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Le futur du Mac : un sac d’OS ?

Anthony Nelzin-Santos

mardi 13 juillet 2010 à 18:00 • 0

macOS

9 janvier 2007. Steve Jobs présente l’iPhone en grande pompe, et souffle son audience en annonçant que le téléphone d’Apple utilise OS X. Trois ans et demi plus tard, alors que la mise à jour d’une partie de la gamme des Mac se fait attendre, certains prédisent la mort du Mac face aux appareils iOS. Qu’en est-il vraiment ?

OS X, sur l’iPhone comme sur le Mac

En 2007, les consignes venant d’Apple sont claires : n’appelez plus le système d’exploitation équipant ses ordinateurs Mac OS X, mais OS X, tout court. La raison est simple : OS X ne se cantonne désormais plus au Mac, mais équipe aussi l’iPhone.

En présentant son téléphone tactile, Steve Jobs a réussi à estomaquer son audience : comme le Mac, l’iPhone utilise OS X, ce qui lui « confère cinq bonnes années d’avance sur sa concurrence ». Comme l’Apple TV, il utilise une version « allégée » d’OS X, taillée sur mesure pour rentrer au chausse-pied dans moins d’un demi-gigaoctet.

Core OS, la couche la plus profonde du système, renferme le kernel d’OS X, Bonjour, le système de librairies, la gestion de l’énergie, TCP/IP, le système de sécurité. Un cran au-dessus, dans Core Services, on trouve Net Services, SQLite, et Core Location. La couche Media est un vrai calque de celle du Mac : Core Audio, Quartz, Core Animation, Open GL ES, le support du PDF sont ses points forts. Seul ce que voit l’utilisateur diffère franchement : l’interface graphique est adaptée à un petit écran qu’il faut manipuler au doigt, et Cocoa est dérivé en Cocoa Touch.

Bref, l’iPhone est un petit Mac — ou même le vrai Mac, débarrassé des scories accumulées avec les années pour se concentrer sur l’essentiel.

OS X sur iPhone : l’aboutissement de NeXT ?

Mac OS X, l’OS du Mac, est grandement dérivé de NeXTStep, Cocoa étant un lointain descendant de l’App Kit et du Foundation Kit de l’OS de NeXT, et l’interface Aqua rappelant parfois celle de NeXTStep, du Dock aux inspecteurs en passant par le glisser-déposer.

L’histoire trouble des débuts de Mac OS X montre les atermoiements entre la tendance NeXT et la tendance Mac OS chez Apple. Peu de monde se souvient de Mac OS X Server 1.0, aboutissement de l’impasse Rhapsody : une base NeXTStep, une interface à la Mac OS 8. Pas de Finder, mais un WindowServer dérivé de celui de NeXTStep.

Chaque pas vers le Mac OS X que nous connaissons aujourd’hui a été un pas de compromis entre l’évolution radicale sur la base de NeXTStep, et le poids du passé de Mac OS. Pour qu’Adobe et Microsoft puissent développer plus facilement, des technologies de Mac OS ont été réintégrées, comme la Mac OS Toolbox devenue Carbon, QuickTime ou AppleScript. L’interface Platinum de Mac OS 8 a laissé sa place à Aqua, mais le projet original a été sévèrement repris pour ne pas déboussoler — le Finder faisant son grand retour.

Bref, le Mac OS X de 2001 ne ressemble qu’en partie au Mac OS X de 1999, et est un savant mélange entre une base très solide, celle de NeXTStep, et des éléments destinés à préserver la compatibilité avec Mac OS, de l’environnement Classic aux API Carbon. Le nom lui-même reflète cette ambiguïté, entre l’antédiluvien Mac OS, et le X des racines UNIX et de NeXTStep.

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Les différences entre le Mac OS X de 1999 et celui de 2001 : la Yellow Box, qui promettait des applications multi-plates-formes, a été abandonnée. Fortement remaniée, elle est devenue Cocoa. La Blue Box est devenue Classic, un émulateur de Mac OS 9 destiné à faire tourner les applications Mac OS « Classic ». Enfin, pour favoriser le portage des applications « Classic » en applications « OS X », Carbon a été développé sur la base des API de Mac OS « Classic » (lire : Cocoa and the Death of Yellow Box ans Rhapsody sur Roughly Drafted.

