L’Autorité de la concurrence sanctionne Google à hauteur de 220 millions d’euros « pour avoir abusé de sa position dominante sur le marché des serveurs publicitaires pour éditeurs de sites web et d’applications mobiles ». Saisie par trois groupes de presse, l’Autorité a constaté que Google favorisait ses propres services, ce que la firme de Mountain View n’a pas contesté.
Google est reconnue coupable d’avoir accordé un traitement préférentiel au serveur publicitaire DFP, où les éditeurs peuvent proposer leurs espaces publicitaires, et à la plateforme de vente AdX, où les éditeurs peuvent vendre leur inventaire publicitaire (notamment par le biais d’enchères en temps réel). Ces deux services, regroupés sous l’ombrelle de la plateforme Google Ad Manager, sont au cœur de la machine financière de Google.
Le problème n’est pas qu’une entreprise puisse favoriser ses propres services, mais qu’une entreprise en position dominante le fasse. « Une entreprise en position dominante est soumise à une responsabilité particulière », rappelle l’Autorité de la concurrence, « celle de ne pas porter atteinte, par un comportement étranger à la concurrence par les mérites, à une concurrence effective et non faussée. »
Or avec une part de marché dépassant 50 %, Google est en position dominante sur le marché de la publicité en ligne. Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, explique :
La décision sanctionnant Google a une signification toute particulière car il s’agit de la première décision au monde se penchant sur les processus algorithmiques complexes d’enchères par lesquels fonctionne la publicité en ligne « display ». L’instruction, menée particulièrement rapidement, a permis de révéler des processus par lesquels Google prenant appui sur sa position dominante considérable sur les serveurs publicitaires pour sites et applications, se favorisait par rapport à ses concurrents tant sur les serveurs publicitaires que les plateformes SSP. Ces pratiques très graves ont pénalisé la concurrence sur le marché émergent de la publicité en ligne, et ont permis à Google non seulement de préserver mais aussi d’accroître sa position dominante. Cette sanction et ces engagements permettront de rétablir un terrain de jeu équitable pour tous les acteurs, et la capacité des éditeurs à valoriser au mieux leurs espaces publicitaires.
Les éditeurs de presse, parmi d’autres acteurs, ont pâti des pratiques de Google. L’Autorité de la concurrence avait été saisie par le groupe américain News Corp, le groupe belge Rossel, et le groupe français Le Figaro (qui s’est désisté de sa saisine en novembre 2020). Google n’a pas contesté les faits, et a souhaité bénéficier d’une procédure transactionnelle, qui aboutit avec cette sanction pécuniaire de 220 millions d’euros.
La firme de Mountain View annonce trois grands changements dans ses pratiques. Les annonceurs utilisant AdX reçoivent de nombreuses informations leur permettant d’affiner leur stratégie d’achat, « pour les aider à acheter des espaces publicitaires auprès des éditeurs de manière plus efficace ». Maria Gomri, directrice juridique de Google France, explique :
Compte tenu de la multitude des places de marché publicitaires disponibles, les éditeurs se servent parfois d’une technologie nommée “Header Bidding” (enchère d’en-tête) pour organiser des enchères entre plusieurs places de marché. Ces enchères d’en-tête ont lieu en dehors de notre plateforme, c’est pourquoi il est techniquement impossible pour Google d’identifier les participants, et donc de partager des données avec ces derniers.
Les acheteurs utilisant des systèmes de header bidding recevront désormais des informations équivalentes à celles disponibles dans Google Ad Manager, notamment le minimum bid to win, la valeur minimale qu’un enchérisseur aurait dû proposer pour remporter la mise aux enchères.
Les éditeurs peuvent déjà utiliser Google Ad Manager pour proposer leurs espaces publicitaires auprès de plusieurs plateformes. Google offrait désormais la possibilité de définir des règles de tarification personnalisées pour les publicités appartenant à des catégories sensibles, comme celles sur la politique ou la religion, grâce à une meilleure interopérabilité avec les serveurs publicitaires concurrents.
Enfin, Google promet qu’elle n’utilisera pas les données d’autres plateformes de vente pour optimiser les enchères dans sa propre bourse d’échange. Un mandataire indépendant, rémunéré par Google, sera chargé du suivi de la mise en œuvre de ces engagements. L’Autorité de la concurrence estime « que ces engagements sont de nature à favoriser le retour à la conformité pour Google ».