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Test de la Microsoft Surface RT

Anthony Nelzin-Santos

lundi 21 janvier 2013 à 18:00 • 134

Matériel

Les tests de la Surface RT ne manquent pas, mais la plupart ont été réalisés par des personnes utilisant au quotidien Windows et qui peuvent donc être désorientées par Windows RT, et aucun n’a le recul d’une utilisation prolongée. Que se passe-t-il quand un utilisateur Mac qui n’a jamais acheté un PC Windows utilise la Surface RT pendant un mois ? La réponse dans notre test en forme de carnet de bord.







Jour 0



Contrairement à Apple, Microsoft n’hésite pas à prêter du matériel aux testeurs. Dans le cas de la Surface, elle est même prodigue : elle envoie un colis contenant la tablette, trois Touch Cover de couleurs différentes, une Type Cover et une carte microSD.



Mais nous avons préféré acheter notre propre Surface dans le commerce, pour la tester en conditions réelles — le premier PC Windows acheté par MacGeneration ! La configuration la plus commune intègre une Touch Cover, cette sorte de protection intégrant un clavier tactile, pour 589 € en version 32 Go, 689 € en version 64 Go.



Le modèle 32 Go ne laisse en fait que 16 Go à l’utilisateur, le reste étant réservé à Windows RT lui-même, avec ses applications de base ; Microsoft Office Famille et Étudiant 2013 RT ; et enfin les outils de restauration de Windows. Sur le modèle 64 Go, 45 Go sont ainsi accessibles à l’utilisateur.



Microsoft dédie une page complète de son site à cette question, tant le poids du système fausse la perception du stockage réel (pour comparaison sur un iPad, iOS n’occupe « que » 2,6 Go). La Surface 32 Go doit donc être comparée à l’iPad 16 Go : sans accessoires, elle vaut 489 €, contre 509 € pour l’iPad, Apple n’absorbant pas la taxe sur la copie privée.



Jour 1



Les logiciels de Microsoft méritent leur réputation exécrable, mais on ne pourra sans doute jamais dire assez de bien des claviers, souris et autres accessoires de la firme de Redmond. Au premier abord, la Surface RT est prise en étau entre ces deux visages de Microsoft.



La coque en magnésium recouverte d’un revêtement noir mat déposé par phase vapeur est du plus bel effet, rappelant un certain monolithe. Les arêtes franches mais pas tranchantes et les lignes anguleuses lui ajoutent un côté presque agressif. Une personnalité assumée surprenante de la part de Microsoft et rafraîchissante dans un marché incroyablement aseptisé.





Et puis on appuie sur le bouton de démarrage, et on comprend que la révolution de Microsoft a été avortée. Il faut au maximum 15 minutes pour démarrer et paramétrer un iPad ; il en a fallu 45 pour atteindre l’écran d’accueil de la Surface. Trois heures plus tard, Windows RT essayait toujours de se mettre à jour : on verra demain pour le reste.



Jour 2



Trois ou quatre redémarrages plus tard, première visite dans le Windows Store : quel foutoir ! L’interface Modern, autrefois connue sous le nom de Metro, est parfaite pour lier une haute densité d’informations à une clarté exemplaire, mais Microsoft l’exploite particulièrement mal dans sa boutique — c’est même pire que la nouvelle présentation de l’App Store, c’est dire. Très peu d’applications sont mises en avant et la liste des catégories n’en finit plus de défiler, on a vu mieux.





Windows RT se rattrape avec son champ de recherche, duquel Apple ferait bien de s’inspirer pour un nouveau Spotlight : il est disponible dans tout le système et sait chercher des applications et des fichiers, mais aussi lancer des recherches à l’intérieur d’applications. Je tape donc « Spotify », puis sélectionne « Windows Store » : rien. Dropbox ? Encore raté. Twitter ? Quelques clients, mais aucun qui ne vaille le moins bon sur iOS.





Pour le moment donc, la jolie tablette de Microsoft va me servir de presse-papier. Mais un presse-papier qui a encore besoin de redémarrer pour une mise à jour qui va prendre une demi-heure.



Jour 4



Pas besoin de télécharger l’app du Monde ou celle de l'Équipe, que le moteur de recherche dans le Windows Store s'obstine à ne pas trouver : les apps Bing Actualités et Bing Sports sont pratiques, claires et leur publicité est discrète. Toutes les apps Bing se ressemblent, s’utilisent de la même façon, et tirent admirablement parti de l’interface Modern. Bref, elles ont été développées par une équipe indépendante.





Les autres apps de base de Windows RT mettent parfois plusieurs dizaines de secondes à se lancer et sont ensuite trèèèèès lentes. Le client mail, une toute nouvelle application qui n’est pas Outlook, est ainsi presque inutilisable. Pire encore, chaque app développée par Microsoft réinterprète à sa manière l’interface Modern, sans que ce ne soit toujours justifié.



