Après moult auditions, le couperet est donc tombé aux États-Unis ce lundi : Google abuse de sa position dominante sur les moteurs de recherche, et l’important contrat qui le lie à Apple est remis en cause.
Avec une telle décision, Apple va devoir accélérer ses projets présentés lors de la dernière WWDC. Car au final, quoi de mieux que l’IA, avec Apple Intelligence et des partenaires tels qu’OpenAI ou même Google Gemini, pour remplacer la rente que représentait le moteur de recherche et son exclusivité ? S’il devient impossible de récupérer 20 milliards de dollars sur la recherche, on doit bien pouvoir racler les fonds de tiroir ailleurs, et Siri devra travailler en bonne entente avec ses camarades les IA génératives, de gré ou de force !
Mais ce ne sera pas une promenade de santé : d’après Bloomberg, OpenAI ne verse rien à Apple pour intégrer ChatGPT à iOS 18. En faisant jouer la concurrence, ce qu’elle entend bien faire, la Pomme finira peut-être par faire payer aux spécialistes de l’IA l’intégration de leur service dans ses centaines de millions d’appareils.
Pour OpenAI comme pour Google, l’important est d’engranger des données pour nourrir leurs algorithmes. Mais pour Apple, il ne suffit pas de donner un piédestal à l’une ou l’autre des IA : les clients d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier et ils sont devenus plus pointilleux sur leur vie privée et leurs données ! Les contrats doivent donc s’accompagner de mesures de confidentialité.
Du côté de Google, la condamnation n’est peut-être pas si terrible qu’elle en a l’air. En ce qui concerne le contrat avec Apple, il s’agira d’une ligne de dépense en moins pour le géant de la recherche, ce qui est toujours bon à prendre ! Non pas que le trafic des clients Apple ne soit plus intéressant, bien au contraire, mais c’est que la pomme est gourmande, et 20 milliards de dollars, c’est quand même un beau chiffre.
Et tout compte fait, quels sont les risques ? Au pire, Google n’aura plus le droit de payer pour être le moteur de recherche par défaut de l’iPhone, de l’iPad et du Mac. Mais sa marque est tellement puissante que la plupart des utilisateurs conserveront Google comme moteur. Au mieux, le prix payé pour cette exclusivité sera plafonné, ce qui ne serait pas un mal, permettant de limiter la somme engagée chaque année et l’inflation qui va avec.
Pour Apple, on l’a vu, le plus gros changement est la perte de revenus « faciles ». Mais ce n’est pas tout. La justice US pourrait imposer à Apple ce que la Commission européenne l’a déjà forcée à faire dans l’UE : elle pourrait se voir obligée d’afficher au déballage un choix entre les différents moteurs de recherche existants. Pas de quoi se passer la corde au cou… Cette obligation pourrait pousser Google à trouver des solutions plus agressives pour promouvoir son moteur de recherche ainsi que Chrome.
C’est tout ? Pour nos deux protagonistes principaux, oui. Mais des victimes collatérales pourraient être à déplorer. Au premier rang de celles-ci, le célèbre panda roux. En effet, Firefox vit (survit ?) depuis maintenant plusieurs années sur un budget d’un peu plus d’un demi-milliard de dollars. C’est déjà beau, mais pas tant que ça : rien que cette année, la fondation Mozilla, qui gère le navigateur, a dû se séparer de 60 employés et il y a eu du remue-ménage à sa tête.
Alors les temps sont durs, mais que viennent faire Google et son moteur dans les comptes de Mozilla ? Très simple : sur l’exercice 2021-2022, Mozilla avait un budget de 593 millions de dollars. Sur cette somme, 510 millions étaient payés par Google pour être le moteur de recherche par défaut. Pour la fondation, perdre plus de 80 % de ses revenus serait une condamnation à mort, comme le relève Forbes.
Ceci dit, tout n’est pas encore décidé. Déjà, la justice américaine n’a pas encore donné de détail sur les nouvelles règles que Google devra respecter pour ne plus être accusé d’abus de position dominante et ne devrait pas en donner avant au moins 6 mois, si ce n’est plus. Ensuite, même si Google a été jugé coupable, ce n’est que le début du procès. La firme de Sundar Pichai peut faire appel, et elle a déjà annoncé qu’elle ne s’en priverait pas.