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En 2015, OS X Yosemite sera-t-il un bon système d'exploitation ?

Christophe Laporte

mardi 30 décembre 2014 à 16:00 • 262

macOS

Deux mois et demi après sa sortie, le soufflé Yosemite est largement retombé. Au-delà d'un ravalement de façade clivant, dont la qualité reste à évaluer selon les goûts et les couleurs de chacun, que reste-t-il ? Tout dépend si l'on juge le verre à moitié vide, ou à moitié plein.

Mais il y a des faits qui sont têtus. Il en va ainsi des finitions du système d'exploitation : de nombreux bugs sont toujours présents, tout particulièrement au sein de fonctions de base comme le Wi-Fi (ce sera peut-être amélioré avec OS X 10.10.2), des ralentissements inadmissibles sur des Mac récents, sans oublier des outils de développement largement perfectibles.

Si l'interface est toujours ouverte aux débats, le nouveau design inauguré par OS X Yosemite n'est pas tellement en cause ici : il y a certes matière à amélioration (parions que le bleu pétard de l'icône des dossiers va s'adoucir dans de futures versions), mais on n'en est plus aux polémiques sur le flat design d'iOS 7. Non, ce qui est surtout reproché à la dernière mouture de notre système d'exploitation de bureau, c'est bel et bien le manque de soin apparent dans les bases même de l'OS. Et c’est d'ailleurs bien ce qui est reproché à OS X Yosemite sur le Mac App Store, par rapport à ses prédécesseurs (lire : Popularité en baisse pour Yosemite sur le Mac App Store).

Le verre à moitié plein

Côté face, on peut trouver quelques excuses au constructeur de Cupertino. Ce dernier aurait tout aussi bien pu continuer à s'endormir sur ses lauriers et se contenter d'une mise à jour a minima. La volonté de proposer une version majeure du système chaque année pousse Apple à innover à marche forcée : la liste des nouveautés depuis la sortie d'OS X Lion, en juillet 2011, force le respect. Avec OS X Mountain Lion, on a ainsi vu le lancement de Messages et l'unification de la messagerie instantanée avec iOS, un nouveau panneau de partage, le Centre de notifications, la prise en charge en natif de Twitter et Facebook; avec OS X Mavericks, on a pu saluer l'apparition des tags et des onglets dans le Finder, le lancement des apps Plans et iBooks, la prise en charge d'OpenGL 4, la meilleure gestion de la batterie avec, entre autres, la fonction App Nap ou encore la synchronisation du trousseau avec iCloud…

La fonction Handoff entre un iPhone et un Mac (ici avec l'app Capitaine Train).

Faut-il ici rappeler les nouveautés d'OS X Yosemite ? Outre l'interface, l'utilisateur iOS peut aussi profiter des fonctions liées au bouquet Continuité, comme la réception et l'envoi de SMS et des appels depuis le Mac ou la poursuite d'une activité entamée sur un iPhone ou un iPad (Handoff), le support d'AirDrop, l'utilisation transparente d'un iPhone en partage de connexion, de nouvelles versions pour Mail et Safari (voir notre livre sur les nouveautés d'OS X Yosemite). Bref, les nouveautés comme les fonctions enthousiasmantes ne manquent pas. Et il est vrai que, lorsque tout fonctionne, OS X Yosemite est un système d'exploitation plaisant, solide et encore plus polyvalent, pour peu qu'on utilise un iPhone.

Le plus réjouissant est sans aucun doute qu'Apple continue de montrer son ambition en matière de système d'exploitation pour ses Mac, même si la Pomme n'est pas allée aussi loin dans le changement de paradigme d'interface et d'expérience utilisateur que Microsoft avec Windows 8. Ce qui n’était pas forcément la meilleure idée, d’ailleurs. Redmond n'a cessé de revenir sur ses intentions de départ et Windows 10 va consacrer le grand retour du duo souris/clavier. De son côté, Apple a toujours tenu à maintenir la spécificité Mac pour OS X, même si un plus grand rapprochement avec iOS est toujours possible (et souhaitable).

Le verre à moitié vide

Oui mais voilà, ces bonnes intentions sont gâchées par une finition pour le moins médiocre. L'impression d'un _work in progress_ permanent est désastreux non seulement pour l'image d'OS X, mais aussi pour Apple dont le discours sur la qualité globale de ses produits et services (financée par l'investissement conséquent de la clientèle, rappelons-le) ne cesse de prendre des coups sur la tête. Ce sentiment, non pas forcément d'abandon - après tout, les mises à jour mineures successives bouchent petit à petit les trous -, mais de lancements précipités s'explique évidemment par le rythme annuel des versions majeures.
OS X Mavericks.