Pour sélectionner un élément, on utilise presque partout un geste de haut en bas — mais pas dans le client mail, où il faut faire un geste de gauche à droite. On défile dans les différentes sections d’une application en défilant horizontalement — mais dans la fiche d’une app, il faut taper sur des sortes d’onglets. Un geste de bas en haut depuis le cadre inférieur de l’écran affiche le menu contextuel en bas de l’écran (logique) — quand il ne s’affiche pas en haut, ce qui oblige à traverser l’écran pour l’atteindre !



Jour 5



Internet Explorer 10 n’est pas un mauvais navigateur. Mais ce n’est pas non plus un bon navigateur. Microsoft gagnerait à permettre à Mozilla, Google et les autres de proposer leur propre navigateur dans le Windows Store.





Jour 6



Une demi-heure de plus de perdue le temps de faire des mises à jour.



Jour 7



Nouvelle mise à jour, mais cette fois la Surface est bloquée. Elle passera donc la nuit au bureau.



Jour 9



L’écran de la Surface n’est pas un écran Retina, mais n’est non plus le plus mauvais que j’ai pu croiser. Sa définition de 1366 x 768 px est parfois juste, notamment dans les situations à fort contraste où l’on peut discerner le crénelage. Mais la plupart du temps, c’est un non-problème : le laminage total et les traitements associés, désignés par la marque ClearType par Microsoft, font leur effet.



Jour 10



Un Starbucks est un bon endroit pour boire du mauvais café et tester le potentiel hipster d’un appareil électronique. Entre deux gorgées d’un latte macchiato dont les grains n’ont pas été torréfiés mais brûlés, je « clique » le clavier de la Surface en place. Personne ne se lève pour danser autour de moi : ces incultes du café et de l’informatique n’ont visiblement pas vu la pub de Microsoft.





Jour 13



Xbox Music est l’exemple même de l’adaptation de l’interface Modern à la présentation organisée de nombreuses informations, moins dense que les grilles aérées d’iTunes, moins fouillis que les listes dans tous les sens de Spotify. Dans sa version gratuite, on peut rechercher un artiste, un album ou un morceau en particulier, mais le mieux est encore de se laisser bercer par Smart DJ, une fonction qui rappelle le regretté iTunes DJ. Et qui est diaboliquement efficace.






Un morceau de Jeff Beck dans une session Smart DJ, à partir d’une recherche sur Eric Clapton.




Pour Apple, mettre de l’internet dans iTunes consiste à mettre des liens vers l’iTunes Store. Microsoft noie des liens vers sa boutique, quoique sous la forme discrète et bien sentie d’une liste des albums de l’artiste en cours, mais affiche aussi et surtout des informations biographiques rarement inintéressantes. C’est bête, mais c’est agréable, surtout lorsque l’on tombe sur un morceau sympa et inconnu avec Smart DJ.



Malheureusement, toutes les apps Xbox ne sont pas aussi réussies : Xbox Games est au moins aussi lente que le client mail, mais est en plus caractérielle. Je n’ai pas personnalisé mon avatar : l’app a interprété mes gestes comme elle le sentait, puis a décidé d’improviser pour finalement me proposer l’avatar d’un autre. La chose vire au comique lorsqu’on décide de lancer le Démineur : on a l’impression de lancer Skyrim sur un Raspberry Pi.





Jour 14



La Surface n’est pas forcément très lourde — comme l’iPad original, elle pèse 680 grammes —, mais on la repose toujours assez vite. Le format 16:9 invite à une utilisation en orientation paysage : la tablette pèse alors au bout des doigts. Toute velléité d’utiliser la Surface en orientation portrait est immédiatement sanctionnée : le système est peu adapté et presque aucune app, pas même celles développées par Microsoft, ne le sont.



On finit donc par poser la Surface et déployer sa « béquille ». L’angle formé, de 22°, n’est pas suffisant pour que l’on puisse travailler confortablement (mon MacBook Air est réglé à 35° environ). Il est néanmoins passable pour regarder une vidéo ou lire les nouvelles du jour. Sa position n’est pas réglable, alors que la Smart Cover offre deux positions à l’iPad.



Jour 15



Il n’y a pas un seul éditeur de texte potable dans le Windows Store — pas un seul ! Aucun n’est capable de s’adapter à une fonction de base de Windows RT, le snapping, qui permet d’afficher une application sur deux tiers de l’écran et une autre sur un tiers. Voilà une excellente idée qui est réduite à néant par les applications… y compris celles de Microsoft, qui n’a sans doute jamais entendu dire que le diable se cachait dans les détails.



