affichage deux pages a disparu — bref, certains vont détester cette mise à jour, mais elle ne constitue pas pour autant une régression pour tout le monde.
Ceux qui utilisent Pages pour créer des PDF apprécieront de pouvoir plus facilement créer des liens (Format > Ajouter un lien ou ⌘K). Ceux qui écrivent en arabe, hébreu ou farsi apprécieront le nouveau mode droite à gauche et ceux qui écrivent en chinois et japonais profiteront du nouveau guide phonétique. Et personne (?) ne crachera sur la possibilité de créer une lettre respectant la norme AFNOR NF Z 11-001 en un clic.
Mais Apple refuse obstinément de prendre en charge les besoins des universitaires, qui ne sont pourtant pas les derniers à acheter des Mac. Pages est toujours incapable de créer un index, sa prise en charge des gestionnaires de bibliographie se limite toujours à Endnote (ce n’est pas comme si BibDesk était populaire) et, cerise pourrie sur le baba au rhum industriel, le module de table des matières est joyeusement instable.
Keynote présente bien
Les utilisateurs de Keynote seront sans doute moins brusqués par la nouvelle version : les changements de cette application parvenue depuis longtemps au sommet de son art sont avant tout esthétiques. Lors de la création d’une nouvelle présentation, vous ne choisissez plus la taille des diapositives, mais leur format. Apple part du principe que si vous présentez en 4:3, c’est que vous utilisez un vieux vidéo-projecteur limité à 1024x768 px, alors que si vous présentez en 16:9, c’est que vous utilisez un matériel plus récent prenant en charge des images de 1920x1080 px.
Vous pouvez toujours changer la taille de la présentation après coup, dans l’onglet Présentation de la barre Configuration. Keynote profite réellement de l’abandon de l’inspecteur flottant : les barres Animer et Configuration sont quant à elle bien plus agréables et bien moins frustrantes que les onglets de l’inspecteur correspondants. La tâche pénible de construction d’une présentation n’en sera que facilitée.
Ce qui laissera du temps pour découvrir les nouvelles transitions et les nouveaux effets, notamment ceux d’emphase. Conçus pour attirer l’attention sur un objet, ils apporteront du rythme à une présentation. On regrettera seulement de ne pas pouvoir plus facilement modifier l’ordre de composition : il faut toujours passer par une palette alors que la barre Transition aurait été parfaite pour cela. Ce petit détail ne doit pas faire oublier que cette nouvelle cuvée de Keynote est un bon cru.
Numbers table sur les animations
Vous voulez découvrir Numbers en quelques minutes ? Ouvrez le modèle Notions élémentaires sur les graphiques : vous remarquerez immédiatement la disparition de la barre des feuilles, remplacée par un système d’onglets. Grâce à un système de poignées similaire à celui de la version iOS, il est plus facile d’ajouter des lignes et des colonnes à un tableau et de le déplacer. Il est aussi beaucoup plus simple de modifier les références des données d’un graphique, notamment en ce qui concerne l’ajoute d’une série de données.
Numbers intègre d’ailleurs un nouveau type de graphiques, les graphiques interactifs — qui peuvent prendre la forme de barres ou de colonnes, de nuage de points ou de nuage de bulles. Ils permettent de mieux visualiser l’évolution d’une donnée (dans le temps, par sa quantité…) ou de mieux comparer des séries de tableaux complexes. Mais ils seront peut-être moins utiles dans Numbers que dans Keynote, où on pourra les animer.
Le tri et la mise en forme conditionnelle, autrefois assez difficiles en œuvre, bénéficient immensément de l’abandon de l’inspecteur en forme de fenêtre flottante. Mais là encore, les changements sont avant tout esthétiques et ergonomiques : Numbers n’intègre toujours pas de véritables tableaux croisés dynamiques et son dictionnaire AppleScript n’atteindra jamais la cheville du VBA d’Excel — parce qu’Apple n’a ni plus ni moins que vidé de sa substance le dictionnaire AppleScript de ses trois applications de productivité.
La vérité est dans le nuage
De fait, il ne faut pas chercher de grandes nouveautés à l’intérieur même de Pages, Keynote et Numbers : si c’est Eddy Cue qui a présenté ces applications, c’est qu’elles ne sont rien d’autre qu’une interface native pour un service en ligne. Apple est enfin allé au bout de la logique d’iWork.com en présentant non pas de simples liseuses en ligne, mais bien des webapps capables de collaborer entre elles et avec les applications natives.
Cette logique ne tient que si les applications OS X et iOS sont parfaitement compatibles entre elles : c’est désormais le cas, même si la gestion des polices reste problématique. Les fichiers produits avec les nouvelles versions ne sont toutefois pas compatibles avec les anciennes, et l’importation de fichiers iWork '09 est très problématique — heureusement, les anciennes applications ne sont pas supprimées lors de l’installation des nouvelles, mais déplacées dans un dossier qui pourra dépanner.
iWork dans iCloud est encore en bêta… et ça se voit. La synchronisation des modifications est loin d’être instantanée, ni même rapide. Ce qui veut dire que vous qu’un collaborateur travaillant dans une application native pourra revenir sur des modifications d’un collaborateur travaillant en ligne sans jamais les avoir vues — iCloud freine alors des quatre fers, les applications ayant toujours la priorité sur le web.
Reste qu’il est presque aussi agréable de travailler avec les webapps qu’avec les applications natives, leurs interfaces et leurs fonctions étant extrêmement similaires. Si Apple parvient à accélérer la vitesse de synchronisation avec les apps natives (elle est déjà presque instantanées entre deux instances web), Microsoft et Google ont peut-être du souci à se faire : Pages, Numbers et Keynote ont rattrapé leur retard sur Office 365 et Docs, voire les ont dépassé sur bien des points.