Ce cycle de développement a ses atouts et ses défauts. Il permet tous les ans au Mac et à OS X de tirer un peu de la couverture médiatique (et visiblement, ça marche : les ordinateurs Apple ne se sont jamais aussi bien vendus). Mais le constructeur a-t-il les moyens de son ambition ? En instituant une mise à jour majeure annuelle, Apple s'oblige à tenir des délais extrêmement serrés : entre Leopard et Snow Leopard, il s'était par exemple écoulé près de deux ans… pour ce qui n'était à l'époque qu'un gros nettoyage de code. Le rythme que s'est imposé la Pomme pose aussi des problèmes à iOS, dont la version 8 continue de souffrir de bugs. C'est, plus globalement, un problème auquel sont confrontés tous les fabricants informatiques et les éditeurs de logiciels, dont le mantra est devenu « livrer d'abord, corriger après », quitte à prendre les utilisateurs pour des cobayes permanents (lire : « Ship first, fix later » : un monde en bêta).

Outre le rythme de développement, Apple s'est aussi lancé le défi d'intégrer le prix de son système d'exploitation dans celui des Mac, donnant au client l'illusion de la gratuité — illusion, car dans les faits l'utilisateur finance le développement des logiciels offerts généreusement au téléchargement « gratuit » sur le Mac App Store, qu'il s'agisse d'OS X, d'iLife ou d'iWork. Un coût qui apparait comme tel dans les comptes de l'entreprise (lire : OS X Mavericks, iLife et iWork : une gratuité à 900 millions de dollars). Pour l'utilisateur, ce tour de passe-passe est transparent : ce qu'il en retient, c'est qu'Apple lui « donne » des logiciels et des mises à jour majeures de logiciels.

Même si on peut penser que l'on est moins prompt à la critique avec un logiciel gratuit qu'avec un soft payant, il n'en reste pas moins que l'OS est le premier logiciel que l'on utilise - beaucoup se contentant des seuls logiciels pré-installés avec OS X. Les bugs et le manque de soin apporté aux finitions ont donc tendance à remonter plus facilement à la surface, ce d'autant que les Mac ne se sont jamais aussi bien vendus.

Le développement concomitant et parallèle de deux systèmes d'exploitation aussi importants et lourds qu'OS X et iOS n'est pas sans poser ses propres problèmes de gestion des ressources et du personnel. Si Apple concentre la crème de la crème mondiale en matière de développement matériel (ses produits n'ont jamais été aussi bien dessinés, conçus, finis et fabriqués qu'actuellement), c'est certainement moins le cas au rayon logiciel. D'une, parce que Tim Cook a montré la porte de sortie à Scott Forstall : l'ex-grand manitou en charge d'iOS n'était peut-être pas dans les petits papiers de ses collègues, mais son autorité au sein d'Apple, sa vision et la qualité de son travail (… du moins jusqu'à Plans) s'imposaient à tous.

Tim Cook et Scott Forstall.

Loin de nous l'idée d'implorer le retour de Forstall aux commandes, mais la réorganisation des équipes en charge du développement logiciel autour de Craig Federighi continue de faire sentir ses effets indésirables jusqu'à aujourd'hui. Si Apple avait préféré finaliser le renouveau graphique profond instauré par iOS 7 au détriment d'OS X Mavericks, OS X Yosemite a été le premier système de bureau à avoir réellement expérimenté le nouveau mode de fonctionnement interne à Cupertino. Et visiblement, il y a encore quelques courroies de transmission qui ont besoin d'huile de coude : si Apple réussit à conserver auprès d'elle les talents en matière de matériel, les forts en thème des logiciels sont moins attirés par une carrière dans une société où l'esprit de start-up s'est sans doute émoussé avec le temps.

D'autre part, cette sensation de travail mi cuit (qui s'appuie sur des constats avérés) intervient alors que les plaques tectoniques du marché sont en mouvement. La guéguerre Mac v. Windows appartient certes au passé (même si Microsoft aime bien souffler sur les braises), mais l'éditeur est loin d'avoir dit son dernier mot. Windows 8 n'est pas le succès annoncé, mais le nouveau pragmatisme de Microsoft, mené par un Satya Nadella qui donne l'impression de savoir comment mener le paquebot de Redmond, va jouer à plein avec Windows 10. Outre le retour à des mécanismes d'interface plus traditionnels, Microsoft manie aussi l'arme tarifaire, avec des licences pratiquement offertes, souvent accompagnées d'un abonnement à Office.

Le Stream 11 de HP avec son écran tactile et Windows 8 coûte moins de 200$.