À l’opposé, on peut considérer OS X pour iPhone comme le bébé de Steve Jobs, un projet initié alors que Mac OS X commençait à gagner en maturité, quelque part entre Jaguar et Panther. La recette d’OS X pour iPhone est simple : on commence avec Mac OS X, on y enlève tout ce qui est superflu (l’héritage de Mac OS, les librairies, frameworks et éléments inutiles sur un téléphone, etc.), et on y ajoute les éléments spécifiques à une interface simplifiée et tactile. Par bien des aspects, le travail fait avec système d’exploitation de l’iPhone EDGE est celui qui aurait pu être fait avec Mac OS X 10.0 s’il n’avait pas fallu s’encombrer du poids de l’histoire. Le nom de cet OS reflète cette clarification : il s’appelle OS X, un OS tourné vers la puissance des acquis de NexTStep plutôt que vers les scories de Mac OS (lire : OS X sur Daring Fireball et Why OS X is on the iPhone, but not the PC sur Roughly Drafted).

Changement de nom, dédoublement de personnalité

Sous la pression des développeurs, Apple a offert un kit de développement pour développer des applications natives sur OS X pour iPhone. Avec le recul, on peut se demander si la firme de Cupertino n’a pas été obligée de changer ses plans sous la pression populaire : si l’App Store est un succès incontestable, on peut se demande quel aurait été le visage de l’Internet actuel, et la stature d’Apple aujourd’hui, si l’option applications Web et HTML5 avait été promue sans interruption.

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D’iPhone 2.0…

Mais ce n’est presque qu’un détail : avec ce SDK, OS X pour iPhone a changé de nom. Désigné dans certains documents internes sous le vocable d’Apple OS, le système utilisé dans l’iPhone est de plus en plus désigné sous le nom d’iPhone OS, au grand dam d’Apple. Nous sommes alors en mars 2008, six mois après la sortie de Leopard sur Mac. Alors que les consignes d’Apple demandaient jusque-là d’appeler Leopard « OS X », le nom « Mac OS X » revient en force.

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…à iPhone OS 3.0

Si Mac OS X est un produit, iPhone OS devient une plateforme dont le succès a certainement dépassé toutes les espérances d’Apple. Le fossé, au moins psychologique, va se faire de plus en plus grand entre un iPhone OS devenu iOS monopolisant toute l’attention, et un Mac OS X dont les évolutions ne sont pas évidentes.

Mac OS 11 : NeXTStep 12 ?

Les évolutions introduites avec Leopard n’étaient pourtant pas anodines. Il fut le premier Mac OS X « universel », tournant aussi bien sur Power PC que sur Intel, comme un certain… NeXTStep, qui tournait aussi bien sur processeurs RISC que sur processeurs CISC. Il est aussi et surtout le premier OS X à ne plus supporter Classic, l’environnement qui permet de lancer des applications OS 9, et à mériter son X, puisqu’il a reçu la certification UNIX 03. Peu à peu, à mesure de la disparition de l’héritage de Mac OS dans le parc de machines installées et dans les esprits, le ménage a pu être fait.

Et le grand ménage, ce fut celui que Snow Leopard opéra. Mac OS X 10.6 a certainement été la mise à jour majeure la plus sous-estimée de toutes, alors qu’elle est certainement la plus importante, point clef pour comprendre ce que pourrait être le futur du Mac.

Adieu le support des processeurs PowerPC, mettant fin à une histoire commencée en 1992. Adieu QuickTime, technologie performante mais sclérosée, et bonjour QuickTime X (lire : QuickTime X : tabula rasa). À la faveur du passage au 64-bit, Carbon, cette technologie dérivée de la Mac OS Toolbox et qui a permis le passage de Mac OS « Classic » à Mac OS X a enfin été gelée, laissant la voie libre à Cocoa, héritier des frameworks de NeXTStep.

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Photo © RealMacSoftware

Si le Mac OS X de 2000 avait sévèrement blessé le Mac des années 1990, celui de 2009 l’a tué, en faveur du futur : Grand Central Dispatch parie sur la multiplication des cœurs processeurs, là où OpenCL promet une augmentation des performances grâce à l’utilisation de la puissance des cartes graphiques.

