La juge Denise Cote s'est rangée aux côtés du Département américain de la justice (DoJ) : l'injonction qui suit la condamnation d'Apple pour violation du droit de la concurrence dans l'affaire sur les prix des livres distribués dans l’iBookstore est assez drastique.
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La firme de Cupertino et cinq des six plus grands éditeurs avaient été accusés d’entente illégale en 2012, alors qu’ils avaient tous adopté le modèle d’agence — qui permet aux éditeurs de fixer le prix et de s'opposer aux opérations promotionnelles des distributeurs. Après que Hachette, HarperCollins, Simon & Schuster, Macmillan et Penguin ont l’un après l’autre décidé de trouver un accord avec le gouvernement, seule Apple a affronté la justice.
Le rôle d’Apple dans le choix du modèle d’agence, dans la fronde des éditeurs contre Amazon et dans la montée subséquente des prix des livres numériques a été sanctionné (lire : L'iBookstore, un complot contre Amazon ?). Malmenée tout au long du procès et accablée par des échanges de courriels entre ses dirigeants, Apple a été reconnue coupable d’entente illégale sur les prix des livres numériques distribués dans l’iBookstore.
Deux semaines avant l'ouverture du procès, la juge Cote s'était distinguée en assurant « que le gouvernement sera en mesure de montrer qu'Apple a sciemment participé à un complot visant à augmenter les prix des livres électroniques, ce que confirmeront les preuves présentées ». Les avocats d'Apple n'ont pas réussi à lui faire changer d'avis, mais elle a aussi refusé de totalement suivre l'argumentaire du DoJ. Refusant d'étendre son verdict à d'autres secteurs que le livre numérique, elle a récemment déclaré vouloir « qu'Apple garde sa capacité d'innovation » tout en empêchant « qu’une conduite illégale comme celle clairement démontrée dans cette affaire ne se reproduise. »
Apple servira donc d'exemple, ce qui lui vaut une lourde sanction. Elle ne pourra plus utiliser le modèle d'agence pendant un délai variable selon l'éditeur : 24 mois avec Hachette, 30 mois avec HarperCollins, 36 mois avec Simon & Schuster, 42 mois avec Penguin et même 48 mois avec MacMillan. Le principe de « nation la plus favorisée » lui est aussi interdit pendant cinq ans, une décision qui avantage clairement Amazon, alors même qu'Apple a fondé le succès de ses boutiques sur ce genre de clauses, qui lui assure de ne pas être plus mal servie que ses concurrents.
Elle a néanmoins obtenu quelques (petites) victoires. Elle n'est en rien obligée de modifier sa politique en matière d'achats in-app et peut par exemple toujours refuser l'intégration de la boutique d'Amazon dans l'app Kindle. La firme de Cupertino devra par ailleurs se soumettre à la surveillance d'un auditeur externe, mais pendant deux ans seulement.
Il faudra attendre mai 2014 avant de connaître le versant financier de cette condamnation. Si dédommagement il devait y avoir, il pourrait dépasser les 500 millions de dollars selon les estimations des experts. Apple a d'ores et déjà fait part de son intention de faire appel.