C'est entendu, Microsoft mise sur le rebond de Windows sur un segment de marché — l'entrée de gamme — qui n'est pas, loin s'en faut, celui d'Apple. Et on n'ira pas jusqu'à dire que le Stream 11 low cost de HP est sérieusement de taille à concurrencer un MacBook Air. Pas de quoi, a priori, inquiéter Apple, ni d'ailleurs à pousser l'entreprise de Cupertino à se surpasser, malheureusement. Le paysage des systèmes d'exploitation pour ordinateur est doucement en train d'évoluer : la révolution ne viendra pas de Linux, qui n'a jamais réussi à s'imposer auprès du grand public malgré d'évidentes qualités (lire : Témoignage : un mois sous Linux, après des années sur Mac).

La véritable menace est sans doute ailleurs : petit à petit, Google est en train d'installer Chrome OS, son système d'exploitation dans le nuage. Le système marque des points sur le marché de l'éducation aux États-Unis, un secteur qui est pourtant dans l'ADN d'Apple. Ce succès, encore confidentiel, est toujours handicapé par la nécessité d'être toujours connecté à un réseau (ou presque, lire : Test du Chromebook C200 d'Asus : un vrai ordinateur à 200 € ?). Mais il arrivera bien un jour où un réseau sans fil, qu'il soit cellulaire ou sans fil, sera toujours accessible, Netflix l'annonce d'ailleurs dans les cinq prochaines années.

Pour un Snow Yosemite

OS X a déjà connu des passes difficiles qu'Apple a toujours su dépasser et il en ira certainement de même avec Yosemite. Les plus anciens se rappelleront des débuts difficiles du tout nouveau système d'exploitation au début des années 2000, mais les raisons étaient alors très différentes et la nécessité d'en sortir par le haut, vitale pour la survie de l'entreprise. On peut cependant rapprocher la situation actuelle d'avec Leopard.

Le lancement de Mac OS X 10.5, en octobre 2007, avait lui aussi été plombé par des bugs consécutifs aux nombreux délais et reports de la sortie — à l'époque, Apple occupait la plus grande partie de ses développeurs dans la finalisation du logiciel système de l'iPhone. Comme on l'a écrit plus tôt, il a fallu pratiquement deux ans aux ingénieurs de Cupertino pour toiletter le code de Leopard… Snow Leopard a laissé un si vif souvenir qu'il a longtemps été l'OS Mac le plus populaire, et il le reste encore aujourd'hui. Celui qu'on a pu surnommer « le Windows XP d'Apple » compte encore pour 0,68 % des requêtes chez NetMarketshare, devant Lion ou Mountain Lion, mais derrière Yosemite tout de même, qui affiche 2,66 %.

Snow Leopard.

On aimerait qu'Apple prenne le temps qu'il faut pour offrir à Yosemite un successeur aussi bien lustré que Snow Leopard en son temps. Corriger la longue liste de bugs que les développeurs et les testeurs remontent, adoucir certains points d'interface, optimiser les performances, assurer une meilleure stabilité (nous avons pu déplorer, ici à la rédaction, une certaine instabilité de nos Mac)… En bref : que la Pomme aille au fond des choses, qu'il s'agisse de fonctionnalités toutes bêtes (à l'instar du mode nuit, une bonne idée qui ne ressemble actuellement à rien) ou de technologies — le Mac Pro avait laissé entrevoir quelques idées intéressantes à ce sujet.

Un vœu pieux ? Certes. Mais après tout, les bonnes résolutions sont de saison. Sur le plan matériel, 2015 s'annonce à cet égard fort excitante : Apple va nous livrer l'Apple Watch et, sans doute, l'iPad Pro. Du côté du Mac, on attend le MacBook Air Retina 12 pouces, qui mérite - comme le reste de la gamme - un logiciel au niveau de sa future excellence matérielle. Des lendemains qui chantent pour les amateurs de belle mécanique, mais en ira t-il de même pour iOS et OS X ? La plateforme mobile souffre elle aussi de ses propres turpitudes, qui ne sont pas moins importantes que celles qui frappent OS X Yosemite.

Après le gros effort investi par Apple pour le renouveau de son système d'exploitation de bureau, le constructeur voudra t-il assurer non seulement un débuggage intensif d'OS X 10.10, et en plus rajouter un nouveau lot de fonctions ? Apple a-t-elle les ressources humaines suffisantes — la question se pose réellement — pour assurer à ses deux logiciels système un développement harmonieux et équilibré ? Quand on voit la feuille de route du constructeur pour l'année prochaine, on ne peut que croiser les doigts et espérer.

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