En octobre, on fêtait les 15 ans de Mac OS 9. L'ultime système d'exploitation « classique » d'Apple a vécu de longues années en tant que système d'exploitation autonome, puis comme OS d'appoint sous OS X, avant de prendre définitivement sa retraite en 2007 avec Leopard (OS X 10.5).
Si l'on excepte les plus nostalgiques, il est aujourd'hui bien difficile de se rappeler de l'expérience offerte par Mac OS 9, qui a en fait connu deux vies. La première en tant que système d'exploitation sur les Mac de l'époque (premiers iMac et iBook, le Cube, la tour G4 graphite), ensuite comme environnement de transition sous Mac OS X, où il portait le nom de Classic.
Mac OS 9, vendu à l'époque comme le « meilleur système d'exploitation pour internet » comportait rien moins que « 50 nouvelles fonctions ». Le saut depuis Mac OS 8.6 n'a pas été bien difficile, les deux moutures partageant bon nombre de points communs, à commencer par une interface très proche. Le fameux look « platinum », qui n'est autre que la version la plus aboutie de l'interface inaugurée dès 1984 avec le Mac, offrait des textures en métal brossé (que l'on retrouvera ensuite sur OS X) pour Quicktime et surtout Sherlock 2, la principale nouveauté mise en avant dans Mac OS 9.
Ce service de recherche, ancêtre lointain de Spotlight (que ce dernier a remplacé avec Mac OS X 10.4 Tiger), permettait à Apple de vanter l'aspect « branché au web » de Mac OS 9 : on pouvait en effet rechercher non seulement dans le disque dur du Mac, mais également sur internet et des sites web, sur des sites de shopping, d'actualité, dans la base de connaissances d'Apple, sur des sites dit de référence… Le tout pouvant être personnalisé à loisir avec un système de plug-in permettant à n'importe quel site d'apparaitre dans les sélections du logiciel. Aujourd'hui, tout est soumis à des accords entre Apple et les fournisseurs de services…
Sherlock 3, intégré à Mac OS X 10.2 Jaguar, allait encore plus loin dans la recherche sur internet, avec des fonctions qui rappelaient fortement celles de Watson (Karelia Software). L'affaire avait fait beaucoup de bruit à l'époque : souvent, lorsqu'Apple « s'inspire » un peu trop du travail d'un développeur tiers pour ses propres logiciels, on dit que telle app a été « sherlockée » (« sherlocked »).
Les versions classiques de Mac OS apportaient aussi au moins une fonction qu'on ne retrouvera sous OS X que des années plus tard : les tags de couleur !
Ces étiquettes, aux contenus et aux couleurs entièrement personnalisables, ne sont réapparues qu'avec OS X Mavericks, en 2013. Mac OS 9 inaugurait aussi des technologies qui ont certes beaucoup évolué, mais qui sont toujours présentes aujourd'hui, comme un trousseau d'accès (Keychain), un système de mise à jour automatique des logiciels d'Apple, des fonctions de reconnaissance vocale innovantes (Siri ne supporte d'ailleurs toujours pas l'identifiant vocal VoicePrint qui déverrouillait Mac OS 9 à la voix), le chiffrement 128 bits (FileVault offre un chiffrement de 256-bit AES), la gravure de CD directement depuis le Finder (avec Mac OS 9.1), ou même le support de volume Unix.
C'est surtout de la stabilité et de la rapidité de cette version que se remémorent les plus anciens utilisateurs Mac, surtout lorsqu'ils ont commencé à prendre en main les premières versions d'OS X aux performances particulièrement médiocres. La première beta publique du nouveau système d'exploitation, distribuée durant l'Apple Expo à Paris le 13 septembre 2000, proposait des innovations inconnues de Mac OS 9 : un vrai multitâche, la fiabilité d'Unix, une interface très (trop) colorée, un moteur moderne et ouvert…
Mais les premiers balbutiements publics de Mac OS X faisaient aussi preuve d'une mollesse que l'on a retrouvée dans la version finale, et jusqu'à Mac OS X 10.2 (au moins), y compris sur des configurations plus puissantes. Surtout, l'architecture Unix de Mac OS X a obligé les développeurs et éditeurs à adapter leurs logiciels à la nouvelle donne; mais en attendant que tout le monde s'y mette, aussi bien les éditeurs que les utilisateurs, la Pomme a mis au point un environnement Classic qui permettait d'utiliser Mac OS 9 au sein d'OS X.
Classic permettait de se servir des logiciels compatibles avec Mac OS 9, mais ne prenait pas en charge Mac OS X au travers des deux environnements de programmation Carbon ou le plus moderne Cocoa. L'expérience était pour le moins étrange, et ressemble un peu à l'utilisation de Windows dans OS X via Boot Camp ! Jusqu'en 2003, il restait possible de redémarrer l'ordinateur sous Mac OS 9. Beaucoup d'entre nous (dont votre serviteur, maquettiste PAO à l'époque) ont continué à travailler avec Mac OS 9 qui certes, n'était pas aussi moderne que son successeur sous Unix, mais permettait de rester productif avec par exemple QuarkXPress (le logiciel de mise en page fonctionnait très mal dans Classic).
Mac OS X marquait aussi une franche rupture par rapport à un environnement de travail très sobre, parfois instable certes (le fameux redémarrage sans les extensions afin d'isoler celle qui faisait planter le Mac…), mais néanmoins solide, sans fioritures et productif. Sans parler de certains pilotes de périphériques qui n'ont jamais été adaptés au nouveau système… On peut retrouver sous OS X Yosemite un petit goût de cette sobriété en jouant avec les réglages (lire : OS X Yosemite : un air de famille avec Système 7).
En juin 2002, durant le keynote d'ouverture de la WWDC, Steve Jobs enterra Mac OS 9 en le présentant… dans un cercueil. Un éloge funèbre grand-guignol, qui signifiait de manière claire et nette que les développeurs devaient désormais passer à autre chose.
Processeur Intel aidant, l'environnement Classic ne peut plus être utilisé depuis Mac OS X Leopard, sorti fin 2007. Mais il est toujours possible de regoûter à cette madeleine sur les versions les plus récentes d'OS X, y compris Yosemite, avec SheepShaver ! Cet environnement d'abord conçu pour BeOS et Linux fonctionne parfaitement sur OS X 10.10 et permet d'utiliser Mac OS 9.0.4… presque comme dans le bon vieux temps.