En ces temps de crise, les gouvernements sont à l'affût du moindre centime : ils sont désormais vent debout contre l'« optimisation fiscale » des multinationales. Les responsables français et britanniques s'intéressent notamment aux pratiques de Google, d'Amazon ou encore, hors du monde informatique, à celles de Starbucks.
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Selon l'AFP, le fisc français a mené une enquête sur Google : la firme de Mountain View aurait réalisé un chiffre d'affaires de 1,2 à 1,4 milliard d'euros en France en 2011 mais n'a déclaré que 138 millions d'euros. Elle a ainsi payé 5,5 millions d'euros au lieu de 150 millions d'euros. Selon le Canard enchaîné, un éventuel redressement fiscal pourrait coûter 1,7 milliard d'euros à Google France, en comptant les pénalités de retard et les amendes.
Un redressement en cours pour Amazon, à qui le fisc réclame 199 millions d'euros (252 millions de dollars, pénalités de retard comprises) au titre des exercices 2006 à 2010. Un montant contesté par la firme de Jeff Bezos, qui est aussi sous le feu des critiques en Grande-Bretagne. Ces deux sociétés se défendent de frauder, et à juste titre : elles ne font qu'exploiter des failles du système juridique.
Le droit européen autorise ainsi la facturation de la TVA dans le pays vendeur plutôt que dans celui où réside le client dans le cadre du commerce en ligne. Amazon en profite, comme Apple d'ailleurs : lorsque vous commandez chez Amazon ou sur l'iTunes Store, vous commandez en fait à une filiale luxembourgeoise. La TVA y est de 15 %, et même de seulement 3 % sur le livre numérique, et échappe ainsi aux différents pays.
Autre astuce, utilisée par Google et là encore Apple, passer par une filiale irlandaise pour profiter cette fois d'un taux à 12,5 %. La subtilité de la chose consiste à ensuite utiliser un montage complexe, un « double irish » suivi d'un « sandwich hollandais ». Une filiale située dans un paradis fiscal réclame à la filiale irlandaise des royalties au titre de l'utilisation des marques, brevets et autres actifs. Si ce paiement passe d'abord par un pays comme les Pays-Bas, il est exempté de prélèvements. Et il sera exempté d'impôts dans le paradis fiscal de destination (pour en savoir plus, lire : Le secret de polichinelle de l'optimisation fiscale d'Apple).
Tous les acteurs majeurs de l'informatique procèdent de la même manière : Amazon, Apple et Google donc, mais aussi Facebook ou Microsoft. Le manque à gagner fiscal pour la France s'évaluerait à plusieurs centaines de millions d'euros par an, peut-être même un milliard. Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls : le cafetier Starbucks a mis en place un système similaire, les filiales nationales reversant au siège néerlandais des royalties sur l'utilisation de la marque. Et déclarent ne pas faire de bénéfices voire perdre de l'argent, échappant ainsi à l'imposition.
Immoral mais pas illégal, ce système est utilisé par les multinationales, mais aussi par les états eux-mêmes. Lorsque la France a voulu baisser la TVA sur le livre numérique pour s'aligner sur le Luxembourg, le Grand Duché est immédiatement passé à 3 % : mieux vaut toucher moins que rien. Il se murmure aussi que le fisc français pourrait fermer les yeux sur l'ardoise de Google si la firme de Mountain View parvient à trouver un accord avec les groupes de presse sur le sujet de leur indexation dans le moteur de recherche.
Face à la crise, la fin de la récréation va néanmoins être sonnée : le projet de loi de finances rectificative qui doit être présenté demain au conseil des ministres inclut un volet visant à mieux contrôler ces pratiques, en élargissant notamment « le périmètre des informations que les services fiscaux peuvent collecter lors des visites et saisies » expliquent Les Échos. Le mécanisme qui permet la facturation de la TVA dans le pays vendeur sera quant à lui rendu impossible à partir de 2015 par la directive 2008/8 du Conseil de l'Union européenne.