Jour 16



Oui, encore des mises à jour. Je crois que j’ai désormais passé plus de temps à faire des mises à jour de la Surface qu’à l’utiliser.



Jour 17



Les tuiles dynamiques sont une bonne idée sur le papier, mais pas toujours en pratique. Elles fonctionnent assez bien avec certains types d’apps comme la météo, les actualités ou le courriel. Elles procurent alors plus d’informations qu’une icône agrémentée d’un badge comme sur iOS, tout en étant moins imposantes que les mini-apps que sont les widgets d’Android.





Pour le reste, elles sont assez dispensables, et même plutôt gênantes. Allociné présente son dernier article en alternant entre une image et le titre, attirant l’œil inutilement. Les jeux alternent entre leur icône et la prochaine récompense Xbox Live à réaliser, une information pas franchement absolument nécessaire. Combinez toutes les apps et l’écran d’accueil est plus agité que Times Square.



Jour 18



Dropbox est enfin disponible sur Windows RT ! Bon, l’app ne permet pas de renommer, déplacer ou supprimer des fichiers, mais Dropbox est enfin disponible sur Windows RT !



Jour 20



On finit par se faire à la Touch Cover, mais c’est elle qui n’arrive pas à se faire à l’utilisateur. Le manque de retour haptique n’est pas le plus déroutant et l’espace des lettres est convenable ; mais si l’on tape trop vite, elle finit par ne plus enregistrer les frappes, trop brèves et trop légères. Sur un MacBook Air, il n’est pas difficile d’atteindre 100 mots par minute. Sur la Surface, dépasser les 50 mots par minute est l’assurance de faire de très nombreuses erreurs.



C’est dommage, car cette couverture-clavier est pratique avec ses touches de raccourcis et son trackpad étonnamment sensible. Contrairement aux claviers pour iPad, elle ne nécessite pas de pairage Bluetooth ou de recharge : on clique, on tape. Seul son revêtement granuleux côté recto et façon feutrine murale côté verso est désagréable.





Je me prends souvent à rabattre la Touch Cover au dos de la Surface : le système détecte sa position et désactive ses touches. Le clavier virtuel est plutôt bon : il permet d’atteindre 45 mots par minute, voire plus si l’on se repose entièrement sur l’auto-correction, qui fait par ailleurs bien son boulot. Je frappe donc aussi vite sur la Touch Cover que sur le clavier virtuel de la Surface ou de l’iPad : elle est donc inutile.



Jour 21



Le rythme des mises à jour s’espace un peu, et pour cause : la Surface semble avoir énormément gagné en réactivité. Tout n’est pas encore aussi fluide que sur un iPad, mais la différence est désormais vraiment minimale. Ce n’est pas pour autant un bon point : cela aurait dû être comme ça dès le premier jour.



Jour 22



Le patron de la division Office mérite des baffes. Le Bureau de Windows RT est uniquement justifié par la présence de la suite Office Famille et Étudiant 2013 RT — Office RT dans la suite, parce qu’il ne faut pas abuser. Pour faire bonne figure, Microsoft a cru bon d’y caser une deuxième version d’Internet Explorer, complètement indépendante de celle côté Metro, et quelques utilitaires passablement inutiles.



Word, Excel, PowerPoint et OneNote se lancent rapidement, certes, mais c’est bien là leur seul point positif. Elles ne sont absolument pas adaptées à l’utilisation tactile et se transforment en véritable gag si on à la malheureuse idée d’utiliser le clavier tactile. Plutôt que de baffes, le patron de la division Office mérite en fait des coups de pompe au cul.





Parce qu’il existe aussi une version de OneNote adaptée à l’interface Modern, disponible (gratuitement !) dans le Windows Store. Elle est rapide, fluide et regorge de bonnes idées. Délicieusement minimaliste au premier abord, elle cache toutes ses fonctions dans un menu circulaire facile à utiliser au doigt. Elle est tout simplement excellente et mériterait presque à elle seule que l’on s’intéresse à Windows 8/RT.





J’aimerais bien que l’on m’explique la logique de l’esprit tordu et malade qui a eu l’idée de faire deux versions de OneNote et de ne pas adapter, même a minima, Word, Excel et PowerPoint. Sans ça, Windows 8/RT n’est qu’un ravalement de façade, le tapis sous lequel on cache la poussière, pas la démonstration éclatante de la volonté de changement de Microsoft. Il faut tuer la division Office, ou elle tuera Microsoft.



Jour 29



Résumons : je peux écouter de la musique, surfer sur le web et lire les actus sur la Surface, mais je ne peux ni l’utiliser pour traiter mes mails, ni pour écrire un article rapidement. Et je ne crois pas que ce soit demander beaucoup.



Dans la pub, la Surface a une béquille et fait clic. Dans la réalité, elle est bancale et fait plouf.




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