Snow Leopard n’a pas bouleversé l’utilisation de Mac OS X, et pourtant, les changements opérés sous le capot sont majeurs. Maintenant que l’arrière-boutique a été chamboulée, c’est à la façade qu’on pourrait bien s’attaquer, dans une prochaine version de Mac OS X qui pourrait bien être plus proche d’un NeXTStep 12 que d’un Mac OS 11.

Fusion et complémentarité

iOS est donc parti de la feuille blanche qu’était le cœur d’OS X pour devenir un système restreint, mais qui n’a rien à envier à son grand frère. Snow Leopard a commencé le chemin inverse, en se débarrassant encore un peu plus des scories de Mac OS, et en devenant de plus en plus un OS X, un NeXTStep 11.

On ne sait pas encore de quoi sera faite la version d’iOS qu’utilisera l’iPad, mais elle pourrait bien être le pont entre les deux, et si ce n’est pas le cas cet automne, ce sera peut-être pour l’an prochain. À la faveur d’un nouveau nettoyage de code dans le successeur de Snow Leopard, l’héritage de Mac OS pourrait bien être définitivement enterré. Ce serait alors la fin d’un cycle pour Steve Jobs, la digestion pleine et entière de Mac OS par NeXTStep, comme une dernière revanche.

Si le Mac des années 2000 a doucement tué celui des années 1990, celui des années 2010 pourrait bien représenter une nouvelle étape, et il va falloir s’y habituer. iOS et Mac OS X possèdent une base commune, et les liens qui les unissent pourraient bien à nouveau se resserrer. Alors qu’iOS s’appelait autrefois OS X, c’est demain OS X qui pourrait s’appeler iOS. Ce serait le symbole de l’enterrement de Mac OS, mais aussi de l’évolution de NeXTStep.

Cela ne veut pas pour autant dire que le Mac est mort : iOS sera la technologie, iPhone, iPod, iPad et Mac seront les produits. Ou plutôt, cela ne veut pas pour autant dire que le Mac en tant que plateforme est mort : le nom, lui, pourrait bien être enterré. Là encore, quelques anciens rabougris feront des bonds, comme ils en avaient fait face à l’iPod, comme ils en avaient fait face à Mac OS X, comme ils en avaient face à l’accord entre Apple et Microsoft en 1997.

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Un possible rapprochement qui pourrait finir à terme en fusion ne signifie par pour autant l’abolition de l’identité particulière de chacun des systèmes. Même si le Mac en tant qu’ordinateur personnel s’hybride pour prendre en compte le doigt, son mode favori d’acquisition restera sans doute le clavier et un dispositif de pointage précis, dans des facteurs de formes classiques.

Un choix qui détermine le choix de l’interface : Aqua va peut-être enfin tirer sa révérence avec le successeur de Snow Leopard (on parle depuis trop longtemps de Marble pour que ce ne soit pas que du vent), mais les fondamentaux resteront les mêmes. Peut-être la métaphore du bureau évoluera, peut-être les fenêtres voleront en éclat, mais l’utilisation de l’espace-écran restera différente de celle que l’on fait sur un iPhone ou un iPad : à besoins différents interfaces différentes.

L’interface pourrait bien être, à terme, le seul élément différenciant Mac et appareils iOS : Apple a suffisamment d’expérience des transitions pour proposer un système d’applications universelles tournant aussi bien sur processeur ARM (iPhone, iPad) que sur processeur x86 (Mac) — le sens original de Universal Binaries. À partir d’une base commune, le développeur pourrait charger des éléments spécifiques à chaque plateforme, notamment en termes d’interface. Comme NeXTStep en son temps, cet hypothétique iOS global tournerait sur plusieurs architectures de processeurs. Comme la Yellow Box en son temps, les futures moutures d’Objective-C et de Cocoa pourraient permettre des développements multi-plates-formes.

Le passé, toujours le passé : on achève bien Mac OS, pour mieux laisser la place à une réincarnation de NeXTStep. Si la tendance à peine sensible actuellement se confirmait, voilà qui finirait de signer l’incroyable patience visionnaire teintée de cynisme et d’opportunisme du patron d’Apple. Seule demeure une question : le Mac en tant qu’ordinateur n’a de sens que si le besoin pour une station de travail ou un hub numérique/serveur multimédia domestique subsiste. Si les descendants de l’iPad font le boulot, et si le hub numérique est déporté dans le nuage à long terme, que restera-t-il au Mac à l’avenir ?

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