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Otellini revient sur les loupés d'Intel avec l'iPhone et les mobiles

Florian Innocente

vendredi 17 mai 2013 à 15:05 • 11

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Paul Otellini a évoqué quelques souvenirs relatifs à Apple et plus généralement à la manière dont Intel a manqué le coche de l'explosion de la téléphonie mobile. Le fondeur avait mieux que quiconque perçu l'évolution du marché vers des ordinateurs portables plutôt que les machines de bureau, mais il n'a pas su réagir aussi vite pour les smartphones et tablettes.

Dans un entretien accordé à The Atlantic, le désormais ex-PDG d'Intel, raconte que peu de temps après avoir emporté le marché du Mac il a répondu négativement à la proposition d'équiper en processeurs ce qui deviendrait l'iPhone.

« On a fini par le perdre [ce contrat] ou à le laisser passer, selon la manière dont vous considérez les choses. Et le monde aurait été bien différent si nous l'avions eu ».

Là où le patron de Cingular Wireless/AT&T - tout premier opérateur pour l'iPhone - a parié sur Steve Jobs les yeux fermés, sans même savoir très précisément à quoi ressemblerait le futur téléphone, Intel a calculé et en outre mal calculé (lire aussi Wired raconte la création de l'iPhone & Qualcomm et AT&T : anecdotes sur le Newton et l'iPhone).

« Ce dont il faut se rappeler c'est qu'on était avant le lancement de l'iPhone et personne ne savait ce qui allait se passer avec l'iPhone… Il y avait une puce qui les intéressait [Apple, ndlr] et qu'ils étaient disposés à payer un certain prix, mais pas un centime de plus et ce prix était en dessous de nos projections de coûts. Je ne voyais pas comment on pouvait le faire. Ce n'était pas quelque chose avec lequel on aurait pu se rattraper sur les volumes. Avec le recul, l'évaluation des coûts était fausse et le volume fut 100 fois supérieur à ce que tout le monde avait imaginé »


Otellini a tiré de cette mésaventure la leçon qu'au lieu de prendre des décisions basées sur toutes sortes de données, il aurait dû écouter son instinct, comme il l'avait déjà fait à plusieurs reprises durant sa carrière, car à ce moment-là, son instinct lui disait d'y aller avec Apple (lire aussi à propos cette fois de la tablette : Jobs voulait des puces Intel pour l'iPad).



Un autre volet de l'article essaie de comprendre comment Intel a pu laisser lui échapper le marché des processeurs mobiles pour smartphones et tablettes. Le fondeur a pourtant su prendre le virage de la mobilité dans les ordinateurs. En créant des processeurs rapides et économes en énergie, avec ses premiers Centrino. Apple, incapable d'obtenir des G5 pour ses portables n'a eu d'autres choix que de changer de monture. On a vu aussi les deux groupes collaborer étroitement lorsqu'Intel a conçu une puce sur mesure pour le premier MacBook Air.

Otellini dit avoir parfaitement pris conscience du virage pris par cette industrie, mais pour toutes sortes de raisons l'entreprise n'a pas su se réaligner suffisamment vite et changer de cap, laissant ARM prendre le large. L'ex-PDG raconte avoir illustré cette tendance dès 2005 devant ses cadres, au moyen d'un graphique.

Sur l'axe des X, l'évolution des prix des matériels, démarrant à 10 000$ avec le premier IBM PC et descendant jusqu'à 100$. Sur l'axe des Y, les volumes de ces équipements produits annuellement. Au milieu des années 90, un croisement se faisait entre 1000$ d'un côté et 100 millions d'appareils de l'autre, et ainsi de suite : toujours plus pour toujours moins cher.

Otellini a donné comme objectif à ses troupes de voir plus loin encore, d'imaginer des milliards de produits, mais pour cela il fallait savoir fabriquer des processeurs pour 10$ pièce et être capable d'en vendre énormément : apprendre à faire de "l'ultracheap".



Otellini admet qu'il a eu du mal à faire changer de direction le navire Intel « J'ai expliqué cela en 2005, ça fait donc plus de sept ans. Ils l'ont assimilé il y a environ deux ans. Tout le monde dans le groupe l'a compris, mais cela a pris pas mal de temps pour faire bouger la machine. »

Un ancien dirigeant de TSMC (autre fabricant de processeurs, notamment pour Apple), Magnus Hyde, analyse cette situation par un problème récurrent bien qu'indéfinissable chez Intel et auxquels tous ses PDG ont été confrontés « Sur le papier, ils ont tout ce qu'il faut : le savoir-faire, les clients, l'argent pour investir où ils veulent. Mais curieusement il manque un petit quelque chose. »

Un analyste s'en étonne aussi, au vu pourtant de la formidable compétence d'Intel dans son domaine. Cet observateur y décèle la conséquence peut-être d'une certaine forme d'arrogance. Hector Ruiz, qui dirigea AMD entre 2002 et 2008, suggère que la progression d'Intel dans le mobile a été freinée par la guerre menée contre sa société. À trop chercher à écraser AMD, Intel n'aurait pas suffisamment perçu les tendances naissantes autour de la mobilité et des puces très basse consommation. « Ils auraient dû se concentrer davantage sur leurs clients et sur l'avenir au lieu d'essayer d'écarter AMD ». Intel a dû payer 1,25 milliard de dollars à AMD pour régler un conflit sur la manière dont il avait agi auprès de fabricants pour imposer ses puces.

La difficulté à affronter ARM tient aussi dans le mode de fonctionnement de cette société, rappelle The Atlantic. Intel conçoit, fabrique et vend. C'est une entreprise monobloc. ARM à l'inverse, conçoit des architectures processeur dont elle accorde ensuite la licence d'utilisation - et de modification le cas échéant - à ses clients que sont Qualcomm, Texas Instrument, Samsung ou Apple. Il s'agit à l'inverse d'Intel d'une forme d'écosystème dans lequel les fabricants d'appareils qui ne développent pas leur puces peuvent aller faire leur marché au mieux de leurs intérêts.

Mais suivre un mode opératoire similaire à celui d'ARM aurait des conséquences considérables pour Intel, explique Otellini «Si je voulais concurrencer ARM, je dirai : vendons des licences de l'architecture Intel à qui en veut et nous ferons de l'argent sur les royalties. Et notre entreprise verrait sa taille divisée par trois. » Plutôt que de viser ARM, l'ex-PDG a préféré orienter ses efforts sur Texas Instrument, Qualcomm, Nvidia ou Apple. Faire en sorte qu'Intel propose mieux pour les séduire et qu'il les détourne d'ARM, avec la ténacité qui est la sienne.

Simon Segars, le président d'ARM, reconnaît à Intel de multiples talents, mais de son point de vue il ne peut y avoir un seul maître à bord, un seul fournisseur de puce tout puissant, sans que cela ne pèse sur la capacité d'innovation du secteur. Dans l'écosystème ARM, dit-il les différents acteurs peuvent chacun apporter des améliorations à partir de l'architecture qui leur est fournie. Deux concurrents, deux philosophies.

- L'article complet sur The Atlantic
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